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80 poésies en cours de vérification
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Poésies de la collection objets

    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    La dignité des objets Et la baignoire, si tu crois qu'à se remplir, qu'à se vider, elle n'a pas sous la blancheur de son émail une existence plus profonde ? Et la lucarne, si tu crois qu'à saluer puis reconduire tous les jours la même étoile, elle n'a pas son astre à elle, clandestin ? Et la moquette, si tu crois qu'en piétinant, qu'en bafouant sa chair tu la prives d'un songe désinvolte et royal ? Et le peigne teigneux dans la cuisine, si tu crois que tu l'empêches de s'inventer la chevelure - tout un fleuve ! - d'une déesse ? Et si tu crois que dans la cour la poubelle n'a pas - car son âme est très propre un nid pour l'oiseau-lyre et la jeune cigogne ?

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    La coupe Au temps des Immortels, fils de la vie en fête, Où la Lyre élevait les assises des tours, Un artisan sacré modela mes contours Sur le sein d’une vierge, entre ses soeurs parfaite, Des siècles je régnai, splendide et satisfaite, Et les yeux m’adoraient… Quand, vers la fin des jours, De mes félicités le sort rompit le cours, Et je fus emportée au vent de la défaite. Vieille à présent, je vis ; mais, fixe en mon destin, Je vis, toujours debout sur un socle hautain, Dans l’empyrée, où l’Art divin me transfigure. Je suis la Coupe d’or, fille du temps païen ; Et depuis deux mille ans je garde, à jamais pure, L’incorruptible orgueil de ne servir à rien.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    La flûte I Un jour je vis s’asseoir au pied de ce grand arbre Un Pauvre qui posa sur ce vieux banc de marbre Son sac et son chapeau, s’empressa d’achever Uu morceau de pain noir, puis se mit à rêver. Il paraissait chercher dans les longues allées Quelqu’un pour écouter ses chansons désolées ; Il suivait à regret la trace des passants Rares et qui, pressés, s’en allaient en tous sens. Avec eux s’enfuyait l’aumône disparue, Prix douteux d’un lit dur en quelque étroite rue Et d’un amer souper dans un logis malsain. Cependant il tirait lentement de son sein, Comme se préparait au martyre un apôtre, Les trois parts d’une Flûte et liait l’une à l’autre Essayait l’embouchure à son menton tremblant, Faisait mouvoir la clef, l’épurait en soufflant, Sur ses genoux ployés frottait le bois d’ébène, Puis jouait. — Mais son front en vain gonflait sa veine, Personne autour de lui pour entendre et juger L’humble acteur d’un public ingrat et passager. J’approchais une main du vieux chapeau d’artiste Sans attendre un regard de son œil doux et triste En ce temps, de révolte et d’orgueil si rempli ; Mais, quoique pauvre, il fut modeste et très poli. II Il me fit un tableau de sa pénible vie. Poussé par ce démon qui toujours nous convie, Ayant tout essayé, rien ne lui réussit, Et le chaos entier roulait dans son récit. Ce n’était qu’élan brusque et qu’ambitions folles, Qu’entreprise avortée et grandeur en paroles. D’abord, à son départ, orgueil démesuré, Gigantesque écriteau sur un front assuré, Promené dans Paris d’une façon hautaine : Bonaparte et Byron, poète et capitaine, Législateur aussi, chef de religion (De tous les écoliers c’est la contagion), Père d’un panthéisme orné de plusieurs choses, De quelques âges d’or et des métempsychoses De Bouddha, qu’en son cœur il croyait inventer ; Il l’appliquait à tout, espérant importer Sa révolution dans sa philosophie ; Mais des contrebandiers notre âge se défie ; Bientôt par nos fleurets le défaut est trouvé ; D’un seul argument fin son ballon fut crevé. Pour hisser sa nacelle il en gonfla bien d’autres Que le vent dispersa. Fatigué des apôtres, Il dépouilla leur froc. (Lui-même le premier Souriait tristement de cet air cavalier Dont sa marche, au début, avait été fardée Et, pour d’obscurs combats, si pesamment bardée ; Car, plus grave à présent, d’une double lueur Semblait se réchauffer et s’éclairer son cœur ; Le Bon Sens qui se voit, la Candeur qui l’avoue, Coloraient en parlant les pâleurs de sa joue.) Laissant donc les couvents, Panthéistes ou non, Sur la poupe d’un drame il inscrivit son nom Et vogua sur ces mers aux trompeuses étoiles ; Mais, faute de savoir, il sombra sous ses voiles Avant d’avoir montré son pavillon aux airs. Alors rien devant lui que flots noirs et déserts, L’océan du travail si chargé de tempêtes Où chaque vague emporte et brise mille têtes. Là, flottant quelques jours sans force et sans fanal, Son esprit surnagea dans les plis d’un journal, Radeau désespéré que trop souvent déploie L’équipage affamé qui se perd et se noie. Il s’y noya de même, et de même, ayant faim, Fit ce que fait tout homme invalide et sans pain.  » Je gémis, disait-il, d’avoir une pauvre âme Faible autant que serait l’âme de quelque femme, Qui ne peut accomplir ce qu’elle a commencé Et s’abat au départ sur tout chemin tracé. L’idée à l’horizon est à peine entrevue, Que sa lumière écrase et fait ployer ma vue. Je vois grossir l’obstacle en invincible amas, Je tombe ainsi que Paul en marchant vers Damas. — Pourquoi, me dit la voix qu’il faut aimer et craindre, Pourquoi me poursuis-tu, toi qui ne peux m’étreindre ? — Et le rayon me trouble et la voix m’étourdit, Et je demeure aveugle et je me sens maudit. «  III —  » Non, criai-je en prenant ses deux mains dans les miennes, Ni dans les grandes lois des croyances anciennes, Ni dans nos dogmes froids, forgés à l’atelier, Entre le banc du maître et ceux de l’écolier, Ces faux Athéniens dépourvus d’Atticisme, Qui nous soufflent aux yeux des bulles de Sophisme, N’ont découvert un mot par qui fût condamné L’homme aveuglé d’esprit plus que l’aveugle-né. C’est assez de souffrir sans se juger coupable Pour avoir entrepris et pour être incapable ; J’aime, autant que le fort, le faible courageux Qui lance un bras débile en des flots orageux, De la glace d’un lac plonge dans la fournaise Et d’un volcan profond va tourmenter la braise. Ce Sisyphe éternel est beau, seul, tout meurtri, Brûlé, précipité, sans jeter un seul cri, Et n’avouant jamais qu’il saigne et qu’il succombe À toujours ramasser son rocher qui retombe. Si, plus haut parvenus, de glorieux esprits Vous dédaignent jamais, méprisez leur mépris ; Car ce sommet de tout, dominant toute gloire, Ils n’y sont pas, ainsi que l’œil pourrait le croire. On n’est jamais en haut. Les forts, devant leurs pas, Trouvent un nouveau mont inaperçu d’en bas. Tel que l’on croit complet et maître en toute chose Ne dit pas les savoirs qu’à tort on lui suppose, Et qu’il est tel grand but qu’en vain il entreprit. — Tout homme a vu le mur qui borne son esprit. Du corps et non de l’âme accusons l’indigence. Des organes mauvais servent l’intelligence Et touchent, en tordant et tourmentant leur nœud, Ce qu’ils peuvent atteindre et non ce qu’elle veut. En traducteurs grossiers de quelque auteur céleste Ils parlent… Elle chante et désire le reste. Et, pour vous faire ici quelque comparaison, Regardez votre Flûte, écoutez-en le son. Est-ce bien celui-là que voulait faire entendre La lèvre ? Était-il pas ou moins rude ou moins tendre ? Eh bien, c’est au bois lourd que sont tous les défauts, Votre souffle était juste et votre chant est faux. Pour moi qui ne sais rien et vais du doute au rêve, Je crois qu’après la mort, quand l’union s’achève, L’âme retrouve alors la vue et la clarté, Et que, jugeant son œuvre avec sérénité, Comprenant sans obstacle et s’expliquant sans peine, Comme ses sœurs du ciel elle est puissante et reine, Se mesure au vrai poids, connaît visiblement Que son souffle était faux par le faux instrument, N’était ni glorieux ni vil, n’étant pas libre ; Que le corps seulement empêchait l’équilibre ; Et, calme, elle reprend, dans l’idéal bonheur, La sainte égalité des esprits du Seigneur. «  IV Le Pauvre alors rougit d’une joie imprévue, Et contempla sa Flûte avec une autre vue ; Puis, me connaissant mieux, sans craindre mon aspect, Il la baisa deux fois en signe de respect, Et joua, pour quitter ses airs anciens et tristes, Ce Salve Regina que chantent les Trappistes. Son regard attendri paraissait inspiré, La note était plus juste et le souffle assuré.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    Le cor I J’aime le son du Cor, le soir, au fond des bois, Soit qu’il chante les pleurs de la biche aux abois, Ou l’adieu du chasseur que l’écho faible accueille, Et que le vent du nord porte de feuille en feuille. Que de fois, seul, dans l’ombre à minuit demeuré, J’ai souri de l’entendre, et plus souvent pleuré ! Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques Qui précédaient la mort des Paladins antiques. Ô montagne d’azur ! ô pays adoré ! Rocs de la Frazona, cirque du Marboré, Cascades qui tombez des neiges entraînées, Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées ; Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons, Dont le front est de glace et le pied de gazons ! C’est là qu’il faut s’asseoir, c’est là qu’il faut entendre Les airs lointains d’un Cor mélancolique et tendre. Souvent un voyageur, lorsque l’air est sans bruit, De cette voix d’airain fait retentir la nuit ; À ses chants cadencés autour de lui se mêle L’harmonieux grelot du jeune agneau qui bêle. Une biche attentive, au lieu de se cacher, Se suspend immobile au sommet du rocher, Et la cascade unit, dans une chute immense, Son éternelle plainte au chant de la romance. Âmes des Chevaliers, revenez-vous encor ? Est-ce vous qui parlez avec la voix du Cor ? Roncevaux ! Roncevaux ! Dans ta sombre vallée L’ombre du grand Roland n’est donc pas consolée ! II Tous les preux étaient morts, mais aucun n’avait fui. Il reste seul debout, Olivier près de lui, L’Afrique sur les monts l’entoure et tremble encore. « Roland, tu vas mourir, rends-toi, criait le More ; Tous tes Pairs sont couchés dans les eaux des torrents. » Il rugit comme un tigre, et dit : « Si je me rends, Africain, ce sera lorsque les Pyrénées Sur l’onde avec leurs corps rouleront entraînées. — Rends-toi donc, répond-il, ou meurs, car les voilà. » Et du plus haut des monts un grand rocher roula. Il bondit, il roula jusqu’au fond de l’abîme, Et de ses pins, dans l’onde, il vint briser la cime. « Merci, cria Roland ; tu m’as fait un chemin. » Et jusqu’au pied des monts le roulant d’une main, Sur le roc affermi comme un géant s’élance, Et, prête à fuir, l’armée à ce seul pas balance. III Tranquilles cependant, Charlemagne et ses preux Descendaient la montagne et se parlaient entre eux. À l’horizon déjà, par leurs eaux signalées, De Luz et d’Argelès se montraient les vallées. L’armée applaudissait. Le luth du troubadour S’accordait pour chanter les saules de l’Adour ; Le vin français coulait dans la coupe étrangère ; Le soldat, en riant, parlait à la bergère. Roland gardait les monts ; tous passaient sans effroi. Assis nonchalamment sur un noir palefroi Qui marchait revêtu de housses violettes, Turpin disait, tenant les saintes amulettes : « Sire, on voit dans le ciel des nuages de feu ; Suspendez votre marche ; il ne faut tenter Dieu. Par monsieur saint Denis, certes ce sont des âmes Qui passent dans les airs sur ces vapeurs de flammes. Deux éclairs ont relui, puis deux autres encor. » Ici l’on entendit le son lointain du Cor. — L’Empereur étonné, se jetant en arrière, Suspend du destrier la marche aventurière. « Entendez-vous ! dit-il. — Oui, ce sont des pasteurs Rappelant les troupeaux épars sur les hauteurs, Répondit l’archevêque, ou la voix étouffée Du nain vert Obéron qui parle avec sa Fée. » Et l’Empereur poursuit ; mais son front soucieux Est plus sombre et plus noir que l’orage des cieux. Il craint la trahison, et, tandis qu’il y songe, Le Cor éclate et meurt, renaît et se prolonge. « Malheur ! c’est mon neveu ! malheur ! car si Roland Appelle à son secours, ce doit être en mourant. Arrière, chevaliers, repassons la montagne ! Tremble encor sous nos pieds, sol trompeur de l’Espagne ! » IV Sur le plus haut des monts s’arrêtent les chevaux ; L’écume les blanchit ; sous leurs pieds, Roncevaux Des feux mourants du jour à peine se colore. À l’horizon lointain fuit l’étendard du More. « Turpin, n’as-tu rien vu dans le fond du torrent ? — J’y vois deux chevaliers : l’un mort, l’autre expirant. Tous deux sont écrasés sous une roche noire ; Le plus fort, dans sa main, élève un Cor d’ivoire, Son âme en s’exhalant nous appela deux fois. » Dieu ! que le son du Cor est triste au fond des bois ! Écrit à Pau, en 1825

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    Symétha À Pichald « Navire aux larges flancs de guirlandes ornés, Aux Dieux d’ivoire, aux mâts de roses couronnés ! Oh ! qu’Eole, du moins, soit facile à tes voiles ! Montrez vos feux amis, fraternelles étoiles ! Jusqu’au port de Lesbos guidez le nautonier, Et de mes vœux pour elle exaucez le dernier : Je vais mourir, hélas ! Symétha s’est fiée Aux flots profonds ; l’Attique est par elle oubliée. Insensée ! elle fuit nos bords mélodieux, Et les bois odorants, berceaux des demi-Dieux, Et les chœurs cadencés dans les molles prairies, Et, sous les marbres frais, les saintes Théories. Nous ne la verrons plus, au pied du Parthénon, Invoquer Athénée en répétant son nom ; Et, d’une main timide, à nos rites fidèle, Ses longs cheveux dorés couronnés d’asphodèle, Consacrer ou le voile, ou le vase d’argent, Ou la pourpre attachée au fuseau diligent. O vierge de Lesbos ! que ton île abhorrée S’engloutisse dans l’onde à jamais ignorée, Avant que ton navire ait pu toucher ses bords ! Qu’y vas-tu faire ? Hélas ! quel palais, quels trésors Te vaudront notre amour ? Vierge, qu’y vas-tu faire ? N’es-tu pas, Lesbienne, à Lesbos étrangère ? Athène a vu longtemps s’accroître ta beauté, Et, depuis que trois fois t’éclaira son été, Ton front s’est élevé jusqu’au front de ta mère ; Ici, loin des chagrins de ton enfance amère, Les Muses t’ont souri. Les doux chants de ta voix Sont nés Athéniens ; c’est ici, sous nos bois, Que l’amour t’enseigna le joug que tu m’imposes ; Pour toi mon seuil joyeux s’est revêtu de roses. « Tu pars ; et cependant m’as-tu toujours haï, Symétha ? Non, ton cœur quelquefois s’est trahi ; Car, lorsqu’un mot flatteur abordait ton oreille, La pudeur souriait sur ta lèvre vermeille : Je l’ai vu, ton sourire aussi beau que le jour ; Et l’heure du sourire est l’heure de l’amour. Mais le flot sur le flot en mugissant s’élève, Et voile à ma douleur le vaisseau qui t’enlève. C’en est fait, et mes pieds déjà sont chez les morts ; Va, que Vénus du moins t’épargne le remords ! Lie un nouvel hymen ! va ; pour moi, je succombe ; Un jour, d’un pied ingrat tu fouleras ma tombe, Si le destin vengeur te ramène eu ces lieux Ornés du monument de tes cruels adieux. » — Dans le port du Pirée, un jour fut entendue Cette plainte innocente, et cependant perdue ; Car la vierge enfantine, auprès des matelots, Admirait et la rame, et l’écume des flots ; Puis, sur la haute poupe accourue et couchée, Saluait, dans la mer, son image penchée, Et lui jetait des fleurs et des rameaux flottants, Et riait de leur chute et les suivait longtemps ; Ou, tout à coup rêveuse, écoutait le Zéphire, Qui, d’une aile invisible, avait ému sa lyre. Écrit en 1815.

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    Alphonse Daudet

    Alphonse Daudet

    @alphonseDaudet

    Les bottines Ce bruit charmant des talons qui résonnent sur le parquet : clic ! clac ! est le plus joli thème pour un rondeau. GŒTHE, Wilhelm Meister. I Moitié chevreau, moitié satin, Quand elles courent par la chambre, Clic ! clac ! Il faut voir de quel air mutin Leur fine semelle se cambre. Clic ! Clac ! Sous de minces boucles d’argent, Toujours trottant, jamais oisives, Clic ! clac ! Elles ont l’air intelligent De deux petites souris vives. Clic ! clac ! Elles ont le marcher d’un roi, Les élégances d’un Clitandre, Clic ! clac ! Par là-dessus, je ne sais quoi De fou, de railleur et de tendre. Clic ! clac ! II En hiver au coin d’un bon feu, Quand le sarment pétille et flambe, Clic ! clac ! Elles aiment à rire un peu, En laissant voir un bout de jambe. Clic ! clac ! Mais quoique assez lestes, – au fond, Elles ne sont pas libertines, Clic ! clac ! Et ne feraient pas ce que font La plupart des autres bottines. Clic ! clac ! Jamais on ne nous trouvera, Dansant des polkas buissonnières, Clic ! clac ! Au bal masqué de l’Opéra, Ou dans le casion d’Asnières. Clic ! clac ! C’est tout au plus si nous allons, Deux fois par mois, avec décence, Clic ! clac ! Nous trémousser dans les salons Des bottines de connaissance. Clic ! clac ! Puis quand nous avons bien trotté, Le soir nous faisons nos prières, Clic ! clac ! Avec toute la gravité De deux petites sœurs tourières. Clic ! clac ! III Maintenant, dire où j’ai connu Ces merveilles de miniature, Clic ! clac ! Le premier chroniqueur venu Vous en contera l’aventure. Clic ! clac ! Je vous avouerai cependant Que souventes fois il m’arrive, Clic ! clac ! De verser, en les regardant, Une grosse larme furtive. Clic ! clac ! Je songe que tout doit finir, Même un poème d’humoriste, Clic ! clac ! Et qu’un jour prochain peut venir Où je serai bien seul, bien triste, Clic ! clac ! Lorsque, – pour une fois, Mes oiseaux prenant leur volée, Clic ! clac ! De loin, sur l’escalier de bois, J’entendrai, l’âme désolée : Clic ! clac !

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    La cloche du village Oh ! quand cette humble cloche à la lente volée Épand comme un soupir sa voix sur la vallée, Voix qu’arrête si près le bois ou le ravin ; Quand la main d’un enfant qui balance cette urne En verse à sons pieux dans la brise nocturne Ce que la terre a de divin ; Quand du clocher vibrant l’hirondelle habitante S’envole au vent d’airain qui fait trembler sa tente, Et de l’étang ridé vient effleurer les bords, Ou qu’à la fin du fil qui chargeait sa quenouille La veuve du village à ce bruit s’agenouille Pour donner leur aumône aux morts : Ce qu’éveille en mon sein le chant du toit sonore, Ce n’est pas la gaieté du jour qui vient d’éclore. Ce n’est pas le regret du jour qui va finir, Ce n’est pas le tableau de mes fraîches années Croissant sur ces coteaux parmi ces fleurs fanées Qu’effeuille encor mon souvenir ; Ce n’est pas mes sommeils d’enfant sous ces platanes, Ni ces première élans du jeu de mes organes, Ni mes pas égarés sur ces rudes sommets, Ni ces grands cris de joie en aspirant vos vagues, Ô brises du matin pleines de saveurs vagues Et qu’on croit n’épuiser jamais ! Ce n’est pas le coursier atteint dans la prairie, Pliant son cou soyeux sous ma main aguerrie Et mêlant sa crinière à mes beaux cheveux blonds, Quand, le sol sous ses pieds sonnant comme une enclume, Sa croupe m’emportait et que sa blanche écume Argentait l’herbe des vallons ! Ce n’est pas même, amour ! ton premier crépuscule, Au mois où du printemps la sève qui circule Fait fleurir la pensée et verdir le buisson, Quand l’ombre ou seulement les jeunes voix lointaines Des vierges rapportant leurs cruches des fontaines Laissaient sur ma tempe un frisson. Ce n’est pas vous non plus, vous que pourtant je pleure, Premier bouillonnement de l’onde intérieure, Voix du cœur qui chantait en s’éveillant en moi, Mélodieux murmure embaumé d’ambroisie Qui fait rendre à sa source un vent de poésie !… Ô gloire, c’est encor moins toi ! De mes jours sans regret que l’hiver vous remporte Avec le chaume vide, avec la feuille morte, Avec la renommée, écho vide et moqueur ! Ces herbes du sentier sont des plantes divines Qui parfument les pieds : oui ! mais dont les racines Ne s’enfoncent pas dans le cœur ! Guirlandes du festin que pour un soir on cueille, Que la haine empoisonne ou que l’envie effeuille, Dont vingt fois sous les mains la couronne se rompt, Qui donnent à la vie un moment de vertige, Mais dont la fleur d’emprunt ne tient pas à la tige, Et qui sèche en tombant du front. C’est le jour où ta voix dans la vallée en larmes Sonnait le désespoir après le glas d’alarmes, Où deux cercueils passant sous les coteaux en deuil, Et bercés sur des cœurs par des sanglots de femmes, Dans un double sépulcre enfermèrent trois âmes Et m’oublièrent sur le seuil ! De l’aurore à la nuit, de la nuit à l’aurore, Ô cloche ! tu pleuras comme je pleure encore, Imitant de nos cœurs le sanglot étouffant ; L’air, le ciel, résonnaient de ta complainte amère, Comme si chaque étoile avait perdu sa mère Et chaque brise son enfant ! Depuis ce jour suprême où ta sainte harmonie Dans ma mémoire en deuil à ma peine est unie, Où ton timbre et mon cœur n’eurent qu’un même son, Oui ! ton bronze sonore et trempé dans la flamme Me semble, quand il pleure, un morceau de mon âme Qu’un ange frappe à l’unisson ! Je dors lorsque tu dors, je veille quand tu veilles ; Ton glas est un ami qu’attendent mes oreilles ; Entre la voix des tours je démêle ta voix, Et ta vibration encore en moi résonne Quand l’insensible bruit qu’un moucheron bourdonne Te couvre déjà sous les bois ! Je me dis : Ce soupir mélancolique et vague Que l’air profond des nuits roule de vague en vague, Ah ! c’est moi, pour moi seul, là-haut retentissant ! Je sais ce qu’il me dit, il sait ce que je pense. Et le vent qui l’ignore, à travers ce silence, M’apporte un sympathique accent. Je me dis : Cet écho de ce bronze qui vibre, Avant de m’arriver au cœur de fibre en fibre, A frémi sur la dalle où tout mon passé dort ; Du timbre du vieux dôme il garde quelque chose : La pierre du sépulcre où mon amour repose Sonne aussi dans ce doux accord ! Ne t’étonne donc pas, enfant, si ma pensée, Au branle de l’airain secrètement bercée, Aime sa voix mystique et fidèle au trépas, Si dès le premier son qui gémit sous sa voûte, Sur un pied suspendu, je m’arrête et j’écoute Ce que la mort me dit tout bas. Et toi, saint porte-voix des tristesses humaines, Que la terre inventa pour mieux crier ses peines, Chante ! des cœurs brisés le timbre est encor beau ! Que ton gémissement donne une âme à la pierre, Des larmes aux yeux secs, un signe à la prière, Une mélodie au tombeau ! Moi, quand des laboureurs porteront dans ma bière Le peu qui doit rester ici de ma poussière ; Après tant de soupirs que mon sein lance ailleurs, Quand des pleureurs gagés, froide et banale escorte, Déposeront mon corps endormi sous la porte Qui mène à des soleils meilleurs ; Si quelque main pieuse en mon honneur te sonne, Des sanglots de l’airain, oh ! n’attriste personne, Ne va pas mendier des pleurs à l’horizon ; Mais prends ta voix de fête, et sonne sur ma tombe Avec le bruit joyeux d’une chaîne qui tombe Au seuil libre d’une prison ! Ou chante un air semblable au cri de l’alouette Qui, s’élevant du chaume où la bise la fouette, Dresse à l’aube du jour son vol mélodieux, Et gazouille ce chant qui fait taire d’envie Ses rivaux attachés aux ronces de la vie, Et qui se perd au fond des cieux ! ENVOI Mais sonne avant ce jour, sonne doucement l’heure Où quelque barde ami, dans mon humble demeure, Vient de mon cœur malade éclairer le long deuil, Et me laisse en partant, charitable dictame, Deux gouttes du parfum qui coule de son âme Pour embaumer longtemps mon seuil.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Le crucifix Toi que j’ai recueilli sur sa bouche expirante Avec son dernier souffle et son dernier adieu, Symbole deux fois saint, don d’une main mourante, Image de mon Dieu ! Que de pleurs ont coulé sur tes pieds, que j’adore, Depuis l’heure sacrée où, du sein d’un martyr, Dans mes tremblantes mains tu passas, tiède encore De son dernier soupir ! Les saints flambeaux jetaient une dernière flamme ; Le prêtre murmurait ces doux chants de la mort, Pareils aux chants plaintifs que murmure une femme A l’enfant qui s’endort. ……………………………………………. De son pieux espoir son front gardait la trace, Et sur ses traits, frappés d’une auguste beauté, La douleur fugitive avait empreint sa grâce, La mort sa majesté. Le vent qui caressait sa tête échevelée e montrait tour à tour ou me voilait ses traits, Comme l’on voit flotter sur un blanc mausolée L’ombre des noirs cyprès. Un de ses bras pendait de la funèbre couche, L’autre, languissamment replié sur son coeur, Semblait chercher encore et presser sur sa bouche L’image du Sauveur. Ses lèvres s’entr’ouvraient pour l’embrasser encore, ais son âme avait fui dans ce divin baiser, Comme un léger parfum que la flamme dévore Avant de l’embraser. aintenant tout dormait sur sa bouche glacée, Le souffle se taisait dans son sein endormi, Et sur l’oeil sans regard la paupière affaissée Retombait à demi. Et moi, debout, saisi d’une terreur secrète, Je n’osais m’approcher de ce reste adoré, Comme si du trépas la majesté muette L’eût déjà consacré. Je n’osais!… mais le prêtre entendit mon silence, Et, de ses doigts glacés prenant le crucifix : « Voilà le souvenir, et voilà l’espérance : Emportez-les, mon fils! » Oui, tu me resteras, ô funèbre héritage ! Sept fois depuis ce jour l’arbre que j’ai planté Sur sa tombe sans nom a changé son feuillage : Tu ne m’as pas quitté. Placé près de ce coeur, hélas! où tout s’efface, Tu l’as contre le temps défendu de l’oubli, Et mes yeux, goutte à goutte, ont imprimé leur trace Sur l’ivoire amolli. O dernier confident de l’âme qui s’envole, Viens, reste sur mon coeur! parle encore, et dis-moi Ce qu’elle te disait quand sa faible parole N’arrivait plus qu’à toi. A cette heure douteuse où l’âme recueillie, Se cachant sous le voile épaissi sur nos yeux, Hors de nos sens glacés pas à pas se replie, Sourde aux derniers adieux ; Alors qu’entre la vie et la mort incertaine, Comme un fruit par son poids détaché du rameau, Notre âme est suspendue et tremble à chaque haleine Sur la nuit du tombeau ; Quand des chants, des sanglots la confuse harmonie N’éveille déjà plus notre esprit endormi, Aux lèvres du mourant collé dans l’agonie, Comme un dernier ami ; Pour éclaircir l’horreur de cet étroit passage, Pour relever vers Dieu son regard abattu, Divin consolateur, dont nous baisons l’image, Réponds ! Que lui dis-tu ? Tu sais, tu sais mourir! et tes larmes divines, Dans cette nuit terrible où tu prias en vain, De l’olivier sacré baignèrent les racines Du soir jusqu’au matin ! De la croix, où ton oeil sonda ce grand mystère, Tu vis ta mère en pleurs et la nature en deuil ; Tu laissas comme nous tes amis sur la terre, Et ton corps au cercueil ! Au nom de cette mort, que ma faiblesse obtienne De rendre sur ton sein ce douloureux soupir : Quand mon heure viendra, souviens-toi de la tienne, O toi qui sais mourir ! Je chercherai la place où sa bouche expirante Exhala sur tes pieds l’irrévocable adieu, Et son âme viendra guider mon âme errante Au sein du même Dieu ! Ah! puisse, puisse alors sur ma funèbre couche, Triste et calme à la fois, comme un ange éploré, Une figure en deuil recueillir sur ma bouche L’héritage sacré ! Soutiens ses derniers pas, charme sa dernière heure, Et, gage consacré d’espérance et d’amour, De celui qui s’éloigne à celui qui demeure Passe ainsi tour à tour ! Jusqu’au jour où, des morts percant la voûte sombre, Une voix dans le ciel, les appelant sept fois, Ensemble éveillera ceux qui dormaient à l’ombre De l’éternelle croix !

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    Anna de Noailles

    Anna de Noailles

    @annaDeNoailles

    Le coeur Mon coeur tendu de lierre odorant et de treilles, Vous êtes un jardin où les quatre saisons Tenant du buis nouveau, des grappes de groseilles Et des pommes de pin, dansent sur le gazon. – Sous les poiriers noueux couverts de feuilles vives Vous êtes le coteau qui regarde la mer, Ivre d’ouïr chanter, quand le matin arrive, La cigale collée au brin de menthe amer. – Vous êtes un vallon escarpé ; la nature Tapisse votre espace et votre profondeur De mousse délicate et de fraîche verdure. – Vous êtes dans votre humble et pastorale odeur Le verger fleurissant et le gai pâturage Où les joyeux troupeaux et les pigeons dolents Broutent le chèvrefeuille ou lissent leur plumage. – Et vous êtes aussi, coeur grave et violent, La chaude, spacieuse et prudente demeure Pleine de vins, de miel, de farine et de riz, Ouverte au bon parfum des saisons et des heures, Où la tendresse humaine habite et se nourrit.

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    Anna de Noailles

    Anna de Noailles

    @annaDeNoailles

    Les parfums Mon coeur est un palais plein de parfums flottants Qui s’endorment parfois aux plis de ma mémoire, Et le brusque réveil de leurs bouquets latents – Sachets glissés au coin de la profonde armoire – Soulève le linceul de mes plaisirs défunts Et délie en pleurant leurs tristes bandelettes… Puissance exquise, dieux évocateurs, parfums, Laissez fumer vers moi vos riches cassolettes ! Parfum des fleurs d’avril, senteur des fenaisons, Odeur du premier feu dans les chambres humides, Arômes épandus dans les vieilles maisons Et pâmés au velours des tentures rigides ; Apaisante saveur qui s’échappe du four, Parfum qui s’alanguit aux sombres reliures, Souvenir effacé de notre jeune amour Qui s’éveille et soupire au goût des chevelures ; Fumet du vin qui pousse au blasphème brutal, Douceur du grain d’encens qui fait qu’on s’humilie, Arome jubilant de l’azur matinal, Parfums exaspérés de la terre amollie ; Souffle des mers chargés de varech et de sel, Tiède enveloppement de la grange bondée, Torpeur claustrale éparse aux pages du missel, Acre ferment du sol qui fume après l’ondée ; Odeur des bois à l’aube et des chauds espaliers, Enivrante fraîcheur qui coule des lessives, Baumes vivifiants aux parfums familiers, Vapeur du thé qui chante en montant aux solives ! – J’ai dans mon coeur un parc où s’égarent mes maux, Des vases transparents où le lilas se fane, Un scapulaire où dort le buis des saints rameaux, Des flacons de poison et d’essence profane. Des fruits trop tôt cueillis mûrissent lentement En un coin retiré sur des nattes de paille, Et l’arome subtil de leur avortement Se dégage au travers d’une invisible entaille… – Et mon fixe regard qui veille dans la nuit Sait un caveau secret que la myrrhe parfume, Où mon passé plaintif, pâlissant et réduit, Est un amas de cendre encor chaude qui fume. – Je vais buvant l’haleine et les fluidités Des odorants frissons que le vent éparpille, Et j’ai fait de mon coeur, aux pieds des voluptés, Un vase d’Orient où brûle une pastille.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Aux livres de chevet… Aux livres de chevet, livres de l’art serein, Obermann et Genlis, Ver-vert et le Lutrin, Blasé de nouveauté grisâtre et saugrenue, J’espère, la vieillesse étant enfin venue, Ajouter le Traité du Docteur Venetti. Je saurai, revenu du public abêti, Goûter le charme ancien des dessins nécessaires. Écrivain et graveur ont doré les misères Sexuelles : et c’est, n’est-ce pas, cordial : Dr Venetti, Traité de l’Amour conjugal. F. Coppée. A.R

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Le balai C’est un humble balai de chiendent, trop dur Pour une chambre ou pour la peinture d’un mur. L’usage en est navrant et ne vaut pas qu’on rie. Racine prise à quelque ancienne prairie Son crin inerte sèche : et son manche a blanchi. Tel un bois d’île à la canicule rougi. La cordelette semble une tresse gelée. J’aime de cet objet la saveur désolée Et j’en voudrais laver tes larges bords de lait, Ô Lune où l’esprit de nos Sœurs mortes se plaît. Arthur Rimbaud

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Le buffet C’est un large buffet sculpté ; le chêne sombre, Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens ; Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants ; Tout plein, c’est un fouillis de vieilles vieilleries, De linges odorants et jaunes, de chiffons De femmes ou d’enfants, de dentelles flétries, De fichus de grand’mère où sont peints des griffons ; – C’est là qu’on trouverait les médaillons, les mèches De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits. – Ô buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires, Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis Quand s’ouvrent lentement tes grandes portes noires.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Voyelles A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles, Je dirai quelque jour vos naissances latentes : A, noir corset velu des mouches éclatantes Qui bombinent autour des puanteurs cruelles, Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes, Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ; I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles Dans la colère ou les ivresses pénitentes ; U, cycles, vibrements divins des mers virides, Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ; O, suprême Clairon plein des strideurs étranges, Silences traversés des Mondes et des Anges : — O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    L'horloge Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible, Dont le doigt nous menace et nous dit : "Souviens-toi ! Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d'effroi Se planteront bientôt comme dans une cible, Le plaisir vaporeux fuira vers l'horizon Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ; Chaque instant te dévore un morceau du délice A chaque homme accordé pour toute sa saison. Trois mille six cents fois par heure, la Seconde Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois, Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde ! Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor ! (Mon gosier de métal parle toutes les langues.) Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Une gravure fantastique Ce spectre singulier n’a pour toute toilette, Grotesquement campé sur son front de squelette, Qu’un diadème affreux sentant le carnaval. Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval, Fantôme comme lui, rosse apocalyptique Qui bave des naseaux comme un épileptique. Au travers de l’espace ils s’enfoncent tous deux, Et foulent l’infini d’un sabot hasardeux. Le cavalier promène un sabre qui flamboie Sur les foules sans nom que sa monture broie, Et parcourt, comme un prince inspectant sa maison, Le cimetière immense et froid, sans horizon, Où gisent, aux lueurs d’un soleil blanc et terne, Les peuples de l’histoire ancienne et moderne

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Diamant enfumé Il est des diamants aux si rares lueurs Que, pris par les voleurs ou perdus dans la rue, Ils retournent toujours aux rois leurs possesseurs. Ainsi j’ai retrouvé ma chère disparue. Mais quelquefois, brisée, à des marchands divers La pierre est revendue, à moins qu’un aspect rare Ne la défende. En leurs couleurs, en leurs éclairs, Ses débris trahiraient le destructeur barbare. Aussi, je n’ai plus peur, diamant vaguement Enfumé, mais unique en ta splendeur voilée, De te perdre. Toujours vers moi, ton seul amant, Chère, tu reviendras des mains qui t’ont volée.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    La robe de laine La robe de laine a des tons d’ivoire Encadrant le buste, et puis, les guipures Ornent le teint clair et les lignes pures, Le rire à qui tout sceptique doit croire. Oh! je ne veux pas fouiller dans l’histoire Pour trouver les criminelles obscures Ou les délicieuses créatures Comme vous, plus tard, couvertes de gloire Cléopâtre, Hélène et Laure. Ça prouve Que, perpétuel, un orage couve Sous votre aspect clair, fatal, plein de charmes. Vous riez pour vous moquer de mes rimes; Vous croyez que j’ai commis tous les crimes ! Je suis votre esclave et vous rends les armes.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Les langues Le russe est froid, presque cruel, L’allemand chuinte ses consonnes ; Italie, en vain tu résonnes De ton baiser perpétuel. Dans l’anglais il y a du miel, Des miaulements de personnes Qui se disent douces et bonnes ; Ça sert, pour le temps actuel. Les langues d’orient ? regret Ou gloussement sans intérêt. Chère, quand tu m’appelles Charles, Avec cet accent sang pareil Le langage que tu me parles, C’est le français, clair de soleil.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    L’archet À Mademoiselle Hjardemaal. Elle avait de beaux cheveux, blonds Comme une moisson d’août, si longs Qu’ils lui tombaient jusqu’aux talons. Elle avait une voix étrange, Musicale, de fée ou d’ange, Des yeux verts sous leur noire frange. * Lui, ne craignait pas de rival, Quand il traversait mont ou val, En l’emportant sur son cheval. Car, pour tous ceux de la contrée, Altière elle s’était montrée, Jusqu’au jour qu’il l’eut rencontrée. * L’amour la prit si fort au cœur, Que pour un sourire moqueur, Il lui vint un mal de langueur. Et dans ses dernières caresses : « Fais un archet avec mes tresses, Pour charmer tes autres maîtresses. » Puis, dans un long baiser nerveux, Elle mourut. Suivant ses vœux, Il fit l’archet de ses cheveux. * Comme un aveugle qui marmonne, Sur un violon de Crémone Il jouait, demandant l’aumône. Tous avaient d’enivrants frissons À l’écouter. Car dans ces sons Vivaient la morte et ses chansons. * Le roi, charmé, fit sa fortune. Lui, sut plaire à la reine brune Et l’enlever au clair de lune. Mais, chaque fois qu’il y touchait Pour plaire à la reine, l’archet Tristement le lui reprochait. * Au son du funèbre langage, Ils moururent à mi-voyage. Et la morte reprit son gage. Elle reprit ses cheveux, blonds Comme une moisson d’août, si longs Qu’ils lui tombaient jusqu’aux talons.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    L’orgue A André Gill Sous un roi d’Allemagne, ancien, Est mort Gottlieb le musicien. Un l’a cloué sous les planches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Il est mort pour avoir aimé La petite Rose-de-Mai. Les filles ne sont pas franches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Elle s’est mariée, un jour, Avec un autre, sans amour.  » Repassez les robes blanches! «  Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Quand à l’église ils sont venus, Gottlieb à l’orgue n’était plus, Comme les autres dimanches. Hou ! hou ! hou! Le vent souffle dans les branches. Car depuis lors, à minuit noir, Dans la forêt on peut le voir A l’époque des pervenches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Son orgue a les pins pour tuyaux. Il fait peur aux petits oiseaux. orts d’amour ont leurs revanches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches.

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    C

    Charles Marie René Leconte de Lisle

    @charlesMarieReneLeconteDeLisle

    La coupe Prends ce bloc d’argent, adroit ciseleur. N’en fais point surtout d’arme belliqueuse, Mais bien une coupe élargie et creuse Où le vin ruisselle et semble meilleur. Ne grave à l’entour Bouvier ni Pléiades, Mais le choeur joyeux des belles Mainades, Et l’or des raisins chers à l’oeil ravi, Et la verte vigne, et la cuve ronde Où les vendangeurs foulent à l’envi, De leurs pieds pourprés, la grappe féconde. Que j’y voie encore Evoé vainqueur, Aphrodite, Éros et les Hyménées, Et sous les grands bois les vierges menées La verveine au front et l’amour au coeur !

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    C

    Charles Marie René Leconte de Lisle

    @charlesMarieReneLeconteDeLisle

    Le portrait Toi que Rhode entière a couronné roi Du bel art de peindre, Artiste, entends-moi. Fais ma bien-aimée et sa tresse noire Où la violette a mis son parfum, Et l’arc délié de ce sourcil brun Qui se courbe et fuit sous un front d’ivoire. Surtout, Rhodien, que son oeil soit bleu Comme l’onde amère et profond comme elle, Qu’il charme à la fois et qu’il étincelle, Plein de volupté, de grâce et de feu ! Fais sa joue en fleur et sa bouche rose, Et que le désir y vole et s’y pose ! Pour mieux soutenir le carquois d’Éros, Que le cou soit ferme et l’épaule ronde ! Qu’une pourpre fine, agrafée au dos, Flottante, et parfois entr’ouverte, inonde Son beau corps plus blanc que le pur Paros ! Et sur ses pieds nus aux lignes si belles, Adroit Rhodien, entrelace encor Les noeuds assouplis du cothurne d’or, Comme tu ferais pour les Immortelles !

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    C

    Charles Marie René Leconte de Lisle

    @charlesMarieReneLeconteDeLisle

    Le vase Reçois, pasteur des boucs et des chèvres frugales, Ce vase enduit de cire, aux deux anses égales. Avec l’odeur du bois récemment ciselé, Le long du bord serpente un lierre entremêlé D’hélichryse aux fruits d’or. Une main ferme et fine A sculpté ce beau corps de femme, œuvre divine, Qui du péplos ornée, et le front ceint de fleurs, Se rit du vain amour des amants querelleurs. Sur ce roc où le pied parmi les algues glisse, Traînant un long filet vers la mer glauque et lisse, Un pêcheur vient en hâte, et bien que vieux et lent, Ses muscles sont gonflés d’un effort violent. Une vigne, non loin, lourde de grappes mûres, Ploie. Un jeune garçon, assis sous les ramures, La garde. Deux renards arrivent de côté Et mangent le raisin par la pampre abrité ; Tandis que l’enfant tresse, avec deux pailles frêles Et des brins de jonc vert, un piège à sauterelles. Enfin, autour du vase et du socle dorien Se déploie en tous sens l’acanthe corinthien. J’ai reçu ce chef-d’œuvre, au prix, et non sans peine, D’un grand fromage frais et d’une chèvre pleine. Il est à toi, berger, dont les chants sont plus doux Qu’une figue d’Ægile, et rendent Pan jaloux.

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    C

    Cécile Sauvage

    @cecileSauvage

    La corbeille Choisis-moi, dans les joncs tressés de ta corbeille, Une poire d’automne ayant un goût d’abeille, Et dont le flanc doré, creusé jusqu’à moitié, Offre une voûte blanche et d’un grain régulier. Choisis-moi le raisin qu’une poussière voile Et qui semble un insecte enroulé dans sa toile. Garde-toi d’oublier le cassis desséché, La pêche qui balance un velours ébréché Et cette prune bleue allongeant sous l’ombrage Son oeil d’âne troublé par la brume de l’âge. Jette, si tu m’en crois, ces ramures de buis Et ces feuilles de chou, mais laisse sur tes fruits S’entre-croiser la mauve et les pieds d’alouette Qu’un liseron retient dans son fil de clochettes.

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    C

    Cécile Sauvage

    @cecileSauvage

    La tasse Dans cette tasse claire où luit un cercle d’or J’ai versé du lait blanc pour ta lèvre vermeille. Comme un enfant dolent le long du corridor Un rayon de soleil s’étant couché sommeille. Vois, la mouche gourmande est plus sage que toi. Perchée au bord du vase où son aile se mouille, Avec sa trompe fine et subtile elle boit Tandis que le jour bleu dévide sa quenouille. Ah ! si la nuit venait, comme nous aurions peur ; La nuit fait les gros yeux avec la lune ronde Et tous les astres blonds qui pressent leur lueur Sur le front noir de l’ombre où l’angoisse est profonde. Vite ! bois cette tasse avant que soit le soir ; Le moineau de la cage aime l’eau que je verse, La fleur du pot d’argile accueille l’arrosoir, Comme les champs nouveaux se plaisent à l’averse. Et surtout ne va pas avec tes doigts fripons Déranger le niveau de la crème dormante ; On apporte la lampe et son nimbe au plafond Bouge comme au matin une source mouvante. Dieu ! c’est l’ombre déjà ! Déjà le ver luisant Répand sa goutte d’or sur la verdure moite… Vite ! l’étoile fait les cornes en passant Et la lune a caché le soleil dans sa boîte.

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le cercueil Au jour ou mon aïeul fut pris de léthargie, Par mégarde on avait apporté son cercueil; Déjà l’étui des morts s’ouvrait pour son accueil, Quand son âme soudain ralluma sa bougie. Et nos âmes, depuis cet horrible moment, Gardaient de ce cercueil de grandes terreurs sourdes; Nous croyions voir l’aïeul au fond des fosses lourdes, Hagard, et se mangeant dans l’ombre éperdument. Aussi quand l’un mourait, père ou frère atterré Refusait sa dépouille à la boîte interdite, Et ce cercueil, au fond d’une chambre maudite, Solitaire et muet, plein d’ombre, est demeuré. Il me fut défendu pendant longtemps de voir Ou de porter les mains à l’objet qui me hante. . . Mais depuis, sombre errant de la forêt méchante Où chaque homme est un tronc marquant mon souci noir. J’ai grandi dans le goût bizarre du tombeau, Plein du dédain de l’homme et des bruits de la terre, Tel un grand cygne noir qui s’éprend de mystère, Et vit à la clarté du lunaire flambeau. Et j’ai voulu revoir, cette nuit, le cercueil Qui me troubla jusqu’en ma plus ancienne année; Assaillant d’une clé sa porte surannée J’ai pénétré sans peur en la chambre de deuil. Et là, longtemps je suis resté, le regard fou, Longtemps, devant l’horreur macabre de la boîte; Et j’ai senti glisser sur ma figure moite Le frisson familier d’une bête à son trou. Et je me suis penché pour l’ouvrir, sans remord Baisant son front de chêne ainsi qu’un front de frère; Et, mordu d’un désir joyeux et funéraire, Espérant que le ciel m’y ferait tomber mort.

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le corbillard Par des temps de brouillard, de vent froid et de pluie, Quand l’azur a vêtu comme un manteau de suie, Fête des anges noirs! dans l’après-midi, tard, Comme il est douloureux de voir un corbillard, Traîné par des chevaux funèbres, en automne, S’en aller cahotant au chemin monotone, Là-bas vers quelque gris cimetière perdu, Qui lui-même, comme un grand mort gît étendu! L’on salue, et l’on est pensif au son des cloches Élégiaquement dénonçant les approches D’un après-midi tel aux rêves du trépas. Alors nous croyons voir, ralentissant nos pas, À travers des jardins rouillés de feuilles mortes, Pendant que le vent tord des crêpes à nos portes, Sortir de nos maisons, comme des cœurs en deuil, Notre propre cadavre enclos dans le cercueil.

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le violon brisé Aux soupirs de l’archet béni, Il s’est brisé, plein de tristesse, Le soir que vous jouiez, comtesse, Un thème de Paganini. Comme tout choit avec prestesse ! J’avais un amour infini, Ce soir que vous jouiez, comtesse, Un thème de Paganini. L’instrument dort sous l’étroitesse De son étui de bois verni, Depuis le soir où, blonde hôtesse, Vous jouâtes Paganini. Mon cœur repose avec tristesse Au trou de notre amour fini. Il s’est brisé le soir, comtesse, Que vous jouiez Paganini.

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Rondel à ma pipe Devant un bock, ma bonne pipe, Selon notre amical principe Rêvons à deux, ce soir d’hiver. Puisque le ciel me prend en grippe (N’ai-je pourtant assez souffert ?) les pieds sur les chenets, ma pipe. Preste, la mort que j’anticipe Va me tirer de cet enfer Pour celui du vieux Lucifer; Soit ! nous fumerons chez ce type, Les pieds sur des chenets de fer.

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