Titre : L'heure ou tu pleures
Auteur : Alfred de Vigny
Une heure sonne dans la nuit,
La journée enfin s'est éteinte,
L'ombre calme efface l'empreinte
De ses clartés et de son bruit;
Tout ce théâtre, où l'on t'adore,
N'est plus qu'une salle sonore
Où ta voix retentit encore
Comme un faible écho qui s'enfuit.
La colonnade illuminée
Se perd dans l'ombre et nous paraît
Une sombre et noire forêt.
Sortant d'une terre minée.
Nos pas ébranlent en passant
Le sourd plancher retentissant
Qui résiste à ton pied glissant
Comme une ville ruinée.
Et toi, tu rêves solitaire,
Toi, l'âme de ce corps désert,
O toi, la voix de ce concert
Qui ce soir enchantait la terre,
Tu viens de remonter aux deux
Ainsi qu'un oiseau gracieux
Se tait, et dans son nid soyeux
Cherche la paix et le mystère.
Mais dans son nid le doux oiseau
Dort mollement sur sa couvée;
Et sur sa couche inachevée
S'arrondit comme en un berceau;
Il met sa tête sous sa plume,
Baigné des vapeurs de la brume
Qui monte à astre du ruisseau.
Et toi, tu penses et tu pleures.