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Les poésies les plus envoûtantes vous attendent...

Ne manquez plus jamais d'inspiration avec les poésies originales. Partagez l'émotion et la beauté des vers avec ceux qui vous entourent.

Poésies+7 000

A

Albert Mérat

@albertMerat

Ta bouche Ta bouche a deux façons charmantes de causer, Deux charmantes façons : le rire et le baiser. Si vous voulez savoir celle que je préfère, J'aime mieux celle-ci, mais l'autre m'est plus chère.

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A

Albert Mérat

@albertMerat

Ta bouche était la coupe ardente Ta bouche était la coupe ardente où je buvais ; Tes yeux étaient mon ciel, bleu comme l'autre, et vide. Ivre, j'avais laissé l'espérance candide Passer avec l'amour sur la route où je vais. Étant un amoureux, est-ce que je savais Comment vous nous creusez le front, ride par ride ? Que te fallait-il donc, ô bien-aimée avide ? Mon âme, ma raison, mes sens, tu les avais. Chère âme, au plus profond de mon cœur enchâssée ! Je t'avais tout donné, tout, jusqu'à ma pensée, Que le fatal serpent de l'amour enlaçait. Mais toi, trouvant encore trop riche ton poète, Tu me repris ton cœur, et détournas la tête, Rieuse, du côté d'un autre qui passait.

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A

Albert Mérat

@albertMerat

Tes cheveux Elle est charmante, elle est aussi brune que blonde. Vous la reconnaîtrez, perfide comme l'onde, A ses cheveux changeant de tons et de parfums. Lorsque cela me plaît, moi, je les trouve bruns. Lorsque cela me plaît, je dis : « Sa chevelure A les reflets d'or mat que prend la moisson mûre. » Elle est blonde, elle est brune, et j'ai toujours raison. Un poète a chanté cela dans la saison Où la chanson des prés, douce et point ironique, Vient jusque dans les bois bercer la véronique. Cela dépend du jour, de l'heure, du moment. Il se peut que ce soit gênant, mais c'est charmant. On dirait que l'on voit, resplendissant et sombre, Un mouvant réseau d'or qui scintille dans l'ombre.

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A

Albert Mérat

@albertMerat

Toujours l'extase des baisers Toujours l'extase des baisers ! Ne boire que la fleur des choses ! Les printemps sont malavisés ; Les roses ont tort d'être roses. Avoir toujours un oiseau bleu Qui vous sautille dans la tête ! Il vaut bien mieux nous dire adieu, C'est gentil et c'est très honnête. Ton cœur n'aura qu'à se fermer ; Et puis, vois-tu, j'ai cette envie ; Être heureuse, ne pas aimer, N'avoir plus cela dans ma vie !

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A

Albert Mérat

@albertMerat

Tu peux bien ne pas revenir Tu peux bien ne pas revenir Si c’est à présent ton envie ; Mais redoute mon souvenir, Qui, malgré toi, t’aura suivie Dans les songes des nuits d’été Des étoiles étaient écloses. Ton pied cher, sans but arrêté. A perdu le chemin des roses Il n’est de loin pas de retour. Les sources claires sont taries Où tu mirais ton pauvre amour... Les petites fleurs sont flétries !

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A

Albert Mérat

@albertMerat

Un jour nous étions en bateau Un jour nous étions en bateau : Elle voulut manger des mûres. — Le bord, c'est presque le coteau, Avec les bois pleins de murmures. Vous savez quels soleils charmants Tombent à midi sur nos plaines. — Penchée en de fins mouvements. Toute rouge, les deux mains pleines, Parmi les feuillages brisés Où quelque merle s'effarouche, Elle noircit de ses baisers Mes paupières et puis ma bouche.

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A

Albert Mérat

@albertMerat

À m'avouer pour son amant A m'avouer pour son amant Il faudra bien qu'on s'habitue. — Du marbre pur, rose et charmant. J'ai fait jaillir une statue. J'ai taillé le bloc de façon Que ma main s'y puisse connaître ; Et l'on doit garder le soupçon Que je demeurerai son maître. Des bras pourront la posséder Et fléchir sous sa blanche étreinte ; Nul œil jaloux la regarder, Sans qu'il y trouve mon empreinte !

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

À Marceline Desbordes-Valmore L’amour, dont l’autre nom sur terre est la douleur, De ton sein fit jaillir une source écumante, Et ta voix était triste et ton âme charmante, Et de toi la pitié divine eût fait sa sœur. Ivresse ou désespoir, enthousiasme ou langueur, Tu jetais tes cris d’or à travers la tourmente ; Et les vers qui brûlaient sur ta bouche d’amante Formaient leur rythme aux seuls battements de ton cœur. Aujourd’hui, la justice, à notre voix émue, Vient, la palme à la main, vers ta noble statue, Pour proclamer ta gloire au vieux soleil flamand. Mais pour mieux attendrir ton bronze aux tendres charmes, Peut-être il suffirait — quelque soir — simplement Qu’une amante vînt là jeter, négligemment, Une touffe de fleurs où trembleraient des larmes.

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Automne Le vent tourbillonnant, qui rabat les volets, Là-bas tord la forêt comme une chevelure. Des troncs entrechoqués monte un puissant murmure Pareil au bruit des mers, rouleuses de galets. L’Automne qui descend les collines voilées Fait, sous ses pas profonds, tressaillir notre coeur ; Et voici que s’afflige avec plus de ferveur Le tendre désespoir des roses envolées. Le vol des guêpes d’or qui vibrait sans repos S’est tu ; le pêne grince à la grille rouillée ; La tonnelle grelotte et la terre est mouillée, Et le linge blanc claque, éperdu, dans l’enclos. Le jardin nu sourit comme une face aimée Qui vous dit longuement adieu, quand la mort vient ; Seul, le son d’une enclume ou l’aboiement d’un chien Monte, mélancolique, à la vitre fermée. Suscitant des pensers d’immortelle et de buis, La cloche sonne, grave, au coeur de la paroisse ; Et la lumière, avec un long frisson d’angoisse, Ecoute au fond du ciel venir des longues nuits… Les longues nuits demain remplaceront, lugubres, Les limpides matins, les matins frais et fous, Pleins de papillons blancs chavirant dans les choux Et de voix sonnant clair dans les brises salubres. Qu’importe, la maison, sans se plaindre de toi, T’accueille avec son lierre et ses nids d’hirondelle, Et, fêtant le retour du prodigue près d’elle, Fait sortir la fumée à longs flots bleus du toit. Lorsque la vie éclate et ruisselle et flamboie, Ivre du vin trop fort de la terre, et laissant Pendre ses cheveux lourds sur la coupe du sang, L’âme impure est pareille à la fille de joie. Mais les corbeaux au ciel s’assemblent par milliers, Et déjà, reniant sa folie orageuse, L’âme pousse un soupir joyeux de voyageuse Qui retrouve, en rentrant, ses meubles familiers. L’étendard de l’été pend noirci sur sa hampe. Remonte dans ta chambre, accroche ton manteau ; Et que ton rêve, ainsi qu’une rose dans l’eau, S’entr’ouvre au doux soleil intime de la lampe. Dans l’horloge pensive, au timbre avertisseur, Mystérieusement bat le coeur du Silence. La Solitude au seuil étend sa vigilance, Et baise, en se penchant, ton front comme une soeur. C’est le refuge élu, c’est la bonne demeure, La cellule aux murs chauds, l’âtre au subtil loisir, Où s’élabore, ainsi qu’un très rare élixir, L’essence fine de la vie intérieure. Là, tu peux déposer le masque et les fardeaux, Loin de la foule et libre, enfin, des simagrées, Afin que le parfum des choses préférées Flotte, seul, pour ton coeur dans les plis des rideaux. C’est la bonne saison, entre toutes féconde, D’adorer tes vrais dieux, sans honte, à ta façon, Et de descendre en toi jusqu’au divin frisson De te découvrir jeune et vierge comme un monde ! Tout est calme ; le vent pleure au fond du couloir ; Ton esprit a rompu ses chaînes imbéciles, Et, nu, penché sur l’eau des heures immobiles, Se mire au pur cristal de son propre miroir : Et, près du feu qui meurt, ce sont des Grâces nues, Des départs de vaisseaux haut voilés dans l’air vif, L’âpre suc d’un baiser sensuel et pensif, Et des soleils couchants sur des eaux inconnues… Magny-les-Hameaux, octobre 1894.

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Bacchante J’aime invinciblement. J’aime implacablement. Je sais qu’il est des coeurs de neige et de rosée ; Moi, l’amour sous son pied me tient nue et brisée ; Et je porte mes sens comme un mal infamant. Ma bouche est détendue, et mes hanches sont mûres ; Mes seins un peu tombants ont la lourdeur d’un fruit ; Comme l’impur miroir d’un restaurant de nuit, Mon corps est tout rayé d’ardentes meurtrissures. Telle et plus âpre ainsi, je dompte le troupeau. Les reins cambrés, je vais plus que jamais puissante ; Car je n’ai qu’à pencher ma nuque pour qu’on sente L’odeur de tout l’amour incrusté dans ma peau. Mon coeur aride est plein de cendre et de pierrailles ; Quand je rencontre un homme où ma chair sent un roi, Je frissonne, et son seul regard posé sur moi Ainsi qu’un grand éclair descend dans mes entrailles. Prince ou rustre, qu’importe, il sera dans mes bras. Simplement – car je hais les grâces puériles – Je collerai ma bouche à ses dents, et, fébriles, Mes mains l’entraîneront vers mon lit large et bas. La flamme, ouragan d’or, passe, et, toute, je brûle. Après, mon coeur n’est plus qu’un lambeau calciné ; Et du plus fol amour et du plus effréné Je m’éveille en stupeur comme une somnambule. Tout est fini ; sanglots, menaces, désespoirs, Rien n’émeut mes grands yeux cernés de larges bistres Oh ! Qui dira jamais quels cadavres sinistres Gisent sans sépulture au fond de mes yeux noirs ! … Vraiment, je suis l’amante, et n’ai point d’autre rôle. Dans mon coeur tout est mort, quand le temps est passé. Ma passion d’hier ? … c’est comme un fruit pressé Dont on jette la peau par-dessus son épaule. Mon désir dans les coeurs entre comme un couteau ; Et parmi mes amants je ne connais personne Qui, sur ma couche en feu, devant moi ne frissonne Comme devant la porte ouverte du tombeau. Je veux les longs transports où la chair épuisée S’abîme, et ressuscite, et meurt éperdument. C’est de tant de baisers, aigus jusqu’au tourment, Que je suis à jamais pâle et martyrisée. Je sais trop combien vaine est la rébellion. Raison, pudeur, qui donc entrerait en balance ? Quand mes sens ont parlé, tout en moi fait silence, Comme au désert la nuit quand gronde le lion. Oh ! Ce rêve tragique en moi toujours vivace, Que l’amour et la mort, vieux couple fraternel, Sur mon corps disputé, quelque soir solennel, Comme deux carnassiers, s’abordent face à face ! … Qu’importe j’irai ferme au destin qui m’attend. Sous les lustres en feu, dans la salle écarlate, Que mon parfum s’allume, et que mon rire éclate, Et que mes yeux tout nus s’offrent ! … Des soirs, pourtant Je tords mes pauvres bras sur ma couche de braise. Triste et repue enfin, j’écoute avec stupeur L’heure tomber au vide effrayant de mon coeur ; Et mon harnais de bête amoureuse me pèse. Mes sens dorment d’un air de félins au repos… Mais leur calme sournois couve déjà l’émeute. Déjà, déjà, j’entends les abois de la meute, Et je bondis avec mes cheveux sur mon dos ! Oh ! Fuir sans arrêter pour boire aux sources fraîches, Pour regarder le ciel comme un petit enfant… Le ciel ! … l’archer est là souriant, triomphant ; Et, folle, sous la pluie innombrable des flèches, Je tombe, en blasphémant la justice des dieux ! Aveugle et sourde, hélas ! Trône la destinée. Et mon âme au plaisir féroce condamnée Pleure, et pour ne point voir met ses mains sur ses yeux. Mais écoutez… voici la flûte et les cymbales ! Les torches dans la nuit jettent des feux sanglants ; Ce soir, les vents du sud ont embrasé mes flancs, Et, dans l’ombre, j’entends galoper les cavales… Malheur à celui-là qui passe en ce moment ! Demi-nue, et penchée hors de ma porte noire, Je l’appelle comme un mourant demande à boire… Il vient ! Malheur à lui ! Malheur à mon amant ! J’aime invinciblement ! J’aime implacablement !

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Blotti comme un Oiseau Blotti comme un oiseau frileux au fond du nid, Les yeux sur ton profil, je songe à l'infini... Immobile sur les coussins brodés, j'évoque L'enchantement ancien, la radieuse époque, Et les rêves au ciel de tes yeux verts baignés ! Et je revis, parmi les objets imprégnés De ton parfum intime et cher, l'ancienne année Celle qui flotte encor dans ta robe fanée... Je t'aime ingénument. Je t'aime pour te voir. Ta voix me sonne au cœur comme un chant dans le soir. Et penché sur ton cou, doux comme les calices, J'épuise goutte à goutte, en amères délices, Pendant que mon soleil décroît à l'horizon Le charme douloureux de l'arrière-saison.

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Chanson d’été Le soleil brûlant Les fleurs qu’en allant Tu cueilles, Viens fuir son ardeur Sous la profondeur Des feuilles. Cherchons les sentiers A demi frayés Où flotte, Comme dans la mer, Un demi-jour vert De grotte. Des halliers touffus Un soupir confus S’éléve Si doux qu’on dirait Que c’est la forêt Qui rêve… Chante doucement ; Dans mon coeur d’amant J’adore Entendre ta voix Au calme du bois Sonore. L’oiseau, d’un élan, Courbe, en s’envolant, La branche Sous l’ombrage obscur La source au flot pur S’épanche. Viens t’asseoir au bord Où les boutons d’or Foisonnent… Le vent sur les eaux Heurte les roseaux Qui sonnent. Et demeure ainsi Toute au doux souci De plaire, Une rose aux dents, Et ton pied nu dans L’eau claire.

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Comme un père en ses bras Comme un père en ses bras tient une enfant bercée Et doucement la serre, et, loin des curieux, S'arrête au coin d'un mur pour lui baiser les yeux, Je te porte couvée au secret de mon âme, Ô toi que j'élus douce entre toutes les femmes, Et qui marches, suave, en tes parfums flottants. Les soirs fuyants et fins aux ciels inconsistants Où défaille et s'en va la lumière vaincue, Je n'en sens la douceur tout entière vécue Que si ton nom chanté sur un rite obsesseur Coule en tièdes frissons de ma bouche à mon cœur !... Ô longs doigts vaporeux qui font rêver la lyre !... C'est ta robe évoquée avec un long sourire Qui monte, qui s'étend dans la chute du jour Et, flottante, remplit le ciel entier d'amour... Ô femme, lac profond qui garde qui s'y plonge, Leurre ou piège, qu'importe ? ... ô chair tissée en songe, Qui jamais, qui jamais connaîtra sous les cieux D'où vient cet éternel sanglot délicieux Qui roule du profond de l'homme vers Tes Yeux !

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Comme une grande fleur Comme une grande fleur trop lourde qui défaille, Parfois, toute en mes bras, tu renverses ta taille Et plonges dans mes yeux tes beaux yeux verts ardents, Avec un long sourire où miroitent tes dents… Je t’enlace ; j’ai comme un peu de l’âpre joie Du fauve frémissant et fier qui tient sa proie. Tu souris… je te tiens pâle et l’âme perdue De se sentir au bord du bonheur suspendue, Et toujours le désir pareil au coeur me mord De t’emporter ainsi, vivante, dans la mort. Incliné sur tes yeux où palpite une flamme Je descends, je descends, on dirait, dans ton âme… De ta robe entr’ouverte aux larges plis flottants, Où des éclairs de peau reluisent par instants, Un arôme charnel où le désir s’allume Monte à longs flots vers moi comme un parfum qui fume. Et, lentement, les yeux clos, pour mieux m’en griser, Je cueille sur tes dents la fleur de ton baiser !

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Confins Dans l’ombre tiède, où toute emphase s’atténue, Sur les coussins, parmi la flore des lampas, L’effeuillement des heures d’or qu’on n’entend pas Vibrer ainsi qu’un son d’archet qui diminue. S’affiner l’âme en une extase si ténue ; Jouir son coeur sur une pointe de compas ; Tenter parmi des flacons d’or d’exquis trépas ; Ne plus savoir ce que sa vie est devenue… Se retrouver, et puis se perdre en des pays, Et des heures, en des pianos inouïs Faire flotter comme du silence en arpèges ; Dans les parfums et la fumée aux lents manèges Jusqu’à son coeur et par ses yeux évanouis Sentir tomber des baisers doux comme des neiges.

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Dans le parc… Dans le parc aux lointains voilés de brume, sous Les grands arbres d’où tombe avec un bruit très doux L’adieu des feuilles d’or parmi la solitude, Sous le ciel pâlissant comme de lassitude, Nous irons, si tu veux, jusqu’au soir, à pas lents, Bercer l’été qui meurt dans nos coeurs indolents. Nous marcherons parmi les muettes allées ; Et cet amer parfum qu’ont les herbes foulées, Et ce silence, et ce grand charme langoureux Que verse en nous l’automne exquis et douloureux Et qui sort des jardins, des bois, des eaux, des arbres Et des parterres nus où grelottent les marbres, Baignera doucement notre âme tout un jour, Comme un mouchoir ancien qui sent encor l’amour.

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Devant la mer, un soir Devant la mer, un soir, un beau soir d’Italie, Nous rêvions… toi, câline et d’amour amollie, Tu regardais, bercée au cœur de ton amant, Le ciel qui s’allumait d’astres splendidement. Les souffles qui flottaient parlaient de défaillance ; Là-bas, d’un bal lointain, à travers le silence, Douces comme un sanglot qu’on exhale à genoux, Des valses d’Allemagne arrivaient jusqu’à nous. Incliné sur ton cou, j’aspirais à pleine âme Ta vie intense et tes secrets parfums de femme, Et je posais, comme une extase, par instants, Ma lèvre au ciel voilé de tes yeux palpitants ! Des arbres parfumés encensaient la terrasse, Et la mer, comme un monstre apaisé par ta grâce, La mer jusqu’à tes pieds allongeait son velours, La mer… … Tu te taisais ; sous tes beaux cheveux lourds Ta tête à l’abandon, lasse, s’était penchée, Et l’indéfinissable douceur épanchée À travers le ciel tiède et le parfum amer De la grève noyait ton cœur d’une autre mer, Si bien que, lentement, sur ta main pâle et chaude Une larme tomba de tes yeux d’émeraude. Pauvre, comme une enfant tu te mis à pleurer, Souffrante de n’avoir nul mot à proférer. Or, dans le même instant, à travers les espaces Les étoiles tombaient, on eût dit, comme lasses, Et je sentis mon coeur, tout mon cœur fondre en moi Devant le ciel mourant qui pleurait comme toi… C’était devant la mer, un beau soir d’Italie, Un soir de volupté suprême, où tout s’oublie, Ô Ange de faiblesse et de mélancolie.

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Dilection J'adore l'indécis, les sons, les couleurs frêles, Tout ce qui tremble, ondule, et frissonne, et chatoie : Les cheveux et les yeux, l'eau, les feuilles, la soie, Et la spiritualité des formes grêles ; Les rimes se frôlant comme des tourterelles, La fumée où le songe en spirales tournoie, La chambre au crépuscule, où Son profil se noie, Et la caresse de Ses mains surnaturelles ; L'heure de ciel au long des lèvres câlinée, L'âme comme d'un poids de délice inclinée, L'âme qui meurt ainsi qu'une rose fanée, Et tel cœur d'ombre chaste, embaumé de mystère, Où veille, comme le rubis d'un lampadaire, Nuit et jour, un amour mystique et solitaire.

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

En printemps En printemps, quand le blond vitrier Ariel Nettoie à neuf la vitre éclatante du ciel, Quand aux carrefours noirs qu'éclairent les toilettes En monceaux odorants croulent les violettes Et le lilas tremblant, frileux encor d'hier, Toujours revient en moi le songe absurde et cher Que mes seize ans ravis aux candeurs des keepsakes Vivaient dans les grands murs blancs des bibliothèques Rêveurs à la fenêtre où passaient des oiseaux... Dans des pays d'argent, de cygnes, de roseaux Dont les noms avaient des syllabes d'émeraude, Au bord des étangs verts où la sylphide rôde, Parmi les donjons noirs et les châteaux hantés, Déchiquetant des ciels d'eau-forte tourmentés, Traînaient limpidement les robes des légendes. Ossian ! Walter Scott ! Ineffables guirlandes De vierges en bandeaux s'inclinant de profil. Ô l'ovale si pur d'alors, et le pistil Du col où s'éploraient les anglaises bouclées ! Ô manches à gigot ! Longues mains fuselées Faites pour arpéger le cœur de Raphaël, Avec des yeux à l'ange et l'air « Exil du ciel », Ô les brunes de flamme et les blondes de miel ! Mil-huit-cent-vingt... parfum des lyres surannées ; Dans vos fauteuils d'Utrecht bonnes vieilles fanées, Bonnes vieilles voguant sur « le lac » étoilé, Ô âmes sœurs de Lamartine inconsolé. Tel aussi j'ai vécu les sanglots de vos harpes Et vos beaux chevaliers ceints de blanches écharpes Et vos pâles amants mourant d'un seul baiser. L'idéal était roi sur un grand cœur brisé. C'était le temps du patchouli, des janissaires, D'Elvire, et des turbans, et des hardis corsaires. Byron disparaissait, somptueux et fatal. Et le cor dans les bois sonnait sentimental. Ô mon beau cœur vibrant et pur comme un cristal.

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Extrême-Orient Le fleuve au vent du soir fait chanter ses roseaux. Seul je m’en suis allé. – J’ai dénoué l’amarre, Puis je me suis couché dans ma jonque bizarre, Sans bruit, de peur de faire envoler les oiseaux. Et nous sommes partis, tous deux, au fil de l’eau, Sans savoir où, très lentement. – O charme rare, Que donne un inconnu fluide où l’on s’égare !… Par instants, j’arrêtais quelque frêle rameau. Et je restais, bercé sur un flot d’indolence, A respirer ton âme, ô beau soir de silence… Car j’ai l’amour subtil du crépuscule fin ; L’eau musicale et triste est la soeur de mon rêve Ma tasse est diaphane, et je porte, sans fin, Un coeur mélancolique où la lune se lève. II La vie est une fleur que je respire à peine, Car tout parfum terrestre est douloureux au fond. J’ignore l’heure vaine, et les hommes qui vont, Et dans 1’Ile d’Émail ma fantaisie est reine. Mes bonheurs délicats sont faits de porcelaine, Je n’y touche jamais qu’avec un soin profond ; Et l’azur fin, qu’exhale en fumant mon thé blond, En sa fuite odorante emporte au loin ma peine. J’habite un kiosque rose au fond du merveilleux. J’y passe tout le jour à voir de ma fenêtre Les fleuves d’or parmi les paysages bleus ; Et, poète royal en robe vermillon, Autour de l’éventail fleuri qui l’a fait naître, Je regarde voler mon rêve, papillon.

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Hiver Le ciel pleure ses larmes blanches Sur les jours roses trépassés ; Et les amours nus et gercés Avec leurs ailerons cassés Se sauvent, frileux, sous les branches. Ils sont finis les soirs tombants, Rêvés au bord des cascatelles. Les Angéliques, où sont-elles ! Et leurs âmes de bagatelles, Et leurs coeurs noués de rubans ?… Le vent dépouille les bocages, Les bocages où les amants Sans trêve enroulaient leurs serments Aux langoureux roucoulements Des tourterelles dans les cages. Les tourterelles ne sont plus, Ni les flûtes, ni les violes Qui soupiraient sous les corolles Des sons plus doux que des paroles. Le long des soirs irrésolus. Cette chanson – là-bas – écoute, Cette chanson au fond du bois… C’est l’adieu du dernier hautbois, C’est comme si tout l’autrefois Tombait dans l’âme goutte à goutte. Satins changeants, cheveux poudrés, Mousselines et mandolines, O Mirandas ! O Roselines ! Sous les étoiles cristallines, O Songe des soirs bleu-cendrés ! Comme le vent brutal heurte en passant les portes ! Toutes, – va ! toutes les bergères sont bien mortes. Morte la galante folie, Morte la Belle-au-bois-jolie, Mortes les fleurs aux chers parfums ! Et toi, soeur rêveuse et pâlie, Monte, monte, ô Mélancolie, Lune des ciels roses défunts.

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Hyacinthe Pour la voir aussitôt m’apparaître, fidèle Je n’ai qu’à prononcer son nom mélodieux, Comme si quelque instinct miséricordieux D’avance lui disait l’heure où j’ai besoin d’elle. Je la trouve toujours, quand mon cœur contristé S’exile et se replie au fond de ses retraites, Et pansant à la nuit ses blessures secrètes, Reprend avec l’orgueil sa native beauté. C’est dans un parc illustre où la blancheur des marbres Dans l’ombre çà et là dresse un beau geste nu, Où ruisselle un bruit d’eau léger et continu, Où les chemins rayés par les ombres des arbres S’enfoncent comme on voit aux tableaux anciens. Aux noblesses du cœur le décor est propice, Et parmi les bosquets l’âme de Bérénice Semble encor sangloter des vers raciniens. Elle est là ; sous le dais des ténèbres soyeuses, Elle attend ; autour d’elle à chaque mouvement Ses ailes font d’un vague et lent frémissement De plumes onduler les fleurs harmonieuses. Ses lèvres par instants laissent tomber le mot Unique où se concentre en goutte le silence ; Le geste de ses mains pâles est l’indolence, Et sa voix musicale est fille du sanglot. Nous errons à travers les jardins taciturnes Émus en même temps de limpides frissons, Touchés de nous aimer dans ce que nous pensons Et nous penchant ensemble aux fontaines nocturnes. L’amour s’ouvre à ses doigts comme un lys infini, Tout en elle se donne et rien ne se dérobe. Ses bras savent surtout bercer et sous sa robe Son sein a la chaleur maternelle du nid. La pitié, la douceur, la paix sont ses servantes ; À sa ceinture pend le rosaire des soirs, Et c’est elle sans trêve et pourtant sans espoirs, Que je cherche à jamais à travers les vivantes. Elle est tout ce que j’aime au monde, le secret, L’amour aux longs cheveux, la pudeur aux longs voiles, Même elle me ressemble aux rayons des étoiles, Et c’est comme une sœur morte qui reviendrait. Hyacinthe est le nom mortel que je lui donne. Souvent au fond des ans par d’étranges détours Nous évoquons la même enfance aux mêmes jours, Et sa voix dont l’accent fatidique m’étonne Semble du plus profond de mon âme venir. Elle a le timbre ému des heures abolies, Et sonne l’angélus de mes mélancolies Dans la vallée au vieux clocher du souvenir. Et parfois elle dit, pâle en la nuit profonde, Pendant qu’au loin la lune argente un marbre nu Et qu’un ruissellement léger et continu Mêle au son de sa voix l’écoulement de l’onde, Pendant qu’aux profondeurs des grands espaces bleus Palpite une douceur grave et surnaturelle, Et que je vois comme un miracle fait pour elle Les astres scintiller à travers ses cheveux, Elle dit : quelque jour dans un pays suprême Ton désir cueillera les fruits puissants et beaux Dont la fleur blême ici languit sur les tombeaux. Et ton propre idéal sera ton diadème. Avec l’argile triste où chemine le ver Tu quitteras le mal, la honte, l’esclavage, Et je te sourirai dans les lys du rivage, Belle comme la lune, en été, sur la mer. Tes sens magnifiés vivront d’intenses fièvres, Ivres d’intensité dans un air immortel ; Alors s’accomplira ton rêve originel Et, penché sur mes yeux pleins d’un soir éternel, C’est ton âme que tu baiseras sur mes lèvres.

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Albert Samain

Albert Samain

@albertSamain

Idéal Hors la ville de fer et de pierre massive, À l’aurore, le choeur des beaux adolescents S’en est allé, pieds nus, dans l’herbe humide et vive, Le coeur pur, la chair vierge et les yeux innocents. Toute une aube en frissons se lève dans leurs âmes. Ils vont rêvant de chars dorés, d’arcs triomphaux, De chevaux emportant leur gloire dans des flammes, Et d’empires conquis sous des soleils nouveaux ! Leur pensée est pareille au feuillage du saule À toute heure agité d’un murmure incertain ; Et leur main fièrement rejette sur l’épaule Leur beau manteau qui claque aux souffles du matin. En eux couve le feu qui détruit et qui crée ; Et, croyant aux clairons qui renversaient les tours, Ils vont remplir l’amphore à la source sacrée D’où sort, large et profond, le fleuve ancien des jours. Ils ont l’amour du juste et le mépris des lâches, Et veulent que ton règne arrive enfin, seigneur ! Et déjà leur sang brûle, en lavant toutes taches, De jaillir, rouge, aux pieds sacrés de la douleur ! Tambours d’or, clairons d’or, sonnez par les campagnes ! Orgueil, étends sur eux tes deux ailes de fer ! Ce qui vient d’eux est pur comme l’eau des montagnes, Et fort comme le vent qui souffle sur la mer ! Sur leurs pas l’allégresse éclate en jeunes rires, La terre se colore aux feux divins du jour, Le vent chante à travers les cordes de leurs lyres, Et le coeur de la rose a des larmes d’amour. Là-bas, vers l’horizon roulant des vapeurs roses, Vers les hauteurs où vibre un éblouissement, Ivres de s’avancer dans la beauté des choses, Et d’être à chaque pas plus près du firmament ; Vers les sommets tachés d’écumes de lumière Où piaffent, tout fumants, les chevaux du soleil, Plus haut, plus haut toujours, vers la cime dernière Au seuil de l’Empyrée effrayant et vermeil ; Ils vont, ils vont, portés par un souffle de flamme… Et l’espérance, triste avec des yeux divins, Si pâle sous son noir manteau de pauvre femme, Un jour encore, au ciel lève ses vieilles mains ! * ** Pieds nus, manteaux flottants dans la brise, à l’aurore, Tels, un jour, sont partis les enfants ingénus, Le coeur vierge, les mains pures, l’âme sonore… Oh ! Comme il faisait soir, quand ils sont revenus ! Pareils aux émigrants dévorés par les fièvres, Ils vont, l’haleine courte et le geste incertain. Sombres, l’envie au foie et l’ironie aux lèvres ; Et leur sourire est las comme un feu qui s’éteint. Ils ont perdu la foi, la foi qui chante en route Et plante au coeur du mal ses talons frémissants. Ils ont perdu, rongés par la lèpre du doute, Le ciel qui se reflète aux yeux des innocents. Même ils ont renié l’orgueil de la souffrance, Et dans la multitude au front bas, au coeur dur, Assoupie au fumier de son indifférence, Ils sont rentrés soumis comme un bétail obscur. Leurs rêves engraissés paissent parmi les foules ; Aux fentes de leur coeur d’acier noble bardé, Le sang altier des forts goutte à goutte s’écoule, Et puis leur coeur un jour se referme, vidé. Matrone bien fardée au seuil clair des boutiques, Leur âme épanouie accueille les passants ; Surtout ils sont dévots aux seuls dieux authentiques, Et, le front dans la poudre, adorent les puissants. Ils veulent des soldats, des juges, des polices, Et, rassurés par l’ordre aux solides étaux, Ils regardent grouiller au vivier de leurs vices Les sept vipères d’or des péchés capitaux. Pourtant, parfois, des soirs, ils songent dans les villes À ceux-là qui près d’eux gravissaient l’avenir, Et qui, ne voulant pas boire aux écuelles viles, S’étant couchés là-haut, s’y sont laissés mourir ; Et le remords les prend quand, au penchant des cimes, Un éclair leur fait voir, les deux bras étendus, Des cadavres hautains, dont les yeux magnanimes Rêvent, tout grands ouverts, aux idéals perdus !

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Albert Samain

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@albertSamain

Invitation Mon cœur est un beau lac solitaire qui tremble, Hanté d'oiseaux furtifs et de rameaux frôleurs, Où le vol argenté des sylphes bleus s'assemble En un soir diaphane où défaillent des fleurs. La lune y fait rêver ses pâleurs infinies ; L'aurore en son cristal baigne ses pieds rosés ; Et sur ses bords, en d'éternelles harmonies, Soupire l'orgue des grands joncs inapaisés. Un temple est au milieu, tout en colonnes blanches, Éclos dans les tiédeurs secrètes du jasmin ; Des ramiers bleu-de-ciel s'aiment parmi les branches... Laquelle se mettra la première en chemin ? Le lac est vert, le lac est bleu ; Voici tinter le couvre-feu. Sonnez l'heure aux ondins, petites campanules. Dame aux yeux verts, Dame aux yeux bleus, Dame d'automne au cœur frileux, De votre éventail onduleux Venez-vous-en bercer le vol des libellules Du crépuscule... Les gondoles sont là, fragiles et cambrées Sur l'eau dormeuse et sourde aux enlacis mourants, Les gondoles qui font, de roses encombrées, Pleurer leurs rames d'or sur les flots odorants. Les nefs d'amour, avec leurs velours de simarres, Captives en tourment, se meurent sur les eaux... Oh ! quels doigts fins viendront dénouer les amarres, Un soir, parmi la chevelure des roseaux ? Laquelle s'en viendra, quand sonneront les heures, Voguer, pâle de lune et perdue en un ciel ? Laquelle au doux sanglot des musiques mineures Taira dans un baiser le mot essentiel ? Laquelle — Cydalise on Linda — que t'en semble, Te laissera l'aimer, le front sur ses genoux ? Qu'importe... l'âme est triste et leurs baisers sont doux... Mon cœur est un beau lac solitaire qui tremble, Ô les Belles, embarquez-vous !

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Albert Samain

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L'hermaphrodite Vers l'archipel limpide, où se mirent les Iles, L'Hermaphrodite nu, le front ceint de jasmin, Épuise ses yeux verts en un rêve sans fin ; Et sa souplesse torse empruntée aux reptiles, Sa cambrure élastique, et ses seins érectiles Suscitent le désir de l'impossible hymen. Et c'est le monstre éclos, exquis et surhumain, Au ciel supérieur des formes plus subtiles. La perversité rôde en ses courts cheveux blonds. Un sourire éternel, frère des soirs profonds, S'estompe en velours d'ombre à sa bouche ambiguë ; Et sur ses pâles chairs se traîne avec amour L'ardent soleil païen, qui l'a fait naître un jour De ton écume d'or, ô Beauté suraiguë.

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Albert Samain

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La chimère La chimère a passé dans la ville où tout dort, Et l’homme en tressaillant a bondi de sa couche Pour suivre le beau monstre à la démarche louche Qui porte un ciel menteur dans ses larges yeux d’or. Vieille mère, enfants, femme, il marche sur leurs corps… Il va toujours, l’oeil fixe, insensible et farouche… Le soir tombe… il arrive ; et dès le seuil qu’il touche, Ses pieds ont trébuché sur des têtes de morts. Alors soudain la bête a bondi sur sa proie Et debout, et terrible, et rugissant de joie, De ses grilles de fer elle fouille, elle mord. Mais l’homme dont le sang coule à flots sur la terre, Fixant toujours les yeux divins de la chimère Meurt, la poitrine ouverte et souriant encor.

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La coupe Au temps des Immortels, fils de la vie en fête, Où la Lyre élevait les assises des tours, Un artisan sacré modela mes contours Sur le sein d’une vierge, entre ses soeurs parfaite, Des siècles je régnai, splendide et satisfaite, Et les yeux m’adoraient… Quand, vers la fin des jours, De mes félicités le sort rompit le cours, Et je fus emportée au vent de la défaite. Vieille à présent, je vis ; mais, fixe en mon destin, Je vis, toujours debout sur un socle hautain, Dans l’empyrée, où l’Art divin me transfigure. Je suis la Coupe d’or, fille du temps païen ; Et depuis deux mille ans je garde, à jamais pure, L’incorruptible orgueil de ne servir à rien.

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La cuisine Dans la cuisine où flotte une senteur de thym, Au retour du marché, comme un soir de butin, S’entassent pêle-mêle avec les lourdes viandes Les poireaux, les radis, les oignons en guirlandes, Les grands choux violets, le rouge potiron, La tomate vernie et le pâle citron. Comme un grand cerf-volant la raie énorme et plate Gît fouillée au couteau, d’une plaie écarlate. Un lièvre au poil rougi traîne sur les pavés Avec des yeux pareils à des raisins crevés. D’un tas d’huîtres vidé d’un panier couvert d’algues Monte l’odeur du large et la fraîcheur des vagues. Les cailles, les perdreaux au doux ventre ardoisé Laissent, du sang au bec, pendre leur cou brisé ; C’est un étal vibrant de fruits verts, de légumes, De nacre, d’argent clair, d’écailles et de plumes. Un tronçon de saumon saigne et, vivant encor, Un grand homard de bronze, acheté sur le port, Parmi la victuaille au hasard entassée, Agite, agonisant, une antenne cassée.

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La grenouille En ramassant un fruit dans l'herbe qu'elle fouille, Chloris vient d'entrevoir la petite grenouille Qui, peureuse, et craignant justement pour son sort, Dans l'ombre se détend soudain comme un ressort, Et, rapide, écartant et rapprochant les pattes, Saute dans les fraisiers, et, parmi les tomates, Se hâte vers la mare, où, flairant le danger, Ses sœurs, l'une après l'autre, à la hâte ont plongé. Dix fois déjà Chloris, à la chasse animée, L'a prise sous sa main brusquement refermée ; Mais, plus adroite qu'elle, et plus prompte, dix fois La petite grenouille a glissé dans ses doigts. Chloris la tient enfin ; Chloris chante victoire ! Chloris aux yeux d'azur de sa mère est la gloire. Sa beauté rit au ciel ; sous son large chapeau Ses cheveux blonds coulant comme un double ruisseau Couvrent d'un voile d'or les roses de sa joue ; Et le plus clair sourire à ses lèvres se joue. Curieuse, elle observe et n'est point sans émoi À l'étrange contact du corps vivant et froid. La petite grenouille en tremblant la regarde, Et Chloris dont la main lentement se hasarde A pitié de sentir, affolé par la peur, Si fort entre ses doigts battre le petit cœur.

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La prière du convalescent Les jardins odorants balancent leurs panaches. L'eau miroite au soleil, et le ciel est heureux. Mon cœur, tu peux rentrer dans l'ombre où tu te caches ; Ton impuissance insulte au monde vigoureux. Dans un tressaillement qui fait craquer l'écorce, L'arbre, géant joyeux, tend ses cent bras musclés. La terre, ivre de sève, étouffe dans sa force, Et la feuille éperdue a des frissons ailés. Mon cœur, tu t'en vas seul dans le bonheur des choses ; Pourtant l'Espoir frémit dans l'azur du matin. C'est le temps du travail et des métamorphoses, Il faut à chaque jour un soir lourd de butin. L'amour passe au galop dans les forêts obscures, Triomphal et levant des bras tachés de sang. Le sang tombe étoilé des virginités mûres Et l'air tiède des soirs est comme un vin puissant. Tout se réveille, et vibre, et germe, et se déploie, Et porte dans le cœur un plein soleil d'orgueil, Le monde a les couleurs splendides de la joie ; Seul, je traîne un corps las courbé vers le cercueil. Seigneur, laissez tomber dans ma coupe tarie Une goutte, une large goutte du vin d'or ! Mon cœur est un enfant qui désespère et crie... Seigneur, faites qu'enfin sous ma bouche flétrie Du vieux sein nourricier le lait jaillisse encor ! Donnez-moi le vouloir, l'audace, l'énergie, Et le besoin viril de prendre et de dompter, Et que je sente enfin, dans mon âme élargie, La Force comme une rose rouge éclater !

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