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Louise Ackermann

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Poésies

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    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    Mon livre Je ne vous offre plus pour toutes mélodies Que des cris de révolte et des rimes hardies. Oui ! Mais en m’écoutant si vous alliez pâlir ? Si, surpris des éclats de ma verve imprudente, Vous maudissez la voix énergique et stridente Qui vous aura fait tressaillir ? Pourtant, quand je m’élève à des notes pareilles, Je ne prétends blesser les cœurs ni les oreilles. Même les plus craintifs n’ont point à s’alarmer ; L’accent désespéré sans doute ici domine, Mais je n’ai pas tiré ces sons de ma poitrine Pour le plaisir de blasphémer. Comment ? la Liberté déchaîne ses colères ; Partout, contre l’effort des erreurs séculaires ; La Vérité combat pour s’ouvrir un chemin ; Et je ne prendrais pas parti de ce grand drame ? Quoi ! ce cœur qui bat là, pour être un cœur de femme, En est-il moins un cœur humain ? Est-ce ma faute à moi si dans ces jours de fièvre D’ardentes questions se pressent sur ma lèvre ? Si votre Dieu surtout m’inspire des soupçons ? Si la Nature aussi prend des teintes funèbres, Et si j’ai de mon temps, le long de mes vertèbres, Senti courir tous les frissons ? Jouet depuis longtemps des vents et de la houle, Mon bâtiment fait eau de toutes parts ; il coule. La foudre seule encore à ses signaux répond. Le voyant en péril et loin de toute escale, Au lieu de m’enfermer tremblante à fond de cale, J’ai voulu monter sur le pont. À l’écart, mais debout, là, dans leur lit immense J’ai contemplé le jeu des vagues en démence. Puis, prévoyant bientôt le naufrage et la mort, Au risque d’encourir l’anathème ou le blâme, À deux mains j’ai saisi ce livre de mon âme, Et j’ai lancé par-dessus bord. C’est mon trésor unique, amassé page à page. À le laisser au fond d’une mer sans rivage Disparaître avec moi je n’ai pu consentir. En dépit du courant qui l’emporte ou l’entrave, Qu’il se soutienne donc et surnage en épave Sur ces flots qui vont m’engloutir ! Paris, 7 janvier 1874

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    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    Non, ton éternité Non, ton éternité d’inconscience obscure, D’aveugle impulsion, de mouvement forcé, Tout l’infini du temps ne vaut pas, ô Nature ! La minute où j’aurai pensé.

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    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    Prométhée À Daniel Stern. Frappe encor, Jupiter, accable-moi, mutile L’ennemi terrassé que tu sais impuissant ! Écraser n’est pas vaincre, et ta foudre inutile S’éteindra dans mon sang, Avant d’avoir dompté l’héroïque pensée Qui fait du vieux Titan un révolté divin ; C’est elle qui te brave, et ta rage insensée N’a cloué sur ces monts qu’un simulacre vain. Tes coups n’auront porté que sur un peu d’argile ; Libre dans les liens de cette chair fragile, L’âme de Prométhée échappe à ta fureur. Sous l’ongle du vautour qui sans fin me dévore, Un invisible amour fait palpiter encore Les lambeaux de mon coeur. Si ces pics désolés que la tempête assiège Ont vu couler parfois sur leur manteau de neige Des larmes que mes yeux ne pouvaient retenir, Vous le savez, rochers, immuables murailles Que d’horreur cependant je sentais tressaillir, La source de mes pleurs était dans mes entrailles ; C’est la compassion qui les a fait jaillir. Ce n’était point assez de mon propre martyre ; Ces flancs ouverts, ce sein qu’un bras divin déchire Est rempli de pitié pour d’autres malheureux. Je les vois engager une lutte éternelle ; L’image horrible est là ; j’ai devant la prunelle La vision des maux qui vont fondre sur eux. Ce spectacle navrant m’obsède et m’exaspère. Supplice intolérable et toujours renaissant, Mon vrai, mon seul vautour, c’est la pensée amère Que rien n’arrachera ces germes de misére Que ta haine a semés dans leur chair et leur sang. Pourtant, ô Jupiter, l’homme est ta créature ; C’est toi qui l’as conçu, c’est toi qui l’as formé, Cet être déplorable, infirme, désarmé, Pour qui tout est danger, épouvante, torture, Qui, dans le cercle étroit de ses jours enfermé, Étouffe et se débat, se blesse et se lamente. Ah ! quand tu le jetas sur la terre inclémente, Tu savais quels fléaux l’y devaient assaillir, Qu’on lui disputerait sa place et sa pâture, Qu’un souffle l’abattrait, que l’aveugle Nature Dans son indifférence allait l’ensevelir. Je l’ai trouvé blotti sous quelque roche humide, Ou rampant dans les bois, spectre hâve et timide Qui n’entendait partout que gronder et rugir, Seul affamé, seul triste au grand banquet des êtres, Du fond des eaux, du sein des profondeurs champêtres Tremblant toujours de voir un ennemi surgir. Mais quoi ! sur cet objet de ta haine immortelle, Imprudent que j’étais, je me suis attendri ; J’allumai la pensée et jetai l’étincelle Dans cet obscur limon dont tu l’avais pétri. Il n’était qu’ébauché, j’achevai ton ouvrage. Plein d’espoir et d’audace, en mes vastes desseins J’aurais sans hésiter mis les cieux au pillage, Pour le doter après du fruit de mes larcins. Je t’ai ravi le feu ; de conquête en conquête J’arrachais de tes mains ton sceptre révéré. Grand Dieu ! ta foudre à temps éclata sur ma tête ; Encore un attentat, l’homme était délivré ! La voici donc ma faute, exécrable et sublime. Compatir, quel forfait ! Se dévouer, quel crime ! Quoi ! j’aurais, impuni, défiant tes rigueurs, Ouvert aux opprimés mes bras libérateurs ? Insensé ! m’être ému quand la pitié s’expie ! Pourtant c’est Prométhée, oui, c’est ce même impie Qui naguère t’aidait à vaincre les Titans. J’étais à tes côtés dans l’ardente mêlée ; Tandis que mes conseils guidaient les combattants, Mes coups faisaient trembler la demeure étoilée. Il s’agissait pour moi du sort de l’univers : Je voulais en finir avec les dieux pervers. Ton règne allait m’ouvrir cette ère pacifique Que mon coeur transporté saluait de ses voeux. En son cours éthéré le soleil magnifique N’aurait plus éclairé que des êtres heureux. La Terreur s’enfuyait en écartant les ombres Qui voilaient ton sourire ineffable et clément, Et le réseau d’airain des Nécessités sombres Se brisait de lui-même aux pieds d’un maître aimant. Tout était joie, amour, essor, efflorescence ; Lui-même Dieu n’était que le rayonnement De la toute-bonté dans la toute-puissance. O mes désirs trompés ! O songe évanoui ! Des splendeurs d’un tel rêve, encor l’oeil ébloui, Me retrouver devant l’iniquité céleste. Devant un Dieu jaloux qui frappe et qui déteste, Et dans mon désespoir me dire avec horreur : « Celui qui pouvait tout a voulu la douleur ! » Mais ne t’abuse point ! Sur ce roc solitaire Tu ne me verras pas succomber en entier. Un esprit de révolte a transformé la terre, Et j’ai dès aujourd’hui choisi mon héritier. Il poursuivra mon oeuvre en marchant sur ma trace, Né qu’il est comme moi pour tenter et souffrir. Aux humains affranchis je lègue mon audace, Héritage sacré qui ne peut plus périr. La raison s’affermit, le doute est prêt à naître. Enhardis à ce point d’interroger leur maître, Des mortels devant eux oseront te citer : Pourquoi leurs maux ? Pourquoi ton caprice et ta haine ? Oui, ton juge t’attend, – la conscience humaine ; Elle ne peut t’absoudre et va te rejeter. Le voilà, ce vengeur promis à ma détresse ! Ah ! quel souffle épuré d’amour et d’allégresse En traversant le monde enivrera mon coeur Le jour où, moins hardie encor que magnanime, Au lieu de l’accuser, ton auguste victime Niera son oppresseur ! Délivré de la Foi comme d’un mauvais rêve, L’homme répudiera les tyrans immortels, Et n’ira plus, en proie à des terreurs sans trêve, Se courber lâchement au pied de tes autels. Las de le trouver sourd, il croira le ciel vide. Jetant sur toi son voile éternel et splendide, La Nature déjà te cache à son regard ; Il ne découvrira dans l’univers sans borne, Pour tout Dieu désormais, qu’un couple aveugle et morne, La Force et le Hasard. Montre-toi, Jupiter, éclate alors, fulmine, Contre ce fugitif à ton joug échappé ! Refusant dans ses maux de voir ta main divine, Par un pouvoir fatal il se dira frappé. Il tombera sans peur, sans plainte, sans prière ; Et quand tu donnerais ton aigle et ton tonnerre Pour l’entendre pousser, au fort de son tourment, Un seul cri qui t’atteste, une injure, un blasphème, Il restera muet : ce silence suprême Sera ton châtiment. Tu n’auras plus que moi dans ton immense empire Pour croire encore en toi, funeste Déité. Plutôt nier le jour ou l’air que je respire Que ta puissance inique et que ta cruauté. Perdu dans cet azur, sur ces hauteurs sublimes, Ah ! j’ai vu de trop près tes fureurs et tes crimes ; J’ai sous tes coups déjà trop souffert, trop saigné ; Le doute est impossible à mon coeur indigné. Oui ! tandis que du Mal, oeuvre de ta colère, Renonçant désormais à sonder le mystère, L’esprit humain ailleurs portera son flambeau, Seul je saurai le mot de cette énigme obscure, Et j’aurai reconnu, pour comble de torture, Un Dieu dans mon bourreau. Nice, 30 novembre 1865

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    Renoncement Depuis que sous les cieux un doux rayon colore Ma jeunesse en sa fleur, ouverte aux feux du jour, Si mon cœur a rêvé, si mon cœur rêve encore Le choix irrévocable et l'éternel amour, C'est qu'aux jours périlleux, toujours prudent et sage, Au plus digne entre tous réservant son trésor, Quand un charme pourrait l'arrêter au passage, Il s'éloigne craintif et se dit : « Pas encor ! » Pas encore ! et j'attends, car en un choix si tendre Se tromper est amer et cause bien des pleurs. Ah ! si mon âme allait, trop facile à s'éprendre, À l'entour d'un mensonge épanouir ses fleurs ! Non, non ! Restons plutôt dans notre indifférence. Sacrifice... en bien, soit ! tu seras consommé. Après tout, si l'amour n'est qu'erreur et souffrance, Un cœur peut être fier de n'avoir point aimé.

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    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    Sakoutala Tiré du Sanscrit. De l’Inde encore ! A son ami lecteur Un grand courage il faut que l’on suppose. Passe une fois, mais nous doubler la dose ! -Ah ! soyez donc indulgent ; un auteur En vain se met en quatre pour vous plaire; Vous agréer n’est pas petite affaire. Moi qui joyeux et suant sang et eau, De ce pays portais un fruit nouveau, Nouveau pour vous, je n’en fais point mystère, Ce même fruit, voici quelques cents ans Que l’Inde entière y mord à belles dents. -Il sera frais ! – On y verrait encore Briller pourtant les larmes de l’Aurore. Sur sa peau fine et de ton velouté Glisse un rayon d’immortelle beauté; C’est grâce pure et fraîcheur sans pareille. Je vous offrais l’honneur de ma corbeille, Et je pensais par là m’achalander ; Je vous traitais en nouvelle pratique. N’en parlons plus ; à quelque autre boutique Tout de ce pas allez en marchander, Fruits boursouflés de plantes mal venues, Nés sans soleil, mais que l’on porte aux nues. – Diable ! mon cher, que sera donc le tien ? Montre-le-nous ; cela n’engage à rien. – Ayant changé de ciel et de corbeille, Il a perdu de sa couleur vermeille ; Bien que l’aveu coûte, je vous le dois. Ce doux produit d’une terre étrangère Eût demandé quelque main plus légère; Un peu de fleur est restée à mes doigts, Même beaucoup, il vous y faut attendre; C’est le déchet.- Je vois que tu sais vendre. Ton fruit si beau ne serait que rebut ? Tu ne parlais ainsi vers le début. -Voyager nuit à cette marchandise. En voulez-vous ou non ? – Quelle sottise ! Un fruit flétri. -Vous m’en diriez merci; Quoique flétri, si votre lèvre y touche, Il pourrait bien vous laisser bonne bouche. – Donne-le donc! – Le voilà, goûtez-y. Un roi chassait ; mais avant toute chose, Dépeignez-le, ce roi, s’écrîra-t-on. Quand je dis roi, tout d’abord on suppose, Sur ce nom-là, qu’il s’agit d’un barbon; A mon héros c’est faire un tort immense, Lui qui n’avait pas de poil au menton. Par le décrire il faut que je commence. Il était beau, mais non comme le jour, Le jour c’est vieux, je dirai donc l’aurore, C’est bien plus jeune ; il n’avait point encore Vingt ans ; c’était un frère de l’Amour. Or, on est beau de plus d’une manière. Je reconnais deux beautés ; la première Consiste aux traits ; la ligne et le contour En font les frais. Seule, elle est fort sévère Et touche peu ; c’est un marbre glacé Où de l’Amour la main n’a point passé ;

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    Satan Nous voilà donc encore une fois en présence, Lui le tyran divin, moi le vieux révolté. Or je suis la Justice, il n’est que la Puissance ; A qui va, de nous deux, rester l’Humanité ? Ah ! tu comptais sans moi, Divinité funeste, Lorsque tu façonnais le premier couple humain, Et que dans ton Éden, sous ton regard céleste, Tu l’enfermas jadis au sortir de ta main. Je n’eus qu’à le voir là, languissant et stupide, Comme un simple animal errer et végéter, Pour concevoir soudain dans mon âme intrépide L’audacieux dessein de te le disputer. Quoi ! je l’aurais laissée, au sein de la nature, Sans espoir à jamais s’engourdir en ce lieu ? Je l’aimais trop déjà, la faible créature, Et je ne pouvais pas l’abandonner à Dieu. Contre ta volonté, c’est moi qui l’ai fait naître, Le désir de savoir en cet être ébauché ; Puisque pour s’achever, pour penser, pour connaître, Il fallait qu’il péchât, eh bien ! il a péché. Il le prit de ma main, ce fruit de délivrance, Qu’il n’eût osé tout seul ni cueillir ni goûter : Sortir du fond obscur d’une éroite ignorance, Ce n’était point déchoir, non, non ! c’était monter. Le premier pas est fait, l’ascension commence ; Ton Paradis, tu peux le fermer à ton gré ; Quand tu l’eusses rouvert en un jour de clémence, Le noble fugitif n’y fût jamais rentré. Ah ! plutôt le désert, plutôt la roche humide, Que ce jardin de fleurs et d’azur couronné ! C’en est fait pour toujours du pauvre Adam timide ; Voici qu’un nouvel être a surgi : l’Homme est né ! L’Homme, mon œuvre, à moi, car j’y mis tout moi-même : Il ne saurait tromper mes vœux ni mon dessein. Défiant ton courroux, par un effort suprême J’éveillai la raison qui dormait en son sein. Cet éclair faible encor, cette lueur première Que deviendra le jour, c’est de moi qu’il ta tient. Nous avons tous les deux créé notre lumière, Oui, mais mon Fiat lux l’emporte sur le tien ! Il a du premier coup levé bien d’autres voiles Que ceux du vieux chaos où se jouait ta main. Toi, tu n’as que ton ciel pour semer tes étoiles ; Pour lancer mon soleil, moi, j’ai l’esprit humain ! (fragment)

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    Un autre cœur Serait-ce un autre cœur que la Nature donne À ceux qu'elle préfère et destine à vieillir, Un cœur calme et glacé que toute ivresse étonne, Qui ne saurait aimer et ne veut pas souffrir ? Ah ! qu'il ressemble peu, dans son repos tranquille, À ce cœur d'autrefois qui s'agitait si fort ! Cœur enivré d'amour, impatient, mobile, Au-devant des douleurs courant avec transport. Il ne reste plus rien de cet ancien nous-mêmes ; Sans pitié ni remords le Temps nous l'a soustrait. L'astre des jours éteints, cachant ses rayons blêmes, Dans l'ombre qui l'attend se plonge et disparaît. À l'horizon changeant montent d'autres étoiles. Cependant, cher Passé, quelquefois un instant La main du Souvenir écarte tes longs voiles, Et nous pleurons encore en te reconnaissant.

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