Charles-Augustin Sainte-Beuve
@charlesAugustinSainteBeuve
Espérance Quand le dernier reflet d’automne A fui du front chauve des bois ; Qu’aux champs la bise monotone Depuis bien des jours siffle et tonne, Et qu’il a neigé bien des fois ; Soudain une plus tiède haleine A-t-elle passé sous le ciel : Soudain, un matin, sur la plaine, De brumes et de glaçons pleine, Luit-il un rayon de dégel : Au soleil, la neige s’exhale ; La glèbe se fond à son tour ; Et sous la brise matinale, Comme aux jours d’ardeur virginale, La terre s’enfle encor d’amour. L’herbe, d’abord inaperçue, Reluit dans le sillon ouvert ; La sève aux vieux troncs monte et sue ; Aux flancs de la roche moussue Perce déjà le cresson vert. Le lierre, après la neige blanche, Reparaît aux crêtes des murs ; Point de feuille, au bois, sur la branche ; Mais le suc en bourgeons s’épanche, Et les rameaux sont déjà mûrs. Le sol rend l’onde qu’il recèle ; Et le torrent longtemps glacé Au front des collines ruisselle, Comme des pleurs aux yeux de celle Dont le désespoir a passé.