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Signes cliniques - ""Statistiques : une femme sur sept. Je suis une de ces sept.""
Publié par publie.net, le 04 juillet 2012
56 pages
Résumé
La maladie. Assumer, lutter, guérir. Et s'en saisir à l'inverse, comme révélateur de ce pense et fait la société, son univers de soin, ce qui s'en traduit de gestes, signes, paroles. "C'est monté progressivement, quelque chose de compulsif. Ça sortait, comme de la mousse qui déborde d'une machine à laver, une surdose de lessive, ou un bouchon dans un tuyau, oui, comme une panne. Sauf qu'au lieu d'éponger en soupirant et en me frottant le front, j'ai laissé la mousse monter en bulles, j'étais fatiguée. "Ça ressortait à chaque texte. J'ouvrais un nouveau document dans l'ordinateur, je parlais d'une fille, d'une autre fille, d'une « non-moi », et il lui arrivait ces choses absurdes, elle se retrouvait coincée là-bas, dans la chambre, sur le lit d'hôpital. Même en biaisant, en la forçant à s'asseoir dans un jardin, sous un sorbier, elle ne se laissait pas faire et revenait à la chambre toute seule, en somnambule. "Comme j'étais en morceaux, ça sortait en morceaux. Ce que j'écrivais éclatait, un truc démembré et bancal. Je me réconfortais en trouvant de la cohérence là-dedans, comme si d'être morcelée justifiait d'écrire morcelé, comme si c'était voulu cette histoire d'éclatement. "Une fois les jets et les fragments plus ou moins collés ensembles, chercher une forme compacte au lieu de l'éparpillement, laisser sortir la pierre, le monolithe. "J'ai attendu un peu. Je me suis décidée à remplacer elle par je (ça commençait à bien faire cette lâcheté). J'ai repris, ramassé, resserré, concentré. En dépassant le stade des morceaux, en visant le compact, je prenais l'initiative, je n'étais plus victime de la mousse envahissante, je la canalisais. Pratiquement une reconstruction. "Alors, c'est sorti en coulées. Des coulées difficiles et inconfortables, mais des coulées quand même, et plus des débris dispersés. C'est devenu une vanne ouverte, le flux sortait, parfois plusieurs coulées ensembles, et je devais les rassembler, que ça forme un seul bras, quelque chose qui s'unisse, malgré le thème, la fêlure contenue à l'intérieur." Même pas besoin de nommer ce que recouvre l'exergue : « Statistiques : une femme sur sept. » D'ailleurs le texte n'y revient pas. Des textes sur ce que recouvre cette statistique, il y en a, et même parfois des blogs -à cela aussi se mesure la mutation d'une société. Là, radicalement, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Mais d'un mouvement double : d'abord, comment une société réagit à un problème qui touche une partie vaste de la population - « je suis une femme sur sept »- mais n'a pas appris à le traiter dans sa symbolique, le rapport à l'individuel, ce qui s'y exprime du rapport au corps. Et deuxième mouvement : ce qui s'en induit de traversée pour soi-même, où il n'y a même pas besoin de nommer la maladie, puisque ce n'est pas d'elle qu'il s'agit, mais de la compréhension agrandie de soi-même qu'elle initie. De ce point de vue, j'ai souvent pensée, dans la violence et l'ébranlement de ce texte, àLa Vacation de Martin Winckler, l'avortement devenu problème de masse et non pas banalisation pour autant, vu du côté des médecins. Texte sans pathos : on examine le temps, les objets, les couloirs, les lumières. La reproduction de Dufy au mur, la translation qu'on fait de son corps jusqu'aux toilettes. Un bruit d'école dans le lointain. On interroge la relation sociale, même dans le détail et le grossissement des conversations qui vous rejoignent là, infirmières notamment : les places, croirait-on, sont interchangeables. Il n'est donc moins question de clinique (au sens où Deleuze et Guattari nous y emmenaient) que de signes, et donc de littérature. Sauf en cela qu'elle nous concerne par notre contact le plus direct au monde, et à une expérience dont nul de nous n'est indemne. FB
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