Un jour

Je n'ai jamais fait le compte de mes multiples idées fixes. Je sais seulement que je n'échappe à leur éventuelle tyrannie qu'en les laissant se combattre entre elles... L'idée fixe que j'ai retenue, c'est une idée acquise, contractée comme une scarlatine. Je songeais à cette magie, à ce don qu'avaient certains hommes d'imaginer, d'insuffler à des créatures, nées de leur seul et mystérieux pouvoir, une vie plus vraie que la vie même. Mais voici qu'une autre idée fixe vient me distraire et réclamer sa part. Elle est certainement abusive. Elle est accidentelle, accessoire, liée qu'elle est à la circonstance ; elle va jusqu'à jouer sur les mots. Qu'on me permette pourtant de céder à son appel, puisque aussi bien elle m'a requis. souvent jusqu'à m'accaparer. pendant un peu plus de quinze ans. L'Académie, multiséculaire, n'en est pas à un perpétuel près. Elle a les siècles pour elle. Elle est sage et magnanime. Elle ne m'en voudra pas, écrivain que je suis et soucieux comme nous tous, même ceux qui prétendent le contraire, de laisser l'ombre d'un sillage sur l'océan du temps sans rives, d'avoir changé de perpétuité.

La perpétuité

Depuis le Moyen Age jusqu'au milieu du XIXe siècle, la langue française n'a cessé d'occuper une position privilégiée parmi les grandes langues de caractère international. Langue de l'élite, son expansion se faisait de manière empirique au hasard des guerres et des conquêtes, ou par l'action des hommes de lettres des réfugiés ou des émigrés. Ce n'est qu'au lendemain de la première guerre mondiale, face au danger que représentait de plus en plus l'anglais, que le gouvernement français prit conscience de la nécessité d'une action culturelle concertée. La politique culturelle de la France constitue actuellement un des aspects essentiels de sa politique étrangère. Les moyens au service de cette politique sont considérables et variés. Ce sont d'abord les professeurs, les lycées français, les centres culturels, mais aussi le livre, le film, les émissions de radio et de télévision, sans oublier les bourses. Bien entendu, les pays ayant eu naguère des liens spéciaux avec la France, et auxquels elle a donné sa langue, sont les bénéficiaires privilégiés de cette action : les trois pays d'Afrique du Nord, les trois pays de l'ancienne Indochine, les quatorze Républiques africaines et malgache. Mais cette action s'exerce aussi dans les pays traditionnellement attachés à la culture française (le Moyen-Orient, l'Amérique latine et l'Europe méditerranéenne), cependant que se développent de plus en plus les relations avec les pays de l'Europe de l'Est, l'Europe septentrionale, l'Afrique d'expression anglaise, etc. Quel est l'avenir de la langue française ? Qu'est-ce que la francophonie ? Quels doivent être les objectifs fondamentaux d'une politique culturelle moderne ? C'est à ces questions que tente de répondre le dernier chapitre de cet ouvrage.

L'action culturelle de la France dans le monde

Ceux de 14

Trente mille jours

Les épreuves de la dernière guerre, loin de faire oublier celles de la précédente, les ont rappelées au souvenir des hommes d'aujourd'hui. Comment, avec le recul du temps, nous apparaît la guerre de 1914 ? Ce fut la guerre du fantassin, de la boue, de la sueur, du sang. Maurice Genevoix a connu ces épreuves en première ligne dès le 25 août 1914, à l'époque où le commandement, croyant encore à une guerre courte, ne ménageait guère la vie des hommes. Chef de section, puis commandant de compagnie dans un régiment d'infanterie, il a tenu les lignes dans la région de Verdun et particulièrement dans le secteur des Eparges, l'un des plus atroces de cette période.
«Ceux de 14» n'est pas seulement, selon le jugement de Norton Cru, le meilleur des témoignages qui ait été fourni sur la guerre de 1914-1918 ; c'est aussi, malgré le souci d'éviter la «littérature», l'ouvrage d'un maître écrivain. Les dons d'évocation, de psychologie, de peinture des âmes et des situations qui devaient plus tard s'affirmer au cours d'une oeuvre magnifique, brillent déjà ici de tout leur éclat. Ce qui fait le mérite particulier de cet ouvrage, c'est qu'il est avant tout humain. L'auteur, qui participe à la grande aventure de ses pareils, en fixe les traits avec une puissance d'expression, une générosité d'âme qui font de telles pages un mémorial inoubliable.
Mémorial qui n'a rien d'inactuel. Rajeunie, purifiée, réduite à l'essentiel et par là même plus frappante, cette réédition de «Ceux de 14» prend place parmi les maîtres livres de cette époque.

L'assassin

En juillet 1905, à Chasseneuil, dans le Val de Loire, Julien Derouet, dix-sept ans, se voit offrir des vacances merveilleusement inattendues : un séjour d'un grand mois en Allemagne. C'est la prestigieuse Mme Roy qui l'invite à les y accompagner, elle et ses filles, Brigitte, l'aînée, Blonde, la cadette, dont Julien est amoureux depuis l'enfance. Le but du voyage est Offenbach-sur-le-Main, près de Francfort, où le fils de Mme Roy, Pacome, fait son apprentissage chez un maître tanneur.

Qu'advient-il de cet adolescent des « coteaux modérés » lorsqu'il découvre les deux Allemagne, excessives et constatées, chez les êtres comme dans les paysages : celle de la sentimentalité et celle de la violence, l'Allemagne romantique et l'Allemagne guerrière ?

Ne s'unissent-elles pas dans la personnification symbolique de la Lorelei, l'ondine du Rhin chantée par Brentano et Heine ? C'est sous les traits de différents visages de femmes qu'elle tentera et troublera Julien. Mais c'est par un visage viril, classiquement marqué au sabre, qu'elle l'envoûtera et le subjuguera. L'amitié des deux garçons connaîtra des affrontements d'autant plus durs qu'elle est au fond plus passionnelle ; à l'instar, peut-on dire, de la mutuelle fascination des deux peuples. Le jeune Français n'en sortira pas indemne.

Maurice Genevoix, inséparable du drame humain où sa pénétration nous entraîne, évoque les sortilèges de la forêt allemande aussi magistralement que les attraits des bois solognots, les tempêtes du Rhin aussi intensément que les charmes de la Loire.

Un jour

Plus de livres de Maurice Genevoix

Critiques

Ce livre n'a pas encore de critiques