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Louis Aragon

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Louis Aragon est un poète, romancier et journaliste français, né probablement le 3 octobre 1897 à Paris, où il est mort le 24 décembre 1982. Avec André Breton, Tristan Tzara, Paul Éluard, Philippe Soupault, il est l'un des animateurs du dadaïsme parisien et du surréalisme. Après sa rupture avec le surréalisme en 1931, il s'engage pleinement dans le Parti communiste français, auquel il avait adhéré en 1927, et dans la doctrine littéraire du réalisme socialiste. La défaite de 1940 marque un tournant dans sa poésie, et Aragon se tourne alors vers une réinterprétation de la tradition poétique et romanesque. À partir de la fin des années 1950, Léo Ferré et Jean Ferrat mettent en musique ou chantent nombre de ses poèmes, ce qui contribue à faire connaître son œuvre poétique à un large public. Avec Elsa Triolet, il a formé l'un des couples emblématiques de la littérature française du XXe siècle. Plusieurs recueils d'Aragon lui sont dédiés, et ses œuvres font souvent référence aux œuvres de sa compagne.

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Poésies

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    Louis Aragon

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    Absent de Paris I Souviens-toi La senteur des magnolias blancs Te parlait le langage amoureux des Tropiques Dans le chemin de la Photographie-Hippique Le soir se faisait tendre à la Croix-Catelan Ce n'est qu'un lieu de valse où l'été s'abandonne Mais qu'une ombrelle donne à l'ombre ses bras nus C'est assez d'un soupir ouvert sur l'inconnu Et la Madone noire un autre chant fredonne Dans la chaleur tombée avec le jour défunt Les bouches ont toujours un air de la blessure Leur morsure a le goût de sang des pommes sures Un songe de la mort tourne au cœur des partums Il meurt d'avoir vanté ces parfums qu'il apporte Celui dont le fantôme erre au fond de la nuit Et Philippe-le-Bel regarde avec ennui Arnauld de Catelan tué par son escorte Comme elle va pleurer Madame de Savoie Odorant messager qui venait de Provence J'avais tremblé pour toi comme si par avance Je savais que jamais je n'entendrais ta voix On disait qu'elle était si belle et déchirante Qu'une fois qu'on l'avait par malheur entendue On en oubliait Dieu le temps et l'étendue Les reines l'écoutaient aux rois indifférentes Beaux assassins vous avez fait là du joli Fallait-il qu'un de vous de lui-même vous vende Qui lut au bal danser ruisselant de lavande Et laissa dans son lit l'odeur du néroli Ignorant aujourd'hui N'était cette croix blanche Qui saurait maintenant où ce poète gît Que le roi fut ému que l'herbe fut rcugie Et le doux rossignol mis entre quatre planches Ce n'est pas qu'un chanteur que Paris oublia Les drames plus récents 1 embaument d'autre essence Ces morts-là voyez-vous ressemblent aux naissances Et parfument la nuit d'autres magnolias II Dans l'étrange Paris de Philippe-le-Bel Le Roi même faisait de la fausse monnaie On entendait les loups près du Louvre et ce n'est Qu'au galop qu'on fuyait les hommes de gabelle Il me semble parfois qu'il n'est rien de changé On se découvre encore au passage des reines Quand les seigneurs s'en vont chasser dans la varenne Autre est l'émerillon comme autre est le danger Mais le peuple ressemble au peuple Ses haillons Ressemblent aux haillons de la vieille misère Comme au désert ressemble toujours le désert Et la bouche a toujours la forme du bâillon Le siècle a son éclat qui se lit aux dorures Le nom des rois s'écrit au pli de leur manteau Pour le cœur poignardé qu'importe le couteau Le linceul est le même à tous ceux qui moururent L'éternité renaît aux yeux agonisants Les arbres foudroyés qui peut en dire l'âge Qui peut dire la date atroce de l'orage Sur la fosse commune il n'est pas de gisants La mort et non l'amour est l'unique domaine Où l'homme se démasque et se découvre enfin Les traits décomposés d'un enfant qui a faim La mort et non l'amour nous rend la face humaine Regarde-toi mon frère anonyme et sanglant La mort et non l'amour soit notre Véronique Son linge gardera notre image panique À ce portrait divin nous voici ressemblants Les beaux invariants des passions vulgaires Marquent notre visage à l'instant du trépas Regarde-toi mon frère et ne sanglote pas C'est toi pourtant c'est toi qui péris à la guerre Et toi qui disparus Le ciel sait où tu es Un autre encore un autre Écartez ce calice Mes amis mes amis tombés dans les supplices Vous avez fatigué le bourreau de tuer Il avait conservé le geste séculaire Qui fait choir une tête et trembler l'échafaud Les condamnés pliaient la nuque comme il faut Cétait un bon bourreau qui tuait sans colère C'était un bon bourreau qui perdit son latin Vous proclamiez tout haut le grand espoir du monde Confessez-le mon fils la terre n'est pas ronde Mais votre chant montait dans le petit matin Votre Dies irae semblait incendiaire C'est vers l'an treize cent que ceci se passait Au psaume très ancien s'ajoutent des versets Sur les lèvres de feu de nos héros d'hier On entendait les loups près du Louvre et ce n'est Qu'au galop qu'on fuyait les hommes de gabelle Dans l'étrange Paris de Philippe-Ie-Bel Le Roi même faisait de la fausse monnaie III Ce n'est qu'un lieu de valse où la lumière tente Les papillons de nuit couleur de nos regrets Et le Pré-Catelan nous verse feu secret Ce faux jour de Champagne aux épaules chantantes Orchestre où Vienne meurt dans le vent d'Hawaï Un ciel napolitain s'éteint aux airs des ranchs Les grands yeux du passé qui brillent sous les branches Bleuissent de porter ce loup de Chantilly La musique se tait quand faiblissent les rimes Dans l'ombre les bijoux font chuchoter les fées Et le Bois de Boulogne à leur sein dégrafé Laisse errer les doigt longs des tziganes du crime La lune éveille au loin les hautes cheminées La ville dort tout près lassée énorme et noire Et la Seine au tournant de son lent promenoir Reçoit l'aveu des eaux que l'homme a machinées Brindilles Souvenirs Ah tout ce qui s'accroche A la traîne qui suit nos pas dans les allées J'écoute dans mon cœur les gouttes étoilées Des cascades qui sont la mémoire des roches Rien qui ne se prolonge en moi comme un sanglot Un dimanche à bécane ivre de grenadine Les fleurs d'acacia les boîtes de sardines Le long de la promenade du Bord de l'Eau Au-dessus de Saint-Cloud les lumières ont-elles Cette légèreté que leur donnaient vingt ans On n'imagine pas comme il faisait beau temps Poussières du passé Roses de Bagatelle On voudrait que la vie ait la douceur d'un chant La douceur d'un amour la douceur d'un visage Ou la blancheur au moins que font au paysage Les tribunes du champ de courses de Longchamp La vie Elle aura pris des routes singulières On dirait une noce avec des mirlitons Mais le cocher se penche et demande Où va-t-on Qui répondrait Chacun songe à sa cavalière La vie est après tout une longue agonie Qu'importe qu'on rumine aux ruelles du sort L'essentiel c'est qu'au bout du compte on s'endort Lorsque le jour déjà jaunit Gethsémani Si tu pleures Jésus est-ce de ton calvaire Ne sais-tu pas que comme toi tous nous mourrons La passion la pire est celle des larrons Jamais ressuscites à ce triste univers Au pays du soupir peut-être songeais-tu A ceux qui sans pleurer ont connu la torture Et qui n'ont pas mêlé le ciel à l'aventure Qui n'auront ni vitrail ni palme ni statue Les morts qu'on ne distingue pas des autres gens Les morts de tous les jours dont nul ne sait le nom Ceux qui sont morts un jour d'avoir répondu non Les morts qu'on ne fait pas entrer dans la légende Au pays du soupir où parmi les buissons A la fin fatigués s'endormaient les Apôtres Qui ne furent que des hommes comme les autres Et vous savez mon Dieu ce que les autres sont IV Arnauld de Catelan tué par votre escorte Vous ne reverrez plus ce pays d'oliviers Et vous n'avez pas vu Paris dont vous rêviez Je me lamente ici mais c'est d'une autre sorte Vous dormez dans la terre où veille mon tourment Quand la nouvelle vint frapper au cœur la France Vous ne pouvez savoir quelle fut ma souffrance Dans l'école déserte au soir d'un bourg normand Ô douleur qu'une larme à la fin ne délivre Je criai tous les mots que le délire crée Comme Jésus pleura j'aurais voulu pleurer Paris humilié j'enviais ne plus vivre J'eus beau la supplier la mort n'a pas faibli Dans la forêt du Maine où je cherchais les chars Les chênes me voyant croyaient voir le Roi Charles Regrettait-il le Louvre au noir de sa folie Son cheval a pris peur disaient les gens de cour Le Roi de France est fou disaient les médecins Et les poignards luisaient aux yeux des assassins Où court-il Où court-il On ne sait pas II court Il court pour oublier le deuil et l'impuissance Isabeau qu'il aima que le peuple haït Les princes conspirant et ses rêves trahis Mais si loin qu'il courût il retrouva l'absence L'absence Elle est pareille aux passages d'oiseaux Qui nous parlent au ciel d'une terre lointaine Le Roi fou se mirant au bassin des fontaines L'ombre d'un vol y vint décoiffer les roseaux L'absence Elle est aux yeux cernés des courtisanes Et qui rêvent d'un autre en vous parlant tout bas Elle est dans les chansons Elle est dans le tabac Elle est dans le vieillard au bain guettant Suzanne L'absence Elle est partout présente dans les rues L'absence Elle est dans ce bouquet de violettes Elle est au fond du verre et le vin la reflète Ô diane au matin des nouvelles recrues On s'arrache à la nuit comme un corps à l'armure On retrouve la vie encore enténébrée Quand on n'est pas chez soi c'est toujours la chambrée Je rêve à toi ma ville entre ces quatre murs Qui me redonnera le pavé de Paris Et le Palais-Royal et la rue Bonaparte Odette imagina pour vous les jeux de cartes Sire et-vous retourniez toujours le mistigri Odette autour des yeux si j'avais moins de rides Je croirais voir vraiment mon double en ce valet N'était-ce pas lui qui surgit de la tremblaie Et prit dépenaillé mon cheval à la bride Je l'ai vu dans la glace au soir de l'incendie Lorsque l'Hôtel Saint-Paul brûlait avec son bal Il était habillé comme un roi cannibale Et le feu de l'enfer entourait le Maudit Que me veux-tu jeune homme à la figure impaire Toi qui t'en vas sans cœur sans femme et sans ami N'as-tu jamais gémi N'as-tu jamais frémi Quand j'ai le plus beau jeu tu parais et je perds Dis-moi qui est ton maître est-ce mon oncle Jean Qui t'a payé dis-moi pour faire mon malheur D'où viens-tu chien de pique Où vas-tu bateleur J'ai joué ma couronne et j'ai joué mes gens Et le Chevalier Noir de Paris-près-Gonesse Souriant comme le font les anges des tableaux Je suis murmura-t-il l'âme de ce complot Que tout homme à mi-voix appelle sa jeunesse Je te ressemble ô Roi qui perdis la raison Je suis le pain rompu dont ta vie est la Cène Tu gardes dans tes yeux les couleurs de la Seine Tu peux fuir Je serai toujours ton horizon Je berce ta folie et je suis ta défense Ô monarque dément qu'on a dépossédé Qu'importe d'avoir brisé le fil de tes idées Si tu portes en toi le ciel de ton enfance V Mais il n'est pas le mien ce ciel et pas le mien Ce pays d'oliviers qui fleure les fenouils l Où ce n'est pas un dieu l'homme qui s'agenouille Et tu n'es pas mon Dieu Dieu jérusalémien Tout ce bleu me paraît un beau temps de louage Et ma mélancolie est ceile du marin Sur un coup de cafard qui voit avec chagrin Son corps à tout jamais couvert de tatouages Ô cactus de l'exil Parfum des orangers Pour un peu de vin blanc je donnerais ces palmes Ce soleil sans pardon cette mer toujours calme Où le nuage et moi nous sentons étrangers Les fleurs offrent aux yeux leur débauche adorable Les amours odorants des œillets se marient À la rue où respire un air de griserie Nulle part je n'éprouve être autant misérable Nulle part comme ici tous les jours le tantôt Dans ce marché bruyant devant la Préfecture La rose ne paraît masquer des sépultures Les lilas y sont lourds comme au campo-santo Ces rêves embaumés vainement s'harmonisent Mimosa primevère iris ou giroflée Ils ont les coloris des bulles mal soufflées Et la fragilité du verre de Venise Pourquoi me souvient-il avec mélancolie À cet instant du monde et de ma propre histoire D'un vers de Dante au chant treize du Purgatoire Une âme qui vécut aubaine en Italie (1) Comme cette âme-là nous vivons dans l'exil D'un paradis terrestre auquel secrètement Nous préférons l'enfer Paris et ses tourments Grand merci pour l'aubaine et l'azur et l'asile Et Charles renversant la table et les tarots A ses fantômes cire Ô Maillotins courage Nous voici maintenant réunis par l'orage Chassez l'Anglais de France et rouez les bourreaux Rendez-moi mon Paris le Louvre et les Tournelles Moi je vous donnerai mes bijoux Citadins Aux cartes s'asseyant sur les bancs des jardins Nous jouerons vous et moi les choses éternelles La Gabelle perdue en cinq points d'écarté Montfaucon soit l'enjeu de la seconde manche Vous gagnez À tout coup je tombe sur un manche Quitte ou double Au tapis jetons ma royauté Peuple je n'aurai plus bientôt que ma chemise Veux-tu mon droit d'aînesse contre un cerf-volant Quelle guigne Un carré quand j'avais un brelan Où prends-tu tous ces rois pour me rafler mes mises Quel gage acceptes-tu si nous recommençons Mêle Je couperai Tu tournes la manille Je parierai ma liberté pour tes guenilles La liberté Paris vaut plus qu'une chanson Les gestes du dément comme un vol de cigognes Engendraient sur le mur de noirs chasses-croisés Odette l'épiait craignant de se blouser Pour faire son rapport à Jean Duc de Bourgogne Le geôlier s'étonne au judas Qu'est-ce qu'il fout . La chandelle illumine à demi la cellule Les chauves-souris s'y changent en libellules Une paillette d'or brille aux yeux du Roi Fou VI Poésie ô danger des mots à la dérive Dans la limaille d'ombre il faudrait un aimant Et la forêt s'étoile et devient firmament Dans la vigne des nuits il monte un chant de grive Fleurs de Provence fleurs de la sorcellerie Je vous retrouve au vent voluptueux des valses Arnauld de Catelan fût-il mort à cheval S'il n'eût dans ses flacons respiré sa patrie Et s'il n'avait formé de vos parfums trop lourds Pour les hommes du roi de si belles chansons Que songeurs s'appuyant dressés à leurs arçons Le meurtre à la prunelle allumant son phosphore Ils crurent qu'un trésor de Golconde dormait Dans les caisses de bois de cyprès sur les mules Poésie ô danger dont les flammes simulent Les bijoux qu'en mourant Cléôpâtre se met Fleurs de Provence fleurs entre toutes les fleurs J'ai trop médit de vous II faut me pardonner Vous qui sentez le ciel étoiles incarnées Et qui faites les yeux de toutes les couleurs Vous chassez de Paris la nuit qui l'endeuillait Du côté de Montrouge une voix vous appelle On demande l'azur à la Sainte-Chapelle A la place Dauphine on a besoin d'ceillets On demande l'espoir du côté de Vincennes Et je veux que l'espoir ait l'accent du midi Les chants désespérés Niez ce qu'on en dit N'ont que faire aujourd'hui sur les bords de la Seine Ceux qui portent des fleurs ont de la France aux bras Et mettent du soleil dans notre nuit frugale Non Sous les oliviers où chantent les cigales Je ne veux pas pleurer comme Jésus pleura Je ne veux plus pleurer car pleurer nous désarme Et c'est bon pour un Dieu de plier le genou De Provence ou d'Artois les hommes de chez nous Sachant vivre debout savent mourir sans larmes Comme les fleurs de Nice et les rimes choisies Si du Nord au Midi notre cœur en forme une Que tout serve à chanter notre chanson commune Et Paris mon Paris soit notre poésie

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    Chant de la paix Je puis dans mon jardin fleuri de Seine-et-Oise Me promener ce soir avec de nouveaux yeux Car la vie a repris son odeur de framboise Et l'étoile n'est plus un reproche des cieux Nous l'appelions si fort qu'il fallait qu'elle vienne La paix ô Viet-Namiens qui m'aviez embrassé Comme je descendais de la tribune à Vienne Il y a dix-huit mois mon discours prononcé Fils du Patet-Laos et vous délégués khmers Vous me preniez les mains et me disiez tout bas Des mots qui me rendaient les choses plus amères Plus monstrueux entre nos peuples ce combat Ah si le sentiment qui fit cette minute Avait pu déferler de Vienne sur l'Asie Si ce que je pensais que dans mes yeux vous lûtes Avait éteint les oeillets fauves des fusils On aurait épargne la semence infertile Tant de pauvres enfants bernés et mutilés O cœurs d'illusion Maintenant où sont-ils Oubliés sous la terre ainsi qu'un riz volé Ceux-là qui les ont fait avant l'âge mourir Prononcent aujourd'hui des mots retentissants Qui demain payera pour la bouche et le rire Pour le bras et l'esprit le regard et le sang Allons comme toujours ces comptes-là se brouillent Mais pourtant aujourd'hui dans le meurtre arrêté Avant que les plaques d'identité se rouillent Pleurons fût-ce un instant la jeunesse jetée On ne peut voir fleurir dans la terre annamite Ni la sauge éclatante et ni le nelombo Ils ne cueilleront pas les reines-marguerites Ceux dont aucune croix ne dit même un tombeau Ils étaient faits pour vivre et demeurer en France Je les vois amoureux s'en revenir de nuit Dans quelque Périgord ou sur quelque Durance Sifflant un air de danse au pied d'un arbre à fruits Les voilà tard salés d'écume au sable sec Après la pêche sur la plage lanternant Ils aiment follement cette odeur des varechs C'est l'heure où va s'allumer le phare tournant Je les vois passionnés de courses cyclistes Au matin du Tour sur la route au Lautaret Tiens l'un d'eux quelque part à l'église est soliste Un autre chasse la perdrix au chien d'arrêt O chantiers de la paix Songes Lèvres chantantes Dentelles des labeurs Vin blanc des soirs légers Dans la rue il y a des passantes tentantes Que c'est beau le soleil après qu'il a neigé Tout cela tout cela que je dis en désordre C'est ce qu'ils n'auront pas ce qu'ils n'auront jamais Quand on était vivant un chien pouvait vous mordre On pouvait se casser la cheville On fumait Je ne sais pas pourquoi la vie est une chose Dont on peut tout au plus exprimer 10 % C'est drôle un nom de général pour une rose Ah le bon café-crème où l'on trempe un croissant Quand on était vivant oh ma mère ma mère Tout ce mal que tu t'es donné sans résultat Personne n'était là quand mes yeux se fermèrent Je n'aimerais pas trop qu'on te le racontât Personne n'était là Cela parfois arrive On rate son entrée On rate sa sortie On a la mort qu'on peut et puis faute de grives Mais nom de Dieu pourquoi m'avez-vous tous menti Apaise-toi garçon car maintenant qu'y faire C'est un tort d'en vouloir à tous de tes tourments Si l'on était assez fort pour porter le fer Où il faut ça se passerait tout autrement Apaise-toi garçon Tu disais C'est la guerre Et ça te paraissait tout-à-fait lumineux Que pour d'autres ce soit la paix n'explique guère Mais c'est la paix pour eux garçon la paix pour eux Je dis la paix pâle et soudaine Comme un bonheur longtemps rêvé Comme un bonheur qu'on croit à peine Avoir trouvé Je dis la paix comme une femme J'ouvrais la porte et tout à coup Ses deux bras autour de mon âme Et de mon cou Je dis la paix cette fenêtre Qui battit l'air un beau matin Et le monde ne semblait être Qu'odeur du thym Je dis la paix pour la lumière A tes pas dans cette saison Comme une chose coutumière A la maison Pour les oiseaux et les branchages Verts et noirs au-dessus des eaux Et les alevins qui s'engagent Dans les roseaux Je dis la paix pour les étoiles Pour toutes les heures du jour Aux tuiles des toits et pour toi l' Ombre et l'amour Je dis la paix aux jeux d'enfance On court on saute on crie on rit On perd le fil de ce qu'on pense Dans la prairie Je dis la paix mais c'est étrange Ce sentiment de peur que j'ai Car c'est mon cœur même qui change Léger léger Je dis la paix vaille que vaille Précaire fragile et sans voix Mais c'est l'abeille qui travaille Sans qu'on la voie Rien qu'un souffle parmi les feuilles Une simple hésitation Un rayon qui passe le seuil Des passions Elle vacille elle est peu sûre Gomme un pied de convalescent Encore écoutant sa blessure Son sang récent La guerre a relâché ses rênes La guerre a perdu la partie Il en reste un son sourd qui traîne Mal amorti Ce sont les chars vers les casernes Qui font encore un peu de bruit Nous danserons dans les luzernes Jusqu'à la nuit Tu vas voir demain tu vas voir Les écoliers dans les préaux Et ce beau temps à ne plus croire La météo On va bâtir pour la jeunesse Des maisons et des jours heureux Et les amours voudront que naissent Leurs fils nombreux On reconstruira par le monde Les merveilles incendiées La vie aura la taille ronde Sans mendier Enfin veux-tu que j'énumère Les Versailles que nous ferons Les airs peuplés par les chimères De notre front Et l'immense laboratoire Où les miracles sont humains Et la colombe de l'histoire Entre nos mains Je sais je sais Tout est à faire Dans ce siècle où la mort campait Et va voir dans la stratosphère Si c'est la paix Eteint ici là-bas qui couve Le feu court on voit bien comment Quelqu'un toujours donne à la louve Un logement Quelqu'un toujours quelque part rêve Sur la table d'être le poing Et sous le manteau de la trêve Il fait le point Je sais je sais ce qu'on peut dire Et le danger d'être d'endormi L'homme au zénith et le nadir A l'ennemi Je sais mais c'est la paix quand même Le recul du monstre devant Ce que je défends Ce que j'aime Toujours vivant C'est la paix dont les peuples savent Obscurément tous plus ou moins Contre le maître et pour l'esclave Qu'elle est témoin C'est la paix des peuples où sourd L'eau profonde des libertés C'est au silence des tambours Le mai planté C'est la paix couleur de la preuve Où le meurtre porte son nom A qui le voile de la veuve Dit Non C'est la paix qui force le crime A s'agenouiller dans l'aveu Et qui crie avec les victimes Cessez le feu Cessez partout le feu sur l'homme et la nature Sur la serre et le champ les jardins les pâtures Sur la table et le banc sur l'arbre et la toiture Sur la mer des poissons et celle des mâtures Sur le ciel où l'audace et l'oiseau s'aventurent Sur le passé de pierre où rêve la sculpture Sur les choses d'ici sur les choses futures Sur ce cœur dans son cœur qu'une mère défend Cessez le feu partout sur la femme et l'enfant Sur les chemins ombreux que le6 amants vont prendre Sur les baisers ardents où des baisers s'engendrent Sur les yeux grands ouverts pour le plaisir entendre Sur les amours vannés qui laissent le bras pendre Sur le réveil heureux des désirs sous leur cendre Sur cette douceur-là qui n'est jamais à vendre Sur les chuchotements qui font les lits si tendres Et de la. tête aux pieds comprendre ce qu'on sent Cessez le feu sur les caresses et le sang Cessez le feu devant les crèches et l'école Initial balbutiement de la parole Et les boules de neige et le lait dans le bol Le rire aux doigts levés à tort des pigeon-voie La décalcomanie au carreau que l'on colle Billes saute-moutons marelles courses folles Et deux et deux font quatre et do ré mi fa sol O cahiers de bâtons solfège épèlement O douceur aux premières pages du roman Cessez le feu sur le soleil des connaissances Le regard démêlant l'accessoire et l'essence L'énorme patience humaine qui recense La science qui sort comme une fleur des sens L'idée à l'accident mêlée à sa naissance L'homme sauf contre l'homme ayant toute licence Dans le laboratoire essayant sa puissance L'esprit qui dans les faits se plie et se déploie Cessez le feu sur le progrès trouvant sa loi Cessez le feu sur ceux qui goudronnent la route Et sur la profondeur des mines et des soutes Sur le bras qui défriche ou qui construit la voûte Les déblaiements à pratiquer coûte que coûte L'épaulement de chair où le polder s'arc-boute Et l'effort journalier qui n'a pas droit au doute Pétrole acier béton cristal caoutchouc toute La sueur investie aux matières qu'il faut Cessez le feu sur l'homme et ses pas triomphaux Cessez le feu sur la statue au corps durable Sur le peintre qui fait un verre désirable Sur le vers labourant aux nuages arables La musique par qui l'hiver est tolérable Dans la gorge le chant comme une ombre adorable La danse qui rend tout à ses pieds admirable Dentelle architecture aux forêts comparable Tout l'éblouissement soudain de la beauté Cessez cessez le feu sur ceux qui vont chanter Cessez le feu pour départager les doctrines Assez à la pensée opposer les machines Au cœur croyant porter la mort dans la poitrine Laissez comme à des fleurs au flanc de deux collines Leurs chances de printemps l'humaine et la divine A ces rêves de paix que divers imaginent Le pari de Pascal et celui de Lénine Assez trouer les yeux pour y chercher dedans La lumière qui fait le monde en l'inondant Cessez le feu sur ceux qui gagent sur l'aurore Leur morale et leur vie au lieu d'autres sur l'or Sur ceux même folie à vos yeux qui n'implorent Ni vos financements ni votre à bras-le-corps Et qui sans Plan Marshall sans Système Taylor Comptent sur le vouloir commun qu'on voit éclore Dans le refus commun des hommes à la mort Tais-toi l'atome et toi canon cesse ta toux Partout cessez le feu fessez le feu partout

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    Louis Aragon

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    Elsa entee dans le poème Entre assieds-toi soleil et qu'à tes pieds se couche Le lion des fureur qui sortait de ma bouche Que je n'entende plus qu'en moi ce cœur dompté Assieds-toi c'est le soir et souris c'est l'été Musique de ma vie ô mon parfum ma femme Empare-toi de moi jusqu'au profond de l'âme Entre dans mon poème unique passion Qu'il soit uniquement ta respiration Immobile sans toi désert de ton absence Qu'il prenne enfin de toi son sens et sa puissance Il sera ce frémissement de ta venue Le bonheur de mon bras touché de ta main nue Il sera comme à l'aube un lieu de long labour Quand l'hiver se dissipe et l'herbe sort au jour Entre amour c'est ici l'effrayante forêt Où la nuit ne tient pas du ciel ses yeux secrets Entre dans mon poème où les mots qui t'accueillent Ont le pa^pitement obscur et doux des feuilles Où t'entourent la fuite et l'ombre des oiseaux Et le cheminement invisible des eaux Tout t'appartient Je suis tout entier ton domaine Ma mémoire est à toi Toi seule t'y promènes Toi seule vas foulant mes sentiers effacés Mes songes et mes cerfs t'y regardent passer Tu marches sur les fleurs d'enfer de mon Ardenne Mon enfance t'y suit comme un lointain éden Une brume de moi bleuit au haut des monts Où le cheval Bayard porta les fils Aymon Ô mes enchantements dissipés ô marelle Des mares d'autrefois ô miroirs sous la grêle Viens-t'en dans cette chasse énorme qui fut moi Ainsi que Montessor entre Meuse et Semoy Prends le couvert des bois où quand s'en vint Pétrarque Toute biche était Laure et des mains tombait l'arc Parmi les chênes nains dont la tête dit non Si le vent se souvient des rouvres d'Avignon Du jardin que les murs de tous côtés endiguent Où l'ombre a la senteur violente des figues Mais déjà c'est ta lèvre et ce couple c'est nous C'est toi le clair de lune où je tombe à genoux Et la terrasse y tremble et la pierre se trouble Étoiles dans ma nuit ma violette double Ce sont tes yeux ouverts sur les temps désunis Jusque dans mon sommeil Eisa mon insomnie II Il est sept heures dix une tasse de menthe À côté de la pendule en cuir refroidit Je suis seul au matin dont les cendres dormantes Blanchissent sans pouvoir oublier l'incendie Je parle à haute voix le langage des vers Comme si je faisais l'essai de ma folie D'où me vient-il ce goût puéril et pervers D'où me viennent les mots que je lie et délie Qu'est-ce que ce plaisir morose et monotone Ce passe-temps verbal et qui donc s'y complaît C'est bien moi je m'entends m'interromps et m'étonne Et de mes doigts mentaux tombent les osselets C'est un jour machinal aujourd'hui qui se lève Je n'attends que le temps dans la chambre où je suis Le temps s'arrête en moi comme un sang qui fait grève Et je deviens pour moi comme un mot qui me fuit III Comme avec le soleil l'arbre immobile engage Dans le tourner du jour un discours de rameaux Mes bras vers toi se font invention des mots Quand je te touche enfin je comprends le langage J'ai peur d'être un miroir où tout s'évanouit Toute ma chair vers toi crie un enfantement Paroles de mes mains métaphoriquement Vers l'autre vous frayez une route inouïe Comment faire tomber cette feinte couleur Des vocables fixés aux lèvres des humains Ce qui deux fois se dit insulte au lendemain Et tout ce rouge mis se fane avec les fleurs La vie en mouvement quels doigts l'ont-ils saisie Quel lexique y a-t-il pour le vent et le sable Il faut substituer 6 cœur inconnaissable À l'ancien alphabet le radar poésie Je vois sans yeux je suis une clameur sans bouche Je suis le phare obscur qu'on appelle pensée J'ai fait de mon désir une force insensée Le mystère à mes pieds terre à terre se couche Je ne compare pas les choses Je démens Leurs rapports J'établis d'autres lois de nature J'ouvre sans la toucher la porte et m'aventure Où rien n'obéit plus qu'à mon commandement Tout d'un coup je comprends la chose qui m'habite Et qui n'est qu'une forme étrange de raison Une physique de l'amour de Toi Disons Mieux Une possession sans fin ni limite Oui je suis possédé de toi Si les enfants Le rire et les cailloux me chassent peu m'importe Qu'on m'arrache le cœur et que le sang me sorte C'est toi mon être encore où mon être se fend Oui possédé de toi jusqu'au fil de ma trame De part en part de fond en comble possédé Mort je n'éveillerai jamais que ton idée Car ma poussière aura le parfum de ton âme Je te donne la flamme et la cendre du feu Je te donne le chant dément qui me traverse Je te donne le vent tantôt qui me disperse Je te donne le ciel qui fait nos veines bleues O pauvreté de moi qui m'en viens faux Roi Mage Te porter des présents misérables et vains Et comme sa couleur le verre doit au vin Je m'onivre en peignant ma vie à ton image Je vais formant des vers plus forts que les baisers Je vis comme un marin dans l'écume des proues Éclaboussé du chant de la mer à la roue Réinventant le jour dans les vagues brisées Ce qui de moi s'arrache au-delà de moi-même Cet appel résumant ce que je suis Ce cri Par quoi les hommes font l'aveu du plaisir pris Cotte façon que j'ai de dire que je t'aime Et de dire cela seulement sans jamais Desserrer un instant ma volonté d'étreinte Sans remarquer le temps les étoiles éteintes Et de dire je t'aime ainsi que je t'aimais Voilà voilà pourquoi je suis né ma victoire Rien rien ne pourra plus faire qu'elle ne fût Même sans bras sans tôte et debout sur son fût De pierre et Samothrace au loin morte à l'Histoire

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    Louis Aragon

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    Il n'y a pas d'amour heureux Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix Et quand il croit serrer son bonheur il le broie Sa vie est un étrange et douloureux divorce Il n'y a pas d'amour heureux Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes Qu'on avait habillés pour un autre destin À quoi peut leur servir de se lever matin Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes Il n'y a pas d'amour heureux Mon bel amour mon cher amour ma déchirure Je te porte dans moi comme un oiseau blessé Et ceux-là sans savoir nous regardent passer Répétant après moi les mots que j'ai tressés Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent Il n'y a pas d'amour heureux Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare Il n'y a pas d'amour heureux. Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri Et pas plus que de toi l'amour de la patrie Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs Il n'y a pas d'amour heureux Mais c'est notre amour à tous les deux

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    L'affiche rouge Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes Ni l'orgue ni la prière aux agonisants Onze ans déjà que cela passe vite onze ans Vous vous étiez servis simplement de vos armes La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants L'affiche qui semblait une tache de sang Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles Y cherchait un effet de peur sur les passants Nul ne semblait vous voir Français de préférence Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE Et les mornes matins en étaient différents Tout avait la couleur uniforme du givre À la fin février pour vos derniers moments Et c'est alors que l'un de vous dit calmement Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses Adieu la vie adieu la lumière et le vent Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses Quand tout sera fini plus tard en Erivan Un grand soleil d'hiver éclaire la colline Que la nature est belle et que le coeur me fend La justice viendra sur nos pas triomphants Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.

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    L'inconnue du printemps Les yeux rencontrés au coin d'un bazar A quoi rêvaiem-ils ces grands yeux bizarres Ah Paris palpite après qu'il a plu Plaira-t-il encore autant qu'il a plu Dans l'eau du ruisseau des bouquets de fleurs S'en vont effeuillant toutes les couleurs Je verrai toujours la Chaussée d'Antin Ses trottoirs de Parme au pied des putains Les indifférents le soir et les voitures Les voilettes d'ombre et les aventures On faisait trois pas vers la Trinité Le temps d'hésiter on s'était quitté Dans le brouhaha gare Saint-Lazare Pourquoi pleurent-il ces yeux de hasard Ah Paris Paris tu ne chantes pas Tu tournes la tête et traînes le pas C'est l'heure du gaz et des imprudences Les squares sont faits pour les confidences C'est l'heure du gaz que n'allumes-tu Que n'allumes-tu Mais Paris s'est tu

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    La naissance du Printemps Voici ses rubans et ses flammes Ses mille petits cris ses gentils pépiements Ses bigoudis ses fleurs ses hommes et ses femmes Je lui fais de ses couleurs tous mes compliments Dieu que de baisers fous sur l'appui des fenêtres Nous n'avons pas fini de compter les baisers Il y a des semaines entières sous les hêtres Où chantent les pinsons au plumage frisé Avril n'a pas toujours vécu sous les lambris Il fut petit pâtissier puis compte-goutte Il gagna son pain à la sueur de son front De fil en aiguille il devint contrôleur des finances Enfin par un soleil de tous les diables Il tomba tout à coup amoureux

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    La nuit d'exil Qu'importe à l'exilé que les couleurs soient fausses On jurerait dit-il que c'est Paris si on Ne refusait de croire aux apparitions J'entends le violon préluder dans la fosse C'est l'Opéra dit-il ce feu follet changeant J'aurais voulu fixer dans mes yeux mal ouverts Ces balcons embrasés ces bronzes ce toit vert Cette émeraude éteinte et ce renard d'argent Je reconnais dit-il ces danseuses de pierre Celle qui les conduit brandit un tambourin Mais qui met à leur front ces reflets sous-marins Le dormeur-éveillé se frotte les paupières Des méduses dit-il les lunes des halos Sous mes doigts fins sans fin déroulent leurs pâleurs Dans l'Opéra paré d'opales et de pleurs L'orchestre au grand complet contrefait mes sanglots J'aurais voulu fixer dans ma folle mémoire Cette rose dit-il cette mauve inconnue Ce domino fantôme au bout de l'avenue Qui changeait pour nous seuls de robe tous les soirs Ces nuits t'en souvient-il Me souvenir me nuit Avaient autant d'éclairs que l'œil noir des colombes Rien ne nous reste plus de ces bijoux de l'ombre Nous savons maintenant ce que c'est que la nuit Ceux qui s'aiment d'amour n'ont qu'elle pour adresse Et tes lèvres tenaient tous les soirs le pari D'un ciel de cyclamen au-dessus de Paris O nuits à peine nuits couleur de la tendresse Le firmament pontait ses diamants pour toi Je t'ai joué mon cœur sur les chances égales Soleil tournant des boulevards feux de Bengale Que d'étoiles à terre et par dessus les toits Quand j'y songe aujourd'hui les étoiles trichèrent Le vent charriait trop de rêves dérivés Et les pas des rêveurs sonnaient sur les pavés Des amants s'enlaçaient sous les portes cochères Nous peuplions à deux l'infini de nos bras Ta blancheur enflammait la pénombre éternelle Et je ne voyais pas au fond de tes prunelles Les yeux d'or des trottoirs qui ne s'éteignaient pas Passe-t-il toujours des charrettes de légumes Alors les percherons s'en allaient lentement Avec dans les choux-fleurs des hommes bleus dormant Les chevaux de Marly se cabraient dans la brume Les laitiers y font-ils une aube de fer-blanc Et pointe Saint-Eustache aux crochets des boutiques Les bouchers pendent-ils des bêtes fantastiques Epinglant la cocarde à leurs ventres sanglants A-t-il à tout jamais décidé de se taire Quand la douceur d'aimer un soir a disparu Le phono mécanique au coin de notre rue Qui pour dix sous français chantait un petit air Reverrons-nous jamais le paradis lointain Les Halles l'Opéra la Concorde et le Louvre Ces nuits t'en souvient-il quand la nuit nous recouvre La nuit qui vient du cœur et n'a pas de matin I Comme on laisse à l'enfant pour qu'il reste tranquille Des objets sans valeur traînant sur le parquet Peut-être devinant quel alcool me manquait Le hasard m'a jeté des photos de ma ville Les arbres de Paris ses boulevards ses quais Il a le front changé d'un acteur qu'on défarde Il a cet œil hagard des gens levés trop tôt C'est pourtant mon Paris sur ces vieilles photos Mais ce sont les fusils des soldats de la Garde Si comme ces jours-ci la rue est sans auto L'air que siffle un passant vers soixante dut plaire Sous les fers des chevaux les pavés sont polis Un immeuble m'émeut que j'ai vu démoli Cet homme qui s'en va n'est-ce pas Baudelaire Ce luxe flambant neuf la rue de Rivoli J'aime m'imaginer le temps des crinolines Le Louvre étant fermé du côté Tuileries Par un château chantant dans le soir des soieries Le"s lustres brillaient trop à minuit pour le spleen Le spleen a la couleur des bleus d'imprimerie Il se fait un silence à la fin des quadrilles Paris rêve et qui sait quels rêves sont les siens Ne le demandez pas aux Académiciens Le secret de Paris n'est pas au bal Mabille Et pas plus qu'à la cour au conseil des Anciens Paris rêve et jamais il n'est plus redoutable Plus orageux jamais que muet mais rêvant De ce rêve des ponts sous leurs arches de vent De ce rêve aux yeux blancs qu'on voit aux dieux des fables De ce rêve mouvant dans les yeux des vivants Paris rêve et de quoi rêve-t-il à cette heure Quelle ombre traîne-t-il sur sa lumière entée Il a des revenants pis qu'un château hanté Ht comme à ce lion qui rêve du dompteur Le rêve est une terre à ce nouvel Antée Paris s'éveille et c'est le peuple de l'aurore Qui descend du fond des faubourgs à pas brumeux Ils semblent ignorer ce qui déjà les meut l.'air a lavé déjà leurs grands fronts incolores Des songes mal peignés y pâlissent comme eux Qui n'a pas vu le jour se lever sur la Seine Ignore ce que c'est que ce déchirement Quand prise sur le fait la nuit qui se dément Se défend se défait les yeux rouges obscène Et Notre-Dame sort des eaux comme un aimant Qu'importe qu'aujourd'hui soit le Second Empire Et que ce soit Paris plutôt que n'importe où Tous les petits matins ont une même toux Et toujours l'échafaud vaguement y respire C'est une aube sans premier métro voilà tout Toute aube est pour quelqu'un la peine capitale À vivre condamné que le sommeil trompa Et la réalité trace avec son compas Ce triste trait de craie à l'orient des Halles Les contes ténébreux ne le dépassent pas Paris s'éveille et moi pour retrouver ces mythes Qui nous brûlaient le sang dans notre obscurité Je mettrai dans mes mains mon visage irrité Que renaisse le chant que les oiseaux imitent Et qui répond Paris quand on dit liberté II C'est un pont que je vois si je clos mes paupières La Seine y tourne avec ses tragiques totons Ô noyés dans ses bras noueux comment dort-on C'est un pont qui s'en va dans ses loges de pierre Des repos arrondis en forment les festons Un roi de bronze noir à cheval le surmonte Et l'île qu'il franchit a double floraison Pour verdure un jardin pour roses des maisons On dirait un bateau sur son ancre de fonte Que font trembler les voitures de livraison L'aorte du Pont-Neuf frémit comme un orchestre Où j'entends préluder le vin de mes vingt ans Il souffle un vent ici qui vient des temps d'antan Mourir dans les cheveux de la statue équestre La ville comme un cœur s'y ouvre à deux battants Sachant qu'il faut périr les garçons de mon âge Mirage se leurraient d'une ville au ciel gris Nous derniers nés d'un siècle et ses derniers conscrits Les pieds pris dans la boue et la tête aux nuages Nous attendions l'heure Il en parlant de Paris Quand la chanson disait Tu reverras Paname Ceux qu'un œillet de sang allait fleurir tantôt Quelque part devant Saint-Mihiel ou Neufchâteau Entourant le chanteur comme des mains la flamme Sentaient frémir en eux la pointe du couteau Depuis lors j'ai toujours trouvé dans ce que j'aime Un reflet de ma ville une ombre dans ses rues Monument oubliés passages disparus J'ai plus écrit de toi Paris que de moi-même Et plus qu'en mon soleil en toi Paris j'ai cru Cité faite flambeau que seul aimer consume Cité faite de pleurs qui ris d'avoir pleuré Enfer aux yeux d'argent Paradis dédoré Forge de l'avenir où le crime est l'enclume Piège du souvenir où la gloire est murée Sur les places grondait l'orage populaire Les bras en croix tombaient des héros inconnus Ou des cortèges noirs le long des avenues Y paraissaient écrire un serment de colère Ô Paris tu berçais les vents dans tes bras nus La mort est un miroir la mort a ses phalènes Ma vie a ses deux bouts le même feu s'est mis Pour la seconde fois le monstre m'a vomi Je suis comme Jonas sortant de la baleine Mais j'ai perdu mon ciel ma ville et mes amis III Afin d'y retrouver la photo de mes songes Si je frotte mes yeux que le passé bleuit Ainsi que je faisais à l'école à Neuilly Un printemps y fleurit encore et se prolonge Et ses spectres dansants ont moins que moi vieilli C'est Paris ce théâtre d'ombres que je porte Mon Paris qu'on ne peut tout à fait m'avoir pris Pas plus qu'on ne peut prendre à des lèvres leur cri Que n'aura-t-il fallu pour m'en mettre à la porte Arrachez-moi le cœur vous y verrez Paris C'est de ce Paris-là que j'ai fait mes poèmes Mes mots sont la couleur étrange de ses toits La gorge des pigeons y roucoule et chatoie J'ai plus écrit de toi Paris que de moi-même Et plus que de vieillir souffert d'être sans toi Plus de temps passera moins il sera facile De parler de Paris et moi séparés Les nuages fuiront de Saint-Germain-des-Prés Un jour viendra comme une larme entre les cils Comme un pont Alexandre Trois blême et doré Ce jour-là vous rendrez voulez-vous ma complainte À l'instrument de pierre où mon cœur l'inventa Peut-on déraciner la croix du Golgotha Ariane se meurt qui sort du labyrinthe Cet air est à chanter boulevard Magenta Une chanson qui dit un mal inguérissable Plus triste qu'à minuit la Place d'Italie Pareille au Point-du-Jour pour la mélancolie Plus de rêves aux doigts que le marchand de sable Annonçant le plaisir comme un marchand d'oubliés Une chanson vulgaire et douce où la voix baisse Comme un amour d'un soir doutant du lendemain Une chanson qui prend les femmes par la main Une chanson qu'on dit sous le métro Barbes Et qui change à l'Étoile et descend à Jasmin Le vent murmurera mes vers aux terrains vagues Il frôlera les bancs où nul ne s'est assis On l'entendra pleurer sur le quai de Passy Et les ponts répétant la promesse des bagues S'en iront fiancés aux rimes que voici *" Comme on laisse à l'enfant pour qu'il reste tranquille Des objets sans valeur traînant sur le parquet Peut-être devinant quel alcool me manquait Le hasard m'a jeté des photos de ma ville Les arbres de Paris ses boulevards ses quais

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    La rose et le réséda Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous deux adoraient la belle (*) Prisonnière des soldats Lequel montait à l'échelle Et lequel guettait en bas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Qu'importe comment s'appelle Cette clarté sur leur pas Que l'un fut de la chapelle Et l'autre s'y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du coeur des bras Et tous les deux disaient qu'elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au coeur du commun combat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Du haut de la citadelle La sentinelle tira Par deux fois et l'un chancelle L'autre tombe qui mourra Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Ils sont en prison Lequel À le plus triste grabat Lequel plus que l'autre gèle Lequel préfère les rats Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Un rebelle est un rebelle Deux sanglots font un seul glas Et quand vient l'aube cruelle Passent de vie à trépas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Répétant le nom de celle Qu'aucun des deux ne trompa Et leur sang rouge ruisselle Même couleur même éclat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Il coule il coule il se mêle À la terre qu'il aima Pour qu'à la saison nouvelle Mûrisse un raisin muscat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas L'un court et l'autre a des ailes De Bretagne ou du Jura Et framboise ou mirabelle Le grillon rechantera Dites flûte ou violoncelle Le double amour qui brûla L'alouette et l'hirondelle La rose et le réséda. * La France.

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    Les approches de l'amour et du baiser Elle s'arrête au bord des ruisseaux EUe chante Elle court EUe pousse un long cri vers le ciel Sa robe est ouverte sur le paradis EUe est tout à fait charmante EUe agite un feuiUard au dessus des vaguelettes EUe passe avec lenteur sa main blanche sur son front pur Entre ses pieds fuient les belettes Dans son chapeau s'assied l'azur

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    Les larmes se ressemblent Dans le ciel gris des anges de faïence Dans le ciel gris des sanglots étouffés Il me souvient de ces jours de Mayence Dans le Rhin noir pleuraient des filles-fées On trouvait parfois au fond des ruelles Un soldat tué d'un coup de couteau On trouvait parfois cette paix cruelle Malgré le jeune vin blanc des coteaux J'ai bu l'alcool transparent des cerises J'ai bu les serments échangés tout bas Qu'ils étaient beaux les palais les églises J'avais vingt ans Je ne comprenais pas Qu'est-ce que je savais de la défaite Quand ton pays est amour défendu Quand il te faut la voix des faux-prophètes Pour redonner vie à l'espoir perdu Il me souvient de chansons qui m'émurent Il me souvient des signes à la craie Qu'on découvrait au matin sur les murs Sans en pouvoir déchiffrer les secrets Qui peut dire où la mémoire commence Qui peut dire où le temps présent finit Où le passé rejoindra la romance Où le malheur n'est qu'un papier jauni Comme l'enfant surprit parmi ses rêves Les regards bleus des vaincus sont gênants Le pas des pelotons à la relève Faisait frémir le silence rhénan.

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    Les mains d'Elsa Donne-moi tes mains pour l'inquiétude Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude Donne-moi tes mains que je sois sauvé Lorsque je les prends à mon propre piège De paume et de peur de hâte et d'émoi Lorsque je les prends comme une eau de neige Qui fuit de partout dans mes mains à moi Sauras-tu jamais ce qui me traverse Qui me bouleverse et qui m'envahit Sauras-tu jamais ce qui me transperce Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli Ce que dit ainsi le profond langage Ce parler muet de sens animaux Sans bouche et sans yeux miroir sans image Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent D'une proie entre eux un instant tenue Sauras-tu jamais ce que leur silence Un éclair aura connu d'inconnu Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme S'y taise le monde au moins un moment Donne-moi tes mains que mon âme y dorme Que mon âme y dorme éternellement.

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    Les oiseaux déguisés Tous ceux qui parlent des merveilles Leurs fables cachent des sanglots Et les couleurs de leur oreille Toujours à des plaintes pareilles Donnent leurs larmes pour de l'eau Le peintre assis devant sa toile A-t-il jamais peint ce qu'il voit Ce qu'il voit son histoire voile Et ses ténèbres sont étoiles Comme chanter change la voix Ses secrets partout qu'il expose Ce sont des oiseaux déguisés Son regard embellit les choses Et les gens prennent pour des roses La douleur dont il est brisé Ma vie au loin mon étrangère Ce que je fus je l'ai quitté Et les teintes d'aimer changèrent Comme roussit dans les fougères Le songe d'une nuit d'été Automne automne long automne Comme le cri du vitrier De rue en rue et je chantonne Un air dont lentement s'étonne Celui qui ne sait plus prier.

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    Les poètes Shakespeare À lui la baguette magique Le pouvoir de tout enchaîner ; Il riva la Nature aux plis de sa tunique, Et la Création a su le couronner. MILTON. Son esprit était un pactole Dont les flots roulaient de l'or pur, Un temple à la vertu dont la vaste coupole Se perdait dans les cieux au milieu de l'azur. THOMPSON. Après le jour la nuit obscure, Après les saisons les saisons, Ses chants qui sont gravés au sein de la nature Iront de l'avenir dorer les horizons. GRAY. D'un vol grandiose il s'élève, La foudre il la brave de l'œil, Le nuage orageux il le passe, puis s'enlève Lumineuse trainée au sein de son orgueil. BURNS. De la lyre de sa patrie Il fit vibrer les plus doux sons, Et son âme de feu, céleste rêverie Se fondit dans des flots d'admirables chansons. SOUTHEY. Où règne la nécromancie Dans les pays orientaux, Il aimait promener sa riche fantaisie, Son esprit à cheval sur les vieux fabliaux. COLERIDGE. Par le charme de sa magie Au clair de la lune le soir Il évoquait le preux, et du preux la vigie, La superstition, hôte du vieux manoir. WORDSWORTH. Au livre de philosophie Il suspendit sa harpe un jour, Là, placé près des lacs, il chante, il magnifie Dans ses paisibles vers la nature et l'amour. CAMPBELL. Enfant gâté de la nature L'art polit son vers enchanteur, Il sut pincer sa lyre et gracieuse et pure, Pour amuser l'esprit, et réchauffer le cœur. SCOTT. Il chante, et voyez ! là s'élance Le Roman que l'on croyait mort, Et la Chevalerie et la Dague et la Lance, Sortent de l'Arsenal poussés par son ressort ! WILSON. Son chant comme une hymne sacrée S'infiltre de l'oreille au cœur ; On croirait qu'il vous vient de la voûte éthérée La voix d'un chérubin, d'un saint enfant de chœur. HEMANS. Elle ouvre la source des larmes Et les fait doucement couler, La pitié dans ses vers elle a les plus doux charmes Et le lecteur ému s'y laisse affrioler. SHELLEY. Un rocher nu, bien solitaire Au loin par de là l'océan, Crévassé par le choc des volcans, du tonnerre, Voilà quel fut Shelley, l'audacieux Titan ! HOGG. Vêtu d'un rayon de lumière Qu'il sut voler à l'arc-en-ciel, Il voit fée et lutin danser dans la clairière, Et faire le sabbat loin de tout œil mortel. BYRON. La tête ceinte de nuages, Ses pieds étaient jonchés de fleurs, L'ivresse et la gaité, le calme et les orages Trouvent en ses beaux vers un écho dans les cœurs. MOORE. Couronné de vertes louanges Et pour chaque œuvre tour à tour, Moore dans les bosquets se plait avec les anges À chanter les plaisirs de son Dieu... de l'Amour !

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    Nous dormirons ensemble Que ce soit dimanche ou lundi Soir ou matin minuit midi Dans l'enfer ou le paradis Les amours aux amours ressemblent C'était hier que je t'ai dit Nous dormirons ensemble C'était hier et c'est demain Je n'ai plus que toi de chemin J'ai mis mon cœur entre tes mains Avec le tien comme il va l'amble Tout ce qu'il a de temps humain Nous dormirons ensemble Mon amour ce qui fut sera Le ciel est sur nous comme un drap J'ai refermé sur toi mes bras Et tant je t'aime que j'en tremble Aussi longtemps que tu voudras Nous dormirons ensemble.

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    Personne pâle Malheureux comme les pierres triste au possible l'homme maigre le pupitre à musique aurait voulu périr Quel froid Le vent me perce à l'endroit des feuilles des oreilles mortes Seul comment battre la semelle Sur quel pied danser toute la semaine Le silence à n'en plus finir Pour tromper l'hiver jamais un mot tendre L'ombre de l'âme de l'ami L'écriture Rien que l'adresse Mon sang ne ferait qu'un tour Les sons se perdent dans l'espace. comme des doigts gelés Plus rien qu'un patin abandonné sur la glace Le quidam On voit le jour au travers.

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    Programme Au rendez-vous des assassins Le sang et la peinture fraîche Odeur du froid On tue au dessert Les bougies n'agiront pas assez Nous aurons évidemment besoin de nos petits outils Le chef se masque Velours des abstractions Monsieur va sans doute au bal de l'Opéra Tous les crimes se passent à La Muette Et cœtera Ils ne voient que l'argent à gagner Opossum Ma bande réunit les plus grands noms de France Bouquets de fleurs Abus de confiance J'entraîne Paris dans mon déshonneur Course Coup de Bourse La perspective réjouit le cœur des complices Machine infernale au sein d'un coquelicot Ils ne s'enrichiront plus longtemps C'est à leur tour Étoile en journal des carreaux cassés Je connais les points faibles des vilebrequins mes camarades On arrive à ses fins par la délation sans yeux Le poison Bière mousseuse Ou la trahison. Celui-ci Pâture du cheval de bois Je le livre à la police Les autres se frottent les mains Vous ne perdez rien pour attendre Il y aura des sinistres sur mer cette nuit Des attentats Des préoccupations Sur les descentes de lit la mort coule en lacs rouges Encore deux amis avant d'arriver à mon frère Il me regarde en souriant et je lui montre aussi les dents Lequel étranglera l'autre La main dans la main Tirerons-nous au sort le nom de la victime L'agression nœud coulant Celui qui parlait trépasse Le meurtrier se relève et dit Suicide Fin du monde Enroulement des drapeaux coquillages Le flot ne rend pas ses vaisseaux Secrets de goudron Torches Fruit percé de trous Sifflet de plomb Je rends le massacre inutile et renie le passé vert et blanc pour le plaisir Je mets au concours l'anarchie dans toutes les librairies et gares.

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    Sacre de l'avenir Vous direz que les mots éperdument me grisent Et que j'y crois goûter le vin de l'infini Et que la voix me manque et que mon chant se brise A ces sortes de litanies C'est possible après tout que les rimes m'entraînent Et que mon chapelet soit de grains de pavot Car tyranniquement si la musique est reine Qu'est-ce que la parole vaut C'est possible après tout qu'à parler politique Sur le rythme royal du vers alexandrin Le poème se meure et tout soit rhétorique Dans le langage souverain C'est possible après tout que j'aie perdu le sens Qu'au soleil comparer le Parti soit dément Qu'il y ait de ma part simplement indécence A donner ça pour argument Pourquoi doux Lucifer en ce siècle où nous sommes Où la Vierge et les Saints ont des habits dorés Le chant nouveau déjà qui s'élève des hommes N'aurait-il pas l'accent sacré J'ai souvent envié le vers de Paul Claudel Quand sur nos fusillés se levait le destin Pourquoi n'auraient-ils pas à leurs épaules d'ailes Les Martyrs couleur de malin Ainsi que des oiseaux je clouerai sur nos porches Pour que l'amour du peuple y soit de flamme écrit Tes mots ensanglantés comme un cœur qu'on écor Thérèse d'Avila tes cris Nous aurons des métros comme des basiliques Des gloires flamberont sur les toits ouvriers Et le bonheur de tous sur les places publiques Psalmodiera son Kyrie Mais non cette espérance énorme cette aurore N'a pas comme le ciel des Adorations Droit à tout le bazar de l'ode aux métaphores Droit à la disproportion Elle n'a pas le droit à ces apothéoses Aux Mages à ses pieds posant l'or et l'encens Elle n'a pas le droit au parfum de la rose Aux sanglots de l'orgue puissant Cependant on lui tend comme au Christ des peintures Cette éponge de fiel dont les soldats riaient Cependant elle montre au milieu des tortures Un Beloyannis à l'œillet Si les premiers Chrétiens aux murs des Catacombes Dessinaient d'une main malhabile un poisson Nous portons dans la rue à nos pas des palombes Comme on en voit dans les chansons Nous avons devant nous des voûtes cathédrales Voyez voyez déjà le seuil et le parvis Et serve à l'avenir la langue magistrale Qui Dieu si bien servit Le travail et l'amour changent le chant mystique Et tout dépend vers qui s'élève l'hosanna Je ne crains pas les mots dont on fit des cantiques On boit dans le verre qu'on a Tu marches devant toi sur la route des princes Avenir à qui rien n'est lointain paradis Tu construiras ta vie aussi belle que Reims Quand Jeanne y vint un samedi La nouvelle parole et les anciens poèmes Marieront la lumière à travers leurs vitraux Voici tout ce que j'ai voici tout ce que j'aime C'est peu mais l'on dit que c'est trop Qu'importe ce qu'on dit lorsque l'avenir sonne Prends tout ce que tu veux Avenir sous mon toit Ouvre cette poitrine et prends Je te le donne Cela s'appelle un cœur c'est rouge et c'est à toi Elle rêvait Rêver est souvent une étude Je la voyais aller venir dans la maison Dans la maison tout se faisait à l'habitude L'habitude aux rêveurs est seconde raison Elle rêvait allait venait mettait la table S'inquiétait de tout avec des mots absents Semblait comme toujours de tout être comptable Et sa main caressait les chiens noirs en passant Elle rêvait Je lui connais cet air du rêve On ne fait que la voir alors qu'elle est partie Et quand le hasard veut que son regard se lève Elle a ses yeux d'enfant pour un jour de sortie Elle a ses plus grands yeux elle a ses yeux du soir Elle a ses yeux du soir quand personne n'est là Ceux que comme un voleur je surprends au miroir Et dont m'apercevant elle voile l'éclat Elle rêvait secrète et c'était par excuse Qu'elle parlait d'un cœur indifférent à soi Elle avait à me fuir l'invention des ruses Et sa robe n'était qu'un murmure de soie Elle rêvait Son rêve est parfois une fièvre Une aventure un drame un roman jamais lu Et qui devinerait au tremblement des lèvres La musique muette et dont je suis exclu Et donc elle rêvait Je ne sais quelle image Habitait sa semblance et l'anima soudain Où t'en vas-tu mon âme où t'en vas-tu sauvage Je l'ai prise à pleurer dans le fond du jardin Et donc elle rêvait de quelque histoire triste Le ciel traîtreusement fraîchissait sur ses pas Tu n'as pas mis ton châle II faut rentrer J'insiste Où donc es-tu mon cœur que tu ne m'entends pas Elle rêvait d'ailleurs mais préféra prétendre Qu'elle était allée voir comment vont les semis Elle rêvait des lendemains couleur de cendres Et parlait des châssis qu'on n'ouvre qu'à demi Elle a pris à regret ma main pour revenir Un ver luisant brilla dans l'herbe devant nous Je rêvais dit Eisa tantôt de l'avenir C'était qu'elle écrivait tout bas Le Cheval Roux Rêver de l'avenir est chose singulière Il fallait qu'y rêvât cette main qui tissait Y rêvait-il aussi quand s'attacha le lierre L'avenir mais qu'est-ce que c'est Tout rêve d'avenir est un rêve de vivre La Belle au Bois dormant s'éveille après cent ans Au bas des feuilletons toujours on lit A suivre L'homme croit régner sur le temps Il va parfois pourtant chez la cartomancienne Une lettre un voyage et nous nous étonnons Que l'avenir ressemble à la fortune ancienne Qui n'a fait que changer de nom Ton avenir rêve éveillé rêve qui dort On jugerait tout simplement que tu l'oublies Est-ce que ce n'est pas tout simplement toi mort Mort dans la rue ou dans ton lit Sans doute et que veut-on qu'à gémir on y fasse Oui tout le monde meurt un jour et puis après L'avenir justement c'est ce qui nou6 dépasse C'e6t ce qui vit quand je mourrai Mais si la vie un jour l'homme et la primerose Et tout ce qui palpite et l'oiseau que l'on voit Si tout allait mourir de cette mort des choses Tout allait mourir à la fois Certains hommes diront que ça leur indiffère Et que tout se termine avec leur propre vin J'entends leur qu'est-ce que cela peut bien me faire Rome brûle quand c'est ma fin Faut-il que cela soit gens de mince nature Qui n'aiment pas la vie assez pour s'oublier Comme si celui-là qui dort sous la toiture En était toujours l'ouvrier Ce cœur recommencé qui bat dans les apôtres Ou comme le héros s'appellera pour vous Il sait que plus que lui l'avenir c'est les autres D aime On dit qu'il se dévoue C'est affaire du sang que l'on a dans les veines Rien n'e6t plus naturel que ne pas le compter Ou restez tout le jour à regarder vos peines Petite et pâle humanité Ceux qui n'y rêvent pas sont des briseurs de grève Ils sont les ennemis de l'avenir nombreux Comment se pourrait-il qu'à l'avenir ils rêvent Puisque l'avenir est contre eux Ils sont le loup de l'homme et l'assassin vulgaire Comme ils misent toujours sur le mauvais tableau Ils jouent à quitte ou double et vont de guerre en guerre Retarder demain c'est leur lot Un jour viendra bien sûr dans leur peur légitime Qu'ils abattront l'atout monstrueux préférant Au triomphe du bien l'énormité du crime A l'homme heureux la mort en grand Un Autre menaçait d'une ombre millénaire D'un linceul collectif pour s'y envelopper Et dans son trou de rat il se passait les nerfs Sur les tronçons de son épée Ah s'il avait connu le secret de l'atome Il aurait fait beau voir le monde où nous vivons Mais il n'est pas besoin d'évoquer les fantômes Voyez comme on meurt au Japon L'avenir est l'enjeu de cette banqueroute Qui commence et qu'on croit arrêter dans le sang Mais les hommes parqués dans la nuit sur les routes Parlent entre eux du jour naissant Rien pourtant n'est si simple et poussez chaque porte Et vous y trouverez des problèmes nouveaux Les visages humains sont de diverses sortes Et celui que l'on aime est un souci plus haut Il régnait un parfum de grillons et de menthes Un silence d'oiseaux frôlait les eaux dormantes Où près des fauchaisons montrant leur sol secret L'iris jaune trahit l'avance des marais Du cœur profond de l'herbe impénétrable au jour Les roseaux élevaient leurs épis de velours C'était à la fin mai quand rougit l'ancolie La terre était mouillée au pied des fleurs cueillies Et mes doigts s'enfonçaient plus bas que le soleil Et je songeais qu'il y aura des temps pareils Et je songeais qu'un jour pareil dans pas longtemps Je ne reviendrai plus vers toi le cœur battant Portant de longs bouquets pâles aux tiges vertes Je ne te verrai plus prenant les fleurs offertes Et le bleu de ta robe et le bleu de tes yeux Et la banalité d'y comparer les cieux Je n'irai plus criant ton nom sous les fenêtres Je ne chercherai plus tes pas sous les grands hêtres Ni tout le long du bief sous les saules pleurant Ni dans la cour pavée à tout indifférent Les miroirs n'auront plus l'accent de ton visage Je ne trouverai plus ton ombre et ton sillage Un jour dans pas longtemps par l'escalier étroit Et je ne craindrai plus jamais que tu aies froid Je ne toucherai plus ta chevelure au soir Je ne souffrirai pas de ne jamais te voir Je ne sentirai plus le cœur me palpiter Pour un mot de ta voix dans la chambre à côté J'ignorerai toujours ma profonde misère Et je ne dirai pas que le monde est désert Sans l'anneau de tes bras dormant au grand jamais J'ignorerai toujours combien je les aimais Vois-tu comme la vie et la mort sont bien faites L'enfant pleure au retour que s'achève la fête L'homme a sur lui cet avantage merveilleux De ne pas emporter ses regrets dans ses yeux Par un effacement immense et raisonnable Et béni soit le vent qui balayera le sable Et béni soit le feu brûlant la lettre lue Mon amour mon amour que voulais-tu de plus Il est des mots que ne peut suivre qu'un silence Et quel autre bonheur aurait ta violence O nuage changeant nuage échevelé Qui se disperse enfin sur le ciel étoile Décrochez mes amis ces tentures funèbres Qu'un autre à sa douleur abandonne sa main Le parfum de la vie est au fond des ténèbres Où sans voir on la suit à ses pas de jasmin Sion n'est plus assise au milieu des concombres Sion ne ronge plus veuve plaintive et sombre Son cœur comme un grain de cumin Nos ancêtres géants avaient peur de leur ombre Ds craignaient que le ciel sur leur tête tombât La nue humiliait leur échine et les nombres Les entrailles d'oiseaux les faisaient parler bas Les superstitions ont fini par se taire Et rien ne glace plus le sang de nos artères Que la tombe au bout du combat Je ne suis pas de ceux qu'affolent ses mystères Je ne suis pas de ceux que rend tristes la pluie Je l'entends pénétrer avidement la terre J'aime le vent j'aime le gel j'aime la nuit La lueur de l'orage et le bruit de la grêle J'aime le changement des choses naturelles Comme le grain aime le muid A quoi 6ert de chercher aux saisons des querelles Que mûrir et mourir soient la même chanson En pleurons-nous la fleur quand nous cueillons l'airelle Pourquoi mener partout ce deuil où nous passons Au rougir de l'automne on lit le printemps vert Et la nécessité neigeuse des hivers Est déjà grosse des moissons Poètes dispersez vos symboles pervers A la camarde ôtez l'usage bleu des faux Cessez de sangloter tout le long de vos vers Dont chaque pied semble monter à l'échafaud Par le chemin de croix de vos épithalames Je vous dis que celui qui brûle aime la flamme Et que c'est le feu qu'il lui faut Et le noyé qui part emporté par les lames Comme pour une fête entend le carillon A la poubelle enfin flanquez le vague-à-l'âme On va nous prendre pour des chiens si nous crions A la mort Fût-ce avec l'excuse de la rime Par le soleil des dents nul que nous ne s'exprime La bête pleure et nous rions Nous rions seuls au monde et notre rire prime Sur la peur animale et le cœur accablé Nous rions de parler De ce que nous apprîmes De l'auroch dessiné De cultiver le blé Nous rions de compter d'écrire et la victoire Est plus d'avoir ouvert le livre de l'Histoire Qu'au firmament savoir voler La vitesse du train non le heurt au butoir Voilà qui fait l'ivresse à la masse lancée Et ce n'est pas le cri du bœuf à l'abattoir Qui s'échappe de l'homme et qu'il nomme pensée Qu'est notre vie au prix de tout ce qu'elle est elle Vienne ou ne vienne pas le temps des immortels C'est le sépulcre dépassé Mourir n'est plus mourir à ceux-là qui s'attellent Au grand rêve de tous qui ne peut avorter Ils sont hommes d'avoir secoué la tutelle D'une vie à soi seul chichement limitée Et le héros d'hier lui donnant sa mesure Chaque jour plus nombreuse à l'assaut de l'azur C'est la nouvelle humanité

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    Louis Aragon

    Louis Aragon

    @louisAragon

    Statue Volupté déjeuner de soleil Je me meurs Salive Sommeil Sonnez Matines Masque à chloroforme Amour je roule de tout mon long Abime Au fond La descente de lit n'est pas morte Elle bouge en chantant très bas Panthère Panthère Mon corps n'en finit plus sous les rides des draps Un homme à la mer Encre À la dérive.

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    Louis Aragon

    Louis Aragon

    @louisAragon

    Un accent de l'éternité A Paul Éluard Sur la beige Le flot rieur Et batailleur Émerge Que me dit-il Dans sa chanson Crois-moi d'Avril Suis la leçon Puis batailleur Le flot rieur Mystérieux SE rEtirE dE dEvant mEs yEux

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