Conseils à une Parisienne Oui, si j'étais femme, aimable et jolie,
Je voudrais, Julie,
Faire comme vous ;
Sans peur ni pitié, sans choix ni mystère,
A toute la terre
Faire les yeux doux.
Je voudrais n'avoir de soucis au monde
Que ma taille ronde,
Mes chiffons chéris,
Et de pied en cap être la poupée
La mieux équipée
De Rome à Paris.
Je voudrais garder pour toute science
Cette insouciance
Qui vous va si bien ;
Joindre, comme vous, à l'étourderie
Cette rêverie
Qui ne pense à rien.
Je voudrais pour moi qu'il fût toujours fête,
Et tourner la tête,
Aux plus orgueilleux ;
Être en même temps de glace et de flamme,
La haine dans l'âme,
L'amour dans les yeux.
Je détesterais, avant toute chose,
Ces vieux teints de rose
Qui font peur à voir.
Je rayonnerais, sous ma tresse brune,
Comme un clair de lune
En capuchon noir.
Car c'est si charmant et c'est si commode,
Ce masque à la mode,
Cet air de langueur !
Ah ! que la pâleur est d'un bel usage !
Jamais le visage
N'est trop loin du coeur.
Je voudrais encore avoir vos caprices,
Vos soupirs novices,
Vos regards savants.
Je voudrais enfin, tant mon coeur vous aime,
Être en tout vous-même...
Pour deux ou trois ans.
Il est un seul point, je vous le confesse,
Où votre sagesse
Me semble en défaut.
Vous n'osez pas être assez inhumaine.
Votre orgueil vous gêne ;
Pourtant il en faut.
Je ne voudrais pas, à la contredanse,
Sans quelque prudence
Livrer mon bras nu ;
Puis, au cotillon, laisser ma main blanche
Traîner sur la manche
Du premier venu.
Si mon fin corset, si souple et si juste,
D'un bras trop robuste
Se sentait serré,
J'aurais, je l'avoue, une peur mortelle
Qu'un bout de dentelle
N'en fût déchiré.
Chacun, en valsant, vient sur votre épaule
Réciter son rôle
D'amoureux transi ;
Ma beauté, du moins, sinon ma pensée,
Serait offensée
D'être aimée ainsi.
Je ne voudrais pas, si j'étais Julie,
N'être que jolie
Avec ma beauté.
Jusqu'au bout des doigts je serais duchesse.
Comme ma richesse,
J'aurais ma fierté.
Voyez-vous, ma chère, au siècle où nous sommes,
La plupart des hommes
Sont très inconstants.
Sur deux amoureux pleins d'un zèle extrême,
La moitié vous aime
Pour passer le temps.
Quand on est coquette, il faut être sage.
L'oiseau de passage
Qui vole à plein coeur
Ne dort pas en l'air comme une hirondelle,
Et peut, d'un coup d'aile,
Briser une fleur.
il y a 9 mois
Alfred De Musset
@alfredDeMusset
Marie Ainsi, quand la fleur printanière
Dans les bois va s’épanouir,
Au premier souffle du zéphyr
Elle sourit avec mystère ;
Et sa tige fraîche et légère,
Sentant son calice s’ouvrir,
Jusque dans le sein de la terre
Frémit de joie et de désir.
Ainsi, quand ma douce Marie
Entr’ouvre sa lèvre chérie,
Et lève, en chantant, ses yeux bleus,
Dans l’harmonie et la lumière
Son âme semble tout entière
Monter en tremblant vers les cieux.
il y a 9 mois
Alfred de Vigny
@alfredDeVigny
Comme deux cygnes blancs Comme deux cygnes blancs, aussi purs que leurs ailes,
Vous passez doucement, sœurs modestes et belles,
Sur le paisible lac de vos jours bienheureux.
En langage français, quelques vers amoureux
En vain voudraient vous peindre avec des traits fidèles ;
Vous lirez sans comprendre, et, sur votre miroir,
Comme les beaux oiseaux, passerez sans vous voir !
il y a 9 mois
Alfred de Vigny
@alfredDeVigny
L'heure ou tu pleures Une heure sonne dans la nuit,
La journée enfin s'est éteinte,
L'ombre calme efface l'empreinte
De ses clartés et de son bruit;
Tout ce théâtre, où l'on t'adore,
N'est plus qu'une salle sonore
Où ta voix retentit encore
Comme un faible écho qui s'enfuit.
La colonnade illuminée
Se perd dans l'ombre et nous paraît
Une sombre et noire forêt.
Sortant d'une terre minée.
Nos pas ébranlent en passant
Le sourd plancher retentissant
Qui résiste à ton pied glissant
Comme une ville ruinée.
Et toi, tu rêves solitaire,
Toi, l'âme de ce corps désert,
O toi, la voix de ce concert
Qui ce soir enchantait la terre,
Tu viens de remonter aux deux
Ainsi qu'un oiseau gracieux
Se tait, et dans son nid soyeux
Cherche la paix et le mystère.
Mais dans son nid le doux oiseau
Dort mollement sur sa couvée;
Et sur sa couche inachevée
S'arrondit comme en un berceau;
Il met sa tête sous sa plume,
Baigné des vapeurs de la brume
Qui monte à astre du ruisseau.
Et toi, tu penses et tu pleures.
il y a 9 mois
A
Alice Lemieux-Lévesque
@aliceLemieuxLevesque
Quand donc ma poésie aura-t-elle des ailes ? Quand donc ma poésie aura-t-elle des ailes?
Quand sera-t-elle assez forte dans sa douceur,
Pour que l'on puisse entendre y palpiter mon cœur?
— Mon cœur caché souvent dans ces frêles dentelles?
Quand mes vers auront-ils tout le parfum du soir?
Seront-ils assez grands pour contenir mon âme ;
Et pourront-ils un jour devenir cette flamme,
Dont la lumière apporte et l'amour et l'espoir?
Et quand pourrai-je enfin l'offrir ô poésie,
De ces vers que je rêve de tisser pour toi :
Musique qui soupire et qui murmure en moi,
Accents où je voudrais mettre un peu de ma vie.
... J'espère en l'avenir et peut-être qu'un jour.
Je pourrai dignement ciseler de mes vers,
Une urne à contenir la voix de l'univers...
J'essaierai ce jour-là, d'y loger mon amour...
il y a 9 mois
Alphonse de Lamartine
@alphonseDeLamartine
Hymne de l'enfant a son réveil Ô père qu'adore mon père !
Toi qu'on ne nomme qu'à genoux !
Toi, dont le nom terrible et doux
Fait courber le front de ma mère !
On dit que ce brillant soleil
N'est qu'un jouet de ta puissance ;
Que sous tes pieds il se balance
Comme une lampe de vermeil.
On dit que c'est toi qui fais naître
Les petits oiseaux dans les champs,
Et qui donne aux petits enfants
Une âme aussi pour te connaître !
On dit que c'est toi qui produis
Les fleurs dont le jardin se pare,
Et que, sans toi, toujours avare,
Le verger n'aurait point de fruits.
Aux dons que ta bonté mesure
Tout l'univers est convié ;
Nul insecte n'est oublié
À ce festin de la nature.
L'agneau broute le serpolet,
La chèvre s'attache au cytise,
La mouche au bord du vase puise
Les blanches gouttes de mon lait !
L'alouette a la graine amère
Que laisse envoler le glaneur,
Le passereau suit le vanneur,
Et l'enfant s'attache à sa mère.
Et, pour obtenir chaque don,
Que chaque jour tu fais éclore,
À midi, le soir, à l'aurore,
Que faut-il ? prononcer ton nom !
Ô Dieu ! ma bouche balbutie
Ce nom des anges redouté.
Un enfant même est écouté
Dans le choeur qui te glorifie !
On dit qu'il aime à recevoir
Les voeux présentés par l'enfance,
À cause de cette innocence
Que nous avons sans le savoir.
On dit que leurs humbles louanges
A son oreille montent mieux,
Que les anges peuplent les cieux,
Et que nous ressemblons aux anges !
Ah ! puisqu'il entend de si loin
Les voeux que notre bouche adresse,
Je veux lui demander sans cesse
Ce dont les autres ont besoin.
Mon Dieu, donne l'onde aux fontaines,
Donne la plume aux passereaux,
Et la laine aux petits agneaux,
Et l'ombre et la rosée aux plaines.
Donne au malade la santé,
Au mendiant le pain qu'il pleure,
À l'orphelin une demeure,
Au prisonnier la liberté.
Donne une famille nombreuse
Au père qui craint le Seigneur,
Donne à moi sagesse et bonheur,
Pour que ma mère soit heureuse !
Que je sois bon, quoique petit,
Comme cet enfant dans le temple,
Que chaque matin je contemple,
Souriant au pied de mon lit.
Mets dans mon âme la justice,
Sur mes lèvres la vérité,
Qu'avec crainte et docilité
Ta parole en mon coeur mûrisse !
Et que ma voix s'élève à toi
Comme cette douce fumée
Que balance l'urne embaumée
Dans la main d'enfants comme moi !
il y a 9 mois
Alphonse de Lamartine
@alphonseDeLamartine
La chute d'un ange Saint ! saint ! saint ! le
Seigneur qu'adore la colline !
Derrière ses soleils, d'ici nous le voyons ;
Quand le souffle embaumé de la nuit nous incline,
Comme d'humbles roseaux sous sa main nous plions !
Mais pourquoi plions-nous ?
C'est que nous le prions,
C'est qu'un intime instinct de la vertu divine
Fait frissonner nos troncs du dôme à la racine,
Comme un vent du courroux qui rougit leur narine,
Et qui ronfle dans leur poitrine,
Fait ondoyer les crins sur les cous des lions.
Glissez, glissez, brises errantes,
Changez en cordes murmurantes
La feuille et la fibre des bois !
Nous sommes l'instrument sonore
Où le nom que la lune adore
À tous moments meurt pour éclore
Sous nos frémissantes parois.
Venez, des nuits tièdes haleines ;
Tombez du ciel, montez des plaines,
Dans nos branches du grand nom pleines
Passez, repassez mille fois !
Si vous cherchez qui le proclame,
Laissez là l'éclair et la flamme !
Laissez là la mer et la lame !
Et nous, n'avons-nous pas une âme
Dont chaque feuille est une voix ?
Tu le sais, ciel des nuits, à qui parlent nos cimes ;
Vous, rochers que nos pieds sondent jusqu'aux abîmes
Pour y chercher la sève et les sucs nourrissants ;
Soleil dont nous buvons les dards éblouissants ;
Vous le savez, ô nuits dont nos feuilles avides
Pompent les frais baisers et les perles humides,
Dites si nous avons des sens !
Des sens ! dont n'est douée aucune créature :
Qui s'emparent d'ici de toute la nature,
Qui respirent sans lèvre et contemplent sans yeux,
Qui sentent les saisons avant qu'elles éclosent,
Des sens qui palpent l'air et qui le décomposent,
D'une immortelle vie agents mystérieux !
Et pour qui donc seraient ces siècles d'existence ?
Et pour qui donc seraient l'âme et l'intelligence ?
Est-ce donc pour l'arbuste nain ?
Est-ce pour l'insecte et l'atome,
Ou pour l'homme, léger fantôme,
Qui sèche à mes pieds comme un chaume,
Qui dit la terre son royaume,
Et disparaît du jour avant que de mon dôme
Ma feuille de ses pas ait jonché le chemin ?
Car les siècles pour nous c'est hier et demain ! ! !
Oh ! gloire à toi, père des choses !
Dis quel doigt terrible tu poses
Sur le plus faible des ressorts,
Pour que notre fragile pomme,
Qu'écraserait le pied de l'homme,
Renferme en soi nos vastes corps !
Pour que de ce cône fragile
Végétant dans un peu d'argile
S'élancent ces hardis piliers
Dont les gigantesques étages
Portent les ombres par nuages,
Et les feuillages par milliers 5 !
Et les feuillages par milliers !
Dans la sève, goutte de pluie
Que boirait le bec d'un oiseau,
Pour que ses ondes toujours pleines,
Se multipliant dans nos veines,
En désaltèrent les réseaux !
Pour que cette source éternelle
Dans tous les ruisseaux renouvelle
Ce torrent que rien n'interrompt,
Et de la crête à la racine
Verdisse l'immense colline
Qui végète dans un seul tronc !
Dites quel jour des jours nos racines sont nées,
Rochers qui nous servez de base et d'aliment !
De nos dômes flottants montagnes couronnées
Qui vivez innombrablement ;
Soleils éteints du firmament,
Etoiles de la nuit par
Dieu disséminées,
Parlez, savez-vous le moment ?
Si l'on ouvrait nos troncs, plus durs qu'un diamant,
On trouverait des cents et des milliers d'années
Ecrites dans le cœur de nos fibres veinées,
Comme aux fibres d'un élément !
Aigles qui passez sur nos têtes,
Allez dire aux vents déchaînés
Que nous défions leurs tempêtes
Avec nos mâts enracinés.
Qu'ils montent, ces tyrans de l'onde,
Que leur aile s'ameute et gronde
Pour assaillir nos bras nerveux !
Allons ! leurs plus fougueux vertiges
Ne feront que bercer nos tiges
Et que siffler dans nos cheveux !
Fils du rocher, nés de nous-même,
Sa main divine nous planta ;
Nous sommes le vert diadème
Qu'aux sommets d'Éden il jeta.
Quand ondoiera l'eau du déluge,
Nos flancs creux seront le refuge
De la race entière d'Adam,
Et les enfants du patriarche
Dans nos bois tailleront l'arche
Du
Dieu nomade d'Abraham !
C'est nous, quand les tribus captives
Auront vu les hauteurs d'Hermon,
Qui couvrirons de nos solives
L'arche immense de
Salomon ;
Si, plus tard, un
Verbe fait homme
D'un nom plus saint adore et nomme
Son père du haut d'une croix,
Autels de ce grand sacrifice,
De l'instrument de son supplice
Nos rameaux fourniront le bois.
En mémoire de ces prodiges,
Des hommes inclinant leurs fronts
Viendront adorer nos vestiges,
Coller leurs lèvres à nos troncs.
Les saints, les poètes, les sages Écouteront dans nos feuillages
Des bruits pareils aux grandes eaux,
Et sous nos ombres prophétiques
Formeront leurs plus beaux cantiques
Des murmures de nos rameaux.
Glissez comme une main sur la harpe qui vibre
Glisse de corde en corde, arrachant à la fois À chaque corde une âme, à chaque âme une voix
Glissez, brises des nuits, et que de chaque fibre
Un saint tressaillement jaillisse sous vos doigts !
Que vos ailes frôlant les feuilles de nos voûtes,
Que des larmes du ciel les résonnantes gouttes,
Que les gazouillements du bulbul dans son nid,
Que les balancements de la mer dans son lit,
L'eau qui filtre, l'herbe qui plie,
La sève qui découle en pluie,
La brute qui hurle ou qui crie,
Tous ces bruits de force et de vie
Que le silence multiplie,
Et ce bruissement du monde végétal
Qui palpite à nos pieds du brin d'herbe au métal,
Que ces voix qu'un grand chœur rassemble
Dans cet air où notre ombre tremble
S'élèvent et chantent ensemble
Celui qui les a faits, celui qui les entend,
Celui dont le regard à leurs besoins s'étend :
Dieu,
Dieu,
Dieu, mer sans bords qui contient tout en
elle,
Foyer dont chaque vie est la pâle étincelle
Bloc dont chaque existence est une humble parcelle,
Qu'il vive sa vie éternelle,
Complète, immense, universelle ;
Qu'il vive à jamais renaissant
Avant la nature, après elle ;
Et que chaque soupir de l'heure qu'il rappelle
Remonte à lui d'où tout descend ! ! !
Ainsi chantait le chœur des arbres, et les anges
Avec ravissement répétaient ces louanges ;
Et des monts et des mers, et des feux et des vents,
De chaque forme d'être et d'atomes vivants
L'unanime concert des terrestres merveilles
Pour s'élever à
Dieu passait par leurs oreilles.
Et ces milliers de voix de tout ce qui voit
Dieu,
Le comprend, ou l'adore ou le sent en tout lieu,
Roulaient dans le silence en grandes harmonies
Sans mots articulés, sans langues définies,
Semblables à ce vague et sourd gémissement
Qu'une étreinte d'amour arrache au cœur aimant,
Et qui dans un murmure enferme et signifie
Plus d'amour qu'en cent mots l'homme n'en balbutie !
Quand l'hymne aux mille voix se fut évaporé,
Les esprits, pleins du nom qu'il avait adoré,
S'en allèrent ravis porter de sphère en sphère
L'écho mélodieux de ces chants de la terre.
Un seul, qui contemplait la scène de plus bas,
Les regarda partir et ne les suivit pas.
Or, pourquoi resta-t-il caché dans le nuage ?
C'est qu'au pied d'un grand cèdre, à l'abri du feuillage,
Un objet pour lequel il oubliait les deux
Semblait comme enchaîner sa pensée et ses yeux.
Oh ! qui pouvait d'un ange ainsi ravir la vue ?
C'était parmi les fleurs une belle enfant nue,
Qui, sous l'arbre le soir surprise du sommeil,
N'avait vu ni baisser ni plonger le soleil,
Et qui, seule au départ des tribus des montagnes,
N'avait pas entendu les cris de ses compagnes.
Sa mère sur son front n'avait encor compté
Depuis son lait tari que le douzième été ;
Mais dans ces jours de force où les sèves moins lentes
Se hâtaient de mûrir les hommes et les plantes,
Treize ans pour une vierge étaient ce qu'en nos jours
Seraient dix-huit printemps pleins de grâce et
d'amours.
Non loin d'un tronc blanchi de cèdre, où dans les
herbes
L'astre réverbéré rejaillissait en gerbes,
Un rayon de la lune éclairait son beau corps,
D'un bassin d'eau dormant ses pieds touchaient les
bords,
Et quelques lis des eaux, pleins de parfums nocturnes,
Recourbaient sur son corps leurs joncs verts et leurs
urnes (.....................................................)
L'ange, pour la mieux voir écartant le feuillage,
De son céleste amour l'embrassait en image,
Comme sur un objet que l'on craint d'approcher
Le regard des humains pose sans y toucher.
Daïdha, disait-il, tendre faon des montagnes !
Parfum caché des bois ! ta mère et tes compagnes
Te cherchent en criant dans les forêts ; pourquoi
Ai-je oublié le ciel pour veiller là sur toi ?
C'est ainsi chaque jour : tous les anges mes frères
Plongent au firmament et parcourent les sphères ;
Ils m'appellent en vain, moi seul je reste en bas.
Il n'est plus pour mes yeux de ciel où tu n'es pas !
Pourquoi le roi du sort, ô fille de la femme, À ton âme en naissant attacha-t-il mon âme ?
Pourquoi me tira-t-il de mon heureux néant À l'heure où tu naquis d'un baiser, belle enfant ?
Sœur jumelle de moi ! que par un jeu barbare
Tant d'amour réunit, et l'infini sépare !
Oh ! sous mes yeux charmés depuis que tu grandis,
Mon destin immortel combien je le maudis !
Combien de fois, tenté par un attrait trop tendre,
Ne pouvant t'élever, je brûlai de descendre,
D'abdiquer ce destin, pour t'égaler à moi,
Et de vivre ta vie en mourant comme toi !
Combien de fois ainsi dans mon ciel solitaire,
Lassé de mon bonheur et regrettant la terre,
Ce cri, ce cri d'amour dans mon âme entendu,
Sur mes lèvres de feu resta-t-il suspendu !
Fais-moi mourir aussi,
Dieu qui la fis mortelle !
Etre homme ! quel destin !... oui, mais être aimé
d'elle !
Mais aimer, être aimé ! s'échanger tout à tour !
Ah ! l'ange ne sait pas ce que c'est que l'amour ! Être unique et parfait qui suffit à soi-même !
Non, il ne connaît pas la volupté suprême
De chercher dans un autre un but autre que lui,
Et de ne vivre entier qu'en vivant en autrui !
Il n'a pas comme l'homme au milieu de ses peines
La compensation des détresses humaines,
La sainte faculté de créer en aimant
Un être de lui-même image et complément,
Un être où de deux cœurs que l'amour fond ensemble
L'être se multiplie en un qui leur ressemble !
Oh ! de l'homme divin mystérieuse loi,
De ne trouver jamais son tout que hors de soi,
De ne pouvoir aimer qu'en consumant une autre !
Que ce destin sublime est préférable du nôtre, À cet amour qui n'a dans nous qu'un seul foyer,
Et qui brûle à jamais sans s'y multiplier !
il y a 9 mois
Arthur Rimbaud
@arthurRimbaud
Lys Ô balançoire! ô lys! clysopompes d'argent!
Dédaigneux des travaux, dédaigneux des famines !
L'Aurore vous emplit d'un amour détergent !
Une douceur de ciel beurre vos étamines !
il y a 9 mois
Charles Baudelaire
@charlesBaudelaire
Les deux bonnes sœurs La Débauche et la Mort sont deux aimables filles,
Prodigues de baisers et riches de santé,
Dont le flanc toujours vierge et drapé de guenilles
Sous l’éternel labeur n’a jamais enfanté.
Au poëte sinistre, ennemi des familles,
Favori de l’enfer, courtisan mal renté,
Tombeaux et lupanars montrent sous leurs charmilles
Un lit que le remords n’a jamais fréquenté.
Et la bière et l’alcôve en blasphèmes fécondes
Nous offrent tour à tour, comme deux bonnes sœurs,
De terribles plaisirs et d’affreuses douceurs.
Quand veux-tu m’enterrer, Débauche aux bras immondes ?
Ô Mort, quand viendras-tu, sa rivale en attraits,
Sur ses myrtes infects enter tes noirs cyprès ?
il y a 9 mois
Charles Cros
@charlesCros
La dame en pierre Sur ce couvercle de tombeau
Elle dort. L'obscur artiste
Qui l'a sculptée a vu le beau
Sans rien de triste.
Joignant les mains, les yeux heureux
Sous le voile des paupières,
Elle a des rêves amoureux
Dans ses prières.
Sous les plis lourds du vêtement,
La chair apparaît rebelle,
N'oubliant pas complètement
Qu'elle était belle.
Ramenés sur le sein glacé
Les bras, en d'étroites manches,
Rêvent l'amant qu'ont enlacé
Leurs chaînes blanches.
Le lévrier, comme autrefois
Attendant une caresse,
Dort blotti contre les pieds froids
De sa maîtresse.
*
Tout le passé revit. Je vois
Les splendeurs seigneuriales.
Les écussons et les pavois
Des grandes salles.
Les hauts plafonds de bois, bordés
D'emblématiques sculptures,
Les chasses, les tournois brodés
Sur les tentures.
Dans son fauteuil, sans nul souci
Des gens dont la chambre est pleine,
À quoi peut donc rêver ainsi,
La châtelaine ?
Ses yeux où brillent par moment
Les fiertés intérieures,
Lisent mélancoliquement
Un livre d'heures.
*
Quand une femme rêve ainsi
Fière de sa beauté rare,
C'est quelque drame sans merci
Qui se prépare.
Peut-être à temps, en pleine fleur,
Celle-ci fut mise en terre.
Bien qu'implacable, la douleur
En fut austère.
L'amant n'a pas vu se ternir,
Au souffle de l'infidèle,
La pureté du souvenir
Qu'il avait d'elle.
La mort n'a pas atteint le beau.
La chair perverse est tuée,
Mais la forme est, sur un tombeau,
Perpétuée.
il y a 9 mois
J
José Maria de Heredia
@joseMariaDeHeredia
La sieste Pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude ;
Tout dort sous les grands bois accablés de soleil
Où le feuillage épais tamise un jour pareil
Au velours sombre et doux des mousses d'émeraude.
Criblant le dôme obscur,
Midi splendide y rôde
Et, sur mes cils mi-clos alanguis de sommeil,
De mille éclairs furtifs forme un réseau vermeil
Qui s'allonge et se croise à travers l'ombre chaude.
Vers la gaze de feu que trament les rayons,
Vole le frêle essaim des riches papillons
Qu'enivrent la lumière et le parfum des sèves;
Alors mes doigts tremblants saisissent chaque fil
Et dans les mailles d'or de ce filet subtil,
Chasseur harmonieux, j'emprisonne mes rêves.
il y a 9 mois
J
José Maria de Heredia
@joseMariaDeHeredia
Le tombeau du conquérant A l'ombre de la voûte en fleur des catalpas
Et des tulipiers noirs qu'étoile un blanc pétale,
Il ne repose point dans la terre fatale ;
La Floride conquise a manqué sous ses pas.
Un vil tombeau messied à de pareils trépas.
Linceul du
Conquérant de l'Inde
Occidentale,
Tout le
Meschacébé par-dessus lui s'étale.
Le
Peau-Rouge et l'ours gris ne le troubleront pas.
Il dort au lit profond creusé par les eaux vierges.
Qu'importe un monument funéraire, des cierges,
Le psaume et la chapelle ardente et l'ex-voto ?
Puisque le vent du
Nord, parmi les cyprières,
Pleure et chante à jamais d'éternelles prières
Sur le
Grand
Fleuve où gît
Hernando de
Soto.
il y a 9 mois
Jules Laforgue
@julesLaforgue
La cigarette Oui, ce monde est bien plat ; quant à l'autre, sornettes.
Moi, je vais résigné, sans espoir, à mon sort.
Et pour tuer le temps, en attendant la mort.
Je fume au nez des dieux de fines cigarettes.
Allez, vivants, luttez, pauvres futurs squelettes.
Moi, le méandre bleu qui vers le ciel se tord
Me plonge en une extase infinie et m'endort
Comme aux parfums mourants de mille cassolettes.
Et j'entre au paradis, fleuri de rêves clairs
Où l'on voit se mêler en valses fantastiques
Des éléphants en rut à des chœurs de moustiques.
Et puis, quand je m'éveille en songeant à mes vers,
Je contemple, le cœur plein d'une douce joie,
Mon cher pouce rôti comme une cuisse d'oie.
il y a 9 mois
Paul Verlaine
@paulVerlaine
A Clymène Mystiques barcarolles,
Romances sans paroles,
Chère, puisque tes yeux,
Couleur des cieux,
Puisque ta voix, étrange
Vision qui dérange
Et trouble l’horizon
De ma raison,
Puisque l’arôme insigne
De la pâleur de cygne,
Et puisque la candeur
De ton odeur,
Ah ! puisque tout ton être,
Musique qui pénètre,
Nimbes d’anges défunts,
Tons et parfums,
A, sur d’almes cadences,
En ces correspondances
Induit mon cœur subtil,
Ainsi soit-il !
il y a 9 mois
Paul Verlaine
@paulVerlaine
Le sonnet de l'homme au sable Aussi, la créature était par trop toujours la même,
Qui donnait ses baisers comme un enfant donne des noix,
Indifférente à tout, hormis au prestige suprême
De la cire à moustache et de l'empois des faux-cols droits.
Et j'ai ri, car je tiens la solution du problème:
Ce pouf était dans l'air dès le principe, je le vois ;
Quand la chair et le sang, exaspérés d'un long carême,
Réclamèrent leur dû, — la créature était en bois.
C'est le conte d'Hoffmann avec de la bêtise en marge.
Amis qui m'écoutez, faites votre entendement large,
Car c'est la vérité que ma morale, et la voici:
Si, par malheur, — puisse d'ailleurs l'augure aller au diable ! —
Quelqu'un de vous devait s'emberlificoter aussi.
Qu'il réclame un conseil de révision préalable.
il y a 9 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Soupir Ne jamais la voir ni l'entendre,
Ne jamais tout haut la nommer,
Mais, fidèle, toujours l'attendre,
Toujours l'aimer.
Ouvrir les bras et, las d'attendre,
Sur le néant les refermer,
Mais encor, toujours les lui tendre,
Toujours l'aimer.
Ah ! Ne pouvoir que les lui tendre,
Et dans les pleurs se consumer,
Mais ces pleurs toujours les répandre,
Toujours l'aimer.
Ne jamais la voir ni l'entendre,
Ne jamais tout haut la nommer,
Mais d'un amour toujours plus tendre
Toujours l'aimer.
il y a 9 mois
Stéphane Mallarmé
@stephaneMallarme
Autres poèmes et sonnets I
Tout
Orgueil fume-t-il du soir,
Torche dans un branle étouffée
Sans que l'immortelle bouffée
Ne puisse à l'abandon surseoir !
La chambre ancienne de l'hoir
De maint riche mais chu trophée
Ne serait pas même chauffée
S'il survenait par le couloir.
Affres du passé nécessaires
Agrippant comme avec des serres
Le sépulcre de désaveu,
Sous un marbre lourd qu'elle isole
Ne s'allume pas d'autre feu
Que la fulgurante console.
II
Surgi de la croupe et du bond
D'une verrerie éphémère
Sans fleurir la veillée amère
Le col ignoré s'interrompt.
Je crois bien que deux bouches n'ont
Bu, ni son amant ni ma mère,
Jamais à la même
Chimère,
Moi, sylphe de ce froid plafond !
Le pur vase d'aucun breuvage
Que l'inexhaustible veuvage
Agonise mais ne consent,
Naïf baiser des plus funèbres ! À rien expirer annonçant
Une rose dans les ténèbres.
III
Une dentelle s'abolit
Dans le doute du
Jeu suprême
À n'entr'ouvrir comme un blasphème
Qu'absence éternelle de lit.
Cet unanime blanc conflit
D'une guirlande avec la même,
Enfui contre la vitre blême
Flotte plus qu'il n'ensevelit.
Mais, chez qui du rêve se dore
Tristement dort une mandore
Au creux néant musicien
Telle que vers quelque fenêtre
Selon nul ventre que le sien,
Filial on aurait pu naître.
Quelle soie aux baumes de temps
Où la
Chimère s'exténue
Vaut la torse et native nue
Que, hors de ton miroir, tu tends !
Les trous de drapeaux méditants
S'exaltent dans notre avenue :
Moi, j'ai ta chevelure nue
Pour enfouir mes yeux contents.
Non !
La bouche ne sera sûre
De rien goûter à sa morsure,
S'il ne fait, ton princier amant,
Dans la considérable touffe
Expirer, comme un diamant
Le cri des
Gloires qu'il étouffe.
M'introduire dans ton histoire
C'est en héros effarouché
S'il a du talon nu touché
Quelque gazon de territoire
À des glaciers attentatoire
Je ne sais le naïf péché
Que tu n'auras pas empêché
De rire très haut sa victoire
Avec des royaumes épars
Comme mourir pourpre la roue
Du seul vespéral de mes chars.
À la nue accablante tu
Basse de basalte et de laves À même les échos esclaves
Par une trompe sans vertu
Quel sépulcral naufrage (tu
Le sais, écume, mais y baves)
Suprême une entre les épaves
Abolit le mât dévêtu
Ou cela que furibond faute
De quelque perdition haute
Tout l'abîme vain éployé
Dans le si blanc cheveu qui traîne
Avarement aura noyé
Le flanc enfant d'une sirène.
Mes bouquins refermés sur le nom de
Paphos,
Il m'amuse d'élire avec le seul génie
Une ruine, par mille écumes bénie
Sous l'hyacinthe, au loin, de ses jours triomphaux.
Coure le froid avec ses silences de faux,
Je n'y hululerai pas de vide nénie
Si ce très blanc ébat au ras du sol dénie À tout site l'honneur du paysage faux.
Ma faim qui d'aucuns fruits ici ne se régale
Trouve en leur docte manque une saveur égale :
Qu'un éclate de chair humain et parfumant !
Le pied sur quelque guivre où notre amour tisonne,
Je pense plus longtemps peut-être éperdument À l'autre, au sein brûlé d'une antique amazone.
il y a 9 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Au bois Nous étions, elle et moi, dans cet avril charmant
De l'amour qui commence en éblouissement.
Ô souvenirs ! ô temps ! heures évanouies !
Nous allions, le coeur plein d'extases inouïes,
Ensemble dans les bois, et la main dans la main.
Pour prendre le sentier nous quittions le chemin,
Nous quittions le sentier pour marcher dans les herbes.
Le ciel resplendissait dans ses regards superbes ;
Elle disait : Je t'aime ! et je me sentais dieu.
Parfois, près d'une source, on s'asseyait un peu.
Que de fois j'ai montré sa gorge aux branches d'arbre !
Rougissante et pareille aux naïades de marbre,
Tu baignais tes pieds nus et blancs comme le lait.
Puis nous nous en allions rêveurs. Il me semblait,
En regardant autour de nous les pâquerettes,
Les boutons-d'or joyeux, les pervenches secrètes
Et les frais liserons d'une eau pure arrosés,
Que ces petites fleurs étaient tous les baisers
Tombés dans le trajet de ma bouche à ta bouche
Pendant que nous marchions ; et la grotte farouche
Et la ronce sauvage et le roc chauve et noir,
Envieux, murmuraient : Que va dire ce soir
Diane aux chastes yeux, la déesse étoilée,
En voyant toute l'herbe au fond du bois foulée ?
il y a 9 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Châtiments France ! à l'heure où tu te prosternes ',
Le pied d'un tyran sur ton front,
La voix sortira des cavernes ;
Les enchaînés tressailleront.
Le banni, debout sur la grève,
Contemplant l'étoile et le flot,
Comme ceux qu'on entend en rêve,
Parlera dans l'ombre tout haut;
Et ses paroles qui menacent,
Ses paroles dont l'éclair luit.
Seront comme des mains qui passent
Tenant des glaives dans la nuit.
Elles feront frémir les marbres
Et les monts que brunit le soir,
Et les chevelures des arbres
Frissonneront sous le ciel noir;
Elles seront l'airain qui sonne,
Le cri qui chasse les corbeaux.
Le souffle inconnu dont frissonne
Le brin d'herbe sur les tombeaux;
Elles crieront :
Honte aux infâmes,
Aux oppresseurs, aux meurtriers !
Elles appelleront les âmes
Comme on appelle des guerriers !
Sur les races qui se transforment,
Sombre orage, elles planeront ;
Et si ceux qui vivent s'endorment.
Ceux qui sont morts s'éveilleront.
il y a 9 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Oh ! pourquoi te Cacher ? Oh ! pourquoi te cacher ? Tu pleurais seule ici.
Devant tes yeux rêveurs qui donc passait ainsi ?
Quelle ombre flottait dans ton âme ?
Était-ce long regret ou noir pressentiment,
Ou jeunes souvenirs dans le passé dormant,
Ou vague faiblesse de femme ?
Voyais-tu fuir déjà l'amour et ses douceurs,
Ou les illusions, toutes ces jeunes soeurs
Qui le matin, devant nos portes,
Dans l'avenir sans borne ouvrant mille chemins,
Dansent, des fleurs au front et les mains dans les mains,
Et bien avant le soir sont mortes ?
Ou bien te venait-il des tombeaux endormis
Quelque ombre douloureuse avec des traits amis,
Te rappelant le peu d'années,
Et demandant tout bas quand tu viendrais le soir
Prier devant ces croix de pierre ou de bois noir
Où pendent tant de fleurs fanées ?
Mais non, ces visions ne te poursuivaient pas.
Il suffit pour pleurer de songer qu'ici-bas
Tout miel est amer, tout ciel sombre,
Que toute ambition trompe l'effort humain,
Que l'espoir est un leurre, et qu'il n'est pas de main
Qui garde l'onde ou prenne l'ombre !
Toujours ce qui là-bas vole au gré du zéphyr
Avec des ailes d'or, de pourpre et de saphir,
Nous fait courir et nous devance ;
Mais adieu l'aile d'or, pourpre, émail, vermillon,
Quand l'enfant a saisi le frêle papillon,
Quand l'homme a pris son espérance !
Pleure. Les pleurs vont bien, même au bonheur ; tes chants
Sont plus doux dans les pleurs ; tes yeux purs et touchants
Sont plus beaux quand tu les essuies.
L'été, quand il a plu, le champ est plus vermeil,
Et le ciel fait briller plus au beau soleil
Son azur lavé par les pluies !
Pleure comme Rachel, pleure comme Sara.
On a toujours souffert ou bien on souffrira.
Malheur aux insensés qui rient !
Le Seigneur nous relève alors que nous tombons.
Car s'il préfère encor les malheureux aux bons,
Ceux qui pleurent à ceux qui prient !
Pleure afin de savoir ! Les larmes sont un don.
Souvent les pleurs, après l'erreur et l'abandon,
Raniment nos forces brisées !
Souvent l'âme, sentant, au doute qui s'enfuit,
Qu'un jour l'intérieur se lève dans sa nuit,
Répand de ces douces rosées !
Pleure ! mais, tu fais bien, cache-toi pour pleurer.
Aie un asile en toi. Pour t'en désaltérer,
Pour les savourer avec charmes,
Sous le riche dehors de ta prospérité,
Dans le fond de ton coeur, comme un fruit pour l'été,
Mets à part ton trésor de larmes !
Car la fleur, qui s'ouvrit avec l'aurore en pleurs,
Et qui fait à midi de ses belles couleurs
Admirer la splendeur timide,
Sous ses corolles d'or, loin des yeux importuns,
Au fond de ce calice où sont tous ses parfums,
Souvent cache une perle humide !
Le 17 juin 1830
il y a 9 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Sous l'Olympe Cependant un des fils de la terre farouche,
Un titan, l'ombre au front et l'écume à la bouche,
Phtos ' le géant, l'aîné des colosses vaincus,
Tandis qu'en haut les dieux, enivrés par
Bacchus,
Mêlent leur joie autour de la royale table,
Rêve sous l'épaisseur du mont épouvantable.
Les maîtres, sous l'Olympe, ont, dans un souterrain
Jeté
Phtos, l'ont lié d'une corde d'airain,
Puis ils l'ont laissé là, car la victoire heureuse
Oublie et chante ; et
Phtos médite ; il sonde, il creuse",
Il fouille le passé, l'avenir, le néant.
Oh ! quand on est vaincu, c'est dur d'être géant !
Un nain n'a pas la honte ayant la petitesse.
Seuls, les cœurs de titans ont la grande tristesse ;
Le volcan morne sent qu'il s'éteint par degrés,
Et la défaite est lourde aux fronts démesurés.
Ce vaincu saigne et songe, étonné.
Quelle chute !
Les dieux ont commencé la tragique dispute,
Et la terre est leur proie. Ô deuil !
Il mord son poing.
Comment respire-t-il ?
Il ne respire point.
Son corps vaste est blessé partout comme une cible.
Le câble que
Vulcain fit en bronze flexible
Le serre, et son cou râle, étreint d'un nœud d'airain.
Phtos médite, et ce grand furieux est serein;
Il méprise, indigné, les fers, les clous, les gênes