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Jean Orizet

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Jean Orizet, né le 5 mars 1937 à Marseille, est un poète et un prosateur français dont l'œuvre s'inscrit dans la lignée des écrivains voyageurs et humanistes. Cofondateur à Paris de la revue Poésie 1 en 1969 et des éditions du Cherche midi en 1975, Orizet effectue également des missions pour les services culturels du ministère des Affaires étrangères et pour l'Alliance française. Traduite en plus de vingt langues, son œuvre est couronnée par de nombreux prix. Il est membre de l'académie Mallarmé, de l'association internationale de la critique littéraire et président d'honneur du PEN club français. On lui doit l'invention du concept d'« entretemps » qui sous-tend l'ensemble de ses écrits,,,.

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Poésies

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    Combat de mer Douce respiration de mer, vivifiant, par souffle d'écume, le peuple des galets que tempête exila. Entre plaine sablonneuse et citadelles de roc, veillaient leurs sentinelles. Une horde d'étoiles diurnes — pouvoir absolu sur la baie — attaque, en plein midi, ce peuple. Sous la puissance des rayons, les galets, fondus pierres précieuses, perdent, et pour longtemps, l'amitié du sable ou du sel. Campé à flanc de colline, le village fortifié dit le lieu de la terre et son Uen ténu avec l'eau. La brume est descendue ; il faut apaiser les vagues d'où naîtront barques blanches éployant leurs filets. Passage des mouettes retenant leur vol, pour suivre l'instinct qui les pousse aux étages des crêtes. La chute adoucie du soleil fait surgir un décor lavande, en ultime barrage à l' engloutissement. Colonies de rochers sous-marins en quête d'une transparence, hérissée, par les oursins, de fascines à ne pas franchir. Torturés, quelques tourbillons tergiversent sur le choix possible d'un camp, avant de s'abîmer en eux-mêmes dans la propice cavité qu'ils avaient élue pour abri. Orphelin émancipé des coques, le bois flottant met à la cape, abandonnant son territoire aux appétits des cormorans. Entre les balises et la côte, remodelant chaque matin, vient le vent qui souffle de terre. Nuage nucléaire vite désamorcé, il contrait la mer à F oubli, s'improvisant ami des remparts d'ocre, avant de lancer devant soi ses gazelles au bleu si vibrant qu'une étrave les pulvérise. Trop de sel dispersé, trop d'iode en folie feront pencher le sort de la bataille, et le siège échouera, ses assaillants gobés par la blancheur têtue des focs. L'algue à la tempe translucide avec le roseau migrant seront embrasés sur la plage, signaux d'un vent déjà vaincu. L'eau devient trouble dans la passe, les voiles jaillissent du sac. Voici que la tempête étiole et renie ses alliés. Confiance retrouvée des mouettes en la surface. Nul éclat ne mouillera leur cri. Écoutez s'épanouir le grand rire solaire, et dire, à qui veut le comprendre, au moment où il va sombrer: la mort ne peut être en chemin tant que le fanal du pêcheur excite une étoile à sa poupe.

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    Hiver sur la Baltique Baltique, lac tranquille aux reflets de vieux bronze avalé par la brume, à quelques encablures. Longeant le rivage, une ligne d'arbres taillés dans du givre pur, tranche d'un éclat plus vif sur la neige un peu grise, écaille des champs plats. Sable sans couleur où canards, mouettes et poules d'eau sont les seuls baigneurs de cette fin de janvier. Température: quinze degrés en dessous de zéro. On dit que lors d'hivers encore plus rudes, la mer peut être prise par les glaces. Des cygnes se laissent parfois surprendre. Si nul ne vient les délivrer, ils meurent le cou tendu, lisses joyaux sertis dans Faigue-marine.

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    L'arbre du voyageur On les rencontre un peu partout dans les îles. L'avenue qui entre à Fort-de-France est bordée de ces curieux arbres, sortes de palmiers aplatis, à l'apparence exagérément décorative. Leurs feuilles palmifides — nervures d'émeraude sur limbe d'azur — avec pétioles d'humeur égale, partent d'une tige centrale qui a gonflé dans le prolongement du tronc, ou stipe, avant de s'incurver gracieusement, sur un plan vertical, de part et d'autre de cette tige, évoquant la forme d'une plume de paon à son extrémité, ou celle d'un éventail ouvert dont les lames, à leur pointe, seraient ornées d'une matière ondoyante et touffue: plumes d'autruche, par exemple. Il suffit, avec le coupe-coupe, de trancher l'une de ces palmes pour recueillir l'eau dont elle est gorgée, ce que faisaient jadis, afin d'étancher leur soif, les Antillais se déplaçant à pied. Aussi nommèrent-ils ce palmier l'« arbre du voyageur ».

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    Niveaux de survie Eau grise prisonnière des névés Depuis longtemps elle coule invisible aux arêtes de la nuit, aux ruptures des plaines aux esquisses de saisons cassantes La vie est peut-être encore en cette eau ou est-ce le manteau de la mort qui préserve? Ni altitude ni profondeur l'effort comme seul bloc Ce bloc réchauffe lentement les formes Des turbulences créent la sphère piquetée de galaxies par une lueur nouvelle pour témoigner qu'une géométrie va naître à la couleur La couleur sera d abord le bleu envahisseur d'atmosphère qui lèvera sa houle à submerger le minéral Viendra le temps de pâleur où ne survivent que les îles Totems aux regards très lointains, poudre d'écorce, écaille de tortues, plages fécondes Féconde aussi la terre où s'écrit l'histoire du vert depuis la patience aiguë de l'herbe, toison d'un pur pourrissement, jusqu'à la provocation des arbres avec leurs branches empennées, leurs troncs déjà doriques et leur sève — sang glacé. Vite le sang monte soleil, irrigue des chevelures, nourrit le noyau fruitier. La glaise n'est plus seule depuis qu'un fleuve la parcourt Rouge est maintenant la peau d'homme. Homme aventurier Traceur de signes au tréfonds de lui-même bastion délimité, défenseur de glacis île, encore, mais aux rivages flous Une encre noire lave son paysage Horizon toujours dédoublé en vision diurne ou nocturne L'oiseau fou de mémoire stabilise son vol entre vide et paroi avant de s'élancer vers d'autres géographies passagères Passagères de l'écriture parmi les continents visités où l'essor de l'éclair annonce l'atterrissage de la foudre Rides d'une sagesse sur paupières de souvenirs Souvenirs suspendus qui dédoublent la lune astre d'un vide rayé La glace est toujours en dessous l'orage menace encore quand un équilibre s'installe pour épauler l'irrationnel de ces éclats de monde rongés d'espace-temps

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