Ce roman des deux frères Goncourt (1867) est une Comédie humaine de la peinture. Le héros principal voit son talent progressivement ruiné par la femme qu'il aime, son modèle et sa maîtresse, Manette Salomon. Il a pour ami un autre artiste, également raté, mais par paresse et goût de la plaisanterie. En contrepoint, un génie inspiré par Rousseau, Millet, Corot, et un peintre mondain et officiel, couronné de succès. Cette intrigue fait revivre toute l'histoire de la peinture entre 1840 et 1860, à l'ombre d'Ingres et de Delacroix, à côté de l'Ecole de Barbizon. On y voit l'Ecole des Beaux-Arts, la Villa Médicis, les Salons. C'est donc un très beau roman méconnu, sur l'amour et l'art, qui s'inscrit entre Le Chef-d'oeuvre inconnu de Balzac et L'Oeuvre de Zola.

Manette Salomon

Si le nom des Goncourt fait immédiatement signe au lecteur, l'œuvre particulière qu'est Armande appartient à ce domaine réservé des petits textes confidentiels, que l'on commente peu, mais qui subsistent malgré tout, traces d'un passé où se mêlent les heures héroïques et les temps prosaïques. La manière des Goncourt, le terme de " manière " étant devenu l'expression consacrée, se lit à chacune de ces pages, permettant aux familiers des romans de retrouver ici l'empreinte caractéristique des deux frères. Ce court récit campe ce milieu à la fois si fascinant et si décrié au XIXe siècle, le théâtre ; la figure féminine s'y retrouve et s'y perd simultanément, la conclusion du livre, proprement elliptique, permettant à chacun de trancher dans le sens qu'il préfère.

Armande

La Fille Élisa, premier roman publié par Edmond de Goncourt après la mort de son frère, évoque le pitoyable lot d'une prostituée qui tue son amant et est condamnée à un sort lamentable dans une prison pour femmes. Éclipsé dès sa sortie en 1877 par la publication tapageuse de L'Assommoir de Zola, le roman de Goncourt fut vite expédié au deuxième rang du canon naturaliste. Mais ce livre " plein de talent " selon Flaubert ne mérite pas d'être réduit à des catégories expéditives comme simple " document humain" ou roman des bas-fonds, orné de quelques fioritures de l'écriture artiste. Il se recommande par sa complexité narrative, sa finesse stylistique et les ambiguïtés de sa morale, tout en étant un cri de protestation et d'indignation contre l'injustice sociale et contre l'inhumanité de l'institution pénitentiaire. Un livre digne, en effet, d'être offert à nouveau au public.


David Baguley est professeur émérite à l'Université de Durham (Angleterre) et à l'Université de Western Ontario (Canada). Il est l'auteur de plusieurs ouvrages et articles sur Zola, le roman naturaliste et le régime de Napoléon III.

Oeuvres complètes Tome 8 ; la fille Elisa

Pendant vingt ans, Flaubert et frères Goncourt échangèrent des lettres extrêmement précieuses pour comprendre, certes, les " créatures " contradictoires, changeantes et vulnérables, mais surtout les grands artistes qu'ils furent tous trois. " Qui révélera mieux que la lettre autographe la tête et le coeur de l'individu ? [... ] Seule la lettre autographe sera le confessionnal où vous entendrez le rêve de l'imagination de la créature, ses tristesses et ses gaîtés, ses fatigues et ses retours, ses défaillances et ses orgueils, sa lamentation et son inguérissable espoir. " Par ces quelques lignes de la préface de leurs Portraits intimes du XVIIIe siècle les frères Goncourt, grands amateurs et collectionneurs d'autographes s'il en est, révèlent tout le prix qu'ils attachent aux correspondances. Et de fait, celle qu'ils échangèrent avec leur ami, maître et rival Flaubert au long d'une relation de vingt ans (1860-1880), se révèle, en écho et en opposition parfois à leur célèbre Journal, extrêmement précieuse pour comprendre, certes, les " créatures " contradictoires, changeantes et vulnérables, mais surtout les grands artistes qu'ils furent tous trois, artistes qui considéraient la littérature comme un véritable sacerdoce et se percevaient comme les derniers représentants d'un art " pur ", sacré, à l'abri du mercantilisme et de la " blague " moderne : " La pure littérature, le livre qu'un artiste fait pour se satisfaire, me semble un genre bien près de mourir. Je ne vois plus de véritables hommes de lettres, de sincères et honnêtes écrivains que Flaubert et nous " (Journal, 9 août 1868). Cette correspondance est aussi éminemment instructive (et complète en cela de façon irremplaçable le Journal) pour la connaissance du champ littéraire sous le Second Empire et la compréhension des sociabilités d'écrivains, penseurs et artistes.

Je commence déjà à être las de toutes les stupidités qui seront dites à l'occasion de ce livre - Correspondance

La maison d'un artiste. - 2 volumes.

Journal : Mémoires de la vie littéraire 1866–1886

Élevée à coup de philosophie et de sciences, Madame Gervaisais a tout d'une femme instruite à l'esprit sain. Mais lorsque son jeune fils tombe malade en plein Rome, une guérison miraculeuse la fait basculer dans la dévotion mystique. Elle se convertit au catholicisme et se livre aux manipulations et tortures psychologiques du Père Zibilla. Alors qu'une folie religieuse s'est emparée d'elle, l'arrivé de son frère à Rome s'apprête à confronter ses croyances à l'origine de son mal...

Écrit par les frères Goncourt, ce roman naturaliste dresse le portrait d'une Rome aux églises trop ténébreuse, de ses ruines, de son histoire, et de l'omniprésence nocive des « fanatiques religieux ».

Les frères Jules (1830-1870) et Edmond (1822-1896) Goncourt sont des écrivains français à l'origine de l'académie Goncourt. Jules se consacre en partie aux ouvrages historiques, pour finalement se tourner vers la littérature, et plus particulièrement vers le mouvement naturaliste.

Ami de Tourgueniev, Gustave Flaubert, Alphonse Daudet, Émile Zola, ou encore Guy de Maupassant, Edmond anime avec son frère un salon littéraire informel tous les dimanches baptisés le « Grenier » où se réunissent notamment Maurice Barrès, Alphonse et Léon Daudet, Gustave Geffroy, Roger Marx, Octave Mirbeau, Auguste Rodin, Émile Zola. Les frères Goncourt écriront six romans en commun, dont « Germinie Lacerteux » (1864), « Manette Salomon » (1867) et « Madame Gervaisais » (1869), avant la mort de Jules des suites d'une paralysie générale progressive.

Madame Gervaisais

The partnership of Edmond and Jules de Goncourt is probably the most curious and perfect example of collaboration recorded in literary history. The brothers worked together for twenty-two years, and the amalgam of their diverse talents was so complete that, were it not for the information given by the survivor, it would be difficult to guess what each brought to the work which bears their names. Even in the light of these confidences, it is no easy matter to attempt to separate or disengage their literary personalities. The two are practically one. Jamais âme pareille n'a été mise en deux corps. This testimony is their own, and their testimony is true. The result is the more perplexing when we remember that these two brothers were, so to say, men of different races. The elder was a German from Lorraine, the younger was an inveterate Latin Parisian: "the most absolute difference of temperaments, tastes, and characters?and absolutely the same ideas, the same personal likes and dislikes, the same intellectual vision." There may be, as there probably always will be, two opinions as to the value of their writings; there can be no difference of view concerning their intense devotion to literature, their unhesitating rejection of all that might distract them from their vocation. They spent a small fortune in collecting materials for works that were not to find two hundred readers; they passed months, and more months, in tedious researches the results of which were condensed into a single page; they resigned most of life's pleasures and all its joys to dedicate themselves totally to the office of their election. So they lived?toiling, endeavouring, undismayed, confident in their integrity and genius, unrewarded by one accepted triumph, uncheered by a single frank success or even by any considerable recognition. The younger Goncourt died of his failure before he was forty; the elder underwent almost the same monotony of defeat during nearly thirty years of life that remained to him. But both continued undaunted, and, if we consider what manner of men they were and how dear fame was to them, the constancy of their ambition becomes all the more admirable.  Edmond de Goncourt  Despising, or affecting to despise, the general verdict of their contemporaries, they loved to declare that they wrote for their own personal pleasure, for an audience of a dozen friends, or for the delight of a distant posterity; and, when the absence of all appreciation momentarily weighed them down, they vainly imagined that the acquisition of a new bibelot consoled them. No doubt the passion of the collector was strong in them: so strong that Edmond half forgot his grief for his brother and his terror of the Commune in the pursuit of first editions: so strong that the chances of a Prussian bomb shattering his storehouse of treasures?the Maison d'un artiste?at Auteuil saddened him more than the dismemberment of France. But, even so, the idea that the Goncourts could in any circumstances subordinate literature to any other interest was the merest illusion. Nothing in the world pleased them half so well as the sight of their own words in print. The arrival of a set of proof-sheets on the 1st of January was to them the best possible augury for the new year; the sight of their names on the placards outside the theatres and the booksellers' shops enraptured them; and Edmond, then well on in years, confesses that he thrice stole downstairs, half-clad, in the March dawn, to make sure that the opening chapters of Ch?rie were really inserted in the Gaulois. These were their few rewards, their only victories. They were fain to be content with such small things?la petite monnaie de la gloire.

Renée Mauperin

Madame Gervaisais, le dernier roman écrit en commun par Edmond et Jules de Goncourt, a longtemps été sous-estimé par la critique et ce n'est que depuis peu de temps qu'on assiste à une revalorisation timide. En effet, l'oeuvre qui n'avait reçu que peu d'attention de la part du public lors de sa parution en 1869, est dès lors susceptible d'être comptée parmi les meilleurs romans des deux frères et d'occuper une place privilégiée dans l'histoire du roman réaliste de la seconde moitié du XIXe siècle. En faisant écho à Madame Bovary de Flaubert et en anticipant sur la technique naturaliste d'Emile Zola, ce diagnostic d'une névrose religieuse et d'une dégradation féminine sous l'impact du milieu romain, représente bien une gageure esthétique en ce sens que l'action dépourvue d'intrigue romanesque a comme seule fonction de décrire le processus de déperdition d'une femme supérieure sous l'influence des conceptions médico-scientifiques de l'époque. Aucun auteur n'avait osé, jusque-là, aller si loin. La présente édition critique est la première à faire un relevé complet des variantes du manuscrit et de l'édition princeps en comparaison du texte définitif publié du vivant d'Edmond de Goncourt. Une introduction substantielle fait valoir toute la richesse conceptuelle et stylistique, voire certains paradoxes de cette oeuvre très personnelle.

Manette Salomon

Résumé

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