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Charles Cros

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Charles Cros (prononcé /kʁɔs/), né le 1er octobre 1842 à Fabrezan (Aude) et mort le 9 août 1888 dans le 6e arrondissement de Paris, est un poète et inventeur français.

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Poésies

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    Les quatre saisons - le printemps Au printemps, c'est dans les bois nus Qu'un jour nous nous sommes connus. Les bourgeons poussaient vapeur verte. L'amour fut une découverte. Grâce aux lilas, grâce aux muguets, De rêveurs nous devînmes gais. Sous la glycine et le cytise, Tous deux seuls, que faut-il qu'on dise ? Nous n'aurions rien dit, réséda, Sans ton parfum qui nous aida.

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    À une attristée d'ambition Comme hier, vous avez les souplesses étranges Des tigresses et des jaguars, Vos yeux dardent toujours sous leurs ombreuses franges L'or acéré de leurs regards. Vos mains ont, comme hier, sous leurs teintes d'aurores Leur inexplicable vigueur ; Elles trouvent encor sur les touches sonores Des accords qui frôlent le cœur. Comme hier, vous vivez dans les fécondes fièvres Et dans les rêves exaltés, Les mots étincelants s'échappent de vos lèvres, Échos des intimes clartés. Trop heureuse en ce monde et trop bien partagée, Idéal et charnel pouvoir, Vous avez tout, et vous êtes découragée, Comme un ciel d'automne, le soir. * Ne rêvez pas d'accroître et de parfaire encore Les dons que vous a faits le ciel. Ne changez pas l'attrait suprême, qui s'ignore, Pour un moindre, artificiel. Il faut que la beauté, vivante, écrite ou peinte N'ait rien des soucis du chercheur. Et si la rose avait à composer sa teinte Elle y perdrait charme et fraîcheur. Dites-vous, pour chasser la tristesse rebelle, En ornant de fleurs vos cheveux, Que, sans peine pour vous, ceux qui vous trouvent belle Sauront le dire à nos neveux.

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    A grand-papa Il faut écouter, amis, La parole des ancêtres. - Ne soyons jamais soumis ! Mais, d'où viennent tous les êtres ?

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    Aquarelle À Henry Cros. Au bord du chemin, contre un églantier, Suivant du regard le beau cavalier Qui vient de partir, Elle se repose, Fille de seize ans, rose, en robe rose. Et l'Autre est debout, fringante. En ses yeux Brillent les éclairs d'un rêve orgueilleux... Diane mondaine à la fière allure, Corps souple, front blanc, noire chevelure. Tandis que sa blonde amie en rêvant Écoute les sons qu'apporte le vent, Bruits sourds de galop, sons lointains de trompe, Diane se dit : « Rosette se trompe. Quand Il est parti tout pâle d'émoi, Son dernier regard n'était que pour moi. »

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    Au café Le rêve est de ne pas dîner, Mais boire, causer, badiner Quand la nuit tombe ; Épuisant les apéritifs, On rit des cyprès et des ifs Ombrant la tombe. Et chacun a toujours raison De tout, tandis qu'à la maison La soupe fume, On oublie, en mots triomphants, Le rire nouveau des enfants Qui nous parfume. On traverse, vague semis, Les amis et les ennemis Que l'on évite. Il vaudrait mieux jouer aux dés, Car les mots sont des procédés Dont on meurt vite. Ces gens du café, qui sont-ils ? J'ai dans les quarts d'heure subtils Trouvé des choses Que jamais ils ne comprendront. Et, dédaigneux, j'orne mon front Avec des roses.

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    Aux femmes Noyez dans un regard limpide, aérien, Les douleurs. Ne dites rien de mal, ne dites rien de bien, Soyez fleurs. Soyez fleurs : par ces temps enragés, enfumés De charbon, Soyez roses et lys. Et puis, aimez, aimez ! C'est si bon !... Il y a la fleur, il y a la femme, Il y a le bois où l'on peut courir Il y a l'étang où l'on peut mourir. Alors, que nous fait l'éloge ou le blâme ? L'aurore naît et la mort vient. Qu'ai-je fait de mal ou de bien ? Je suis emporté par l'orage, Riant, pleurant, mais jamais sage. Ceux qui dédaignent les amours Ont tort, ont tort, Car le soleil brille toujours ; La Mort, la Mort Vient vite et les sentiers sont courts. Comme tu souffres, mon pays, Ô lumineuse, ô douce France, Et tous les peuples ébahis Ne comprennent pas ta souffrance.

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    Coin de Tableau Sensation de haschisch. Tiède et blanc était le sein. Toute blanche était la chatte. Le sein soulevait la chatte. La chatte griffait le sein. Les oreilles de la chatte Faisaient ombre sur le sein. Rose était le bout du sein, Comme le nez de la chatte. Un signe noir sur le sein Intrigua longtemps la chatte ; Puis, vers d'autres jeux, la chatte Courut, laissant nu le sein.

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    Avenir Les coquelicots noirs et les bleuets fanés Dans le foin capiteux qui réjouit l'étable, La lettre jaunie où mon aïeul respectable À mon aïeule fit des serments surannés, La tabatière où mon grand-oncle a mis le nez, Le trictrac incrusté sur la petite table Me ravissent. Ainsi dans un temps supputable Mes vers vous raviront, vous qui n'êtes pas nés. Or, je suis très vivant. Le vent qui vient m'envoie Une odeur d'aubépine en fleur et de lilas, Le bruit de mes baisers couvre le bruit des glas. Ô lecteurs à venir, qui vivez dans la joie Des seize ans, des lilas et des premiers baisers, Vos amours font jouir mes os décomposés.

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    À la mémoire de Gambetta Le grand Lion est mort. Il reste les renards, Les fouines, les chiens, les rats et les lézards. Ces bêtes ne sont pas absolument impures Elles savent manger nos plus sales ordures Et peuvent nettoyer nos plus puants égouts ; Mais, Lui le grand Lion, n'avait pas de ces goûts, Il allait à travers la Forêt séculaire, Et sans souci d'ailleurs de plaire ou de déplaire Posait sa bonne patte onglée entre les houx Des clôtures, et sur les sages rangs de choux, Que les Tranquilles, que les Lâches (trois ou quatre En France) arrosent sans penser qu'on va se battre. La patte onglée était belle, écrasant les choux ; Et vous lézards, vous chiens, rats, fouines et vous Renards, qui vous rendra votre folle assurance ? Le grand Lion est mort, dans la Forêt de France.

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    À la plus belle Nul ne l'a vue et, dans mon cœur, Je garde sa beauté suprême ; (Arrière tout rire moqueur !) Et morte, je l'aime, je l'aime. J'ai consulté tous les devins, Ils m'ont tous dit : « C'est la plus belle ! » Et depuis j'ai bu tous les vins Contre la mémoire rebelle. Oh ! ses cheveux livrés au vent ! Ses yeux, crépuscule d'automne ! Sa parole qu'encor souvent J'entends dans la nuit monotone. C'était la plus belle, à jamais, Parmi les filles de la terre... Et je l'aimais, oh ! je l'aimais Tant, que ma bouche doit se taire. J'ai honte de ce que je dis ; Car nul ne saura ni la femme, Ni l'amour, ni le paradis Que je garde au fond de mon âme. Que ces mots restent enfouis, Oubliés, (l'oubliance est douce) Comme un coffret plein de louis Au pied du mur couvert de mousse.

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    À ma femme Endormie Tu dors en croyant que mes vers Vont encombrer tout l'univers De désastres et d'incendies ; Elles sont si rares pourtant Mes chansons au soleil couchant Et mes lointaines mélodies. Mais si je dérange parfois La sérénité des cieux froids, Si des sons d'acier ou de cuivre Ou d'or, vibrent dans mes chansons, Pardonne ces hautes façons, C'est que je me hâte de vivre. Et puis tu m'aimeras toujours. Éternelles sont les amours Dont ma mémoire est le repaire ; Nos enfants seront de fiers gas Qui répareront les dégâts, Que dans ta vie a faits leur père. Ils dorment sans rêver à rien, Dans le nuage aérien Des cheveux sur leurs fines têtes ; Et toi, près d'eux, tu dors aussi, Ayant oublié, le souci De tout travail, de toutes dettes. Moi je veille et je fais ces vers Qui laisseront tout l'univers Sans désastre et sans incendie ; Et demain, au soleil montant Tu souriras en écoutant Cette tranquille mélodie.

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    A une chatte Chatte blanche, chatte sans tache, Je te demande, dans ces vers, Quel secret dort dans tes yeux verts, Quel sarcasme sous ta moustache. Tu nous lorgnes, pensant tout bas Que nos fronts pâles, que nos lèvres Déteintes en de folles fièvres, Que nos yeux creux ne valent pas Ton museau que ton nez termine, Rose comme un bouton de sein, Tes oreilles dont le dessin Couronne fièrement ta mine. Pourquoi cette sérénité ? Aurais-tu la clé des problèmes Qui nous font, frissonnants et blêmes, Passer le printemps et l’été ? Devant la mort qui nous menace, Chats et gens, ton flair, plus subtil Que notre savoir, te dit-il Où va la beauté qui s’efface, Où va la pensée, où s’en vont Les défuntes splendeurs charnelles ? Chatte, détourne tes prunelles ; J’y trouve trop de noir au fond.

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    À une jeune fille Pourquoi, tout à coup, quand tu joues, Ces airs émus et soucieux ? Qui te met cette fièvre aux yeux, Ce rose marbré sur les joues ? Ta vie était, jusqu’au moment Où ces vagues langueurs t’ont prise, Un ruisseau que frôlait la brise, Un matinal gazouillement. * Comme ta beauté se révèle Au-dessus de toute beauté, Comme ton cœur semble emporté Vers une existence nouvelle, Comme en de mystiques ardeurs Tu laisses planer haut ton âme. Comme tu te sens naître femme À ces printanières odeurs, Peut-être que la destinée Te montre un glorieux chemin ; Peut-être ta nerveuse main Mènera la terre enchaînée. * À coup sûr, tu ne seras pas Épouse heureuse, douce mère ; Aucun attachement vulgaire Ne peut te retenir en bas. * As-tu des influx de victoire Dans tes beaux yeux clairs, pleins d’orgueil, Comme en son virginal coup d’œil Jeanne d’Arc, de haute mémoire ? Dois-tu fonder des ordres saints, Être martyre ou prophétesse ? Ou bien écouter l’âcre ivresse Du sang vif qui gonfle tes seins ? Dois-tu, reine, bâtir des villes Aux inoubliables splendeurs, Et pour ces vagues airs boudeurs Faire trembler les foules viles ? * Va donc ! tout ploiera sous tes pas, Que tu sois la vierge idéale Ou la courtisane fatale… Si la mort ne t’arrête pas.

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    Berceuse Au comte de Trévelec. Endormons-nous, petit chat noir. Voici que j’ai mis l’éteignoir Sur la chandelle. Tu vas penser à des oiseaux Sous bois, à de félins museaux… Moi rêver d’Elle. Nous n’avons pas pris de café, Et, dans notre lit bien chauffé (Qui veille pleure.) Nous dormirons, pattes dans bras. Pendant que tu ronronneras, J’oublierai l’heure. Sous tes yeux fins, appesantis, Reluiront les oaristys De la gouttière. Comme chaque nuit, je croirai La voir, qui froide a déchiré Ma vie entière. Et ton cauchemar sur les toits Te dira l’horreur d’être trois Dans une idylle. Je subirai les yeux railleurs De son faux cousin, et ses pleurs De crocodile. Si tu t’éveilles en sursaut Griffé, mordu, tombant du haut Du toit, moi-même Je mourrai sous le coup félon D’une épée au bout du bras long Du fat qu’elle aime. Puis, hors du lit, au matin gris, Nous chercherons, toi, des souris Moi, des liquides Qui nous fassent oublier tout, Car, au fond, l’homme et le matou Sont bien stupides.

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    Bonne fortune À Théodore de Banville. Tête penchée, Œil battu, Ainsi couchée Qu'attends-tu ? Sein qui tressaille, Pleurs nerveux, Fauve broussaille De cheveux, Frissons de cygnes Sur tes flancs, Voilà des signes Trop parlants. Tu n'es que folle De ton corps. Ton âme vole Au dehors. Qu'un autre vienne, Tu feras La même chaîne De tes bras. Je hais le doute, Et, plus fier, Je te veux toute, Âme et chair. C'est moi (pas l'autre !) Qui t'étreins Et qui me vautre Sur tes seins. Connais, panthère, Ton vainqueur Ou je fais taire Ta langueur. Attache et sangle Ton esprit, Ou je t'étrangle Dans ton lit.

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    Caresse Tu m'as pris jeune, simple et beau, Joyeux de l'aurore nouvelle ; Mais tu m'as montré le tombeau Et tu m'as mangé la cervelle. Tu fleurais les meilleurs jasmins, Les roses jalousaient ta joue ; Avec tes deux petites mains Tu m'as tout inondé de boue. Le soleil éclairait mon front, La lune révélait ta forme ; Et loin des gloires qui seront Je tombe dans l'abîme énorme. Enlace-moi bien de tes bras ! Que nul ne fasse ta statue Plus près, charmante ! Tu mourras Car je te tue — et je me tue.

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    Conclusion J'ai rêvé les amours divins, L'ivresse des bras et des vins, L'or, l'argent, les royaumes vains, Moi, dix-huit ans, Elle, seize ans. Parmi les sentiers amusants Nous irons sur nos alezans. Il est loin le temps des aveux Naïfs, des téméraires voeux ! Je n'ai d'argent qu'en mes cheveux. Les âmes dont j'aurais besoin Et les étoiles sont trop loin. Je vais mourir saoul, dans un coin.

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    Conseil Quand sur vos cheveux blonds, et fauves au soleil, Vous mettez des rubans de velours noir, méchante, Je pense au tigre dont le pelage est pareil : Fond roux, rayé de noir, splendeur de l'épouvante. Quand le rire fait luire, au calice vermeil De vos lèvres, l'éclair de nacre inquiétante, Quand s'émeut votre joue en feu, c'est un réveil De tigre : miaulements, dents blanches, mort qui tente. Et puis, regardez-vous. Même sans ce velours, Quoique plus belle, enfin vous ressemblez toujours À celui que parfois votre bouche dénigre. D'ailleurs si vous tombiez sous sa griffe, une fois ? On ne peut pas savoir qui l'on rencontre au bois : Madame, il ne faut pas dire de mal du tigre.

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    Croquis Beau corps, mais mauvais caractère. Elle ne veut jamais se taire, Disant, d’ailleurs d’un ton charmant, Des choses absurdes vraiment. N’ayant presque rien de la terre, Douce au tact comme une panthère. Il est dur d’être son amant ; Mais, qui ne s’en dit pas fou, ment. Pour dire tout ce qu’on en pense De bien et de mal, la science Essaie et n’a pas réussi. Et pourquoi faire ? Elle se moque De ce qu’on dit. Drôle d’époque Où les anges sont faits ainsi.

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    Cueillette C'était un vrai petit voyou, Elle venait on ne sait d'où, Moi, je l'aimais comme une bête. Oh ! la jeunesse, quelle fête. Un baiser derrière son cou La fit rire et me rendit fou. Sainfoin, bouton d'or, pâquerette, Surveillaient notre tête à tête. La clairière est comme un salon Tout doré ; les jaunes abeilles Vont aux fleurs qui leur sont pareilles ; Moi seul, féroce et noir frelon, Qui baise ses lèvres vermeilles, Je fais tache en ce fouillis blond.

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    Dans la clairière Pour plus d'agilité, pour le loyal duel, Les témoins ont jugé qu'Elles se battraient nues. Les causes du combat resteront inconnues ; Les deux ont dit : « Motif tout individuel. » La blonde a le corps blanc, plantureux, sensuel ; Le sang rougit ses seins et ses lèvres charnues. La brune a le corps d'ambre et des formes ténues ; Les cheveux noirs-bleus font ombre au regard cruel. Cette haie où l'on a jeté chemise et robe, Ce corps qui tour à tour s'avance ou se dérobe, Ces seins dont la fureur fait se dresser les bouts, Ces battements de fer, ces sifflantes caresses, Tout paraît amuser ce jeune homme à l'œil doux Qui fume en regardant se tuer ses maîtresses.

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    Les quatre saisons - l'hiver C'est l'hiver. Le charbon de terre Flambe en ma chambre solitaire. La neige tombe sur les toits. Blanche ! Oh, ses beaux seins blancs et froids ! Même sillage aux cheminées Qu'en ses tresses disséminées. Au bal, chacun jette, poli, Les mots féroces de l'oubli, L'eau qui chantait s'est prise en glace, Amour, quel ennui te remplace !

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    Diamant enfumé Il est des diamants aux si rares lueurs Que, pris par les voleurs ou perdus dans la rue, Ils retournent toujours aux rois leurs possesseurs. Ainsi j’ai retrouvé ma chère disparue. Mais quelquefois, brisée, à des marchands divers La pierre est revendue, à moins qu’un aspect rare Ne la défende. En leurs couleurs, en leurs éclairs, Ses débris trahiraient le destructeur barbare. Aussi, je n’ai plus peur, diamant vaguement Enfumé, mais unique en ta splendeur voilée, De te perdre. Toujours vers moi, ton seul amant, Chère, tu reviendras des mains qui t’ont volée.

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    Drame en Trois Ballades Pour fuir l'ennui que son départ me laisse, Pendant le jour, je m'en vais au travers Des bois, cherchant les abris bien couverts. Comme deux chiens qu'on a couplés en laisse. Deux papillons courent les taillis verts. Lors, je m'étends dans l'herbe caressante. Les moucherons, les faucheux, les fourmis Passent sur moi, sans que mon corps les sente, Les rossignols là-haut sont endormis. Et moi. je pense à ma maîtresse absente. Le soir, traînant la flèche qui me blesse. Je vais, longeant la rue aux bruits divers. Le gaz qui brille aux cafés grands ouverts. Les bals publics, flots d'obscène souplesse. Montrent des chairs, bons repas pour les vers. Mais, que parfois, accablé, je consente. Muet, à boire avec vous, mes amis, La bière blonde, ivresse alourdissante. Parlez, chantez I Rire vous est permis. Et moi, je pense à ma maltresse absente. Mais il est tard. Dormons. Rêvons d'Elle. Est-ce Le souvenir des scintillants hivers Qui se déroule en fantômes pervers. Dans mon cerveau que le sommeil délaisse. Au rhythme lent et poignant d'anciens vers? Enfin, la fièvre et la nuit fraîchissante Ferment mes yeux, domptent mes flancs blêmis... Quand reparaît l'aurore éblouissante. Voici crier les oiseaux insoumis. Et moi, je pense à ma maîtresse absente. ENVOI A ton lever, soleil, à ta descente Que suit la nuit au splendide semis. L'homme, oubliant sa pioche harassante, Sourit de voir mûrir les fruits promis. Et moi, je pense à ma maîtresse absente. II Nous sommes assis au bois* Dans les clairières endormantes. Mon esprit naguère aux abois Se rassure à l'odeur des menthes. Le vent, qui gémissait hier. Aujourd'hui rit et me caresse. Les oiseaux chantent. Je suis fier, Car j'ai retrouvé ma maîtresse. La rue a de joyeuses voix. Les ouvrières sous leurs mantes Frissonnent, en courant. Je vois Les amants joindre les amantes. Aux cafés, voilà le gaz clair. Lumière vive et charmeresse. Il y a du bonheur dans l'air. Car j'ai retrouvé ma maîtresse. Et dans tes bras, sur tes seins froids, J'ai des lassitudes charmantes. Qu'as-tu fait au loin? Je te crois, Que tu sois vraie ou que tu mentes. Tes seins berceurs comme la mer. Comme la mer calme et traîtresse, M'endorment... Plus de doute amer! Car j'ai retrouvé ma maltresse. ENVOI A toi, merci ! chemin de fer, J'étais seul; mai8 un soir d'ivresse, Tu m'as tiré de cet enfer, Car j'ai retrouvé ma maîtresse. III Feuilles, tombez sous la fureur du vent Et sous la pluie atroce de novembre. Toute splendeur, à la fin, se démembre. L'eau, trouble, perd son reflet décevant. Ainsi s'en va tout mon bonheur d'avant. Les doux retraits de mon âme charmée Sont dénudés, sans oiseaux. L'avenir Et mes projets, forte et brillante armée, Sont en déroute à ton seul souvenir, O ma maîtresse absolument aimée! J'ai tant vécu dans ton charme énervant, Comme nourri de gâteaux de gingembre, Comme enivré de vétyver et d'ambre I Et, rassuré, je m'endormais souvent Sur tes beaux seins, tiède ivoire vivant. Moi, j'aurais cru ta voix accoutumée; Le sort brutal voulut la démentir. Car il mentait ton long regard d'aimée I... Mais je n'ai pas, certes, de repentir, O ma maîtresse absolument aimée! Et maintenant, seul comme en un couvent. J'attends en vain le sommeil dans ma chambre. Ta silhouette adorable se cambre Dans ma mémoire. Et je deviens savant A m'enivrer des drogues du Levant. Que ma ferveur soit louée ou blâmée. Je veux t'aimer. n'ayant meilleur loisir. Tu resteras en moi comme un camép. Comme un parfum chaud qui ne peut moisir, A ma maîtresse absolument aimée! ENVOI Monde jaloux de ma vie embaumée. Enfer d'engrais, de charbon et de cuir. Je hais tes biens promis, sale fumée!... Pour ne penser qu'à toi, toujours, où fuir, Ô ma maîtresse absolument aimée?

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    Charles Cros

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    Heures Sereines J'ai pénétré bien des mystères Dont les humains sont ébahis : Grimoires de tous les pays, Êtres et lois élémentaires. Les mots morts, les nombres austères Laissaient mes espoirs engourdis; L'amour m'ouvrit ses paradis Et l'étreinte de ses panthères. Le pouvoir magique à mes mains Se dérobe encore. Aux jasmins Les chardons ont mêlé leurs haines. Je n'en pleure pas; car le Beau Que je rêve, avant le tombeau, M'aura fait des heures sereines.

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    Charles Cros

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    Hiéroglyphe J’ai trois fenêtres à ma chambre : L’amour, la mer, la mort, Sang vif, vert calme, violet. Ô femme, doux et lourd trésor ! Froids vitraux, odeurs d’ambre. La mer, la mort, l’amour, Ne sentir que ce qui me plaît… Femme, plus claire que le jour ! Par ce soir doré de septembre, La mort, l’amour, la mer, Me noyer dans l’oubli complet. Femme! femme! cercueil de chair !

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    Charles Cros

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    Inscription Mon âme est comme un ciel sans bornes ; Elle a des immensités mornes Et d'innombrables soleils clairs ; Aussi, malgré le mal, ma vie De tant de diamants ravie Se mire au ruisseau de mes vers. Je dirai donc en ces paroles Mes visions qu'on croyait folles, Ma réponse aux mondes lointains Qui nous adressaient leurs messages, Eclairs incompris de nos sages Et qui, lassés, se sont éteints. Dans ma recherche coutumière Tous les secrets de la lumière, Tous les mystères du cerveau, J'ai tout fouillé, j'ai su tout dire, Faire pleurer et faire rire Et montrer le monde nouveau. J'ai voulu que les tons, la grâce, Tout ce que reflète une glace, L'ivresse d'un bal d'opéra, Les soirs de rubis, l'ombre verte Se fixent sur la plaque inerte. Je l'ai voulu, cela sera. Comme les traits dans les camées J'ai voulu que les voix aimées Soient un bien, qu'on garde à jamais, Et puissent répéter le rêve Musical de l'heure trop brève ; Le temps veut fuir, je le soumets. Et les hommes, sans ironie, Diront que j'avais du génie Et, dans les siècles apaisés, Les femmes diront que mes lèvres, Malgré les luttes et les fièvres, Savaient les suprêmes baisers.

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    Charles Cros

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    Insomnie Voici le matin ridicule Qui vient décolorer la nuit, Réveillant par son crépuscule Le chagrin, l’intrigue et le bruit. Corrects, le zinc et les ardoises Des toits coupent le ciel normal, On dort, dans les maisons bourgeoises. Je ne dors pas. Quel est mon mal ? Est-ce une vie antérieure Qui me poursuit de ses parfums ? Ces gens vont grouiller tout à l’heure, Dispersant mes rêves défunts. Je me souviens ! c’étaient des frères Que, chef bien-aimé, je menais À travers les vastes bruyères, Les aubépines, les genêts. Oh ! quelle bien-aimée exquise Au doux cœur, aux yeux de velours !… Une autre terre fut conquise Où le soleil brillait toujours. L’or dont on fit des broderies, Les gemmes, cristaux des couchants, Les fleurs, énervantes féeries, Les aromates plein les champs M’ont enivré. J’ai mis des bagues, Et des perles dans mes cheveux. Les bayadères aux yeux vagues M’ont distrait de mes premiers vœux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Aux monts où le soleil se couche Emporté par des étrangers, J’ai pleuré, muet et farouche Tous mes ravissements changés Les aromes en fades herbes, Les diamants en froid cristal, En loups gris les tigres superbes, En sapin banal le santal. Puis, mal consolé, sous les branches, J’épiais dans les froids vallons Les filles qui passaient si blanches, Si graves, sous leurs cheveux blonds. Mais ce n’était pas l’oubliée Aux lèvres rouges de bétel À ma vie autrefois liée !… Que je souffre d’être immortel ! Corrects, le zinc et les ardoises Des toits coupent le ciel normal, On s’éveille aux maisons bourgeoises, Je crois que je meurs de mon mal.

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    Charles Cros

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    Les quatre saisons - l'été En été les lis et les roses Jalousaient ses tons et ses poses, La nuit, par l'odeur des tilleuls Nous nous en sommes allés seuls. L'odeur de son corps, sur la mousse, Est plus enivrante et plus douce. En revenant le long des blés, Nous étions tous deux bien troublés. Comme les blés que le vent frôle, Elle ployait sur mon épaule.

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    Je sais faire des vers perpétuels Je sais faire des vers perpétuels. Les hommes Sont ravis à ma voix qui dit la vérité. La suprême raison dont j'ai, fier, hérité Ne se payerait pas avec toutes les sommes. J'ai tout touché : le feu, les femmes, et les pommes ; J'ai tout senti : l'hiver, le printemps et l'été J'ai tout trouvé, nul mur ne m'ayant arrêté. Mais Chance, dis-moi donc de quel nom tu te nommes ? Je me distrais à voir à travers les carreaux Des boutiques, les gants, les truffes et les chèques Où le bonheur est un suivi de six zéros. Je m'étonne, valant bien les rois, les évêques, Les colonels et les receveurs généraux De n'avoir pas de l'eau, du soleil, des pastèques.

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