Jean Polonius
@jeanPolonius
Absence Un morne silence Règne en ton réduit : L’heure en ton absence S’y traîne, et languit. Tandis qu’infidèle, Tu cours où t’appelle Le char du plaisir, Moi, sombre et farouche, Au pied de ta couche Je reviens gémir. L’horloge inactive Dans l’oubli s’endort. Sa roue est oisive, Son pendule est mort. Sur l’émail fragile, L’aiguille immobile Semble m’avertir, Que sans toi, cruelle, Le Temps, privé d’aile, A cessé de fuir. Couvert de poussière, Ton luth détendu, Au mur solitaire Reste suspendu. Seule à peine encore, La corde sonore Vient-elle à frémir, Quand long-temps muette, Elle éclate, et jette Un dernier soupir. Plus loin, tout livide, Ton myrte fané, Dans son vase aride, Meurt abandonné. Sans eau, sans rosée, La plante épuisée Eût perdu ses fleurs, Si, pour vivre encore, Sa tige inodore N’avait bu mes pleurs. Et lui, tes délices. Cet oiseau charmant, Que tes doux caprices Stimulaient au chant ! Morose et sauvage, Vois-le dans sa cage Demander tout bas, Où sont les tendresses, Où sont les caresses Dont tu l’enivras. Ah ! quand moins farouche, Il venait joyeux Effleurer ta bouche D’un bec amoureux, De quels yeux ma rage Voyait son plumage Sur ton sein frémir… Plus de jalousie ! Notre ingrate amie A su nous unir ! Caché sous son aile Aux rayons du jour, Quand ma voix l’appelle, L’oiseau reste sourd. Ma main consolante En vain lui présente Grains, fruits savoureux ; Nul soin ne le touche ; Son bec fuit ma bouche ; Son regard, mes yeux. Viens donc, tout t’implore Viens, comblant nos vœux D’un sourire encore Animer ces lieux ; Rends au Temps son aile ; À l’oiseau fidèle Rends sa vive ardeur ; Au luth, l’harmonie ; Au myrte, la vie ; À moi, le bonheur.