Titre : Adieux a la ville de Lyon
Auteur : Clément Marot
Adieu
Lyon qui ne mors point,
Lyon plus doulx que cent pucelles.
Sinon quand l'ennemy te poingt:
Alors ta fureur point ne celles.
Adieu aussy à toutes celles
Qui embellissent ton séjour;
Adieu, faces claires et belles.
Adieu vous dy, comme le jour.
Adieu, cité de grand valleur,
Et citoyens que j'ayme bien.
Dieu vous doint la fortune et l'heur
Meilleur que n'a esté le mien.
J'ay de vous receu tant de bien,
Tant d'honneur et tant de bonté.
Que voulentiers diroys combien :
Mais il ne peult estre compté.
Adieu les vieillardz bien heureux,
Plus ne faisans l'amour aux dames,
Toutesfoys tousjours amoureux
De vertu, qui repaist voz âmes:
Pour fuyr reproches et blasmes.
De composer ay entreprins
Des epitaphes sur voz lames,
Si je ne suis le premier prins.
Adieu, enfans pleins de sçavoir,
Dont mort l'homme ne déshérite ;
Si bien souvent me vinstes veoir,
Cela ne vient de mon mérite :
Grand mercy, ma
Muse petite,
C'est pour vous, et n'en suis marry :
Pour belle femme l'on visite
A tous les coups ung laid mary.
Adieu la
Saône, et son mignon
Le
Rhosne, qui court de vitesse;
Tu t'en vas droict en
Avignon,
Vers
Paris je prends mon adresse.
Je diroys : adieu ma maistresse ;
Mais le cas viendrait mieulx à poinct
Si je disoys : adieu jeunesse
Car la barbe grise me poingt.
Va,
Lyon, que
Dieu te gouverne;
Assez long temps s'est esbatu
Le petit chien en ta caverne,
Que devant toy on a batu.
Finablement, pour sa vertu,
Adieu des foys ung million
A
Tournon, de rouge vestu.
Gouverneur de ce grand
Lyon.