Deleuze. La clameur de l'Être
ALMAGESTES
Publié par Le Seuil, le 27 août 2014
320 pages
Résumé
Ni roman, ni essai, mais oeuvre littéraire (l'éclat de la langue, la richesse des notations visuelles et sonores, l'invention sans fin et l'élan du discours n'appartient qu'au poète) et expérience de pensée (au croisement des courants marxiste, existentialiste, structuraliste) Almagestes est la premier volet, consacré au langage, d'un tryptique dont les deux autres parties seront consacrées à l'homme et à l'histoire. Ce sont donc les diverses figures du langage qu'explore Almagestes. Le mythe du langage, d'abord : les hommes entassent en esclaves les mots comme faisaient les briques les constructeurs de Babel; et la seule liberté, le seul prométhéïsme qui puisse ici s'entrevoir, est de ruse : le mot tourné par le mensonge. Le dialogue de deux étudiants en Lettres et en Philosophie illustre ensuite ce réseau autonome du langage où toute parole est prise : Bérard et Fréville veulent parler mais leur tentative est à chaque instant emportée par le double jeu de leurs associations de mots réelles ou possibles, ce que Badiou désigne comme le "monologue extérieur". Une seconde figure du langage est la fascination qu'il tente d'exercer sous forme de poème. A cette figure, Almagestes lie toujours le personnage féminin. C'est pour ce personnage qu'une nuit, dans un bar, la parole s'élève comme un chant arraché au silence. Et c'est dans le journal de Chantal que la parole peu à peu se défait au profit des choses mêmes. Une troisième figure, plus secrète - dira-t-on plus maligne ? - est cet ordre des probabilités, ce jeu des permutations à quoi une parole (et une conduite) qui se croient libres, sont en réalité soumises. Ansi, les parieurs qui se penchent sur la ville où errent Fréville et Chantal, peuvent tenter de prévoir le chemin du couple. Et quand Bérard, Fréville, Chantal se regroupent autour de Dastaing, le romantique de l'action, leurs rhétoriques personnelles, leurs mouvements réciproques, leurs projets d'action politique laissent peu à peu paraître une de ces combinaisons de rôles que la psychanalyse nous a appris à déchiffrer. Parvenue à ce point, l'exploration d'Alain Badiou peut se replier doublement sur elle-même. C'est d'un côté la méditation de Fréville sur les rapports entre liberté et langage, d'où sort tout le livre et où Babel est comme intériorisée. Et c'est de l'autre côté l'éclatement de la méditation dans l'action - une manifestation, en l'occurence : le langage explose sous la pression de l'Histoire. Almagestes appelle déjà Portulans.
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