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Henri Michaux

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Henri Michaux, né le 24 mai 1899 à Namur et mort le 19 octobre 1984 à Paris, est un écrivain, poète et peintre belge d'expression française naturalisé français en 1955.

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Poésies

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    Henri Michaux

    @henriMichaux

    A Mort Terribo la terribline. Vinmur se cache et se reprend. L'autre cède et se débranche, puis revient en crochet. Et gnou, et glou et grouwouwou. Poitrines, bras, jambes, et crânes, nez et dents. Les voici qui débouchent dans la lutte. Et houh! Wouh! Houwouwouh! Cependant se détache le sang; Se détachent petit à petit les sentiments, La vie aussi, Et se détachent enfin deux cadavres sur le chemin trempé, Par un jour de grande pluie, en septembre.

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    Henri Michaux

    @henriMichaux

    Apres ma Mort Je fus transporté après ma mort, je fus transporté non dans un lieu confiné, mais dans l'immensité du vide éthérique. Loin de me laisser abattre par cette immense ouverture en tous sens à perte de vue, en ciel étoile, je me rassemblai et rassemblai tout ce que j'avais été, et ce que j'avais été sur le point d'être, et enfin tout ce que au calendrier secret de moi-même, je m'étais proposé de devenir et serrant le tout, mes qualités aussi, enfin mes vices, dernier rempart, je m'en fis caparace. Sur ce noyau, animé de colère, mais d'une colère nette, que le sang n'appuyait plus, froide et intégrale, je me mis à faire le hérisson, dans une suprême défense, dans un dernier refus. Alors, le vide, les larves du vide qui déjà poussaient tentaculairement vers moi leurs poches molles, me menaçant de l'abjecte endosmose, les larves étonnées après quelques vaines tentatives contre la proie qui refusait de se rendre, reculèrent embarrassées, et se dérobèrent à ma vue, abandonnant à la vie celui qui la méritait tellement. Désormais libre de ce côté, j'usai de ma puissance du moment, de l'exaltation de la victoire inespérée, pour peser vers la Terre et repénétrai mon corps immobile, que les draps et la laine avaient heureusement empêché de se refroidir. Avec surprise, après ce mien effort dépassant celui des géants, avec surprise et joie mêlée de déception je rentrai dans les horizons étroits et fermés où la vie humaine pour être ce qu'elle est, doit se passer.

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    Henri Michaux

    @henriMichaux

    Avenir Quand les mah, Quand les mah, Les marécages, Les malédictions, Quand les mahahahahas, Les mahahaborras, Les mahahamaladihahas, Les matratrimatratrihahas, Les hondregordegarderies, Les honcucarachoncus, Les hordanoplopais de puru paru puru, Les immoncéphales glossés, Les poids, les pestes, les putréfactions, Les nécroses, les carnages, les engloutissements, Les visqueux, les éteints, les infects, Quand le miel devenu pierreux, Les banquises perdant du sang, Les Juifs affolés rachetant le Christ précipitamment, L'Acropole, les casernes changées en choux, Les regards en chauves-souris, ou bien en barbelés, en boîte à clous, De nouvelles mains en raz de marée, D'autres vertèbres faites de moulins à vent, Le jus de la joie se changeant en brûlure, Les caresses en ravages lancinants, les organes du corps les mieux unis en duels au sabre, Le sable à la caresse rousse se retournant en plomb sur tous les amateurs de plage, Les langues tièdes, promeneuses passionnées, se changeant soit en couteaux, soit en durs cailloux, Le bruit exquis des rivières qui coulent se changeant en forêts de perroquets et de marteaux-pilons, Quand Y Épouvantable-Implacable se débondant enfin, Assoira ses mille fesses infectes sur ce Monde fermé, centré, et comme pendu au clou, Tournant, tournant sur lui-même sans jamais arriver à s'échapper, Quand, dernier rameau de l'Être, la souffrance, pointe atroce, survivra seule, croissant en délicatesse, De plus en plus aiguë et intolérable... et le Néant têtu tout autour qui recule comme la panique... Oh! Malheur! Malheur! Oh! Dernier souvenir, petite vie de chaque homme, petite vie de chaque animal, petites vies punctiformes; Plus jamais. Oh! Vide! Oh! Espace! Espace non stratifié... Oh! Espace, Espace!

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    Avis aux jeunes ménages Dès qu'on oublie ce que sont les hommes, on se laisse aller à leur vouloir du bien. C'est pourquoi, sans doute, on conseille de se recueillir de temps à autre, de faire retraite. Qui n'a pas de femmes ne songe qu'à les caresser. Qui femme a, la caresse, mais ne songe qu'à la battre. Eh bien, qu'il la batte... pourvu qu'elle ne s'en aperçoive pas. Cependant mieux vaut encore la tuer. Après, ça ira mieux. Vous vous sentirez plus d'aplomb comme si vous veniez de fumer une bonne pipe, une vraie bonne pipe. Elle aussi d'ailleurs et elle vous appréciera davantage, vous trouvant moins préoccupé, plus vivant, plus aimable, car vous le serez, c'est immanquable. Mais il faudra peut-être la retuer de temps en temps. La paix dans le ménage est à ce prix. Vous le savez maintenant. Vous ne pouvez plus reculer... D'ailleurs, elle-même vous tue peut-être depuis le premier jour que vous avez passé ensemble. Pour une femme un peu délicate, un peu nerveuse, c'est presque un besoin.

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    Bonheur Parfois, tout d'un coup, sans cause visible, s'étend sur moi un grand frisson de bonheur. Venant d'un centre de moi-même si intérieur que je l'ignorais, il met, quoique roulant à une vitesse extrême, il met un temps considérable à se développer jusqu'à mes extrémités. Ce frisson est parfaitement pur. Si longuement qu'il chemine en moi, jamais il ne rencontre d'organe bas, ni d'ailleurs d'aucune sorte, ni ne rencontre non plus idées ni sensations, tant est absolue son intimité. Et Lui et moi sommes parfaitement seuls. Peut-être bien, me parcourant dans toutes mes parties, demande-t-il au passage à celles-ci : « Eh bien? ça va? Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous ici? » C'est possible, et qu'il les réconforte à sa façon. Mais je ne suis pas mis au courant. Je voudrais aussi crier mon bonheur, mais quoi dire? cela est si strictement personnel. Bientôt la jouissance est trop forte. Sans que je m'en rende compte, en quelques secondes cela est devenu une souffrance atroce, un assassinat. La paraiysie! me dis-je. Je fais vite quelques mouvements, je m'asperge de beaucoup d'eau, ou plus simplement, je me couche sur le ventre et cela passe.

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    Bonheur bête Quand donc pourrai-je parler de mon bonheur ? Il n'y a dans mon bonheur aucune paille, aucune trace, aucun sable. Il ne se compare pas à mon malheur (autrefois, paraît-il dans le Passé, quand?). Il n'a pas de limite, il n'a pas de..., pas de. Il ne va nulle part. Il n'est pas à l'ancre, il est tellement sûr qu'il me désespère. Il m'enlève tout élan, il ne me laisse ni la vue, ni l'oreille, et plus il... et moins je... Il n'a pas de limites, il n'a pas de..., pas de. Et pourtant ce n'est qu'une petite chose. Mon malheur était beaucoup plus considérable, il avait des propriétés, il avait des souvenirs, des excroissances, du lest. C'était moi. Mais ce bonheur! Probablement, oh oui, avec le temps il se fera une personnalité, mais le temps, il ne l'aura pas. Le malheur va revenir. Son grand essieu ne peut être bien loin. Il approche.

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    Comme la mer Souvent il arrive que je me jette en avant comme la mer sur la plage. Mais je ne sais encore que faire. Je me jette en avant, je reviens en arrière, je me jette à nouveau en avant. Mon élan qui grandit va bientôt trouver forme. Il le faut. L'amplitude du mouvement me fait haleter (non des poumons, mais d'une respiration uniquement psychique). Sera-ce un meurtre? Sera-ce une onde miséricordieuse sur le Monde? On ne sait pas encore. Mais c'est imminent. J'attends, oppressé, le déferlement de la vague préparatoire. Voilà le moment arrivé... Ça été l'onde de joie, cette fois, l'étalement de bienveillance.

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    Conseil au sujet de la mer Il faut faire grande attention aussi à la mer. Les jours de tempête, on a coutume de faire la promenade des falaises. Et quoique la mer soit pleine de menaces, malgré le va-et-vient de ses forces qui semblent grandir à chaque instant, le spectacle est beau et somme toute réconfortant, puisque cette grande excitation et ces énormes paquets d'eau, des paquets à renverser un train, tout ça ne va qu'à vous mouiller un peu. Cependant, s'il y a une anse, où les violences de la mer sont peut-être moins fortes, mais venant de plusieurs directions se conjuguent en une trouble mêlée, il peut n'être pas bon de regarder, car tandis que la plus grande violence n'avait pas réussi à vous démoraliser, tout au contraire, cette surface sans horizontalité, sans fond, cuve d'eau montante, descendante, hésitante, comme si elle-même souffrait, peinait humainement (ses mouvements sont devenus lents et embarrassés et comme calculés), cette eau vous fait sentir en vous-même l'absence d'une vraie base, qui puisse servir en tout cas, et le sol même, suivant la démarche de votre esprit, semble se dérober sous vos pieds.

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    Emme et le vieux médecin Revenant des Indes avec une jambe gonflée d'où le pus sortait de toutes parts, Emme fit un détour pour aller consulter un vieux médecin qui habitait la Forêt Noire, et lui montra sa jambe et le pus. — Oh, fit celui-ci, quelques microbes vieux et usés peut-être qui restent encore... Quelques vieux microbes usés... Comme le jeune homme s'inquiétait pour l'os de sa jambe que les microbes allaient détruire : — Non, je ne pense pas, fit le médecin, je les vois plutôt embarrassés. Leur bon temps est fini, croyez-moi, et il le congédia avec un sourire paisible.

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    En circulant dans mon corps En ce temps-là, la peur que je ne connaissais plus depuis dix ans, la peur à nouveau me commanda. D'un mal sourd d'abord, mais qui, quand il vient enfin, vient comme l'éclair, comme le souffle qui désagrège les édifices, la peur m'occupa. Ma peur songeant à ma main qui dans un avenir proche devait se figer, cet avenir à l'instant fut; et ma main se figea, ne pouvant plus retenir un objet. Ma peur pensant la nécrose des extrémités, aussitôt mes pieds se glacèrent et, la vie les quittant, se trouvèrent comme tronçonnées de mon corps. Un barrage catégorique m'en tenait désormais éloigné. Déjà j'abandonnais ces mottes qui seulement pour peu de temps encore devaient s'appeler mes pieds, me promettant des douleurs terribles, avant de s'en aller, et après, étant partis... Ma peur ensuite allant à ma tête, en moins de deux, un mal fulgurant me sabra le crâne et s'en suivit une défaillance telle que j'eusse reculé devant l'effort pour retrouver mon nom. Ainsi je circulais en angoisse dans mon corps affolé, excitant des chocs, des arrêts, des plaintes. J'éveillai les reins, et ils eurent mal. Je réveillai le colon, il pinça; le cœur, il dégaina. Je me dévêtais la nuit, et dans les tremblements j'inspectais ma peau, dans l'attente du mal qui allait la crever. Un chatouillement froid m'alertait tantôt ici, tantôt là, un chatouillement froid à toutes les zones de moi. La guerre venait de finir et je cessais de me remparer, quand la peur qui n'attend qu'un soulagement pour paraître, la peur entra en moi en tempête et dès lors ma guerre commença.

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    Encore un Malheureux Il habitait rue Saint-Sulpice. Mais il s'en alla. « Trop près de la Seine, dit-il, un faux pas est si vite fait »; il s'en alla. Peu de gens réfléchissent comme il y a de l'eau, et profonde et partout. Les torrents des Alpes ne sont pas si profonds, mais ils sont tellement rapides (résultat pareil). L'eau est toujours la plus forte, de quelque manière qu'elle se présente. Et comme il s'en rencontre de tous côtés presque sur toutes les routes... il a beau exister des ponts et des ponts, il suffit d'un qui manque et vous êtes noyé, aussi sûrement noyé qu'avant l'époque des ponts. « Prenez de l'hémostyl, disait le médecin, ça provient du sang. » « Prenez de l'antasthène, disait le médecin, ça provient des nerfs. » « Prenez des balsamiques, disait le médecin, ça provient de la vessie. » Oh ! l'eau, toutes ces eaux par le monde entier!

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    L'avenir Quand les mah. Quand les mah, Les marécages, Les malédictions, Quand les mahahahahas, Les mahahaborras, Les mahahamaladihahas, Les matratrimatratrihahas, Les hondregordegarderies, Les honcucarachoncus, Les hordanoplopais de puru para puru, Les immoncéphales glossés, Les poids, les pestes, les putréfactions, Les nécroses, les carnages, les engloutissements, Les visqueux, les éteints, les infects, Quand le miel devenu pierreux. Les banquises perdant du sang. Les Juifs affolés rachetant le Christ précipitamment, L'Acropole, les casernes changées en choux, Les regards en chauve-souris, ou bien en barbelés, en boîte à clous, De nouvelles mains en raz de marée, D'autres vertèbres faites de moulins à vent, Le jus de la joie se changeant en brûlure, Les caresses en ravages lancinants, les organes du corps les mieux unis en duels au sabre. Le sable à la caresse rousse se retournant en plomb sur tous les amateurs de plage. Les langues tièdes, promeneuses passionnées, se changeant soit en couteaux, soit en durs cailloux, Le bruit exquis des rivières qui coulent se changeant en forêts de perroquets et de marteaux-pilons, Quand Y Épouvantable-Implacable se débondant enfin, Assoira ses mille fesses infectes sur ce Monde fermé, centré, et comme pendu au clou, Tournant, tournant sur lui-même sans jamais arriver à s'échapper, Quand, dernier rameau de l'Être, la souffrance, pointe atroce, survivra seule, croissant en délicatesse, De plus en plus aiguë et intolérable... et le Néant têtu tout autour qui recule comme la panique... Oh! Malheur! Malheur! Oh! Dernier souvenir, petite vie de chaque homme, petite vie de chaque animal, petites vies punctiformes! Plus jamais. Oh! Vide! Oh! Espace! Espace non stratifié... Oh! Espace, Espace!

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    La paix des sabres Sur le trajet d'une interminable vie de cahots et de coups, je rencontrai une grande paix. Après des traverses et des revers, et encore en pleine défaite, je la rencontrai et plutôt elle était trop grande que pas assez. Même une feuille dans une atmosphère parfaitement calme de fin d'après-midi bougeait à l'excès pour moi. Le roc lui-même n'était pas solide à suffisance. Par les passages sur lui de la lumière et de l'ombre, fâcheusement il se relâchait de la dureté intransigeante dont je caparaçonnais la nature entière. Immobilité! Immobilité! Immobilité! Tel était mon seul commandement. Les vivants ne trouvaient pas grâce. Loin de là. C'étaient eux que je me sentais le plus impérieux besoin de fixer à jamais imperturbés. Les lardant de sabres, de cimeterres, de rapières, je ne m'arrêtais pas avant que, inflexibles, tout en lames, ils ne s'arrêtassent eux-mêmes. Toute faiblesse résorbée, farouches, indici-blement farouches, ils entraient enfin dans une éternité qui ne pouvait plus rien contre eux.

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    La paresse L'âme adore nager. Pour nager on s'étend sur le ventre. L'âme se déboîte et s'en va. Elle s'en va en nageant. (Si votre âme s'en va quand vous êtes debout, ou assis, ou les genoux ployés, ou les coudes, pour chaque position corporelle différente l'âme partira avec une démarche et une forme différentes, c'est ce que j'établirai plus tard.) On parle souvent de voler. Ce n'est pas ça. C'est nager qu'elle fait. Et elle nage comme les serpents et les anguilles, jamais autrement. Quantité de personnes ont ainsi une âme qui adore nager. On les appelle vulgairement des paresseux. Quand l'âme quitte le corps par le ventre pour nager, il se produit une telle libération de je ne sais quoi, c'est un abandon, une jouissance, un relâchement si intime. L'âme s'en va nager dans la cage de l'escalier ou dans la rue suivant la timidité ou l'audace de l'homme, car toujours elle garde un fil d'elle à lui, et si ce fil se rompait (il est parfois très ténu, mais c'est une force effroyable qu'il faudrait pour rompre le fil), ce serait terrible pour eux (pour elle et pour lui). Quand donc elle se trouve occupée à nager au loin, par ce simple fil qui lie l'homme à l'âme s'écoulent des volumes et des volumes d'une sorte de matière spirituelle, comme de la boue, comme du mercure, ou comme un gaz — jouissance sans fin. C'est pourquoi le paresseux est indécrottable. Il ne changera jamais. C'est pourquoi aussi la paresse est la mère de tous les vices. Car qu'est-ce qui est plus égoïste que la paresse? Elle a des fondements que l'orgueil n'a pas. Mais les gens s'acharnent sur les paresseux. Tandis qu'ils sont couchés, on les frappe, on leur jette de l'eau fraîche sur la tête, ils doivent vivement ramener leur âme. Ils vous regardent alors avec ce regard de haine, que l'on connaît bien, et qui se voit surtout chez les enfants.

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    Le danger des associations de pensées C'est beau, une scie, une scie de scieurs de long, une scie qui puissamment, souplement, tranquillement avance dans une bille de bois pesante qu'elle tranche souverainement. C'est beau aussi une poitrine. Très beau. Dedans, dehors. Dedans, plus encore, si magnifiquement utile quand on sait s'en servir, la menant de temps à autre à l'air froid des hautes altitudes où elle prospère et s'éjouit. Mais comme c'est misérable, une poitrine sous une scie qui approche imperturbable, comme c'est misérable, surtout si c'est la vôtre, et pourquoi vous être arrêté la pensée sur la scie alors qu'il n'y a que votre corps qui vous intéresse, dont la scie par ce fait approchera fatalement? Et en une époque de sang comme la nôtre, comment n'irait-elle pas s'y accrocher? En effet la voilà qui entre, comme chez elle, s'enfonce grâce à ses dents merveilleuses, taillant tranquillement dans la poitrine son sillon qui ne servira à personne, à personne, n'est-ce pas évident? Trop tard maintenant les réflexions « de distraction ». Elle est là. Elle règne dans la place et comme une inconsciente la voilà qui se met a trancher dans votre corps perdu, fatalement perdu à présent.

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    Liberté d'action Je ne voyage plus. Pourquoi les voyages m'intéresseraient-ils? Ce n'est pas ça. Ce n'est jamais ça. Je peux l'arranger moi-même, leur pays. De la façon qu'ils s'y prennent, il y a toujours trop de choses qui ne portent pas. Ils se sont donné du mal inutilement, ces New-Yorkais avec leurs gratte-ciel, si faciles à survoler, ces Chinois avec leurs pagodes et leur civilisation de derrière les fagots. Moi, je mets la Chine dans ma cour. Je suis plus à l'aise pour l'observer. Et ils n'essayent pas de me tromper comme ils font chez eux, aidés par leur propagande xénophobe. Ils font chez moi tranquillement leur petit commerce. L'argent passe, et passe. Ça leur suffit, pourvu qu'il passe. Et ils arrivent de la sorte à élever leur nombreuse famille... si je leur en laisse le temps. Même sans argent, ils y arrivent, et à l'avoir peut-être encore plus nombreuse, aidés par la misère et par l'abandon au destin. Il faut même que j'y prenne garde. Ce n'est pas moi non plus qui irais au Tyrol ou en Suisse, risquer au retour une grève des chemins de fer et des lignes aériennes et de me trouver coincé comme un cancrelat sous une semelle. Pas si fou! Les montagnes, j'en mets où et quand il me plaît, où le hasard et des complaisances secrètes m'ont rendu avide de montagnes, dans une capitale, encombrée de maisons, d'autos et de piétons préparés exclusivement à la marche horizontale et à l'air doucereux des plaines. Je les mets là (pas ailleurs), en pleine construction de briques et de moellons, et les bâtiments n'ont qu'à faire place. D'ailleurs, ce sont des volcans, mes montagnes, et fin prêts à cracher une nouvelle hauteur en moins de deux. Ils s'élèvent donc entre les pâtés de maisons du reste affreuses qu'ils bousculent pour prendre place, la place qu'ils méritent. Ils sont là maintenant. Sinon, est-ce que je continuerais d'habiter cette ville opaque? Est-ce que quelqu'un continuerait d'y habiter? Non. Sans cette invasion volcanique, la vie dans une grande ville serait bientôt tout à fait insupportable.

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    Henri Michaux

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    Un monde écartelé Je vous construirai une ville avec des loques, moi ! Je vous construirai sans plan et sans ciment Un édifice que vous ne détruirez pas, Et qu'une espèce d'évidence écumante Soutiendra et gonflera, qui viendra vous braire au nez, Et au nez gelé de tous vos Parthénons, vos Arts Arabes, et de vos Mings. Avec de la fumée, avec de la dilution de brouillard Et du son de peaux de tambour, Je vous asseoirai des forteresses écrasantes et superbes, Des forteresses faites exclusivement de remous et de secousses, Contre lesquelles votre ordre multimillénaire et votre géométrie Tomberont en fadaises et galimatias et poussières de sable sans raisons…. Oh ! monde, monde étranglé, ventre froid ! Même pas symbole ; mais néant , je contre, je contre, Je contre, et te gave de chiens crevés En tonnes, vous m'entendez, en tonnes je vous arracherai ce que vous m'avez refusé en grammes… Dans le noir, nous verrons clair mes frères. Dans le labyrinthe, nous trouverons la voie droite. Carcasse, Où est ta place ici, gêneuse, pisseuse, pot cassé ? Poulie gémissante, comme tu vas sentir les cordages tendus des quatre mondes ! Comme je vais t'écarteler !

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