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Titre : Le songe

Auteur : Charles-Augustin Sainte-Beuve Recueil : Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme, 1829

Quand autrefois dans cette arène, Où tout mortel suit son chemin, En coureur que la gloire entraîne, Je m'élançais, l'âme sereine, Un flambeau brillant à la main ; Des Muses belliqueux élève, Quand je rêvais nobles assauts, Couronne et laurier, lyre et glaive, Étendards poudreux qu'on enlève, Baisers cueillis sous des berceaux ; Partout vainqueur, amant, poète, Pensais-je, hélas ! que mon flambeau Au lieu de triomphe et de fête, N'éclairerait que ma défaite Et mes ennuis jusqu'au tombeau ? La destinée à ma jeunesse Semblait sourire avec amour ; J'aimais la vie avec ivresse, Ainsi qu'on aime une maîtresse Avant la fin du premier jour. Il a fui, mon rêve éphémère... Tel, d'un sexe encore incertain, Un bel enfant près de sa mère Poursuit la flatteuse chimère De son doux rêve du matin. Tout s'éveille, et, lui, dort encore ; Déjà pourtant il n'est plus nuit ; L'aube blanchit devant l'Aurore ; Sous l'œil du Dieu qui la dévore, L'Aurore rougit et s'enfuit. Il dort son sommeil d'innocence ; Avec l'aube son front blanchit ; Puis par degrés il se nuance Avec l'Aurore qui s'avance Et qui bientôt s'y réfléchit. Un voile couvre sa prunelle Et cache le ciel à ses yeux ; Maison songe le lui révèle ; En songe, son âme étincelle Des rayons qui peignent les cieux. Ô coule, coule, onde nouvelle, Suis mollement ton cours vermeil ! Peux-tu jamais couler plus belle Que sous la grotte maternelle, Aux premiers rayons du soleil ? Que j'aime ce front sans nuage, Qu'arrose un plus frais coloris ! Bel enfant, quel charmant présage Parmi les fleurs de ton visage Fait soudain éclore un souris ? Dans la vie encore ignorée As-tu cru voir un bonheur pur ? Un ange te l'a-t-il montrée Brillante, sereine, azurée, À travers ses ailes d'azur ? Ou quelque bonne fée Urgèle, Promettant palais et trésor Au filleul mis sous sa tutelle, Pour te promener t'aurait-elle Ravi sur son nuage d'or ? Mais le soleil suit sa carrière, Et voilà qu'un rayon lancé De l'enfant perce la paupière ; Ses yeux s'ouvrent à la lumière ; Il pleure... le songe est passé !