Titre : Sakoutala
Auteur : Louise Ackermann Recueil : Poésies diverses
Tiré du Sanscrit.
De l’Inde encore ! A son ami lecteur
Un grand courage il faut que l’on suppose.
Passe une fois, mais nous doubler la dose !
-Ah ! soyez donc indulgent ; un auteur
En vain se met en quatre pour vous plaire;
Vous agréer n’est pas petite affaire.
Moi qui joyeux et suant sang et eau,
De ce pays portais un fruit nouveau,
Nouveau pour vous, je n’en fais point mystère,
Ce même fruit, voici quelques cents ans
Que l’Inde entière y mord à belles dents.
-Il sera frais ! – On y verrait encore
Briller pourtant les larmes de l’Aurore.
Sur sa peau fine et de ton velouté
Glisse un rayon d’immortelle beauté;
C’est grâce pure et fraîcheur sans pareille.
Je vous offrais l’honneur de ma corbeille,
Et je pensais par là m’achalander ;
Je vous traitais en nouvelle pratique.
N’en parlons plus ; à quelque autre boutique
Tout de ce pas allez en marchander,
Fruits boursouflés de plantes mal venues,
Nés sans soleil, mais que l’on porte aux nues.
– Diable ! mon cher, que sera donc le tien ?
Montre-le-nous ; cela n’engage à rien.
– Ayant changé de ciel et de corbeille,
Il a perdu de sa couleur vermeille ;
Bien que l’aveu coûte, je vous le dois.
Ce doux produit d’une terre étrangère
Eût demandé quelque main plus légère;
Un peu de fleur est restée à mes doigts,
Même beaucoup, il vous y faut attendre;
C’est le déchet.- Je vois que tu sais vendre.
Ton fruit si beau ne serait que rebut ?
Tu ne parlais ainsi vers le début.
-Voyager nuit à cette marchandise.
En voulez-vous ou non ? – Quelle sottise !
Un fruit flétri. -Vous m’en diriez merci;
Quoique flétri, si votre lèvre y touche,
Il pourrait bien vous laisser bonne bouche.
– Donne-le donc! – Le voilà, goûtez-y.
Un roi chassait ; mais avant toute chose,
Dépeignez-le, ce roi, s’écrîra-t-on.
Quand je dis roi, tout d’abord on suppose,
Sur ce nom-là, qu’il s’agit d’un barbon;
A mon héros c’est faire un tort immense,
Lui qui n’avait pas de poil au menton.
Par le décrire il faut que je commence.
Il était beau, mais non comme le jour,
Le jour c’est vieux, je dirai donc l’aurore,
C’est bien plus jeune ; il n’avait point encore
Vingt ans ; c’était un frère de l’Amour.
Or, on est beau de plus d’une manière.
Je reconnais deux beautés ; la première
Consiste aux traits ; la ligne et le contour
En font les frais. Seule, elle est fort sévère
Et touche peu ; c’est un marbre glacé
Où de l’Amour la main n’a point passé ;