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Penser entre les langues | Heinz Wismann
Penser entre les langues | Heinz Wismann

Penser entre les langues

Publié par Albin Michel, le 03 septembre 2012

400 pages

Résumé

Ce livre est né d'un certain nombre d'interpellations. Des amis, d'anciens élèves, des collègues m'ont posé, à de nombreuses reprises, des questions sur mon itinéraire, parce qu'ils étaient intrigués par les facettes que j'avais pu adopter au cours de mon existence, et peut-être fait apparaître. J'ai mis longtemps à me décider avant d'en faire un vrai livre.Au départ, j'aurais aimé écrire une hétéro-biographie, c'est-à-dire ne parler que des autres, de ceux que j'avais croisés au cours de mon cheminement. Finalement, je me suis résolu à découper ce livre de manière plus intelligible en insistant sur le problème d'une pensée qui se déploie entre des langues, dans les champs de force que les langues créent entre elles, avec des problèmes qui naissent de leurs différences et parfois de leurs convergences - apparentes ou réelles, et c'est tout le problème. Les situations ici décrites correspondent chaque fois à une difficulté majeure que l'on rencontre lorsque l'on navigue entre deux langues - pour moi, c'est évidemment l'allemand et le français, avec simplement une particularité, en arrière-plan, une troisième langue, celle que l'on ne parle pas, le grec ancien. La conséquence de cette constellation est que, contrairement à ce qu'on fait généralement quand on parle de cette tension entre les langues, je ne me suis pas intéressé prioritairement au lexique. On fait normalement de très beaux dictionnaires dans lesquels on montre qu'esprit ne veut pas dire Geist et que Geist ne veut pas dire Mind, et qu'il y a là une richesse qui appartient aux langues de manière immémoriale. En effet, la transformation des langues n'est pas quelque chose qui appartient seulement à l'histoire - transformation par les auteurs, par ceux qui pensent dans les langues ; chaque langue, avec son caractère propre, est bien plutôt une révélation originelle dans laquelle on devait séjourner. Avec le grec, la langue muette en arrière-plan, je me suis beaucoup plus intéressé à la structure syntaxique, et je suis convaincu que ce qui se joue entre les langues a lieu au niveau de la syntaxe.Je ne suis absolument pas original en disant cela : c'est Humboldt qui, le premier, s'en était aperçu en 1798, lorsque, à l'invitation de l'abbé Sieyès, il essaya d'expliquer la philosophie kantienne aux philosophes parisiens. Après avoir parlé à son auditoire pendant sept heures, il ne rencontra qu'une incompréhension totale : le français de Kant, dont les mots étaient corrects, détonnait par sa structure syntaxique, et, au bout du compte, ses auditeurs ne le comprenaient pas. Dans une lettre célèbre adressée à son ami Brinkmann, Humboldt rapportera l'épisode à peu près dans ces termes : «Le palais, au sens de la gastronomie linguistique, le palais des Parisiens est tellement délicat que ce que je peux leur proposer ne leur convient pas, et donc je vais cesser de faire ces efforts qui portent sur des idées. Je ne vais plus faire de la philosophie, je vais étudier les langues, et d'ailleurs je vais commencer par le basque.»Cette remarque montre à quel point, en cette fin du siècle des Lumières, le français résistait à ce que Humboldt voulait lui faire dire, à partir de la pensée kantienne élaborée en allemand. C'est cette difficulté-là, qui réside dans les structures syntaxiques, que Humboldt qualifie au terme de sa carrière de «construction» (il parle de Bau, l'«édifice»), une construction qui détermine profondément la manière de parler. Traversant l'Allemagne, en 1807, pour faire la tournée de toutes les têtes pensantes, Germaine de Staël se plaignait, à son tour, du fait qu'il n'y avait pas de conversation possible avec les Allemands, parce que, chez Goethe par exemple, ceux qui prenaient la parole ne la lâchaient pas avant d'avoir terminé leur phrase. Pour elle, une conversation consistait précisément à emboîter le pas à celui qui parlait, quitte à l'interrompre, et à prolonger ce qu'il disait dans une sorte de connivence, parfois tout à fait amicale. Or c'est impossible en allemand, parce que le verbe, qui joue un rôle éminent, est placé en fin de phrase...

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