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Albert Mérat

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Poésies

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    Albert Mérat

    @albertMerat

    Pourquoi la renier Pourquoi la renier ? Je n'ai pas de colère. Ô mon amour dernier, Ô chose bleue et claire ! Pourquoi me souvenir Qu'elle me fût amère ? J'aime mieux retenir Par l'aile ma chimère. Le pardon est plus doux. Mon adieu se colore D'un regret sans courroux, D'avoir perdu l'aurore.

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    Albert Mérat

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    Ta bouche Ta bouche a deux façons charmantes de causer, Deux charmantes façons : le rire et le baiser. Si vous voulez savoir celle que je préfère, J'aime mieux celle-ci, mais l'autre m'est plus chère.

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    Albert Mérat

    @albertMerat

    C'est la terre sans fleurs C'est la terre sans fleurs de pourpre et sans décor, Le champ dur qui nourrit les bras et leur résiste. Septembre dans le ciel a mis sa pâleur triste, Et le soir au couchant se lit en un trait d'or. L'heure qui vient n'a pas de fantômes encor, Mais des solennités où le contour persiste. Le tableau se déroule ample, sans jeu d'artiste : On dirait un poëme ancien d'un grand essor. Deux jeunes filles font vivre le paysage, L'une grave et debout, l'autre dont le visage Est comme un fruit d'été substantiel et clair. Leur front ne pense pas, leurs yeux rêvent à peine : Mais, subissant le rhythme austère de la plaine, Elles suivent un vol de cigognes dans l'air.

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    Albert Mérat

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    Comment aurait-elle pu Comment aurait-elle pu, Quand je le pouvais à peine, Renouer le fil rompu De notre vie incertaine ? Les baisers sont des baisers. Les caresses, des caresses. Les bonheurs sont malaisés Quand on n'a que ces richesses. Le soir même, doux et clair, Conspire à donner la fièvre. Plein d'étoiles, il a l'air D'une vitrine d'orfèvre.

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    Albert Mérat

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    Distrait et grave comme un fou Distrait et grave comme un fou, Ayant mes rêves pour cortèges, Je vais un peu je ne sais où Par les pays où sont les neiges. Je vais, et je ne saurais pas Te dire, parfois, où nous sommes. Mais qu'importe à qui laisse en bas L'amas des villes et des hommes ! Que dois-je trouver en chemin Sur cette route bienfaisante ? Les chers yeux que j'aime, ou ta main Plus fidèle et toujours présente ? — Lorsque j'aurai, tout à travers L'importunité de mes songes, Fait du chemin et fait des vers Gais ou tristes, mais sans mensonges. Sachant que ton goût jeune a foi Dans notre art, l'antique folie, Et que tu notes comme moi, Ton cœur avec mélancolie ; Je n'irai pas chercher bien loin Le lecteur ami qui comprenne Ces poèmes, dont j'ai pris soin D'accorder l'âme sur la tienne. Je veux inscrire ici ton nom Et, t'offrant la primeur hâtive De mes vers, précieux ou non, Te dire de façon naïve : Rêveur pour qui l'herbe n'a pas De fleurettes indifférentes, A toi ce que j'ai, pas à pas, Cueilli de strophes odorantes !

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    Albert Mérat

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    Frontispice Je rêve un frontispice à mes vers. Le burin, Fantasque, évoquerait sur le seuil d'un portique La fatale beauté d'une Chimère antique. Levant vers moi son front cruel et souverain. Pour abuser mon cœur par un espoir serein, La bouche sourirait sensuelle et plastique ; Le corps rigide aurait la pose hiératique Des grands sphinx qu'aux déserts endort un ciel d'airain. Car j'ai bravé la croupe horrible des Chimères ; Et, la lèvre collée aux mamelles amères, J'ai senti jusqu'au cœur leurs ongles de lions ; Et j'ai, blessé, trop fier pour compter mes blessures, Maintenu sous la dent profonde des morsures Mon cœur gonflé d'amour et de rébellions.

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    Albert Mérat

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    J'ai fait ce rêve bien souvent J'ai fait ce rêve bien souvent, Qui mettait mon cœur en détresse : L'amour, soufflant comme le vent, Avait emporté ma maîtresse. Mais au matin quel beau réveil ! A mes yeux et dans mes oreilles, C'étaient ses yeux comme un soleil Et des paroles sans pareilles ; Maintenant presque chaque nuit Je fais encor ce mauvais rêve : C'est le regret qui le conduit Et l'amertume qui l'achève.

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    Albert Mérat

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    La nuit Tiède du souvenir des occidents vermeils, La nuit sur les coteaux palpite immense & bonne. Elle est comme la mer : un vent d’aile y frissonne ; Leur couleur est semblable & leurs bruits sont pareils. Le sein large & profond qui porte les soleils, Où le flot incessant des univers rayonne, Est indulgent & n’a d’embûches pour personne, Et, mérités ou non, berce tous les sommeils. Pourtant, Nuit, je te sais peu sûre & décevante ; Ta vague illusion de spectre m’épouvante : Si les matins allaient oublier le retour ! Certitude, ô raison, aurore coutumière ! Je sens que ma pensée est faite de lumière ; Même les yeux fermés, j’ai le souci du jour.

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    Albert Mérat

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    Le désir La bonté du soleil n’apaise pas nos yeux. Nous avons les prés clairs où l’eau met des buées, Les collines aux plis charmants continuées En des bandes couleur de perle au bord des cieux. Nos chênes sont si hauts, si vaillants & si vieux Qu’ils connaissent la foudre & parlent aux nuées. Les forêts de cent ans que l’on n’a pas tuées Sont les chœurs où l’accord des voix chante le mieux. D’où vient qu’ayant les soirs, l’odeur des matinées, Des peintures en leurs caprices terminées Par ce que l’harmonie a de tons fins & doux, Nous sentions nos désirs gonflés comme des voiles ? Pourquoi les horizons sont-ils jaloux de nous ? Pourquoi chercher au loin de nouvelles étoiles ?

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    Albert Mérat

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    Le mensonge Le bonheur qui me dit des paroles tout bas Prend au son de ta voix ses grâces endormantes ; Afin d'avoir ma part de minutes clémentes Je veux la chaîne souple et blanche de tes bras. Je veux ta chevelure et le bruit de tes pas, Et ton souffle léger comme l'odeur des menthes. J'ai besoin de trouver les étoiles charmantes ; Que me serait leur ciel si je ne t'aimais pas ? A ton tour aime-moi : rêve aussi ce doux songe ; Ou, si tu ne peux pas, donne-m'en le mensonge : Je sais croire, et je puis être heureux de ma foi ! Demeure haut, ainsi que mon cœur t'a placée, Et souffre que l'espoir apaise ma pensée Lors même que ton âme émanerait de moi.

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    Albert Mérat

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    Le nez Ouvert à la fraîcheur des roses embaumées, Le nez, suite du front classiquement étroit, Se dessine un peu grand, irréprochable et droit, Dans la convention plastique des camées. La plus belle parmi les mortes bien-aimées, Cléopâtre, la reine à qui mon rêve croit, Avait ce nez petit dont, mieux qu'un charme froid, La grâce fit qu'Antoine oublia ses armées ! J'aime encore le nez des Juives, pâle et fin, Dont la narine rose anime le confins De la joue, et palpite et s'enfle sensuelle. La colère le plisse et le dédain le tord, Et l'on voit, frémissant tout entier dans son aile, Le grand amour sans peur, sans mesure et sans tort.

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    Albert Mérat

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    Le pied Je veux, humiliant mon front et mes genoux, Prosterné devant toi comme on est quand on prie, Sous le ciel de tes yeux qui font ma rêverie, Baiser pieusement tes pieds petits et doux. J'étancherai, gardant tout mon désir pour vous, La grande soif d'aimer qui n'est jamais tarie, Ô petits pieds, trésor dont la beauté marie La rose triomphale et claire au lys jaloux. Vous avez des frissons subtils comme les ailes ; Non moins immaculés que les mains et plus frêles, A peine vous posez sur notre sol impur. Peureux, lorsque ma lèvre amoureuse vous touche, Je crois sentir trembler, au souffle de ma bouche, Des oiseaux retenus captifs loin de l'azur.

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    Albert Mérat

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    Le ventre Appuyé sur les reins et sur les contours blancs Des cuisses, au-dessous des merveilles du buste, Le ventre épanouit sa tension robuste Et joint par une courbe exacte les deux flancs. Les tissus de la peau sont à peine tremblants Du souffle qui descend de la poitrine auguste ; Et leur nubilité sur les hanches s'ajuste Et s'y fond en accords superbes et saillants. Un enveloppement de caresse ou de vague En termine la grâce et dessine un pli vague Des deux côtés, sur la solidité des chairs. Au milieu, sur le fond de blancheur précieuse, Le nombril, conque rose et corolle aux plis clairs, Entrouvre son regard de fleur silencieuse.

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    Les bras Ô la plus douce et la meilleure des caresses ! Autour du cou deux bras enlacés simplement. Premier mot du désir, premier rêve d'amant, Et premier abandon de toutes les maîtresses ! Puis vaincus et jetés parmi le flot des tresses Comme le fer tenace arraché de l'aimant ; A l'ombre des rideaux le long apaisement Des suprêmes langueurs et des molles paresses. Et quand, l'âme et les sens rassasiés, l'esprit Clairvoyant vous regarde, il voit et vous décrit Relevés et pareils aux anses d'une amphore ; Du poignet nu sans vain bracelet de métal, Et du coude où le blanc a des rougeurs d'aurore, A l'épaule au parfum plus doux que le santal.

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    Les caresses, ailes de l'âme Les caresses, ailes de l'âme, Par le chemin du souvenir, S'en vont, tremblantes, vers la femme Que l'on n'a pas su retenir. Ô caresses ! choses légères, Au vol fidèle, au rhythme sûr, Suivant les chères passagères Près de la fangie ou dans l'azur ; Il se peut que je la revoie Ou que vienne l'oubli vainqueur, Mais vers elle je vous envoie, Lourdes des chaînes de mon cœur.

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    Albert Mérat

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    Les corps Les Grecs, pour honorer une de leurs Vénus, Inscrivaient Callipyge au socle de la pierre. Ils aimaient, par amour de la grande matière, La vérité des corps harmonieux et nus. Je ne crois pas aux sots faussement ingénus A qui l'éclat du beau fait baisser la paupière ; Je veux voir et nommer la forme tout entière Qui n'a point de détails honteux ou mal venus. C'est pourquoi je vous loue, ô blancheurs, ô merveilles, A ces autres beautés égales et pareilles Que l'art même, hésitant, tremble de composer ; Superbes dans le cadre indigne de la chambre, L'amoureuse nature a, d'un divin baiser, Sur votre neige aussi mis deux fossettes d'ambre.

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    Les mains Blanches, ayant la chair délicate des fleurs, On ne peut pas savoir que les mains sont cruelles. Pourtant l'âme se sèche et se flétrit par elles ; Elles touchent nos yeux pour en tirer des pleurs. Le lait pur et la nacre ont formé leurs couleurs ; Un peu de rose fait qu'elles semblent plus belles. Les veines, réseau fin de bleuâtres dentelles, En viennent affleurer les plastiques pâleurs. Si frêles ! qui pourrait redouter leurs caresses ? Les mains, filets d'amour que tendent les maîtresses, Prennent notre pensée et prennent notre cœur. Leur claire beauté ment et leurs chaînes sont sûres ; Et ma fierté subit, ainsi qu'un mal vainqueur, Les mains, les douces mains qui nous font des blessures.

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    Les parfums La moisson sent le pain : la terre boulangère Se trahit dans ses lourds épis aux grains roussis, Et caresse au parfum de ses chaumes durcis L'odorat du poète et de la ménagère. La tête dans l'air bleu, les pieds dans la fougère, Les bois sont embaumés d'un arôme indécis. La mer souffle, en mourant sur les rochers noircis, Son haleine salubre et sa vapeur légère. L'Océan, la moisson jaune, les arbres verts, Voilà les bons et grands parfums de l'univers ; Et l'on doute lequel est le parfum suprême. J'oubliais les cheveux, tissu fragile et blond, Qu'on déroule et qu'on fait ruisseler tout du long, Tout du long des reins blancs de la femme qu'on aime.

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    Les seins L'éclosion superbe et jeune de ses seins Pour enchaîner mes yeux fleurit sur sa poitrine. Tels deux astres jumeaux dans la clarté marine Palpitent dévolus aux suprêmes desseins. Vous contenez l'esprit loin des rêves malsains, Nobles rondeurs, effroi de la pudeur chagrine ! Et c'est d'un trait pieux que mon doigt vous burine, Lumineuses parmi la pourpre des coussins. Blanches sérénités de l'océan des formes, Quelquefois je vous veux, sous les muscles énormes, Géantes et crevant le moule de mes mains. Plus frêles, mesurant l'étreinte de ma lèvre, Vers la succession des muets lendemains, Conduisez lentement mon extase sans fièvre.

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    Les vagues Vous êtes la beauté. Vers, la pure Ionie C'est de vous que naquit Vénus au temps des dieux, Et vous avez formé son corps victorieux De votre onde mobile à la lumière unie. C'est vous, près des vaisseaux, qui faisiez l'harmonie Des sirènes charmant les Grecs mélodieux, Et reflétiez l'effroi des grands temples pieux De Sunium aux bois sacrés de l'Ausonie. Bien que l'âge ait passé des vieux mythes charmants Et qu'au sein de vos flots soulevés ou dormants La raison ait tué la chimère sacrée, Au fond de votre abîme impénétrable et bleu, L'âme malgré soi cherche et regarde attirée Si dans cet autre ciel on ne verrait pas Dieu.

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    Albert Mérat

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    Les épaules La courbe n'eut jamais d'inflexions plus douces, Excepté quand elle est le sein pur et charmant. Elles laissent tomber leurs ondes mollement Dans la succession des lignes sans secousses. Une ombre d'or que font des duvets et des mousses ! A l'aisselle en finit l'épanouissement ; Et les songes légers qui viennent en aimant Sur elles vont dormir au bord des tresses rousses. Opulentes, sans rien qui sente la maigreur, Elles ont, n'étant pas sujettes à l'erreur, L'impeccabilité de marbre des déesses. Nul voisinage exquis n'est pour elles gênant ! Elles n'ont pas besoin de faire des promesses. Car elles sont un tout suprême et rayonnant.

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    Non, je ne te réclame rien Non, je ne te réclame rien ; Conserve de l'heure passée Tout ce que tu pris de mon bien : Mon cœur, hélas ! et ma pensée. Tu pourras en avoir besoin En ces tristes nuits sans délire Où l'on pleurerait dans un coin, Si l'on pouvait, au lieu de rire. Dans ton cœur à peine fermé Souffre que le regret s'attarde. — Le souvenir d'avoir aimé Te suive longtemps, et te garde !

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    Non, tu ne m'as rien emporté Non, tu ne m'as rien emporté ! C'est encor moi qui te possède ; J'ai gardé toute ta beauté ; A nul autre je ne te cède ! Écoute ! L'homme à qui tes bras Ouvrent le ciel de tes caresses, Quoi qu'il fasse, ne t'aura pas, Ô la plus belle des maîtresses ! J'ai mis à l'abri mes trésors Comme un avare statuaire ; Et la merveille de ton corps A mon âme pour sanctuaire.

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    Albert Mérat

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    Oh ! pourquoi partir sans adieux Oh ! pourquoi partir sans adieux ? Pourquoi m'ôter ton doux visage, Tes lèvres chères et tes yeux Où je n'ai pas lu ce présage ? Pourquoi sans un mot de regret ? Est-ce que l'heure était venue ? Si ton cœur, hélas ! était prêt, Je ne t'aurais pas retenue. Pourquoi t'oublîrais-je ? La main De qui me vint cette blessure Eut ce cher caprice inhumain, Et pour me frapper fut peu sûre.

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    Passe-port Nez moyen. Œil très-noir. Vingt ans. Parisienne Les cheveux bien plantés sur un front un peu bas. Nom simple et très joli, que je ne dirai pas. Signe particulier : ta maîtresse, ou la mienne. Une grâce, charmante et tout à fait païenne ; L'allure d'un oiseau qui retient ses ébats ; Une voix attirante, à ramper sur ses pas Comme un serpent aux sons d'une flûte indienne. Trouvée un soir d'hiver sous un bouquet de bal ; Chérissant les grelots, ivre de carnaval, Et vous aimant... le temps de s'affoler d'un autre. Une adorable fille, — une fille sans cœur, Douce comme un soupir sur un accord moqueur... Signe particulier: ma maîtresse, ou la vôtre.

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    Printemps passé Comme elle était si jeune et qu'elle était si blonde, Comme elle avait la peau si blanche et l'œil si noir, Je me laissai mener, docile, par l'espoir D'engourdir ma rancœur sur sa poitrine ronde. Son regard où dormait la volupté profonde M'attirait lentement ; et, sans m'apercevoir Que l'image était belle à cause du miroir, Je suivis la sirène adorable dans l'onde. Elle me regardait avec un air moqueur Faire naïvement si large dans mon cœur Une place où loger son âme si petite. L'aimais-je pour ses yeux qui ne pleurent jamais, Pour son esprit léger qui m'oublia si vite ? Je ne sais. Je l'aimais parce que je l'aimais !

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    Quand les malheureux ont l'été Quand les malheureux ont l'été Et le soleil pour leur sourire, Il semble qu'un peu de gaité Vienne atténuer leur martyre. Mais l'hiver, quand il fait si froid, Malgré la force coutumière, L'espérance cède et décroît Ainsi que la douce lumière. Avant que le ciel ne soit bleu, L'amant triste, la lèvre aride, N'a plus même le coin du feu, Où la place laissée est vide.

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    Albert Mérat

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    Quand on est heureux, on n'a pas d'histoire Quand on est heureux, on n'a pas d'histoire. On se cache, on s'aime à l'ombre, tout bas ; Rien de glorieux, pas de fait notoire ; Le monde oublié ne vous connaît pas. Si quelqu'un pourtant, avec un sourire Dit, en vous voyant fuir l'éclat du jour : « Ce sont des hiboux ! » eh bien, laissez dire... Ce sont des oiseaux éblouis d'amour. Quand le baiser fait la parole vaine, On s'en va, muets, dans les grands prés verts. — Loin de mon bonheur, je fixe ma peine Sur l'émail fragile et bleu de mes vers.

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    Albert Mérat

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    Rêve Quand on rêve, l'on est aimé si tendrement ! L'autre nuit, tu t'en vins avec mélancolie Appuyer sur mon cœur ton visage charmant. Tu ne me disais pas : Je t'aime à la folie. Tu ne me disais rien ; et, je ne sais comment, Tes regards me parlaient une langue accomplie. Douce, tu m'attirais comme fait un aimant ; L'amour, cette beauté, t'avait tout embellie. J'ai rêvé cette nuit mon rêve le plus beau : Ton âme m'éclairait le cœur comme un flambeau, Et je voyais ton cœur au soleil de mon âme ; Ton petit cœur, qui craint tant de se laisser voir, Et qui, sincère alors ainsi qu'un pur miroir, Reflétait mon bonheur et rayonnait ma flamme.

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    Albert Mérat

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    S'il ne t'avait fallu que mon sang S'il ne t'avait fallu que mon sang et ma vie, S'il ne t'avait fallu que mes nuits et mes jours, Tu sais comme j'aurais noué nos deux amours : Par le bien, par le mal, mon cœur t'aurait suivie. S'il ne t'avait fallu, pour combler ton envie, Que poser devant tous et poser pour toujours Tes petits pieds tyrans sur ma tête asservie, Je ne les eusse point trouvés blessants ni lourds. Que te fallait-il donc ? Ma tête était pliée ; Mon âme, tu sais bien que tu l'avais liée Au fil d'or invisible, et qui ne rompt jamais. Je vais te dire. C'est, ô ma petite blonde, Une histoire, vois-tu, vieille comme le monde : Tu ne pouvais m'aimer, puisque, moi, je t'aimais.

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