Titre : Niveaux de survie
Auteur : Jean Orizet
Eau grise prisonnière des névés
Depuis longtemps elle coule invisible
aux arêtes de la nuit, aux ruptures des plaines
aux esquisses de saisons cassantes
La vie est peut-être encore en cette eau
ou est-ce le manteau de la mort qui préserve?
Ni altitude ni profondeur l'effort comme seul bloc
Ce bloc réchauffe lentement les formes
Des turbulences créent la sphère piquetée de galaxies par une lueur nouvelle pour témoigner qu'une géométrie va naître à la couleur
La couleur sera d abord le bleu
envahisseur d'atmosphère
qui lèvera sa houle à submerger le minéral
Viendra le temps de pâleur où ne survivent que les îles
Totems aux regards très lointains, poudre d'écorce, écaille de tortues, plages fécondes
Féconde aussi la terre où s'écrit l'histoire du vert depuis la patience aiguë de l'herbe, toison d'un pur pourrissement, jusqu'à la provocation des arbres avec leurs
branches empennées, leurs troncs déjà doriques et leur sève — sang glacé.
Vite le sang monte soleil, irrigue des chevelures, nourrit le noyau fruitier.
La glaise n'est plus seule depuis qu'un fleuve la parcourt
Rouge est maintenant la peau d'homme.
Homme aventurier
Traceur de signes au tréfonds de lui-même bastion délimité, défenseur de glacis île, encore, mais aux rivages flous
Une encre noire lave son paysage
Horizon toujours dédoublé en vision diurne ou nocturne
L'oiseau fou de mémoire stabilise son vol entre vide et paroi avant de s'élancer vers d'autres géographies passagères
Passagères de l'écriture parmi les continents visités où l'essor de l'éclair annonce l'atterrissage de la foudre
Rides d'une sagesse
sur paupières de souvenirs
Souvenirs suspendus qui dédoublent la lune astre d'un vide rayé
La glace est toujours en dessous l'orage menace encore quand un équilibre s'installe pour épauler l'irrationnel
de ces éclats de monde rongés
d'espace-temps