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Eugène Guillevic

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Eugène Guillevic, né le 5 août 1907 à Carnac (Morbihan) et mort le 19 mars 1997 à Paris 5e, est un poète français. Il ne signa jamais ses nombreux recueils que de son seul nom, Guillevic.

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Poésies

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    Eugène Guillevic

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    @eugeneGuillevic

    De l'hiver C'est comme écrit Entre ciel et terre, dans des gris, Inscrit sur quelque chose Qui tient du ciel et de sa banlieue. Il n'y a plus Qu'à déchiffrer. En soi-même surtout, Probablement. Chercher de quoi S'y consacrer. En somme tout ce gris Au long cours dans l'hiver Doit dépenser son temps A se trouver des formes. Il n'y aurait qu'à ouvrir, Et ce serait différent. Il n'y a qu'à penser Qu'il suffirait d'ouvrir, Et c'est tout différent. Faire usage De cela qui, en toi, Ne fait encore qu'assister A ce que tu regardes Et qu'intéressera Ce que tu vas pouvoir tirer De ce spectacle et par-delà. Tout ce qu'il y a Comme gris dans l'hiver, Toutes ces espèces de gris, Tout ce qui va Du presque blanc parfois de certains coins de ciel Au plus foncé des terres, des lointains, des nuages. Tous ces gris sont encore Pour le inonde un moyen De s'essayer semblable A qui se croit heureux De n'avoir pas en lui Plus que des déchirures, Et qui toujours espère Se voir sans trop d'effort Remodelé bientôt Sur son noyau de joie. Dans l'hiver aussi Il y a des charnières. Il faut bien qu'il y en ait Puisque tout cela s'ouvrira. La terre a beau maintenant Se couvrir d'hiver pour se cacher, Il y a de la lumière de plus tard qui entre, Du noir qui retourne vers ses tréfonds. Il n'est pas toujours facile de cacher Sa force et l'assurance Que ce n'est pas fini. Ce qui roule dans l'hiver Avec un bruit plus ou moins ouaté, Ce qui roule continuellement Comme si c'était une condamnation. Il semblerait que cela Coule vers un crible qui, lui, ne bouge pas, Que ceux qui ne pourront passer Ne rouleront plus, Mais tomberont d'un coup Dans un abîme qui est sans cri. Il y a une lumière Qui parle de ceux Qui ne sont pas encore Dans le roulement, Qui sont seulement En route vers lui, Et l'on voit bien Que la lumière aimerait dire : Ceux qui viendront, ceux-là Ce ne sera pas pareil, Il n'y a pas condamnation Au roulement dans l'identique. C'est curieux Comme l'hiver se creuse Et creuse, Toujours plus profond, sinon plus large, Et, à la fin, Il y aura pourtant Une grande surface plane Qui ne portera pas trace de son travail, Comme s'il s'était lui-même Enseveli dedans. Le printemps A son porte-parole dans le coucou Quand les bois reviennent de la préhistoire, L'été dans l'hirondelle Quand elle s'en prend au tissu du ciel. L'automne aussi dans l'hirondelle Quand elle rengaine ses ciseaux. L'hiver a les corbeaux qui eux-mêmes s'étonnent De leur présence et signifient Que cela pourrait être pire, que tous ces gris Pourraient être noirs comme eux, Et c'est contre cela sans doute Qu'ils ont ce cri venu d'un temps Hors des quatre saisons. On peut penser Que derrière ou bien Au sein de tous ces gris, dans l'intérieur De ce qu'ils sont et qu'ils deviennent, Il y a Une masse de noir, un océan Qui se cherche et tâtonne Et qui ne peut Percer la croûte ici ou là, venir Que lorsqu'il abandonne en partie sa couleur, Prend alors forme et mouvement, Conscience un peu. Car ce noir, ce n'est pas quelqu'un Qui spéculerait, modèlerait, modulerait. Il n'a conscience de rien Tant qu'il n'a pas pris forme. C'est du départ. On voit émerger des poussées De ce qui en dehors de l'hiver Ne pourrait pas être aussi aigu Que par exemple des glaçons, Ne pourrait pas attaquer Avec autant de force que le froid, Avoir aussi peu De remords que lui. Et tout ce blanc de la neige pour nier Ce que tant d'autres si longtemps Ont essayé de faire. Il y a un temps pour tout, Paraît dire la terre pendant l'hiver. Ce n'est pas encore Le moment de s'embrasser. Cela viendra quand l'eau Sera en état de se marier. Tout le monde alors Doit participer. L'hiver est lourd des morts Largués par les saisons Tout au long de l'année, Lesté des morts menés S'englober dans les soutes Qu'il traîne sur les fonds. Ces morts que nous sentons Monter, édulcorés, De l'un à l'autre gris. Il n'y a pas besoin De beaucoup de couleur Dans l'hiver, pour qu'elle compte. Il suffit d'une tache, d'une traînée De couleur, même pas violente. Et la montée s'ébauche, Et la verticale revendique. Un orchestre Veut accompagner. D'où Peut venir la douceur Qu'il y a quand même Dans l'hiver? A quoi Tient-elle? Comment arrive-t-elle Dans les teintes que prend le ciel, Dans celles des champs, Dans l'inclinaison des toits, Dans leurs façons De se répondre, Dans l'air qu'ont les chemins D'être contents De trouver un village? Il y a toujours Noël qui arrive. Il y a toujours dans le plus noir des noirs De la lumière à supposer, A voir déjà monter, Même en dehors de soi, Surtout lorsque la nuit où l'on patauge Est la plus longue. C'est un tunnel sans voûte Qui débouche Dès maintenant Sur un enfant dans la lumière. Il y a dans l'hiver Beaucoup de canaux. C'est un réseau Qui doit faire entendre un grésillement A ceux qui ont l'oreille fine. Ce réseau pourrait ne véhiculer Que de la lumière et du gris, Mais il transporte aussi Tous les secrets Que la terre veut se cacher Pendant l'hiver, Des secrets Pas tellement sûrs d'eux-mêmes. La terre détrempée Dans les sous-bois Lassés d'eux-mêmes. La terre Qui ne pourrait tenir Si elle devait longtemps Rester ainsi, sans perspective. On dirait qu'il arrive Même à la terre De s'ennuyer à mort. Voici Que je ne sais plus rien de l'hiver, Que je suis coupé de lui. Il n'y a plus Que ma chambre et son silence. Et sans doute Il y a communication Entre elle et lui.

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    Eugène Guillevic

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    @eugeneGuillevic

    Pénible d’éprouver Pénible d’éprouver Qu’on n’a presque rien révélé De ce qu’on porte Et qui vient de ce monde Inentamé, si lourd Toujours plein de ces choses Qui serinent Qu’on les délivre.

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    Eugène Guillevic

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    Un tout petit jardin Découvrir par hasard Un tout petit jardin Plein d’herbes folles, Sans fenêtres autour, Sans bruit et même Sans cerceau ni poupée. Rien que le temps Qui s’est retiré là Et n’attend rien.

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    Eugène Guillevic

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    Art Poétique I Les mots, les mots Ne se laissent pas faire Comme des catafalques. Et toute langue Est étrangère. II Certes ce n'était pas à titre de supplique La voix qui psalmodiait Les secrets de la honte. Il fallait que la voix, Tâtonnant sur les mots. S'apprivoise par grâce Au ton qui la prendra. III Le cri du chat-huant, Que l'horreur exigeait. Est un cri difficile A former dans la gorge. Mais il tombe ce cri. Couleur de sang qui coule, Et résonne à merci Dans les bois qu'il angoisse. IV Les mots qu'on arrachait, Les mots qu'il fallait dire, Tombaient comme des jours. V Si les orages ouvrent des bouches Et si la nuit perce en plein jour. Si la rivière est un roi nègre Assassiné, pris dans les mouches. Si le vignoble a des tendresses Et des caresses pour déjà morts, — Il s'est agi depuis toujours De prendre pied. De s'en tirer Mieux que la main du menuisier Avec le bois.

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    Chanson Au carrefour des trois brouillards Il passait bien quelques passants. En passent ils gardaient leur sang, Des plus lourds jusqu'aux plus fuyards. Ceux qui ne doutaient pas d'eux-mêmes Au carrefour des trois nuages Gardaient le nom de leur village Et leurs chants et leurs anathèmes. Au carrefour des trois brouillards Ceux qui passaient perdaient pourtant Mais pas plus que le peu de temps Qu'ils auraient à donner plus tard.

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    De l'été Aujourd'hui la lumière Est celle qui convient Au volume Atteint par l'été. L'été calcule Son volume au plus juste. Et sa lumière. La sphère Est pleinement sphère. Il n'y a plus De plafond. L'été S'est consacré. C'est comme si l'été S'aiguisait encore. On craindrait même Un incendie de la lumière. Le volume de l'été Va distendre l'azur. L'été Est aux frontières. Il veut franchir. Il risque L'éclatement Dans une autre lumière Inapprochable. Après, dit le soleil, C'est pour après. Occuper l'autre — Être la substance de l'autre. Qui fera le creux? Finie, La moisson. Dans un volume Qu'il sent devenir flou, L'été s'inquiète. Dans l'été, le danger Vient de trouver A s'enrôler. Caresser, Bien sûr. Caresses De l'un à l'autre. Caresses de tous Au volume. Ses répliques. Tant et plus. Ils sont tous fiers : L'azur, le volume, L'été, le soleil, L'espace, la sphère. La terre Se recueille, Garde mémoire. Un clocher qui traverse Une épaisseur de siècles Et qui regarde Le résultat Des additions.

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    Graminées Des graminées Comme pour tout un jour. Comme si le jour N'était pas là Pour la tuerie.Comme s'il y avait De quoi guérir du vent A travers les nuages. De quoi guérir de l'eau Qui se glisse au ruisseau, Qui paraît se complaire A couler vers plus bas, En se laissant ravir Même ses dimensions. Des graminées Offertes sans montée Au calvaire, Sans vengeance. Des graminées tremblant A peine. Comme si ce n'était Que de savoir la fin Et de ne pas vouloir Y consacrer leur temps. Comme pour tout un jour Qui n'en finirait pas, Des graminées debout Traversant les couteaux Aiguisés par un air Toujours prêt au travail.

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    Arbre L'hiver L'arbre, ici, maintenant, debout, Rien que du bois, Comme un oiseau figé debout La tête en bas. L'arbre vécu Comme du bois Et comme oiseau Ne bougeant pas.

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