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Joseph Autran

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Poésies

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    Joseph Autran

    @josephAutran

    La chanson d'Octobre J'ai reparu sur la colline Dans un nuage aux franges d'or, Je suis la beauté qui décline ; Mais, à mes charmes, on devine Que les cœurs me suivent encore ! Ce n'est plus la fraîche auréole, Ce n'est plus l'éclat des grands jours ; C'est la pâleur, déjà plus molle, D'un front qui se penche et s'isole, Au souvenir de ses amours. Adieu les grâces qu'on déploie, Les beaux romans faits à loisir ; Adieu l'extase, adieu la joie D'un cœur qui s'arrête ou se noie Au bord des coupes du plaisir !

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    Joseph Autran

    @josephAutran

    La chanson de Juillet Je suis l'été riche et superbe, La saison des brûlants soleils, Jusqu'au genou, plongé dans l'herbe, Je me couronne d'une gerbe, Pleine de fleurs aux tons vermeils !

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    J

    Joseph Autran

    @josephAutran

    La voix de la mer Ni nuage, ni vent, au ciel que ton œil sonde ! Vaste sérénité ! Pourtant, si le ciel dort, L'onde veille : là-bas, sous un cap, la mer gronde ; Ici, sur les cailloux, elle gazouille au bord. Comme elle y berce bien cette felouque vide, Dont les noirs matelots, à terre, en plein soleil, Reposent, assoupis par la chanson liquide Que le flot amical dédie à leur sommeil ! Sur le sable poli, comme elle court et fume ! Que ton agile pied la défie en passant, Elle vient le mouiller d'une rapide écume ; Puis, vers son lit pierreux, vite elle redescend. Qu'elle est belle cette eau qui scintille et qui tremble ; Cette nappe d'azur où pénètre le jour ; Cette mer qui te voit, qui te parle, qui semble Un immense sourire étincelant d'amour ! Qu'elle est belle ! Aux rochers plus verts que l'émeraude, Aux sables frémissants de son golfe arrondi, Quand rejaillit sa neige, éblouissante et chaude, De quel éclat superbe elle brille à midi ! Midi ! Viens dans la grotte aux murs tendus de lierre ; Allons-nous reposer sur nos tapis de joncs. Enfant, tu chanteras, de ta voix familière, L'hymne des jours heureux qu'ici nous abrégeons. Ou bien, couple rêveur, dans l'ombre et le silence, Nous nous contenterons d'entendre, ô ma beauté ! Ce cantique éternel que chaque flot cadence, Ce chant de l'infini que Dieu même a noté ! Un concert de Mozart, le séraphin terrestre, Peut lasser l'auditeur trop longtemps suspendu ; Mais, sous l'archet de Dieu, la mer est un orchestre Que les hommes jamais n'ont assez entendu. Cris d'amour, chants de deuil, colères, agonies, Baisers, rugissements, fanfares de vainqueurs : Elle a tous les accords, toutes les harmonies, Qui s'exhalent sans fin de la lyre des cœurs ! Soit aux vastes forêts, soit aux vents, soit à l'onde, Quand Dieu donne une voix, et leur dit de chanter, C'est une langue étrange, une langue profonde, Immense, qu'à genoux on devrait écouter. Elle est toujours la même, elle est toujours diverse ; Et, malgré les climats, les siècles différents, Avec elle à jamais l'humanité converse, Disant : Parle toujours, parle, je te comprends ! C'est que chacun de nous, myriades sans nombre D'oiseaux expatriés dont le ciel fut le nid, Prête à sa passion, à son rêve, à son ombre, L'idiome éternel que parle l'infini ! C'est qu'au rivage, enfin, cette voix, suivant l'heure, Me traduit ma tristesse ou mon joyeux émoi ; C'est que, si tu t'en vas, avec moi le flot pleure, Et que, si tu reviens, le flot chante avec moi !

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    J

    Joseph Autran

    @josephAutran

    Le bouclier d'achille A l'œuvre, dis-tu, qui pour toi commence, Tu sens chanceler ta force et ta foi : Chanter l'Océan, la tâche est immense Et demanderait plus vaillant que toi ! Courage, poète ! Artiste, courage ! L'art est le plus grand des magiciens. Ignores-tu donc, novice à l'ouvrage, Quels enchantements sont parfois les siens ? Dédaignant l'effort, ennemi du faste, Plus il se contient, plus il est puissant. Faut-il retracer l'objet le plus vaste ? Il sait l'agrandir en le réduisant. Il condensera tout ce qu'il imite, L'infini lui-même en quelques mots brefs. Il sculpta jadis la mer sans limite Sur un bouclier aux vivants reliefs : Disque où le héros du divin Homère Montrait à la fois la terre et les cieux, Et, fils de Thétis, les flots de sa mère Roulant tout autour leurs plis spacieux !

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    Joseph Autran

    @josephAutran

    A l'alouette Esprit de l'air, je te salue ! Je te salue, oiseau lointain, Qui montes, comme une âme élue Dans la lumière du matin. Fuyant la plaine où ton nid reste, Où l'homme aussi demeure, hélas ! Tu remplis tout le bleu céleste De ta voix aux brillants éclats. En plein azur ton vol s'élance, Tu vas chantant toujours plus fort ; Puis, tout à coup, tu fais silence, Et tu retombes comme mort. Ainsi, dans sa brûlante fièvre Quand le poète aux deux gravit, L'hymne souvent meurt sur sa lèvre, Et l'homme seul enfin survit. Petit oiseau qui tiens de l'ange, Messager de l'air, frais et doux, Ton nom, qui veut dire louange Te sied et me charme entre tous. D'une joyeuse et forte race Tu fus le symbole autrefois : A la gaîté joignant l'audace, Tu devais plaire à nos Gaulois. Je te salue, esprit sonore, Virtuose inspiré des cieux, Qui dans l'ivresse de l'aurore Répands ton cœur mélodieux ! De cette flamme qui t'anime Quel art divin sut t'embraser ? De qui tiens-tu ce chant sublime Que tu redis sans t'épuiser ? Rien n'amortit ce zèle étrange, Rien ne fatigue cet essor : Dans son ciel de pourpre et d'orange, Le soir te voit flotter encore. Autour de toi l'azur s'efface, La lumière même où tu cours : L'œil enfin te perd dans l'espace, Mais l'oreille te suit toujours. De même s'éclipse une étoile Dans la clarté du jour naissant : Sous le bleu rideau qui la voile, On ne la voit plus, on la sent. Ainsi de toi, lyre éthérée ! Souvent, à l'aube comme au soir, Dans les hauteurs de l'empyrée L'homme t'écoute sans te voir. Que de fois, couché dans les gerbes, Quand l'œuvre, à midi, s'interrompt, J'entendis tes notes superbes Ruisseler du ciel sur mon front. Je reprenais force et courage, A ce chant venu de si haut : — Debout ! Me disais-je, à l'ouvrage, Faible cœur, ne fais pas défaut ! Qui donc es-tu, chose légère ? J'admire en toi, divin chanteur, Moins un oiseau qu'une prière De la nature à son auteur. Gomme une jeune et blonde reine Qui chante au créneau de sa tour, Du haut de l'air ta voix égraine L'immortelle chanson d'amour. Et moi, de là-bas, je recueille Ces purs accents de ton gosier, Comme on récolte, feuille à feuille, La fleur qui tombe d'un rosier. Frisson du vent sous une treille, Bruit du ruisseau dans le gazon, Rien pour le cœur ni pour l'oreille, Rien n'a l'attrait de ta chanson. Le clairon sonne la victoire, Le luth s'inspire de l'amour : Toi, frêle oiseau, tu chantes gloire Au Dieu très-haut, père du jour ! Le Te Deum, l'épithalame, Le son des coupes d'un festin, Portent moins d'allégresse à l'âme Que tes cadences du matin. Poète aux voix aériennes. Enseigne-nous ton art vainqueur : Toutes chansons auprès des tiennes Traînent et meurent de langueur. Poursuis, poursuis ta stance folle ; Recommence-la mille fois. L'homme n'a pas une parole Qui vaille le son de ta voix. De la vie épuisant les charmes. A la joie il s'efforce en vain : Un goût amer, le goût des larmes, Corrompt toujours son meilleur vin. Même à côté d'une maîtresse, S'il veut chanter l'amour en fleur, L'ennui se mêle à son ivresse, Le chant s'éteint sous la douleur. Il vit de misère et de hontes, Il rampe au niveau de son sol ; Toi tu t'élances, toi tu montes, Toi tu t'enivres de ton vol ! Toujours plus haut dans l'étendue, Tu resplendis au ciel vermeil, Comme une étincelle perdue Qui se détache du soleil ! Va donc ; laisse-nous la tristesse, Et garde à jamais ta gaîté, Et sois l'éclatante allégresse De chaque matin de l'été !

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    Joseph Autran

    @josephAutran

    A une jeune passagère Quoi! Vous à pareille heure ici, belle inconnue! Étrangère, et pour moi cependant déjà sœur! Vous, si jeune et si frêle, êtes aussi venue Admirer l'ouragan dans toute sa noirceur! Quoi! Pour l'étudier, cette mer en colère Dont les flots mugissants bondissent par troupeaux, Vous avez, sous le pont, laissé votre vieux père Et le hamac flottant qui donne le repos! Ce qu'il vous faut, enfant, ce ne sont point, sans doute, Ces vents fougueux, ce ciel de ténèbres tendu, Ces flots où le navire en vain cherche-sa route, Comme dans une steppe un aveugle perdu. Non! Ce qu'il vous faudrait à vous, ô jeune fille, Ce serait un doux soir de Naples, où nous allons, Une nuit de printemps, quand tout l'azur scintille, Quand le rossignol chante à l'écho des vallons; Ce serait la villa des collines heureuses, Où, penchée au balcon de parfums inondé, Vous pourriez aspirer les brisés langoureuses, Et voir luire un ciel bleu, d'étoiles tout brodé. Et pourtant vous venez, sur le pont du- navire, Contempler cette mer qui se creuse en tombeaux, Interroger la voix du flot qui se déchire, Et des vents engouffrés aux voiles en lambeaux! Dites ! Qui vous a fait, à vous pareille aux anges, Cet attrait du péril, ce besoin de terreurs? D'où te viennent, enfant, ces caprices étranges? D'où te vient cette soif des suprêmes horreurs? L'aube au front souriant n'aime pas le nuage, La colombe n'a pas les instincts de l'aiglon: Qui donc a mis en toi, sous ce tendre visage, L'amour du fauve éclair et de l'âpre aquilon? Ah ! Je le sens: il est, à l'époque où nous sommes, Un terrible démon qui court de toute part, Oui souffle dans le cœur des enfants et des hommes, De la vierge naïve et du morne vieillard. Travaillés nuit et jour d'une sombre folie, Nous sommes tous enfants d'un siècle infortuné; Et toute jeune fille est la sœur d'Amélie, Ainsi que tout jeune homme est frère de René. Et nous aspirons tous, pauvre foule inquiète, Vers quelque Dieu caché que rien ne dévoila; Et nous le poursuivons jusque dans la tempête, Et nous disons partout: — Il est peut-être là!

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    Joseph Autran

    @josephAutran

    Harmonie Regarde cette mer : pourquoi, d'un bleu limpide, Vois-tu s'étendre au loin ses lumineux réseaux ? A sa face, pourquoi nulle ombre, nulle ride ? C'est qu'un ciel clair et doux brille au-dessus des eaux. Eh bien, de ce beau ciel que l'émail pur s'efface, Que, derrière la nue, il rentre obscurément ; Ternis à l'heure même, agitant leur surface, Les flots partageront le deuil du firmament. Admire ce concert ; et dis, beauté que j'aime, Si je m'unis à toi d'un accord moins réel ! Non, l'étroite harmonie entre nous est la même : Mon âme est une mer dont tes yeux sont le ciel. Tes grands yeux adorés sont-ils voilés d'une ombre, Triste pressentiment, souvenir douloureux, — Soudain mon âme souffre, elle pleure, elle est sombre ; Mon âme est une mer sous un ciel ténébreux. Tes yeux de séraphin, aux cils de blonde soie, Versent-ils du bonheur les sourires flottants, Mon âme tout à coup s'illumine de joie ; Mon âme est une mer sous un ciel de printemps. Tes yeux enfin, tes yeux, à l'heure de l'extase, Osent-ils dire : Amour ! Amour et Volupté ! Mon âme à leur ardeur étincelle et s'embrase, Mon âme est une mer sous le soleil d'été !

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    Joseph Autran

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    La chanson d'Avril Renais, renais ; ouvre et déploie Ta robe de fleurs et d'air pur ; Tressaille d'amour et de joie, Ô terre antique où me renvoie Le Dieu qui règne dans l'azur ! Réveille-toi ! — sous l'hiver sombre Dormir cinq mois, c'est trop longtemps. Chasse la pluie, écarte l'ombre, Et mets au jour les biens sans nombre Que tu recèles dans tes flancs. Sous la lumière que j'épanche. Reverdissez, gazons et bois. Frêne orgueilleux, saule qui penche ; Et que le chêne et la pervenche Tous deux revivent à la fois.

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    Joseph Autran

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    Le feu d'épaves La maison du pêcheur, qui près du flot s'élève, Entre ses murs étroits nous avait accueillis. C'était l'heure du soir, l'heure propice au rêve. La mer, sous une brise, arrivait à la grève En doux et larges plis. A travers la croisée ouverte sur la plage, L'œil distinguait non loin, — silencieux tableau, Quelques arbres épars au rougissant feuillage, L'ancien phare, la tour, et les murs d'un village Qui s'avance dans l'eau. C'était aux jours d'octobre, et quoiqu'à la fenêtre Le vent qui se jouait n'annonçât point l'hiver, Nous avions au foyer, sans y songer peut-être, Allumé quelque bois de vieux chêne ou de hêtre... Épaves de la mer. Et, l'œil sur ces tisons, nous causions à voix basse De l'Océan voisin, du flux et du reflux, Des marins en péril que l'ouragan pourchasse, Du vaisseau démâté qu'on hèle dans l'espace Et qui ne répond plus. Poursuivant au hasard le fil des rêveries, Nous parlions, à leur tour, des naufrages du sort, Des croyances en deuil par le siècle meurtries, Et des amours éteints, — et des âmes flétries, Dont le doute est la mort. Devant nous, du passé, dans leur fraîcheur première, Les pâles souvenirs se dressaient à la fois, Les blanches visions de grâce printanière... Et l'occident, là-bas, endormait sa lumière, Et nous baissions la voix. Sous les obscurs lambris teints d'une lueur sombre, La mer nous envoyant son rythme lent et doux, Chacun de nous semblait aux yeux de l'autre une ombre ; Et, toujours plus songeurs, nous repassions le nombre Des jours vécus par nous. « Les choses de la vie au néant emportées Sont mornes à revoir aux pâleurs de la nuit. Laissons-les, vous disais-je, où Dieu les a jetées. De la mémoire, à deux, les pages feuilletées Rendent un triste bruit ! » Les tisons, à nos pieds, fumaient à peine encore ; Le jour dans un nuage expirait au couchant. Alors, — ombre du soir que son reflet colore, — Une femme passa, qui, de sa voix sonore, Chantait un divin chant. A la marge des eaux, forme entrevue à peine, Dans le rayon qui meurt elle était belle à voir. Ce qu'exhalait au vent sa voix pure et sereine, C'était le chant joyeux de la vie encore pleine De croyance et d'espoir. Et dans l'âtre, soudain, des épaves en cendre Un dernier feu jaillit comme une langue d'or. Et tous deux, en nous-même heureux de redescendre, Nous sentîmes aussi que nos cœurs pouvaient rendre Une étincelle encore !

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    Joseph Autran

    @josephAutran

    Le fond de l'océan Soufflez et mugissez, tristes vents de la nuit ! Sombres flots, déchirez et jetez à grand bruit Votre folle écume au rivage ! Penché vers vous, du bord de ces rocs frémissants, J'aspire dans mon âme et je bois dans mes sens Je ne sais quel plaisir sauvage. Le vieil astre des jours descend à l'horizon, Il y plonge à demi ; — plus rouge qu'un tison, Il rougit une mer ardente, Une mer qui ressemble à ces lacs de l'enfer, Tels que tu les décris dans ton livre de fer, Ô vieux maître ! Ô terrible Dante ! Mille oiseaux du rivage encombrent les contours Ici les goélands, aquatiques vautours, Fouillant des yeux la vase obscure ; Là, les hauts cormorans qui courent sur le bord, Et relèvent, joyeux, leur long bec où se tord Le poisson pris dans la morsure. Échevelé, fougueux, le flot de plus en plus, Se déchaîne; il mugit, il gronde à chaque flux Comme un tonnerre sur la grève. Au milieu du fracas, on dirait par moments Les acclamations et les frémissements D'un peuple entier qui se soulève ! Ô mer ! Sinistre mer ! N’as-tu donc pas assez Enfoui de trésors sous ton onde entassés, Dévoré de pâles victimes ? Que te faut-il encore ? Que demandent tes cris ? Faut-il que dans ton sein roulent plus de débris Que de vagues sur tes abîmes ? Depuis l'heure où l'espace à, tés eaux fut donné, Depuis le jour fatal où, comme un nouveau-né Qui sort du ventre de sa mère, Tu sortis du chaos et vins battre tes bords, Tu n'as jamais rendu que de plaintifs accords, Et roulé qu'une écume amère. Et jamais les écueils qui rampent sous tes flots N'ont cessé d'engloutir barques et matelots, Lourds vaisseaux, fragiles nacelles ; Et débris dispersés et morts ensevelis Roulent au fond du gouffre, et, sous tes mornes plis, Comme un linceul tu les recèles. Mais un jour est prédit, — inévitable jour, — Où toi-même, tu dois disparaître à ton tour Au souffle brûlant de l'Archange, Où ton abîme, ouvert et nu comme la main, Sera ce qu'en automne est le creux d'un chemin Dont on a balayé la fange. Alors se trahiront aux yeux épouvantés Tes gouffres, tes ravins, tes sourdes cavités Qui font le désespoir des sondes : Régions où jamais un rayon ne descend, Tartares sous-marins, où va s'épaississant L'obscurité des nuits profondes. Là, sur un lit visqueux d'algues et de limons, Parmi tes polypiers, parmi tes goémons, Tes fucus aux glauques feuillages, On verra s'élever, par tas et par monceaux, Cet éternel butin que plonge sous tes eaux Chaque saison riche en naufrages : Ruines de vaisseaux, dont les fortes cloisons, Jour à jour, lentement, s'écroulent ; cargaisons Qui croupissent dans leurs entrailles ; Lourdes ancres, agrès par la rouille mordus ; Drapeaux, sceptres des rois, qui roulent confondus Parmi de sordides ferrailles ; Écrins où l'eau pénètre, en vain cadenassés ; Masses d'argent et d'or, qui feraient dire : assez ! A tous les mendiants du globe ; De quoi vous habiller et vous nourrir enfin, Vous tous, pauvres enfants qui blêmissez de faim Et-grelottez sans feu ni robe ! Et puis, en des tombeaux de sable et de varech, Cadavres de marins enveloppés avec Des bandelettes d'algues vertes ; Et puis, déchiquetés, dénudés jusqu'à l'os, Squelettes monstrueux, spectres de cachalots Et de baleines entr'ouvertes ! Tout ce qu'a dévoré, tout ce qu'a submergé L'onde, qui ronge encore après qu'elle a rongé Avec ses dents toujours entières : Tout ce que ton flot noir ballotte dans ses plis, Tout ce qui dort, bercé d'un éternel roulis, Dans tes liquides cimetières ! Voilà quel formidable et lugubre tableau Apparaîtra, le jour que les voiles de l'eau Seront repliés par Dieu même ; Quand la mer, quand le sol, fouillés jusques au fond, Rendront ce qu'engloutit un néant si profond, Partout où le trépas nous sème. Alors, ô mer ! Alors, devant le trois fois Saint, Tous ceux qui jusque-là reposaient dans ton sein Se lèveront comme une armée ; Et toi, comme un torrent dont s'égouttent les flots, Tu seras pour jamais, dans le dernier chaos, Sous le sceau de Dieu refermée !

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    Joseph Autran

    @josephAutran

    Le mousse Depuis de longs jours, l'ouragan qui gronde Va nous emportant sur l'Océan noir, Bien loin de la rive où je vins au monde, Pour des maux que nul n'eût osé prévoir. Le mât du vaisseau, que bat la tourmente, Jette en s'inclinant un douloureux cri. D'où vient qu'à son tour ce bois se lamente Comme s'il cachait un cœur tout meurtri ? Compagnon d'exil, tu pleures peut-être La colline heureuse où nous sommes nés, Toi, bel arbre, et moi, pauvre enfant champêtre, Aux mêmes douleurs tous deux condamnés !

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    Joseph Autran

    @josephAutran

    Le phare Parmi les noirs brisants où le flot tourbillonne, Le phare vers la nue élève sa colonne. Pilier de blocs massifs qu'unit un dur ciment, Il surgit, solitaire, ainsi qu'un monument. Des vagues, à ses pieds, la fureur se déchaîne : On dirait que la mer assiège de sa haine Cette tour qui, montrant le péril aux vaisseaux, La frustre d'un butin convoité par ses eaux. Le soir vient, l'horizon s'efface dans la brume : Sur la tour, aussitôt, le fanal se rallume ; Avant même qu'au ciel une étoile ait relui, Un astre éclaire l'onde,- et cet astre, c'est lui !... Foyer de vifs rayons dont la lueur éclate, Il enflamme les airs d'une teinte écarlate ; Et, sur l'Océan noir son reflet projeté Semble un chemin de feu par la houle agité. Averti des écueils dont ce bord se hérisse, Le navire alors cherche une onde plus propice ; Il veille à sa manœuvre, et, le long du canal, Rend grâce en le fuyant au lumineux fanal. Des nochers en péril ce guide manifeste A d'autres voyageurs sera pourtant funeste. Il en est qui par lui sont pris en trahison : Ceux-là sont les oiseaux bercés à l'horizon, Ce sont les passagers du vent et de la nue. La saison froide et triste étant déjà venue, En colonne, en triangle, ils traversaient les airs, Cherchant au loin des cieux plus tièdes et plus clairs. Voilà qu'au bord des flots l'ardent soleil du phare Brille, et dans leur essor les trouble et les égare. Eux qui des cieux profonds savent chaque sentier, Qui firent sans erreur le tour du globe entier, Pour la première fois suspendus par le doute, Se laissent détourner de l'infaillible route ; Ils veulent de plus près, dans l'ombre de la nuit, Voir l'étrange soleil dont l'éclat les séduit. Ainsi que dans un champ, par troupes inquiètes, Descendent au miroir les jeunes alouettes ; Comme le papillon, si fragile et si beau, S'abandonne le soir à l'attrait du flambeau, Ils viennent par essaims ; — ramiers blancs comme neige, Pluviers, cailles, vanneaux, ils s'approchent du piège ; Fascinés, éblouis, ils tournent ; je les vois Autour du haut fanal voler tous à la fois. En vain contre le charme ils voudraient se débattre ; Dans le rayonnement de la clarté rougeâtre, Ils sont pris de vertige... hélas ! Et tour à tour Se brisent dans leur chute aux pierres de la tour. Et la mer les saisit de ses promptes écumes ; Et, flocons dispersés, le vent sème leurs plumes ; Et le cri douloureux des blessés convulsifs Se mêle au sourd fracas des flots dans les récifs. Oiseaux infortunés ! Là-haut, près des nuages, Vous poursuiviez en paix vos éternels voyages. Conduits par un instinct si rarement déçu, Au soleil véritable et d'avance aperçu Vous alliez confiants : palmiers, claires fontaines, Doux nids, vous appelaient aux régions lointaines. Vous ne les verrez pas ; séduits par un faux jour, Vous ne connaîtrez plus ni le ciel ni l'amour ! Hélas ! Telle est du sort la cruelle ironie : On entrevoit de loin quelque sphère bénie ; Plein des rêves sacrés du sage ou de l'amant, Vers un but radieux on s'envole ardemment, Et l'on meurt en chemin, et l'on tombe victime D'un rayon qui vous ment et vous jette à l'abime !

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    J

    Joseph Autran

    @josephAutran

    Le rêve qu'ils font tous « Presque un siècle entier sans courber ma tête A passé sur moi, vrai lion marin. Il faudrait pourtant prendre sa retraite, Et chercher à terre un abri serein ! Quand on a lassé, rude capitaine. Les vents et les flots, la glace et le feu, Aux biens que promet la terre lointaine N'a-t-on pas le droit de songer un peu ? Heureux le vieillard qu'enfin Dieu délivre De ton joug si dur, métier oppresseur ! Au pays natal, que ne puis-je vivre, D'une vigne ou deux oisif possesseur ! Loin, bien loin de toi, bourrasque éternelle, Loin de cette arène aux maux sans pareils, Quand serai-je assis sous une tonnelle, Savourant en paix mes derniers soleils ? » Il eut ces loisirs que l'âge conseille, Il eut sa cabane et son vert enclos, Et d'anciens amis causant sous la treille : — Ah ! Je meurs, dit-il, rendez-moi les flots !

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    Joseph Autran

    @josephAutran

    Mare velivolum Où vont ces vaisseaux aux vives allures Qui, sortant du port, nous disent adieu ? Où vont ces vaisseaux aux blanches voilures Que mon œil poursuit à l'horizon bleu ? Ils vont, dispersés sur les vastes ondes, Explorer des bords inconnus de nous ; Loin de ce rivage, ils vont voir des mondes Mille fois plus beaux, mille fois plus doux. Mais nul, dans son vol, n'atteindra la grève Du pays où tend mon désir lointain ; Car le monde, hélas ! Que mon âme rêve N'est aucun de ceux qu'un navire atteint !...

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    Joseph Autran

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    Matinée de Juin Tant pis pour les beaux yeux que le sommeil tient clos, Pour tous les indolents dont la nuit se prolonge : Ils ne connaîtront pas, si beau que soit leur songe, Ce spectacle enchanté du matin sur les flots. Lumière, azur, fraîcheur ! La mer est diaprée ; L'aube fleurit au ciel, grand lis épanoui ; La nue a des reflets dont l'œil est réjoui ; Le flot a des senteurs dont l'âme est pénétrée. Un tumulte joyeux court sur les larges eaux ; Cent barques de pêcheurs, parmi la folle écume, Voguent allègrement ; — d'une dernière brume Sortent à l'horizon les mâts des blancs vaisseaux. L'un d'eux arrive à nous, toutes voiles ouvertes ; A sa proue, à ses flancs l'eau bouillonne avec bruit ; Au rayon matinal sa poulaine reluit, Déesse au casque d'or fendant les ondes vertes ! En foule sur le pont, les passagers heureux Fixent les yeux sur toi, terre longtemps rêvée ! Nous leurs donnons du geste un bonjour d'arrivée, Et le salut ami nous est rendu par eux. On se hèle, en passant, d'une tartane à l'autre : — Est-ce toi, Simon-Pierre ? — Oui, patron ; quel beau temps ! — Holà ! Hé, les anciens, revenez-vous contents ? Bonne pêche à coup sûr ? — Un miracle ; et la vôtre ? Ainsi dans un vent frais, sonore tourbillon, Retentit par moments leur voix rude et sauvage. Du milieu de la mer, on entend au rivage Le clocher du hameau qui sonne un carillon.

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    Joseph Autran

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    Matinée de Novembre Les brouillards sont venus, dont l'humide manteau Charge dès le matin la plaine et le coteau : Pâle et froide vapeur qu'à peine un rayon perce. Les feuilles que l'eau trempe et qu'un souffle disperse, Tourbillonnent dans l'air ; la bise à l'aigre son S'est remise à chanter, à pleurer sa chanson. C'est l'heure de rentrer ; rentrons. Seul dans ma chambre Devant ces vieux chenets qu'on replace en novembre. Je rallume un feu clair de cyprès et de houx ; Et, je ne sais comment, amis ! Je songe à vous. Aux beaux jours d'autrefois — les seuls que Dieu protège — Aux beaux jours, qui pourtant sont les jours de collège, Nous étions quatre amis ; et jamais compagnons Dont l'histoire ou la fable a conservé les noms, Ni Castor ni Pollux, Oreste ni Pylade, Ne marchèrent unis de plus tendre accolade. Émules au travail et non rivaux jaloux, Le plus âpre latin s'adoucissait pour nous. Le premier finissant passait son thème à l'autre. Aux jeux même union : vrai faisceau que le nôtre ! Laissons-les, disait-on, ce sont les quatre amis. Or, en cet heureux temps, nous nous étions promis, Quel que fût l'avenir, destins bons ou contraires, De vivre ainsi toujours indivisibles frères : Rien, parmi ces hasards qu'on devait conjurer, Rien qui pût, ici-bas, un jour nous séparer ; Cela fut dit, prenant le ciel en témoignage. Ô projets ! Ô candeur des serments du jeune âge ! L'un de nous maintenant, celui qui, pâle et doux, Semblait en ce temps-là le plus frêle de tous, Là-bas, sur ce rivage où la France est campée, Travaille jour et nuit du cœur et de l'épée. Depuis six mois passés, son héroïque ennui Voit le donjon des czars se dresser devant lui, Et sur ses compagnons, troupe au labeur penchée, L'obus à tout moment pleuvoir dans la tranchée. L'autre, que son berceau, décoré d'un blason, Reçut comme héritier d'une riche maison, Erre au loin désormais, récoltant un pain rare Dans une des cités au bord du Delaware. Le sort, qui démentit sa première douceur, A fait du fier jeune homme un humble professeur. Le troisième, autrefois si joyeux, quand j'y pense, Après de longs travaux goûtait la récompense. La femme de ses vœux riait à son chevet ; Un beau groupe d'enfants près de lui s'élevait ; Il voyait sa maison, florissante et superbe, Grandir : depuis trois mois, il dort, couché sous l'herbe ! Enfin, de ce cher nid d'où chacun s'envola, Moi le dernier de tous, aujourd'hui je suis là ; Je suis là, me chauffant devant ce feu d'épines ; Je regarde parfois du côté des collines, Et je vois fuir au loin quelque vol de ramiers : Ô fuite plus rapide encore des jours premiers ! Ô tendresses des cœurs, unions éphémères ! Ô de l'homme qui passe éternelles chimères !

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    Joseph Autran

    @josephAutran

    Mer calme Il est nuit : la mer dans son lit repose, Assoupie au loin si tranquillement Que pas une brise à cette heure n'ose Troubler d'un baiser son recueillement. Sans murmure aucun, sans aucune ride, Qu'elle est belle à voir cette mer qui dort, Laissant admirer dans le flot limpide A la claire nuit ses étoiles d'or ! Pour jouir ainsi de ce calme immense, Quel est ton secret, ô mer ? Dis-le-moi ! Car je sais un cœur, un cœur en démence, Qui voudrait enfin dormir comme toi !

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    Joseph Autran

    @josephAutran

    Nuit de Mai Au couchant lumineux quand le jour se replie, Qu'une planète au ciel déjà peut s'entrevoir, Il fait bon, couple errant sur une onde assouplie, De respirer à deux l'air embaumé du soir, De saluer là-haut ces premières étoiles Dont le rayon lointain nous invite à rêver: Matelot ! Matelot ! Laisse tomber tes voiles; Notre rêve est si doux que je veux l'achever! Extase où, sans effort, tout chagrin se dissipe! Du ciel et de la mer contempler les couleurs, Aspirer dans le vent, qui vient du Pausilippe, Le parfum des citrons et des lauriers en fleurs; Sentir si près de soi la femme qu'on adore, Voir son sein par moment d'amour se soulever! Matelot, matelot, ne rentrons pas encore; Notre rêve est si doux que je veux l'achever! Ses cheveux dénoués que l'ivoire abandonne, Mêlés à mes cheveux, flottent au même vent; Son front penche ; ses doigts, de fée ou de Madone, Frémissent dans ma main sous mon baiser fervent. Loin des jaloux déçus, loin des perfides trames, Le bonheur est ici pour qui sait le trouver: Matelot, matelot, laisse pendre tes rames; Notre rêve est si doux que je veux l'achever!

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    Joseph Autran

    @josephAutran

    Sur une plage du latium La nuit descend ; la mer, dont je longe la plage, Blanchit sur les galets à grand bruit charriés. Sifflant une chanson de farouche présage, Le vent froisse ma tempe, et me lance au visage La poussière des flots qui brisent à mes pieds. L'ombre submerge au loin les collines éteintes ; Pas un reste d'azur dans le ciel ni sur l'eau. Du soir envahissant tout subit les atteintes ; L'occident seul, rougi d'incendiaires teintes, Comme un ruban de feu luit au fond du tableau. Ces grèves, qui dormaient hier silencieuses, D'un terrible fracas partout grondent ce soir : Bruit des forêts de pins, craquement des yeuses, Hurlement sur l'écueil des ondes furieuses, Cris d'oiseaux effarés tournant sous un ciel noir. Hâtons le pas : en vain cent débris historiques Appelleraient encore un hommage, un coup d'œil. Assez je vous ai vus, vieux temples, vieux portiques, Monuments si peuplés, si beaux, aux jours antiques, Si remplis désormais de néant et de deuil ! Sans avoir vu passer une figure humaine, J'ai suivi, tout le jour, le rivage latin ; Seul et n'obéissant qu'au hasard qui me mène, Tout le jour, j'ai foulé le bord de ce domaine Où chaque pas évoque un fantôme lointain. Maintenant que le soir précipite sa chute, Que la nuit me saisit de son âpre fraîcheur, Pour abriter mon front à la tempête en butte, D'un pâtre hospitalier trouverai-je la hutte, Ou le toit de roseaux de quelque brun pêcheur ? Verrai-je, à l'horizon de ma route inconnue, Surgir une lumière, apparaître un rayon ? Ou faudra-t-il enfin prendre la roche nue Pour chevet, et dormir, seul ici, sous la nue, Comme autrefois Énée arrivant d'ilion ? Ah ! dût le flux grondant me rouler sur la plage Comme un débris de barque empreint de sel amer ; Dût la libre cavale ou le buffle sauvage Me fouler au galop, en venant au rivage Aspirer la tempête et répondre à la mer ; Je n'en bénis pas moins l'heureuse destinée Qui, si loin de Paris, sur ces bords m'a conduit, Vous offrant, vous livrant mon âme fascinée, Ô liberté première, ô terre abandonnée, Ô mer tempétueuse et mugissante nuit !

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    Joseph Autran

    @josephAutran

    Tempête Tout regard se perd, tant la brume est noire ; Il ne fut jamais plus aveugle nuit : Au sein du néant je pourrais me croire, Si je n'entendais un immense bruit. Cette voix, ô mer ! C'est ta voix qui tonne Sur l'écueil voisin chargé de galets, Tandis que le vent, le grand vent d'automne, Fait craquer mon' toit et bat mes volets. Aquilon lugubre, incessante lame, Oh ! Je vous sais gré de hurler ainsi ! Vous traduisez bien ce que j'ai dans l'âme. Merci, vent d'automne ! Océan, merci !

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