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François Coppée

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François Coppée, né le 26 janvier 1842 à Paris et mort le 23 mai 1908 dans la même ville, est un poète, dramaturge et romancier français. Coppée fut le poète populaire et sentimental de Paris et de ses faubourgs, des tableaux de rue intimistes du monde des humbles. Poète de la tristesse à la vue des oiseaux qui meurent en hiver (La Mort des oiseaux), du souvenir d'une première rencontre amoureuse (« Septembre, au ciel léger »), de la nostalgie d'une autre existence (« Je suis un pâle enfant du vieux Paris ») ou de la beauté du crépuscule (« Le crépuscule est triste et doux »), il rencontra un grand succès populaire.

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Poésies

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    Lendemain Puisque, à peine désenlacée De l’étreinte de mes deux bras, Tu demandes à ma pensée Ces vers qu’un jour tu brûleras, Il faut, ce soir, que je surmonte L’état d’adorable langueur Où je rougis un peu de honte, Tout en souriant de bonheur. Pourtant je l’aime, ma fatigue. C’est ton oeuvre, et le long baiser De ta bouche ardente et prodigue A pu seule ainsi m’épuiser ; Et tu veux que je la secoue, Petite coquette ! tu veux Voir rimer les lys de ta joue Avec la nuit de tes cheveux. Tu veux que, dissipant le voile Qui trouble mon cerveau si las, Je dise tes regards d’étoile Et ton haleine de lilas. Mais la preuve, ô capricieuse, Que je ne pense qu’à t’aimer, C’est la fièvre délicieuse Qui m’empêche de l’exprimer. Ainsi, respecte ma paresse ; Ton souvenir passe au travers. Demande des baisers, maîtresse ; Ne me demande pas des vers.

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    Les aïeules À madame Judith Mendès À la fin de juillet les villages sont vides. Depuis longtemps déjà des nuages livides, Menaçant d’un prochain orage à l’occident, Conseillaient la récolte au laboureur prudent. Donc voici la moisson, et bientôt la vendange ; On aiguise les faux, on prépare la grange, Et tous les paysans, dès l’aube rassemblés, Joyeux vont à la fête opulente des blés. Or, pendant tout ce temps de travail, les aïeules Au village, devant les portes, restent seules, Se chauffant au soleil et branlant le menton, Calmes et les deux mains jointes sur leur bâton ; Car les travaux des champs leur ont courbé la taille. Avec leur long fichu peint de quelque bataille, Leur jupe de futaine et leur grand bonnet blanc, Elles restent ainsi tout le jour sur un banc, Heureuses, sans penser peut-être et sans rien dire, Adressant un béat et mystique sourire Au clair soleil qui dore au loin le vieux clocher Et mûrit les épis que leurs fils vont faucher. Ah ! c’est la saison douce et chère aux bonnes vieilles ! Les histoires autour du feu, les longues veilles Ne leur conviennent plus. Leur vieux mari, l’aïeul, Est mort, et, quand on est très-vieux, on est tout seul : La fille est au lavoir, le gendre est à sa vigne. On vous laisse ; et pourtant encore on se résigne, S’il fait un beau soleil aux rayons réchauffants. Elles aimaient naguère à bercer les enfants. Le cœur des vieilles gens, surtout à la campagne, Bat lentement et très-volontiers s’accompagne Du mouvement rythmique et calme des berceaux. Mais les petits sont grands aujourd’hui ; ces oiseaux Ont pris leur vol ; ils n’ont plus besoin de défense ; Et voici, que les vieux, dans leur seconde enfance, N’ont même plus, hélas ! ce suprême jouet. Elles pourraient encor bien tourner le rouet ; Mais sur leurs yeux pâlis le temps a mis son voile ; Leurs maigres doigts sont las de filer de la toile ; Car de ces mêmes mains, que le temps fait pâlir, Elles ont déjà dû souvent ensevelir Des chers défunts la froide et lugubre dépouille Avec ce même lin filé par leur quenouille. Mais ni la pauvreté constante, ni la mort Des troupeaux, ni le fils aîné tombant au sort, Ni la famine après les mauvaises récoltes, Ni les travaux subis sans cris et sans révoltes, Ni la fille, servante au loin, qui n’écrit pas, Ni les mille tourments qui font pleurer tout bas, En cachette, la nuit, les craintives aïeules, Ni la foudre du ciel incendiant les meules, Ni tout ce qui leur parle encore du passé Dans l’étroit cimetière à l’église adossé Où vont jouer les blonds enfants après l’école, Et qui cache, parmi l’herbe et la vigne folle, Plus d’une croix de bois qu’elles connaissent bien, Rien n’a troublé leur cœur héroïque et chrétien. Et maintenant, à l’âge où l’âme se repose, Elles ne semblent pas désirer autre chose Que d’aller, en été, s’asseoir, vers le midi, Sur quelque banc de pierre au soleil attiédi, Pour regarder d’un œil plein de sereine extase Les canards bleus et verts caquetant dans la vase, Entendre la chanson des laveuses et voir Les chevaux de labour descendre à l’abreuvoir. Leur sourire d’enfant et leur front blanc qui tremble Rayonnent de bien-être et de candeur ; il semble Qu’elles ne songent plus à leurs chagrins passés, Qu’elles pardonnent tout, et que c’est bien assez Pour elles que d’avoir, dans leurs vieilles années, Les peines d’autrefois étant bien terminées, Et pour donner la joie à leurs quatre-vingts ans, Le grand soleil, ce vieil ami des paysans.

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    Les trois oiseaux J’ai dit au ramier : – Pars et va quand même, Au delà des champs d’avoine et de foin, Me chercher la fleur qui fera qu’on m’aime. Le ramier m’a dit : – C’est trop loin ! Et j’ai dit à l’aigle : – Aide-moi, j’y compte, Et, si c’est le feu du ciel qu’il me faut, Pour l’aller ravir prends ton vol et monte. Et l’aigle m’a dit : – C’est trop haut ! Et j’ai dit enfin au vautour : – Dévore Ce coeur trop plein d’elle et prends-en ta part. Laisse ce qui peut être intact encore. Le vautour m’a dit : – C’est trop tard !

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    Les yeux de la femme L’Éden resplendissait dans sa beauté première. Eve, les yeux fermés encore à la lumière, Venait d’être créée, et reposait, parmi L’herbe en fleur, avec l’homme auprès d’elle endormi; Et, pour le mal futur qu’en enfer le Rebelle Méditait, elle était merveilleusement belle. Son visage très pur, dans ses cheveux noyé, S’appuyait mollement sur son bras replié Et montrant le duvet de son aisselle blanche; Et, du coude mignon à la robuste hanche, Une ligne adorable, aux souples mouvements, Descendait et glissait jusqu’à ses pieds charmants. Le Créateur était fier de sa créature: Sa puissance avait pris tout ce que la nature Dans l’exquis et le beau lui donne et lui soumet, Afin d’en embellir la femme qui dormait. Il avait pris, pour mieux parfumer son haleine, La brise qui passait sur les lys de la plaine; Pour faire palpiter ses seins jeunes et fiers, Il avait pris le rythme harmonieux des mers; Elle parlait en songe, et pour ce doux murmure Il avait pris les chants d’oiseaux sous la ramure; Et pour ses longs cheveux d’or fluide et vermeil Il avait pris l’éclat des rayons du soleil; Et pour sa chair superbe il avait pris les roses. Mais Eve s’éveillait; de ses paupières closes Le dernier rêve allait s’enfuir, noir papillon, Et sous ses cils baissés frémissait un rayon. Alors, visible au fond du buisson tout en flamme, Dieu voulut résumer les charmes de la femme En un seul, mais qui fût le plus essentiel, Et mit dans son regard tout l’infini du ciel.

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    Lettre Non, ce n'est pas en vous « un idéal » que j'aime, C'est vous tout simplement, mon enfant, c'est vous-même. Telle Dieu vous a faite, et telle je vous veux. Et rien ne m'éblouit, ni l'or de vos cheveux, Ni le feu sombre et doux de vos larges prunelles, Bien que ma passion ait pris sa source en elles. Comme moi, vous devez avoir plus d'un défaut ; Pourtant c'est vous que j'aime et c'est vous qu'il me faut. Je ne poursuis pas là de chimère impossible ; Non, non ! mais seulement, si vous êtes sensible Au sentiment profond, pur, fidèle et sacré, Que j'ai conçu pour vous et que je garderai, Et si nous triomphons de ce qui nous sépare, Le rêve, chère enfant, où mon esprit s'égare, C'est d'avoir à toujours chérir et protéger Vous comme vous voilà, vous sans y rien changer. Je vous sais le cœur bon, vous n'êtes point coquette ; Mais je ne voudrais pas que vous fussiez parfaite, Et le chagrin qu'un jour vous me pourrez donner, J'y tiens pour la douceur de vous le pardonner. Je veux joindre, si j'ai le bonheur que j'espère, À l'ardeur de l'amant l'indulgence du père Et devenir plus doux quand vous me ferez mal. Voyez, je ne mets pas en vous « un idéal, » Et de l'humanité je connais la faiblesse ; Mais je vous crois assez de cœur et de noblesse ; Pour espérer que, grâce à mon effort constant, Vous m'aimerez un peu, moi qui vous aimetant !

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    Lied Rougissante et tête baissée, Je la vois me sourire encor. – Pour le doigt de ma fiancée Qu’on me fasse un bel anneau d’or. Elle part, mais bonne et fidèle ; Je vais l’attendre en m’affligeant. – Pour garder ce qui me vient d’elle Qu’on me fasse un coffret d’argent. J’ai sur le coeur un poids énorme ; L’exil est trop dur et trop long. – Pour que je me repose et dorme, Qu’on me fasse un cercueil de plomb.

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    L’araignée du prophète Mohammed, qui venait d’épouser Kadidja, N’était qu’un chamelier de l’Hedjas; mais déjà Las de voir adorer des idoles ingrates, Son esprit méditait les sublimes sourates Du Koran et rêvait la grandeur d’un seul Dieu, En plein désert, devant l’infini du ciel bleu. Or, à l’heure torride où le soleil accable Les chameaux et les fait se coucher dans le sable, Accroupis et brisés sur leurs rugueux genoux, Mohammed, en sueur sous le poids du burnous, Vit, près de lui, s’ouvrir une caverne sombre; Et, tenté par le calme et la fraîcheur de l’ombre, Celui qui fut plus tard le Prophète et l’Émir Dans ce trou de lion se coucha pour dormir; Et, lorsqu’ayant posé sous sa tête une pierre, Il allait sommeiller et fermait la paupière, Une énorme araignée, au ventre froid et gras, Glissa de son long fil et courut sur son bras. Brusquement mis sur pieds d un bond involontaire, Mohammed rejeta l’insecte immonde à terre, Et, frissonnant, sans lui laisser le temps de fuir, Leva pour l’écraser sa sandale de cuir. Mais soudain il songea que, puisque Dieu la crée, La bête la plus laide est utile et sacrée, Et que l’homme, déjà trop plein de cruauté, Ne doit la mettre à mort que par nécessité; Et, clément, il laissa partir l’horrible bête. Depuis lors bien du temps a passé. Le Prophète Aux ordres de la loi musulmane a soumis Sa femme, ses enfants, ses parents, ses amis. Chaque jour, à sa voix, l’Islam s’accroît du triple. Aux plus lointains pays du désert maint disciple S’en est allé, portant, cachés sous ses habits, Les saints versets écrits sur des os de brebis; Et vingt tribus au seul Allah rendent hommages. Pourtant les vieux Mekkains, adorateurs d’images, Dont la grande mosquée accueillait à la fois Trois cent soixante dieux d’or, d’argile et de bois, Et ceux à qui les djinns font peur, et les sectaires D’Hobal, et le bas peuple, avide de mystères, Qui prit pour une idole et qui divinisa La vierge byzantine avec l’enfant Issa, Et tous ceux qui tuaient leurs filles en bas âge, Ont pris en sainte horreur l’homme pieux et sage Qui leur parle d’un Dieu qu’ils ne comprennent pas; Ils souillent de crachats la trace de ses pas; Et la calme douceur qu’il garde sous l’outrage Augmente leur colère et redouble leur rage. On brandit le candjiar, en lui montrant le poing, Et le Prophète va périr, s’il ne fuit point. Une nuit donc, il part, seul avec Abou-Beckre. Or, songeant que parfois le proscrit qu’on exècre Revient en conquérant terrible et meurtrier Et courbe tous les fronts jusqu’à son étrier, Les vieux cheicks, qui joignaient la prudence à la haine, Envoyèrent après Mohammed, par la plaine, Des cavaliers ayant l’ordre de l’égorger. Mais le Prophète alors se souvint du berger. Par des sentiers gravis jadis avec ses chèvres Entraînant Abou-Beckre, et le doigt sur les lèvres, Il put gagner sa grotte ancienne, il s’y cacha, Et, pendant tout un jour, en vain on le chercha. Ils étaient là, muets, dans l’ombre qui consterne, Lorsque les assassins, à l’huis de la caverne, Parurent, l’oeil au guet et l’arc déjà tendu. Le Prophète frémit, en se croyant perdu; Mais, par protection du Très-Haut, l’araignée, Du sage Mohammed autrefois épargnée, Avait filé sa toile au seuil de ces rochers Où les deux fugitifs étaient alors cachés; Et cette aérienne et fragile barrière Suffit pour arrêter la bande meurtrière, Qui revint sur ses pas, pensant qu’un corps humain N’aurait pu se glisser dans cet étroit chemin Sans détruire en passant l’araignée et ses toiles. La nuit vint, et, marchant sous le ciel plein d’étoiles, Le Prophète, sans crainte et libre, s’en alla. Allah! Allah! il n’est pas d’autre Dieu qu’Allah!

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    L’attente À Auguste Vacquerie Au bout du vieux canal plein de mâts, juste en face De l’Océan et dans la dernière maison, Assise à sa fenêtre, et quelque temps qu’il fasse, Elle se tient, les yeux fixés sur l’horizon. Bien qu’elle ait la pâleur des éternels veuvages, Sa robe est claire ; et bien que les soucis pesants Aient sur ses traits flétris exercé leurs ravages, Ses vêtements sont ceux des filles de seize ans. Car depuis bien des jours, patiente vigie, Dès l’instant où la mer bleuit dans le matin Jusqu’à ce qu’elle soit par le couchant rougie, Elle est assise là, regardant au lointain. Chaque aurore elle voit une tardive étoile S’éteindre, et chaque soir le soleil s’enfoncer À cette place où doit reparaître la voile Qu’elle vit là, jadis, pâlir et s’effacer. Son cœur de fiancée, immuable et fidèle, Attend toujours, certain de l’espoir partagé, Loyal ; et rien en elle, aussi bien qu’autour d’elle, Depuis dix ans qu’il est parti, rien n’a changé. Les quelques doux vieillards qui lui rendent visite, En la voyant avec ses bandeaux réguliers, Son ruban mince où pend sa médaille bénite, Son corsage à la vierge et ses petits souliers, La croiraient une enfant ingénue et qui boude, Si parfois ses doigts purs, ivoirins et tremblants, Alors que sur sa main fiévreuse elle s’accoude, Ne livraient le secret des premiers cheveux blancs. Partout le souvenir de l’absent se rencontre En mille objets fanés et déjà presque anciens : Cette lunette en cuivre est à lui, cette montre Est la sienne, et ces vieux instruments sont les siens. Il a laissé, de peur d’encombrer sa cabine, Ces gros livres poudreux dans leur oubli profond, Et c’est lui qui tua d’un coup de carabine Le monstrueux lézard qui s’étale au plafond. Ces mille riens, décor naïf de la muraille, Naguère, il les a tous apportés de très loin. Seule, comme un témoin inclément et qui raille, Une carte navale est pendue en un coin ; Sur le tableau jaunâtre, entre ses noires tringles, Les vents et les courants se croisent à l’envi ; Et la succession des petites épingles N’a pas marqué longtemps le voyage suivi. Elle conduit jusqu’à la ligne tropicale Le navire vainqueur du flux et du reflux, Puis cesse brusquement à la dernière escale, Celle d’où le marin, hélas ! n’écrivit plus. Et ce point justement où sa trace s’arrête Est celui qu’un burin savant fit le plus noir : C’est l’obscur rendez-vous des flots où la tempête Creuse un inexorable et profond entonnoir. Mais elle ne voit pas le tableau redoutable Et feuillette, l’esprit ailleurs, du bout des doigts, Les planches d’un herbier éparses sur la table, Fleurs pâles qu’il cueillit aux Indes autrefois. Jusqu’au soir sa pensée extatique et sereine Songe au chemin qu’il fait en mer pour revenir, Ou parfois, évoquant des jours meilleurs, égrène Le chapelet mystique et doux du souvenir ; Et, quand sur l’Océan la nuit met son mystère, Calme et fermant les yeux, elle rêve du chant Des matelots joyeux d’apercevoir la terre, Et d’un navire d’or dans le soleil couchant.

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    L’aumône de Noël La messe nocturne est dite. Que d’étoiles dans le ciel ! Comme il gèle ! Rentrons vite. La rude nuit de Noël ! Chacun du froid se protège En fermant porte et rideaux. Sous leurs capuchons de neige Les maisons font le gros dos. On se couche avec angoisse Dans les lits mal bassinés. Les vitraux de la paroisse Ne sont pas illuminés. Tout dort. Qu’il est solitaire, Le hameau silencieux ! Les astres, avec mystère, Ont l’air de cligner des yeux. Mais, chut ! L’ange va descendre Des profondeurs du ciel noir. Tous les enfants dans la cendre Ont mis leurs souliers, ce soir. Comme les autres années, Il vient, lumineux et doux, Jeter par les cheminées Cadeaux, bonbons et joujoux.

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    L’écho J’ai crié dans la solitude : – Mon chagrin sera-t-il moins rude, Un jour, quand je dirai son nom ? Et l’écho m’a répondu : – Non. – Comment vivrai-je, en la détresse Qui m’enveloppe et qui m’oppresse, Comme fait au mort son linceul ? Et l’écho m’a répondu : – Seul ! – Grâce ! le sort est trop sévère ! Mon coeur se révolte ! Que faire Pour en étouffer les rumeurs ? Et l’écho m’a répondu : – Meurs !

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    L’étape A Albert Mérat Les longs récits autour du poêle, à la caserne, La guinguette et l’amour ne sont plus de saison. Boucle ton sac et sangle à tes reins la giberne ; Conscrit, le régiment change de garnison. La route est sèche et blanche, et lointain l’horizon ; Si tes pieds sont meurtris, marche dans la luzerne, Et ne regarde pas le houx de la taverne ; Les traînards ont la belle étoile pour maison. — Je suis du régiment de misère. La tombe, Dernière étape, est loin encore, et je succombe De fatigue, de faim, de soif et de chaleur. Je marche, sans espoir que mon tourment s’apaise, Et, comme un soldat fait de l’arme qui lui pèse, Je ne puis que changer d’épaule ma douleur.

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    L’étoile des bergers Quand dans la froide nuit, au ciel Dont les champs infinis s’azurent, Passa l’étoile de Noël, De pauvres bergers l’aperçurent. Laissant là chèvres et moutons, Prenant crosses et sacs de toile, Ils dirent aussitôt: Partons! Et suivirent l’errante étoile. Les autres, amis du repos, Les prudents et les économes, Rirent, en gardant leurs troupeaux, De la démence de ces hommes. Quand ils revinrent, étonnés, Contant, comme un fait véritable Que l’astre les avait menés Voir un enfant dans une étable, Des voleurs avaient, à ces fous, Pendant leur absence funeste, Pris bien des brebis, et les loups Dévoraient déjà tout le reste ; Et l’on se moqua beaucoup d’eux : « Garder son bien, voilà l’utile! Pourquoi donc courir, hasardeux, Après une étoile qui file?» Mais souffrir et n’avoir plus rien Contentait ces humbles apôtres; Le peu qui leur restait de bien, Ce fut pour le donner aux autres. Fidèles au divin signal Qu’ils avaient suivi sans rien dire, Ils rendaient le bien pour le mal Et pour outrage un sourire. La nuit, près du fleuve, en secret, Ils chantaient en chœur, sous les saules, Et quand un agneau s’égarait, Ils le portaient sur leurs épaules; Bons, ils pardonnaient au méchant Et par un merveilleux mystère, Ils absolvaient, en les touchant, Tous les pécheurs de cette terre. Et les autres bergers, pleins d’or, Dont l’avarice méprisable Creusait, pour y mettre un trésor, Des trous dans la chaleur du sable, Avaient des haines d’envieux Pour ces pauvres de sainte mine Qui gardaient au fond de leurs yeux Un peu de l’étoile divine.

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    Mai Depuis un mois, chère exilée, Loin de mes yeux tu t’en allas, Et j’ai vu fleurir les lilas Avec ma peine inconsolée. Seul, je fuis ce ciel clair et beau Dont l’ardente effluve me trouble, Car l’horreur de l’exil se double De la splendeur du renouveau. En vain j’entends contre les vitres, Dans la chambre où je m’enfermai, Les premiers insectes de Mai Heurter leurs maladroits élytres ; En vain le soleil a souri ; Au printemps je ferme ma porte Et veux seulement qu’on m’apporte Un rameau de lilas fleuri ; Car l’amour dont mon âme est pleine Retrouve, parmi ses douleurs, Ton regard dans ces chères fleurs Et dans leur parfum ton haleine.

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    Marie-Bleue En vain je cherche un mot charmant qui vous désigne, Un mot qui réunisse en sa simplicité Votre blanche jeunesse et votre pureté ; Aucun ne me contente et ne m'en semble digne. Il en est de bien doux pourtant qui me font signe, Des mots resplendissants de candide beauté ; C'est la neige d'hiver, c'est le Paros vanté, Et l'hostie, et l'ivoire, et le lys, et le cygne. Mais j'exprimerais mal, en un mot comme en cent, Cette grâce ingénue et ce charme innocent Qui vous font à mes yeux si touchante et si belle, Et ne trouverais rien de plus essentiel Que ce nom qui vous sied si bien et qui rappelle L'image de la Vierge et la couleur du ciel.

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    Matin d'Octobre C'est l'heure exquise et matinale Que rougit un soleil soudain. À travers la brume automnale Tombent les feuilles du jardin. Leur chute est lente. On peut les suivre Du regard en reconnaissant Le chêne à sa feuille de cuivre, L'érable à sa feuille de sang. Les dernières, les plus rouillées, Tombent des branches dépouillées ; Mais ce n'est pas l'hiver encor. Une blonde lumière arrose La nature, et, dans l'air tout rose, On croirait qu'il neige de l'or.

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    Mois d'Août Par les branches désordonnées Le coin d'étang est abrité, Et là poussent en liberté Campanules et graminées. Caché par le tronc d'un sapin, J'y vais voir, quand midi flamboie, Les petits oiseaux, pleins de joie, Se livrer au plaisir du bain. Aussi vifs que des étincelles, Ils sautillent de l'onde au sol, Et l'eau, quand ils prennent leur vol, Tombe en diamants de leurs ailes. Mais mon cœur, lassé de souffrir, En les admirant les envie, Eux qui ne savent de la vie Que chanter, aimer et mourir !

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    Mois d'Avril Lorsqu'un homme n'a pas d'amour, Rien du printemps ne l'intéresse ; Il voit même sans allégresse, Hirondelles, votre retour ;

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    Mois d'Octobre Avant que le froid glace les ruisseaux Et voile le ciel de vapeurs moroses, Écoute chanter les derniers oiseaux, Regarde fleurir les dernières roses. Octobre permet un moment encor Que dans leur éclat les choses demeurent ; Son couchant de pourpre et ses arbres d'or Ont le charme pur des beautés qui meurent. Tu sais que cela ne peut pas durer, Mon cœur ! mais, malgré la saison plaintive, Un moment encor tâche d'espérer Et saisis du moins l'heure fugitive.

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    François Coppée

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    Mois de Décembre Le hibou parmi les décombres Hurle, et Décembre va finir ; Et le douloureux souvenir Sur ton cœur jette encor ses ombres. Le vol de ces jours que tu nombres, L'aurais-tu voulu retenir ? Combien seront, dans l'avenir, Brillants et purs ; et combien, sombres ? Laisse donc les ans s'épuiser. Que de larmes pour un baiser, Que d'épines pour une rose ! Le temps qui s'écoule fait bien ; Et mourir ne doit être rien, Puisque vivre est si peu de chose.

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    François Coppée

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    Mois de Février Hélas ! dis-tu, la froide neige Recouvre le sol et les eaux ; Si le bon Dieu ne les protège, Le printemps n'aura plus d'oiseaux ! Rassure-toi, tendre peureuse ; Les doux chanteurs n'ont point péri. Sous plus d'une racine creuse Ils ont un chaud et sûr abri. Là, se serrant l'un contre l'autre Et blottis dans l'asile obscur, Pleins d'un espoir pareil au nôtre, Ils attendent l'Avril futur ; Et, malgré la bise qui passe Et leur jette en vain ses frissons, Ils répètent à voix très basse Leurs plus amoureuses chansons. Ainsi, ma mignonne adorée, Mon cœur où rien ne remuait, Avant de t'avoir rencontrée, Comme un sépulcre était muet ; Mais quand ton cher regard y tombe, Aussi pur qu'un premier beau jour, Tu fais jaillir de cette tombe Tout un essaim de chants d'amour.

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    François Coppée

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    Mois de Janvier Songes-tu parfois, bien-aimée, Assise près du foyer clair, Lorsque sous la porte fermée Gémit la bise de l'hiver, Qu'après cette automne clémente, Les oiseaux, cher peuple étourdi, Trop tard, par un jour de tourmente, Ont pris leur vol vers le Midi ; Que leurs ailes, blanches de givre, Sont lasses d'avoir voyagé ; Que sur le long chemin à suivre Il a neigé, neigé, neigé ; Et que, perdus dans la rafale, Ils sont là, transis et sans voix, Eux dont la chanson triomphale Charmait nos courses dans les bois ? Hélas ! comme il faut qu'il en meure De ces émigrés grelottants ! Y songes-tu ? Moi, je les pleure, Nos chanteurs du dernier printemps. Tu parles, ce soir où tu m'aimes, Des oiseaux du prochain Avril ; Mais ce ne seront plus les mêmes, Et ton amour attendra-t-il ?

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    François Coppée

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    Mois de Juillet Le ciel flambe et la terre fume, La caille frémit dans le blé ; Et, par un spleen lourd accablé, Je dévore mon amertume. Sous l'implacable Thermidor Souffre la nature immobile ; Et dans le regret et la bile Mon chagrin s'aigrit plus encor. Crève donc, cœur trop gonflé, crève, Cœur sans courage et sans raison, Qui ne peux vomir ton poison Et ne peux oublier ton rêve ! Par cet insultant jour d'été, Cœur torturé d'amour, éclate ! Et que, de ta fange écarlate Me voyant tout ensanglanté, Ainsi que l'apostat antique, Avec un blasphème impuissant, Je jette à pleines mains mon sang A ce grand soleil ironique !

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    François Coppée

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    Mois de Juin Dans cette vie ou nous ne sommes Que pour un temps si tôt fini, L'instinct des oiseaux et des hommes Sera toujours de faire un nid ; Et d'un peu de paille ou d'argile Tous veulent se construire, un jour, Un humble toit, chaud et fragile, Pour la famille et pour l'amour. Par les yeux d'une fille d'Ève Mon cœur profondément touché Avait fait aussi ce doux rêve D'un bonheur étroit et caché. Rempli de joie et de courage, A fonder mon nid je songeais ; Mais un furieux vent d'orage Vient d'emporter tous mes projets ; Et sur mon chemin solitaire Je vois, triste et le front courbé, Tous mes espoirs brisés à terre Comme les œufs d'un nid tombé.

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    François Coppée

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    Mois de Mars Parfois un caprice te prend, Méchante amie, et tu me boudes, Et sur le balcon tu t'accoudes Malgré l'eau qui tombe à torrent. Mais, vois-tu ! Mars, avec ses grêles A qui succède un gai soleil, Chère boudeuse, est tout pareil A nos fugitives querelles. Tels ces oiseaux, pauvres petits, Sous ce fronton, pendant l'averse, Et telle ta bouche perverse Où des sourires sont blottis. Vienne un rayon, et, la première, Tu tourneras vers moi les yeux, Et les oiselets tout joyeux S'envoleront dans la lumière.

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    François Coppée

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    Mois de Novembre Captif de l'hiver dans ma chambre Et las de tant d'espoirs menteurs, Je vois dans un ciel de novembre, Partir les derniers migrateurs. Ils souffrent bien sous cette pluie ; Mais, au pays ensoleillé, Je songe qu'un rayon essuie Et réchauffe l'oiseau mouillé. Mon âme est comme une fauvette Triste sous un ciel pluvieux ; Le soleil dont sa joie est faite Est le regard de deux beaux yeux ; Mais loin d'eux elle est exilée ; Et, plus que ces oiseaux, martyr, Je ne puis prendre ma volée Et n'ai pas le droit de partir.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Mon Père Tenez, lecteur ! – souvent, tout seul, je me promène Au lieu qui fut jadis la barrière du Maine. C’est laid, surtout depuis le siège de Paris. On a planté d’affreux arbustes rabougris Sur ces longs boulevards où naguère des ormes De deux cents ans croisaient leurs ramures énormes. Le mur d’octroi n’est plus ; le quartier se bâtit. Mais c’est là que jadis, quand j’étais tout petit, Mon père me menait, enfant faible et malade, Par les couchants d’été faire une promenade. C’est sur ces boulevards déserts, c’est dans ce lieu Que cet homme de bien, pur, simple et craignant Dieu, Qui fut bon comme un saint, naïf comme un poète, Et qui, bien que très pauvre, eut toujours l’âme en fête, Au fond d’un bureau sombre après avoir passé Tout le jour, se croyant assez récompensé Par la douce chaleur qu’au coeur nous communique La main d’un dernier-né, la main d’un fils unique, C’est là qu’il me menait. Tous deux nous allions voir Les longs troupeaux de boeufs marchant vers l’abattoir, Et quand mes petits pieds étaient assez solides, Nous poussions quelquefois jusques aux Invalides, Où, mêlés aux badauds descendus des faubourgs, Nous suivions la retraite et les petits tambours. Et puis enfin, à l’heure où la lune se lève, Nous prenions pour rentrer la route la plus brève ; On montait au cinquième étage, lentement ; Et j’embrassais alors mes trois soeurs et maman, Assises et cousant auprès d’une bougie. – Eh bien, quand m’abandonne un instant l’énergie, Quand m’accable par trop le spleen décourageant, Je retourne, tout seul, à l’heure du couchant, Dans ce quartier paisible où me menait mon père ; Et du cher souvenir toujours le charme opère. Je songe à ce qu’il fit, cet homme de devoir, Ce pauvre fier et pur, à ce qu’il dut avoir De résignation patiente et chrétienne Pour gagner notre pain, tâche quotidienne, Et se priver de tout, sans se plaindre jamais. – Au chagrin qui me frappe alors je me soumets, Et je sens remonter à mes lèvres surprises Les prières qu’il m’a dans mon enfance apprises.

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    François Coppée

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    @francoisCoppee

    Nostalgie Parisienne Bon Suisse expatrié, la tristesse te gagne, Loin de ton Alpe blanche aux éternels hivers ; Et tu songes alors aux prés de fleurs couverts, A la corne du pâtre, au loin, dans la montagne. Lassé parfois, je fuis la ville comme un bagne, Et son ciel fin, miré dans la Seine aux flots verts. Mais c'est là que mes yeux d'enfant se sont ouverts, Et le mal du pays me prend, à la campagne. Le vrai fils de Paris ne regrette pas moins Le relent du pavé que, toi, l'odeur des foins. Montagnard nostalgique, - il faut que tu le saches. - Mon coeur, comme le tien, fidèle et casanier, Souffre en exil, et l'air strident du fontainier Me ferait fondre en pleurs ainsi qu'un Ranz des Vaches.

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    François Coppée

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    Novembre Captif de l’hiver dans ma chambre Et las de tant d’espoirs menteurs, Je vois dans un ciel de novembre, Partir les derniers migrateurs. Ils souffrent bien sous cette pluie ; Mais, au pays ensoleillé, Je songe qu’un rayon essuie Et réchauffe l’oiseau mouillé. Mon âme est comme une fauvette Triste sous un ciel pluvieux ; Le soleil dont sa joie est faite Est le regard de deux beaux yeux ; Mais loin d’eux elle est exilée ; Et, plus que ces oiseaux, martyr, Je ne puis prendre ma volée Et n’ai pas le droit de partir.

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    François Coppée

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    @francoisCoppee

    Obstination Vous aurez beau faire et beau dire. L’oubli me serait odieux ; Et je vois toujours son sourire Des adieux. Vous aurez beau dire et beau faire, Sans espoir je dois la chérir ; J’en souffre bien, mais je préfère En souffrir. Vous aurez beau faire et beau dire. Dût-elle même l’ignorer, Je veux, fidèle à mon martyre, La pleurer. Vous aurez beau dire et beau faire. Seule, elle peut mon mal guérir, Et j’aime mieux, s’il persévère, En mourir.

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    François Coppée

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    @francoisCoppee

    Orgueil d'aimer Hélas ! la chimère s'envole Et l'espoir ne m'est plus permis ; Mais je défends qu'on me console. Ne me plaignez pas, mes amis. J'aime ma peine intérieure Et l'accepte d'un cœur soumis. Ma part est encor la meilleure Puisque mon amour m'est resté ; Ne me plaignez pas si j'en pleure. À votre lampe, aux soirs d'été, Les papillons couleur de soufre Meurent pour avoir palpité. Ainsi mon amour, comme un gouffre, M'entraîne et je vais m'engloutir ; Ne me plaignez pas si j'en souffre. Car je ne puis me repentir, Et dans la torture subie J'ai la volupté du martyr ; Et s'il faut y laisser ma vie, Ce sera sans lâches clameurs. J'aime ! j'aime et veux qu'on m'envie ! Ne me plaignez pas si j'en meurs.

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