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Titre : Pauvres vieilles cités

Auteur : Emile Verhaeren Recueil : Toute la Flandre

Pauvres vieilles cités par les plaines perdues, Dites de quel grand plan de gloire, Vers la vie humble et dérisoire, Toutes, vous voilà descendues. Vous ne comprenez plus vos hauts beffrois en deuil, Ni ce que disent aux nuées Tant de pierres destituées De leur ancien et bel orgueil, Vos carrefours, vos grand’places et votre port, Tout est muet et léthargique ; Tout semble aller à pas logiques Vers l’horizon, où luit la mort. Seule, quand le marché aligne au jour levé, Sur le trottoir, ses éventaires, Un peu de vie hebdomadaire Se cabre aux joints de vos pavés. Ou bien, quand la kermesse et ses cortèges d’or Mènent leur ronde autour des rues, L’émoi des foules accourues Vous fait revivre une heure encor. Vos moeurs sont pareilles à vos petits jardins : Buissons corrects, calmes verdures, Mais une odeur de moisissure Séjourne en leurs recoins malsains. Vos gestes sont prudents, mesquins et routiniers, Vous ne penchez sur vos négoces Que des yeux mornes ou féroces, Qui ne comptent que par deniers. Vos cerveaux sans révolte et vos coeurs sans fierté Se complaisent aux moindres choses, Et de pauvres apothéoses Font tressaillir vos vanités. Vous ne produisez plus ni communiers ni gueux Et vivez à la dérobée Des miettes d’ombre et d’or tombées Du festin rouge des aïeux. Pourtant, si triste et long que soit votre déclin, Notre rêve ne veut pas croire Que plus jamais la belle gloire Ne bondira de vos tremplins. Vous vous armez encore de trop d’entêtement, Damme, Courtrai, Ypres, Termonde, Pour n’être plus au vent du monde Que des tombeaux d’orgueil flamand. Et n’avoir plus aucun remords, aucun sursaut En ces heures de somnolence Où le visage du silence Se mire seul dans vos canaux.