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Politique

71 poésies en cours de vérification
Politique

Poésies de la collection politique

    A

    Abderrahmane Amalou

    @abderrahmaneAmalou

    Venir de loin... Regarder les uns Gagner du terrain D'un pas si certain Avec absolument rien! Ecouter les autres Arranger aux "apôtres" Le fond de leur bourse Avec des peaux d'ours! Certains les yeux baissés Par peur de vérité Préfèrent se cacher Dans les lieux truffés! Quand le vent souffle le sable Que rien ne retient : Quitter sans mot la table En repartant d'où l'on vient!

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Idéal Hors la ville de fer et de pierre massive, À l’aurore, le choeur des beaux adolescents S’en est allé, pieds nus, dans l’herbe humide et vive, Le coeur pur, la chair vierge et les yeux innocents. Toute une aube en frissons se lève dans leurs âmes. Ils vont rêvant de chars dorés, d’arcs triomphaux, De chevaux emportant leur gloire dans des flammes, Et d’empires conquis sous des soleils nouveaux ! Leur pensée est pareille au feuillage du saule À toute heure agité d’un murmure incertain ; Et leur main fièrement rejette sur l’épaule Leur beau manteau qui claque aux souffles du matin. En eux couve le feu qui détruit et qui crée ; Et, croyant aux clairons qui renversaient les tours, Ils vont remplir l’amphore à la source sacrée D’où sort, large et profond, le fleuve ancien des jours. Ils ont l’amour du juste et le mépris des lâches, Et veulent que ton règne arrive enfin, seigneur ! Et déjà leur sang brûle, en lavant toutes taches, De jaillir, rouge, aux pieds sacrés de la douleur ! Tambours d’or, clairons d’or, sonnez par les campagnes ! Orgueil, étends sur eux tes deux ailes de fer ! Ce qui vient d’eux est pur comme l’eau des montagnes, Et fort comme le vent qui souffle sur la mer ! Sur leurs pas l’allégresse éclate en jeunes rires, La terre se colore aux feux divins du jour, Le vent chante à travers les cordes de leurs lyres, Et le coeur de la rose a des larmes d’amour. Là-bas, vers l’horizon roulant des vapeurs roses, Vers les hauteurs où vibre un éblouissement, Ivres de s’avancer dans la beauté des choses, Et d’être à chaque pas plus près du firmament ; Vers les sommets tachés d’écumes de lumière Où piaffent, tout fumants, les chevaux du soleil, Plus haut, plus haut toujours, vers la cime dernière Au seuil de l’Empyrée effrayant et vermeil ; Ils vont, ils vont, portés par un souffle de flamme… Et l’espérance, triste avec des yeux divins, Si pâle sous son noir manteau de pauvre femme, Un jour encore, au ciel lève ses vieilles mains ! * ** Pieds nus, manteaux flottants dans la brise, à l’aurore, Tels, un jour, sont partis les enfants ingénus, Le coeur vierge, les mains pures, l’âme sonore… Oh ! Comme il faisait soir, quand ils sont revenus ! Pareils aux émigrants dévorés par les fièvres, Ils vont, l’haleine courte et le geste incertain. Sombres, l’envie au foie et l’ironie aux lèvres ; Et leur sourire est las comme un feu qui s’éteint. Ils ont perdu la foi, la foi qui chante en route Et plante au coeur du mal ses talons frémissants. Ils ont perdu, rongés par la lèpre du doute, Le ciel qui se reflète aux yeux des innocents. Même ils ont renié l’orgueil de la souffrance, Et dans la multitude au front bas, au coeur dur, Assoupie au fumier de son indifférence, Ils sont rentrés soumis comme un bétail obscur. Leurs rêves engraissés paissent parmi les foules ; Aux fentes de leur coeur d’acier noble bardé, Le sang altier des forts goutte à goutte s’écoule, Et puis leur coeur un jour se referme, vidé. Matrone bien fardée au seuil clair des boutiques, Leur âme épanouie accueille les passants ; Surtout ils sont dévots aux seuls dieux authentiques, Et, le front dans la poudre, adorent les puissants. Ils veulent des soldats, des juges, des polices, Et, rassurés par l’ordre aux solides étaux, Ils regardent grouiller au vivier de leurs vices Les sept vipères d’or des péchés capitaux. Pourtant, parfois, des soirs, ils songent dans les villes À ceux-là qui près d’eux gravissaient l’avenir, Et qui, ne voulant pas boire aux écuelles viles, S’étant couchés là-haut, s’y sont laissés mourir ; Et le remords les prend quand, au penchant des cimes, Un éclair leur fait voir, les deux bras étendus, Des cadavres hautains, dont les yeux magnanimes Rêvent, tout grands ouverts, aux idéals perdus !

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    À la Pologne Jusqu’au jour, ô Pologne ! où tu nous montreras Quelque désastre affreux, comme ceux de la Grèce, Quelque Missolonghi d’une nouvelle espèce, Quoi que tu puisses faire, on ne te croira pas. Battez-vous et mourez, braves gens. — L’heure arrive. Battez-vous ; la pitié de l’Europe est tardive ; Il lui faut des levains qui ne soient point usés. Battez-vous et mourez, car nous sommes blasés ! 1831

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Sonnet au lecteur Jusqu’à présent, lecteur, suivant l’antique usage, Je te disais bonjour à la première page. Mon livre, cette fois, se ferme moins gaiement ; En vérité, ce siècle est un mauvais moment. Tout s’en va, les plaisirs et les moeurs d’un autre âge, Les rois, les dieux vaincus, le hasard triomphant, Rosafinde et Suzon qui me trouvent trop sage, Lamartine vieilli qui me traite en enfant. La politique, hélas ! voilà notre misère. Mes meilleurs ennemis me conseillent d’en faire. Être rouge ce soir, blanc demain, ma foi, non. Je veux, quand on m’a lu, qu’on puisse me relire. Si deux noms, par hasard, s’embrouillent sur ma lyre, Ce ne sera jamais que Ninette ou Ninon.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    L’esprit Parisien Esprit parisien ! démon du Bas-Empire ! Vieux sophiste épuisé qui bois, toutes les nuits, Comme un vin dont l’ivresse engourdit tes ennuis, Les gloires du matin, la meilleure et la pire ; Froid niveleur, moulant, aussitôt qu’il expire, Le plâtre d’un grand homme ou bien d’un assassin, Leur mesurant le crâne, et, dans leur vaste sein, Poussant jusques au cœur ta lèvre de vampire ; Tu ris ! — Ce mois joyeux t’a jeté trois par trois Les fronts guillotinés sur la place publique. — Ce soir, fais le chrétien, dis bien haut que tu crois. À genoux ! roi du mal, comme les autres rois ! Pour que la Charité, de son doigt angélique, Sur ton front de damné fasse un signe de croix.

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    Alfred Jarry

    Alfred Jarry

    @alfredJarry

    La chanson du décervelage Je fus pendant longtemps ouvrier ébéniste Dans la ru’ du Champs d’ Mars, d’ la paroiss’ de Toussaints ; Mon épouse exerçait la profession d’ modiste Et nous n’avions jamais manqué de rien. Quand le dimanch’ s’annonçait sans nuage, Nous exhibions nos beaux accoutrements Et nous allions voir le décervelage Ru’ d’ l’Echaudé, passer un bon moment. Voyez, voyez la machin’ tourner, Voyez, voyez la cervell’ sauter, Voyez, voyez les Rentiers trembler; (Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu ! Nos deux marmots chéris, barbouillés d’ confitures, Brandissant avec joi’ des poupins en papier Avec nous s’installaient sur le haut d’ la voiture Et nous roulions gaîment vers l’Echaudé. On s’ précipite en foule à la barrière, On s’ flanque des coups pour être au premier rang ; Moi j’me mettais toujours sur un tas d’pierres Pour pas salir mes godillots dans l’sang. Voyez, voyez la machin’ tourner, Voyez, voyez la cervell’ sauter, Voyez, voyez les Rentiers trembler; (Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu ! Bientôt ma femme et moi nous somm’s tout blancs d’ cervelle, Les marmots en boulott’nt et tous nous trépignons En voyant l’Palotin qui brandit sa lumelle, Et les blessur’s et les numéros d’ plomb. Soudain j’ perçois dans l’ coin, près d’ la machine, La gueul’ d’un bonz’ qui n’ m’ revient qu’à moitié. Mon vieux, que j’ dis, je r’connais ta bobine : Tu m’as volé, c’est pas moi qui t’ plaindrai. Voyez, voyez la machin’ tourner, Voyez, voyez la cervell’ sauter, Voyez, voyez les Rentiers trembler; (Choeur) : Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu ! Soudain j’ me sens tirer la manche’par mon épouse ; Espèc’ d’andouill’, qu’elle m’ dit, v’là l’ moment d’te montrer : Flanque-lui par la gueule un bon gros paquet d’ bouse. V’là l’ Palotin qu’a juste’ le dos tourné. En entendant ce raisonn’ment superbe, J’attrap’ sus l’ coup mon courage à deux mains : J’ flanque au Rentier une gigantesque merdre Qui s’aplatit sur l’ nez du Palotin. Voyez, voyez la machin’ tourner, Voyez, voyez la cervell’ sauter, Voyez, voyez les Rentiers trembler; (Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu ! Aussitôt j’ suis lancé par dessus la barrière, Par la foule en fureur je me vois bousculé Et j’ suis précipité la tête la première Dans l’ grand trou noir d’ousse qu’on n’ revient jamais. Voila c’ que c’est qu’d’aller s’ prome’ner l’ dimanche Ru’ d’ l’Echaudé pour voir décerveler, Marcher l’ Pinc’-Porc ou bien l’Démanch’- Comanche : On part vivant et l’on revient tudé ! Voyez, voyez la machin’ tourner, Voyez, voyez la cervell’ sauter, Voyez, voyez les Rentiers trembler; (Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu!

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Bonaparte Sur un écueil battu par la vague plaintive, Le nautonier, de loin, voit blanchir sur la rive Un tombeau près du bord par les flots déposé ; Le temps n’a pas encor bruni l’étroite pierre, Et sous le vert tissu de la ronce et du lierre On distingue… un sceptre brisé. Ici gît… Point de nom ! demandez à la terre ! Ce nom, il est inscrit en sanglant caractère Des bords du Tanaïs au sommet du Cédar, Sur le bronze et le marbre, et sur le sein des braves, Et jusque dans le cœur de ces troupeaux d’esclaves Qu’il foulait tremblants sous son char. Depuis les deux grands noms qu’un siècle au siècle annonce, Jamais nom qu’ici-bas toute langue prononce Sur l’aile de la foudre aussi loin ne vola ; Jamais d’aucun mortel le pied qu’un souffle efface N’imprima sur la terre une plus forte trace : Et ce pied s’est arrêté là… Il est là !… Sous trois pas un enfant le mesure ! Son ombre ne rend pas même un léger murmure : Le pied d’un ennemi foule en paix son cercueil. Sur ce front foudroyant le moucheron bourdonne, Et son ombre n’entend que le bruit monotone D’une vague contre un écueil. Ne crains pas cependant, ombre encore inquiète, Que je vienne outrager ta majesté muette. Non ! La lyre aux tombeaux n’a jamais insulté : La mort de tout temps fut l’asile de la gloire. Rien ne doit jusqu’ici poursuivre une mémoire ; Rien… excepté la vérité ! Ta tombe et ton berceau sont couverts d’un nuage. Mais, pareil à l’éclair, tu sortis d’un orage ; Tu foudroyas le monde avant d’avoir un nom : Tel ce Nil, dont Memphis boit les vagues fécondes, Avant d’être nommé fait bouillonner ses ondes Aux solitudes de Memnon. Les dieux étaient tombés, les trônes étaient vides : La victoire te prit sur ses ailes rapides ; D’un peuple de Brutus la gloire te fit roi. Ce siècle, dont l’écume entraînait dans sa course Les mœurs, les rois, les dieux… refoulé vers sa source, Recula d’un pas devant toi. Tu combattis l’erreur sans regarder le nombre ; Pareil au fier Jacob, tu luttas contre une ombre ; Le fantôme croula sous le poids d’un mortel ; Et, de tous ces grands noms profanateur sublime, Tu jouas avec eux comme la main du crime Avec les vases de l’autel. Ainsi, dans les accès d’un impuissant délire, Quand un siècle vieilli de ses mains se déchire En jetant dans ses fers un cri de liberté, Un héros tout à coup de la poudre s’élève, Le frappe avec son sceptre… Il s’éveille, et le rêve Tombe devant la vérité. Ah ! si, rendant ce sceptre à ses mains légitimes, Plaçant sur ton pavois de royales victimes, Tes mains des saints bandeaux avaient lavé l’affront ! Soldat vengeur des rois, plus grand que ces rois même, De quel divin parfum, de quel pur diadème La gloire aurait sacré ton front ! Gloire, honneur, liberté, ces mots que l’homme adore, Retentissaient pour toi comme l’airain sonore Dont un stupide écho répète au loin le son : De cette langue en vain ton oreille frappée Ne comprit ici-bas que le cri de l’épée, Et le mâle accord du clairon. Superbe, et dédaignant ce que la terre admire, Tu ne demandais rien au monde que l’empire. Tu marchais… tout obstacle était ton ennemi. Ta volonté volait comme ce trait rapide Qui va frapper le but où le regard le guide, Même à travers un cœur ami. Jamais, pour éclaircir ta royale tristesse, La coupe des festins ne te versa l’ivresse ; Tes yeux d’une autre pourpre aimaient à s’enivrer. Comme un soldat debout qui veille sous ses armes, Tu vis de la beauté le sourire ou les larmes, Sans sourire et sans soupirer. Tu n’aimais que le bruit du fer, le cri d’alarmes, L’éclat resplendissant de l’aube sur les armes ; Et ta main ne flattait que ton léger coursier, Quand les flots ondoyants de sa pâle crinière Sillonnaient, comme un vent, la sanglante poussière, Et que ses pieds brisaient l’acier. Tu grandis sans plaisir, tu tombas sans murmure. Rien d’humain ne battait sous ton épaisse armure : Sans haine et sans amour, tu vivais pour penser. Comme l’aigle régnant dans un ciel solitaire, Tu n’avais qu’un regard pour mesurer la terre, Et des serres pour l’embrasser. S’élancer d’un seul bond au char de la victoire ; Foudroyer l’univers des splendeurs de sa gloire ; Fouler d’un même pied des tribuns et des rois ; Forger un joug trempé dans l’amour et la haine, Et faire frissonner sous le frein qui l’enchaîne Un peuple échappé de ses lois ; Être d’un siècle entier la pensée et la vie ; Émousser le poignard, décourager l’envie, Ébranler, raffermir l’univers incertain ; Aux sinistres clartés de ta foudre qui gronde Vingt fois contre les dieux jouer le sort du monde, Quel rêve ! ! ! et ce fut ton destin !… Tu tombas cependant de ce sublime faîte : Sur ce rocher désert jeté par la tempête, Tu vis tes ennemis déchirer ton manteau ; Et le sort, ce seul dieu qu’adora ton audace, Pour dernière faveur t’accorda cet espace Entre le trône et le tombeau. Oh ! qui m’aurait donné d’y sonder ta pensée, Lorsque le souvenir de ta grandeur passée Venait, comme un remords, t’assaillir loin du bruit, Et que, les bras croisés sur ta large poitrine, Sur ton front chauve et nu que la pensée incline, L’horreur passait comme la nuit ? Tel qu’un pasteur debout sur la rive profonde Voit son ombre de loin se prolonger sur l’onde, Et du fleuve orageux suivre en flottant le cours ; Tel, du sommet désert de ta grandeur suprême, Dans l’ombre du passé te recherchant toi-même, Tu rappelais tes anciens jours. Ils passaient devant toi comme des flots sublimes Dont l’œil voit sur les mers étinceler les cimes : Ton oreille écoutait leur bruit harmonieux ; Et, d’un reflet de gloire éclairant ton visage, Chaque flot t’apportait une brillante image Que tu suivais longtemps des yeux. Là, sur un pont tremblant tu défiais la foudre ; Là, du désert sacré tu réveillais la poudre ; Ton coursier frissonnait dans les flots du Jourdain ; Là, tes pas abaissaient une cime escarpée ; Là, tu changeais en sceptre une invincible épée. Ici… Mais quel effroi soudain ! Pourquoi détournes-tu ta paupière éperdue ? D’où vient cette pâleur sur ton front répandue ? Qu’as-tu vu tout à coup dans l’horreur du passé ? Est-ce de vingt cités la ruine fumante, Ou du sang des humains quelque plaine écumante ? Mais la gloire a tout effacé. La gloire efface tout… tout, excepté le crime ! Mais son doigt me montrait le corps d’une victime, Un jeune homme, un héros d’un sang pur inondé. Le flot qui l’apportait passait, passait sans cesse ; Et toujours en passant la vague vengeresse Lui jetait le nom de Condé… Comme pour effacer une tache livide, On voyait sur son front passer sa main rapide ; Mais la trace du sang sous son doigt renaissait : Et, comme un sceau frappé par une main suprême, La goutte ineffaçable, ainsi qu’un diadème, Le couronnait de son forfait. C’est pour cela, tyran, que ta gloire ternie Fera par ton forfait douter de ton génie ; Qu’une trace de sang suivra partout ton char, Et que ton nom, jouet d’un éternel orage, Sera par l’avenir ballotté d’âge en âge Entre Marius et César. Tu mourus cependant de la mort du vulgaire, Ainsi qu’un moissonneur va chercher son salaire, Et dort sur sa faucille avant d’être payé ; Tu ceignis en mourant ton glaive sur ta cuisse, Et tu fus demander récompense ou justice Au Dieu qui t’avait envoyé ! On dit qu’aux derniers jours de sa longue agonie, Devant l’éternité seul avec son génie, Son regard vers le ciel parut se soulever : Le signe rédempteur toucha son front farouche ; Et même on entendit commencer sur sa bouche Un nom… qu’il n’osait achever. Achève… C’est le Dieu qui règne et qui couronne, C’est le Dieu qui punit, c’est le Dieu qui pardonne : Pour les héros et nous il a des poids divers. Parle-lui sans effroi : lui seul peut te comprendre. L’esclave et le tyran ont tous un compte à rendre ; L’un du sceptre, l’autre des fers. Son cercueil est fermé : Dieu l’a jugé. Silence ! Son crime et ses exploits pèsent dans la balance : Que des faibles mortels la main n’y touche plus ! Qui peut sonder, Seigneur, ta clémence infinie ? Et vous, peuples, sachez le vain prix du génie Qui ne fonde pas des vertus ! Septième méditation

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Contre la peine de mort (Au peuple du 19 octobre 1830) Vains efforts ! périlleuse audace ! Me disent des amis au geste menaçant, Le lion même fait-il grâce Quand sa langue a léché du sang ? Taisez-vous ! ou chantez comme rugit la foule ? Attendez pour passer que le torrent s’écoule De sang et de lie écumant ! On peut braver Néron, cette hyène de Rome! Les brutes ont un coeur! le tyran est un homme : Mais le peuple est un élément ; Elément qu’aucun frein ne dompte, Et qui roule semblable à la fatalité ; Pendant que sa colère monte, Jeter un cri d’humanité, C’est au sourd Océan qui blanchit son rivage Jeter dans la tempête un roseau de la plage, La feuille sèche à l’ouragan ! C’est aiguiser le fer pour soutirer la foudre, Ou poser pour l’éteindre un bras réduit en poudre Sur la bouche en feu du volcan ! Souviens-toi du jeune poète, Chénier ! dont sous tes pas le sang est encor chaud, Dont l’histoire en pleurant répète Le salut triste à l’échafaud . Il rêvait, comme toi, sur une terre libre Du pouvoir et des lois le sublime équilibre ; Dans ses bourreaux il avait foi ! Qu’importe ? il faut mourir, et mourir sans mémoire : Eh bien ! mourons, dit-il. Vous tuez de la gloire : J’en avais pour vous et pour moi ! Cache plutôt dans le silence Ton nom, qu’un peu d’éclat pourrait un jour trahir ! Conserve une lyre à la France, Et laisse-les s’entre-haïr ; De peur qu’un délateur à l’oreille attentive Sur sa table future en pourpre ne t’inscrive Et ne dise à son peuple-roi : C’est lui qui disputant ta proie à ta colère, Voulant sauver du sang ta robe populaire, Te crut généreux : venge-toi ! Non, le dieu qui trempa mon âme Dans des torrents de force et de virilité, N’eût pas mis dans un coeur de femme Cette soif d’immortalité. Que l’autel de la peur serve d’asile au lâche, Ce coeur ne tremble pas aux coups sourds d’une hache, Ce front levé ne pâlit pas ! La mort qui se trahit dans un signe farouche En vain, pour m’avertir, met un doigt sur sa bouche : La gloire sourit au trépas. Il est beau de tomber victime Sous le regard vengeur de la postérité Dans l’holocauste magnanime De sa vie à la vérité ! L’échafaud pour le juste est le lit de sa gloire : Il est beau d’y mourir au soleil de l’histoire, Au milieu d’un peuple éperdu ! De léguer un remords à la foule insensée, Et de lui dire en face une mâle pensée, Au prix de son sang répandu. Peuple, dirais-je ; écoute ! et juge ! Oui, tu fus grand, le jour où du bronze affronté Tu le couvris comme un déluge Du reflux de la liberté ! Tu fus fort, quand pareil à la mer écumante, Au nuage qui gronde, au volcan qui fermente, Noyant les gueules du canon, Tu bouillonnais semblable au plomb dans la fournaise, Et roulais furieux sur une plage anglaise Trois couronnes dans ton limon ! Tu fus beau, tu fus magnanime, Le jour où, recevant les balles sur ton sein, Tu marchais d’un pas unanime, Sans autre chef que ton tocsin ; Où, n’ayant que ton coeur et tes mains pour combattre, Relevant le vaincu que tu venais d’abattre Et l’emportant, tu lui disais : Avant d’être ennemis, le pays nous fit frères ; Livrons au même lit les blessés des deux guerres : La France couvre le Français ! Quand dans ta chétive demeure, Le soir, noirci du feu, tu rentrais triomphant Près de l’épouse qui te pleure, Du berceau nu de ton enfant ! Tu ne leur présentais pour unique dépouille Que la goutte de sang, la poudre qui te souille, Un tronçon d’arme dans ta main ; En vain l’or des palais dans la boue étincelle, Fils de la liberté, tu ne rapportais qu’elle : Seule elle assaisonnait ton pain ! Un cri de stupeur et de gloire Sorti de tous les coeurs monta sous chaque ciel, Et l’écho de cette victoire Devint un hymne universel. Moi-même dont le coeur date d’une autre France, Moi, dont la liberté n’allaita pas l’enfance, Rougissant et fier à la fois, Je ne pus retenir mes bravos à tes armes, Et j’applaudis des mains, en suivant de mes larmes L’innocent orphelin des rois ! Tu reposais dans ta justice Sur la foi des serments conquis, donnés, reçus ; Un jour brise dans un caprice Les noeuds par deux règnes tissus ! Tu t’élances bouillant de honte et de délire : Le lambeau mutilé du gage qu’on déchire Reste dans les dents du lion. On en appelle au fer; il t’absout ! Qu’il se lève Celui qui jetterait ou la pierre, ou le glaive A ton jour d’indignation ! Mais tout pouvoir a des salaires A jeter aux flatteurs qui lèchent ses genoux, Et les courtisans populaires Sont les plus serviles de tous ! Ceux-là des rois honteux pour corrompre les âmes Offrent les pleurs du peuple ou son or, ou ses femmes, Aux désirs d’un maître puissant ; Les tiens, pour caresser des penchants plus sinistres, Te font sous l’échafaud, dont ils sont les ministres, Respirer des vapeurs de sang ! Dans un aveuglement funeste, Ils te poussent de l’oeil vers un but odieux, Comme l’enfer poussait Oreste, En cachant le crime à ses yeux ! La soif de ta vengeance, ils l’appellent justice : Et bien, justice soit ! Est-ce un droit de supplice Qui par tes morts fut acheté ? Que feras-tu, réponds, du sang qu’on te demande ? Quatre têtes sans tronc, est-ce donc là l’offrande D’un grand peuple à sa liberté ? N’en ont-ils pas fauché sans nombre ? N’en ont-ils pas jeté des monceaux, sans combler Le sac insatiable et sombre Où tu les entendais rouler ? Depuis que la mort même, inventant ses machines, Eut ajouté la roue aux faux des guillotines Pour hâter son char gémissant, Tu comptais par centaine, et tu comptas par mille ! Quand on presse du pied le pavé de ta ville, On craint d’en voir jaillir du sang ! – Oui, mais ils ont joué leur tête. – Je le sais; et le sort les livre et te les doit! C’est ton gage, c’est ta conquête ; Prends, ô peuple! use de ton droit. Mais alors jette au vent l’honneur de ta victoire; Ne demande plus rien à l’Europe, à la gloire, Plus rien à la postérité ! En donnant cette joie à ta libre colère, Va-t’en; tu t’es payé toi-même ton salaire : Du sang, au lieu de liberté ! Songe au passé, songe à l’aurore De ce jour orageux levé sur nos berceaux ; Son ombre te rougit encore Du reflet pourpré des ruisseaux ! Il t’a fallu dix ans de fortune et de gloire Pour effacer l’horreur de deux pages d’histoire. Songe à l’Europe qui te suit Et qui dans le sentier que ton pied fort lui creuse Voit marcher tantôt sombre et tantôt lumineuse Ta colonne qui la conduit ! Veux-tu que sa liberté feinte Du carnage civique arbore aussi la faux ? Et que partout sa main soit teinte De la fange des échafauds ? Veux-tu que le drapeau qui la porte aux deux mondes, Veux-tu que les degrés du trône que tu fondes, Pour piédestal aient un remords ? Et que ton Roi, fermant sa main pleine de grâces, Ne puisse à son réveil descendre sur tes places, Sans entendre hurler la mort ? Aux jours de fer de tes annales Quels dieux n’ont pas été fabriqués par tes mains ? Des divinités infernales Reçurent l’encens des humains ! Tu dressas des autels à la terreur publique, A la peur, à la mort, Dieux de ta République ; Ton grand prêtre fut ton bourreau ! De tous ces dieux vengeurs qu’adora ta démence, Tu n’en oublias qu’un, ô peuple ! la Clémence ! Essayons d’un culte nouveau. Le jour qu’oubliant ta colère, Comme un lutteur grandi qui sent son bras plus fort, De l’héroïsme populaire Tu feras le dernier effort ; Le jour où tu diras : Je triomphe et pardonne !… Ta vertu montera plus haut que ta colonne Au-dessus des exploits humains ; Dans des temples voués à ta miséricorde Ton génie unira la force et la concorde, Et les siècles battront des mains !  » Peuple, diront-ils, ouvre une ère  » Que dans ses rêves seuls l’humanité tenta,  » Proscris des codes de la terre  » La mort que le crime inventa !  » Remplis de ta vertu l’histoire qui la nie,  » Réponds par tant de gloire à tant de calomnie !  » Laisse la pitié respirer!  » Jette à tes ennemis des lois plus magnanimes,  » Ou si tu veux punir, inflige à tes victimes  » Le supplice de t’admirer !  » Quitte enfin la sanglante ornière  » Où se traîne le char des révolutions,  » Que ta halte soit la dernière  » Dans ce désert des nations ;  » Que le genre humain dise en bénissant tes pages :  » C’est ici que la France a de ses lois sauvages  » Fermé le livre ensanglanté ;  » C’est ici qu’un grand peuple, au jour de la justice,  » Dans la balance humaine, au lieu d’un vil supplice,  » Jeta sa magnanimité. » Mais le jour où le long des fleuves Tu reviendras, les yeux baissés sur tes chemins, Suivi, maudit par quatre veuves, Et par des groupes d’orphelins, De ton morne triomphe en vain cherchant la fête, Les passants se diront, en détournant la tête : Marchons, ce n’est rien de nouveau ! C’est, après la victoire, un peuple qui se venge ; Le siècle en a menti ; jamais l’homme ne change : Toujours, ou victime, ou bourreau !

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    A

    Amisador Andréa

    @amisadorAndrea

    La sève frygienne Ah diversité, montre moi ton visage Même pendant les ténèbres de l'austérité Ce malgré nos défauts comme notre courage Puisse tu être le fruit de notre solidarité Et que de valeurs, d'idées, de combats tu sois l'image Pour t'épanouir jour après jour avec clarté Sans oublier tes chères racines Qui ont fait de toi qui tu es Car c'est de toi que se dessine Notre République, notre arbre Je veux que l'on puisse vivre ensemble Près d'astres disparus, on gravera tes larmes dans le marbre Et quand tu seras épuisée, tu sauras que de Justice De Liberté, d'Egalité, de Fraternité tu demeure le feuillage

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Le forgeron Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant D’ivresse et de grandeur, le front large , riant Comme un clairon d’airain, avec toute sa bouche, Et prenant ce gros-là dans son regard farouche, Le Forgeron parlait à Louis Seize, un jour Que le Peuple était là, se tordant tout autour, Et sur les lambris d’or traînait sa veste sale. Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle Pâle comme un vaincu qu’on prend pour le gibet, Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait Car ce maraud de forge aux énormes épaules Lui disait de vieux mots et des choses si drôles, Que cela l’empoignait au front, comme cela ! « Donc, Sire, tu sais bien , nous chantions tra la la Et nous piquions les bœufs vers les sillons des autres : Le Chanoine au soleil disait ses patenôtres Sur des chapelets clairs grenés de pièces d’or Le Seigneur, à cheval, passait, sonnant du cor Et l’un avec la hart, l’autre avec la cravache Nous fouaillaient – Hébétés comme des yeux de vache, Nos yeux ne pleuraient pas ; nous allions, nous allions, Et quand nous avions mis le pays en sillons, Quand nous avions laissé dans cette terre noire Un peu de notre chair… nous avions un pourboire Nous venions voir flamber nos taudis dans la nuit Nos enfants y faisaient un gâteau fort bien cuit. « Oh ! je ne me plains pas. Je te dis mes bêtises, C’est entre nous. J’admets que tu me contredises. Or, n’est-ce pas joyeux de voir, au mois de juin Dans les granges entrer des voitures de foin Enormes ? De sentir l’odeur de ce qui pousse, Des vergers quand il pleut un peu, de l’herbe rousse ? De voir les champs de blé, les épis pleins de grain, De penser que cela prépare bien du pain ?… Oui, l’on pourrait, plus fort , au fourneau qui s’allume, Chanter joyeusement en martelant l’enclume, Si l’on était certain qu’on pourrait prendre un peu, Étant homme, à la fin !, de ce que donne Dieu ! – Mais voilà, c’est toujours la même vieille histoire ! « Oh je sais, maintenant ! Moi, je ne peux plus croire, Quand j’ai deux bonnes mains, mon front et mon marteau Qu’un homme vienne là, dague sous le manteau, Et me dise : « Maraud , ensemence ma terre ! » Que l’on arrive encor, quand ce serait la guerre, Me prendre mon garçon comme cela, chez moi ! – Moi, je serais un homme, et toi, tu serais roi, Tu me dirais : Je veux !.. – Tu vois bien, c’est stupide. Tu crois que j’aime à voir ta baraque splendide, Tes officiers dorés, tes mille chenapans, Tes palsembleu bâtards tournant comme des paons : Ils ont rempli ton nid de l’odeur de nos filles Et de petits billets pour nous mettre aux Bastilles Et nous dir i ons : C’est bien : les pauvres à genoux ! Nous dorer i ons ton Louvre en donnant nos gros sous ! Et tu te soûlera i s, tu fera i s belle fête. – Et ces Messieurs rir aie nt, les reins sur notre tête ! « Non. Ces saletés-là datent de nos papas ! Oh ! Le Peuple n’est plus une putain. Trois pas Et, tous, nous avons mis ta Bastille en poussière Cette bête suait du sang à chaque pierre Et c’était dégoûtant, la Bastille debout Avec ses murs lépreux qui nous rappelaient tout Et, toujours, nous tenaient enfermés dans leur ombre ! – Citoyen ! citoyen ! c’était le passé sombre Qui croulait, qui râlait, quand nous prîmes la tour ! Nous avions quelque chose au cœur comme l’amour. Nous avions embrassé nos fils sur nos poitrines. Et, comme des chevaux, en soufflant des narines Nous marchions, nous chantions, et ça nous battait là…. Nous allions au soleil, front haut,-comme cela -, Dans Paris accourant devant nos vestes sales. Enfin ! Nous nous sentions Hommes ! Nous étions pâles, Sire, nous étions soûls de terribles espoirs : Et quand nous fûmes là, devant les donjons noirs, Agitant nos clairons et nos feuilles de chêne, Les piques à la main ; nous n’eûmes pas de haine, – Nous nous sentions si forts, nous voulions être doux ! « Et depuis ce jour-là, nous sommes comme fous ! Le flot des ouvriers a monté dans la rue, Et ces maudits s’en vont, foule toujours accrue Comme des revenants, aux portes des richards. Moi, je cours avec eux assommer les mouchards : Et je vais dans Paris le marteau sur l’épaule, Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle, Et, si tu me riais au nez, je te tuerais ! – Puis, tu dois y compter, tu te feras des frais Avec tes avocats , qui prennent nos requêtes Pour se les renvoyer comme sur des raquettes Et, tout bas, les malins ! Nous traitant de gros sots ! Pour mitonner des lois, ranger des de petits pots Pleins de menus décrets , de méchantes droguailles S’amuser à couper proprement quelques tailles, Puis se boucher le nez quand nous passons près d’eux, – Ces chers avocassiers qui nous trouvent crasseux ! Pour débiter là-bas des milliers de sornettes ! Et ne rien redouter sinon les baïonnettes, Nous en avons assez, de tous ces cerveaux plats ! Ils embêtent le peuple . Ah ! ce sont là les plats Que tu nous sers, bourgeois, quand nous sommes féroces, Quand nous cassons déjà les sceptres et les crosses !.. » Puis il le prend au bras, arrache le velours Des rideaux, et lui montre en bas les larges cours Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule, La foule épouvantable avec des bruits de houle, Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer, Avec ses bâtons forts et ses piques de fer, Ses clameurs , ses grands cris de halles et de bouges, Tas sombre de haillons taché de bonnets rouges ! L’Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout Au R oi pâle , suant qui chancelle debout, Malade à regarder cela ! « C’est la Crapule, Sire. ça bave aux murs, ça roule , ça pullule … – Puisqu’ils ne mangent pas, Sire, ce sont les gueux ! Je suis un forgeron : ma femme est avec eux, Folle ! Elle vient chercher du pain aux Tuileries ! – On ne veut pas de nous dans les boulangeries. J’ai trois petits. Je suis crapule. – Je connais Des vieilles qui s’en vont pleurant sous leurs bonnets Parce qu’on leur a pris leur garçon ou leur fille : C’est la crapule. – Un homme était à la bastille, D’autres étaient forçats, c’étaient des citoyens Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens : On les insulte ! Alors, ils ont là quelque chose Qui leur fait mal, allez ! C’est terrible, et c’est cause Que se sentant brisés, que, se sentant damnés, Ils viennent maintenant hurler sous votre nez ! Crapule. – Là-dedans sont des filles, infâmes Parce que, – vous saviez que c’est faible, les femmes, Messeigneurs de la cour, – que sa veut toujours bien,- Vous avez sali leur âme, comme rien ! Vos belles, aujourd’hui, sont là. C’est la crapule. « Oh ! tous les Malheureux, tous ceux dont le dos brûle Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont, Et dans ce travail-là sentent crever leur front Chapeau bas, mes bourgeois ! Oh ! ceux-là, sont les Hommes ! Nous sommes Ouvriers, Sire ! Ouvriers ! Nous sommes Pour les grands temps nouveaux où l’on voudra savoir, Où l’Homme forgera du matin jusqu’au soir, Où, lentement vainqueur, il chassera la chose Poursuivant les grands buts, cherchant les grandes causes, Et montera sur Tout, comme sur un cheval ! Oh ! nous sommes contents, nous aurons bien du mal, Tout ce qu’on ne sait pas, c’est peut-être terrible : Nous pendrons nos marteaux, nous passerons au crible Tout ce que nous savons : puis, Frères, en avant ! Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant De vivre simplement, ardemment, sans rien dire De mauvais, travaillant sous l’auguste sourire D’une femme qu’on aime avec un noble amour : Et l’on travaillerait fièrement tout le jour, Ecoutant le devoir comme un clairon qui sonne : Et l’on se trouverait fort heureux ; et personne Oh ! personne, surtout, ne vous ferait plier !… On aurait un fusil au-dessus du foyer…. ……………………………………………. « Oh ! mais l’air est tout plein d’une odeur de bataille Que te disais-je donc ? Je suis de la canaille ! » Fin de la version courte Oh ! mais l’air est tout plein d’une odeur de bataille ! Que te disais-je donc ? Je suis de la canaille ! Il reste des mouchards et des accapareurs. Nous sommes libres, nous ! Nous avons des terreurs Où nous nous sentons grands, oh ! si grands ! Tout à l’heure Je parlais de devoir calme, d’une demeure… Regarde donc le ciel ! C’est trop petit pour nous, Nous crèverions de chaud, nous serions à genoux ! Regarde donc le ciel ! Je rentre dans la foule, Dans la grande canaille effroyable, qui roule, Sire, tes vieux canons sur les sales pavés : Oh ! quand nous serons morts, nous les aurons lavés Et si, devant nos cris, devant notre vengeance, Les pattes des vieux rois mordorés, sur la France Poussent leurs régiments en habits de gala, Eh bien, n’est-ce pas, vous tous? Merde à ces chiens-là ! Il reprit son marteau sur l’épaule. La foule Près de cet homme-là se sentait l’âme saoule, Et, dans la grande cour, dans les appartements, Où Paris haletait avec des hurlements, Un frisson secoua l’immense populace. Alors, de sa main large et superbe de crasse, Bien que le roi ventru suat, le Forgeron, Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front !

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    Arthur Rimbaud

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    Le mal Tandis que les crachats rouges de la mitraille Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ; Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille, Croulent les bataillons en masse dans le feu ; Tandis qu’une folie épouvantable broie Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant ; – Pauvres morts ! dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie, Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !… – Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or ; Qui dans le bercement des hosannah s’endort, Et se réveille, quand des mères, ramassées Dans l’angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir, Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !

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    Arthur Rimbaud

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    L’orgie parisienne ou Paris se repeuple Ô lâches, la voilà ! dégorgez dans les gares ! Le soleil expia de ses poumons ardents Les boulevards qu’un soir comblèrent les Barbares. Voilà la Cité belle assise à l’occident ! Allez ! on préviendra les reflux d’incendie, Voilà les quais ! voilà les boulevards ! voilà Sur les maisons, l’azur léger qui s’irradie Et qu’un soir la rougeur des bombes étoila. Cachez les palais morts dans des niches de planches ! L’ancien jour effaré rafraîchit vos regards. Voici le troupeau roux des tordeuses de hanches, Soyez fous, vous serez drôles, étant hagards ! Tas de chiennes en rut mangeant des cataplasmes, Le cri des maisons d’or vous réclame. Volez ! Mangez ! Voici la nuit de joie aux profonds spasmes Qui descend dans la rue, ô buveurs désolés, Buvez ! Quand la lumière arrive intense et folle, Foulant à vos côtés les luxes ruisselants, Vous n’allez pas baver, sans geste, sans parole, Dans vos verres, les yeux perdus aux lointains blancs, Avalez, pour la Reine aux fesses cascadantes ! Écoutez l’action des stupides hoquets Déchirants ! Écoutez, sauter aux nuits ardentes Les idiots râleux, vieillards, pantins, laquais ! Ô cœurs de saleté, Bouches épouvantables, Fonctionnez plus fort, bouches de puanteurs ! Un vin pour ces torpeurs ignobles, sur ces tables… Vos ventres sont fondus de hontes, ô Vainqueurs ! Ouvrez votre narine aux superbes nausées ! Trempez de poisons forts les cordes de vos cous ! Sur vos nuques d’enfants baissant ses mains croisées Le Poète vous dit : ô lâches, soyez fous ! Parce que vous fouillez le ventre de la Femme, Vous craignez d’elle encore une convulsion Qui crie, asphyxiant votre nichée infâme Sur sa poitrine, en une horrible pression. Syphilitiques, fous, rois, pantins, ventriloques, Qu’est-ce que ça peut faire à la putain Paris, Vos âmes et vos corps, vos poisons et vos loques ? Elle se secouera de vous, hargneux pourris ! Et quand vous serez bas, geignant sur vos entrailles, Les flancs morts, réclamant votre argent, éperdus, La rouge courtisane aux seins gros de batailles, Loin de votre stupeur tordra ses poings ardus ! Quand tes pieds ont dansé si fort dans les colères, Paris ! quand tu reçus tant de coups de couteau, Quand tu gis, retenant dans tes prunelles claires Un peu de la bonté du fauve renouveau, Ô cité douloureuse, ô cité quasi morte, La tête et les deux seins jetés vers l’Avenir Ouvrant sur ta pâleur ses milliards de portes, Cité que le Passé sombre pourrait bénir : Corps remagnétisé pour les énormes peines, Tu rebois donc la vie effroyable ! tu sens Sourdre le flux des vers livides en tes veines, Et sur ton clair amour rôder les doigts glaçants ! Et ce n’est pas mauvais. Tes vers, tes vers livides Ne gêneront pas plus ton souffle de Progrès Que les Stryx n’éteignaient l’œil des Cariatides Où des pleurs d’or astral tombaient des bleus degrés. Quoique ce soit affreux de te revoir couverte Ainsi ; quoiqu’on n’ait fait jamais d’une cité Ulcère plus puant à la Nature verte, Le Poète te dit : « Splendide est ta Beauté ! » L’orage a sacré ta suprême poésie ; L’immense remuement des forces te secourt ; Ton œuvre bout, ta mort gronde, Cité choisie ! Amasse les strideurs au cœur du clairon lourd. Le Poète prendra le sanglot des Infâmes, La haine des Forçats, la clameur des maudits : Et ses rayons d’amour flagelleront les Femmes. Ses strophes bondiront, voilà ! voilà ! bandits ! — Société, tout est rétabli : les orgies Pleurent leur ancien râle aux anciens lupanars : Et les gaz en délire aux murailles rougies Flambent sinistrement vers les azurs blafards ! Mai 1871

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    Arthur Rimbaud

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    Michel et Christine Zut alors, si le soleil quitte ces bords ! Fuis, clair déluge ! Voici l’ombre des routes. Dans les saules, dans la vieille cour d’honneur, L’orage d’abord jette ses larges gouttes. Ô cent agneaux, de l’idylle soldats blonds, Des aqueducs, des bruyères amaigries, Fuyez ! plaine, déserts, prairie, horizons Sont à la toilette rouge de l’orage ! Chien noir, brun pasteur dont le manteau s’engouffre, Fuyez l’heure des éclairs supérieurs ; Blond troupeau, quand voici nager ombre et soufre, Tâchez de descendre à des retraits meilleurs. Mais moi, Seigneur ! voici que mon esprit vole, Après les cieux glacés de rouge, sous les Nuages célestes qui courent et volent Sur cent Solognes longues comme un railway. Voilà mille loups, mille graines sauvages Qu’emporte, non sans aimer les liserons, Cette religieuse après-midi d’orage Sur l’Europe ancienne où cent hordes iront ! Après, le clair de lune ! partout la lande, Rougis et leurs fronts aux cieux noirs, les guerriers Chevauchent lentement leurs pâles coursiers ! Les cailloux sonnent sous cette fière bande ! – Et verrai-je le bois jaune et le val clair, L’Epouse aux yeux bleus, l’homme au front rouge, ô Gaule, Et le blanc Agneau Pascal, à leurs pieds chers, – Michel et Christine, – et Christ ! – fin de l’Idylle.

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    Arthur Rimbaud

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    Morts de Quatre-vingt-douze Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize, Qui, pâles du baiser fort de la liberté, Calmes, sous vos sabots, brisiez le joug qui pèse Sur l’âme et sur le front de toute humanité ; Hommes extasiés et grands dans la tourmente, Vous dont les coeurs sautaient d’amour sous les haillons, Ô Soldats que la Mort a semés, noble Amante, Pour les régénérer, dans tous les vieux sillons ; Vous dont le sang lavait toute grandeur salie, Morts de Valmy, Morts de Fleurus, Morts d’Italie, Ô million de Christs aux yeux sombres et doux ; Nous vous laissions dormir avec la République, Nous, courbés sous les rois comme sous une trique. – Messieurs de Cassagnac nous reparlent de vous !

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    Arthur Rimbaud

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    Paris Al. Godillot, Gambier, Galopeau, Wolf-Pleyel, — Ô Robinets ! — Menier, — O Christs ! — Leperdriel ! Kinck, Jacob, Bonbonnel ! Veuillot, Tropmann, Augier ! Gill, Mendès, Manuel, Guido Gonin ! — Panier Des Grâces ! L’Hérissé ! Cirages onctueux ! Pains vieux, spiritueux ! Aveugles ! — puis, qui sait ? — Sergents de ville, Enghiens Chez soi. — Soyons chrétiens !

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    Arthur Rimbaud

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    Qu’est-ce pour nous mon coeur… Qu’est-ce pour nous, mon cœur, que les nappes de sang Et de braise, et mille meurtres, et les longs cris De rage, sanglots de tout enfer renversant Tout ordre ; et l’Aquilon encor sur les débris Et toute vengeance ? Rien !… — Mais si, toute encor, Nous la voulons ! Industriels, princes, sénats, Périssez ! puissance, justice, histoire, à bas ! Ça nous est dû. Le sang ! le sang ! la flamme d’or ! Tout à la guerre, à la vengeance, à la terreur, Mon esprit ! Tournons dans la Morsure : Ah ! passez, Républiques de ce monde ! Des empereurs, Des régiments, des colons, des peuples, assez ! Qui remuerait les tourbillons de feu furieux, Que nous et ceux que nous nous imaginons frères ? À nous ! Romanesques amis : ça va nous plaire. Jamais nous ne travaillerons, ô flots de feux ! Europe, Asie, Amérique, disparaissez. Notre marche vengeresse a tout occupé, Cités et campagnes ! — Nous serons écrasés ! Les volcans sauteront ! et l’océan frappé… Oh ! mes amis ! — mon cœur, c’est sûr, ils sont des frères : Noirs inconnus, si nous allions ! allons ! allons ! Ô malheur ! je me sens frémir, la vieille terre, Sur moi de plus en plus à vous ! la terre fond, Ce n’est rien ! j’y suis ! j’y suis toujours.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Rages de Césars L’homme pâle, le long des pelouses fleuries, Chemine, en habit noir, et le cigare aux dents : L’Homme pâle repense aux fleurs des Tuileries – Et parfois son oeil terne a des regards ardents… Car l’Empereur est soûl de ses vingt ans d’orgie ! Il s’était dit :  » Je vais souffler la liberté Bien délicatement, ainsi qu’une bougie ! «  La liberté revit ! Il se sent éreinté ! Il est pris. – Oh ! quel nom sur ses lèvres muettes Tressaille ? Quel regret implacable le mord ? On ne le saura pas. L’Empereur a l’oeil mort. Il repense peut-être au Compère en lunettes… – Et regarde filer de son cigare en feu, Comme aux soirs de Saint-Cloud, un fin nuage bleu.

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    Sadek Belhamissi

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    Applaudissant Toujours ! Il sait courber l’échine le peuple, servir de tremplin Pour aider un vil opportuniste à parvenir à ses fins. Il applaudit ce soir son président qui lui sera hostile Au petit matin.Il sait montrer bon dos un peuple docile. . Le président-monarque, ses anciens amis balaie Lui rappelant souvenirs de disette bien tristounets. De nouveaux venus, il s’entoure, ignorant son passé, Formant belle meute de loups prêts à le dévorer. . Le roitelet sans même couronne fera brillants discours Au peuple bien naïf tout avalant, applaudissant toujours. Passant ses journées à se consacrer à sa grande cour Un paon, sans répit par ses loups, surveillé nuit et jour. . Un pouvoir en place repose sur une opposition divisée, Pas mieux que cet éternel principe pour longtemps diriger. Et pourquoi sont-ils ces partis-guignols entre-déchirés? Ils n’ont autre horizon que leur tour vienne pour régner . . On ne peut venir à bout d’un combat, peine bien perdue Pour une juste cause, tel le phénix toujours il renaît. Ô combien ils se ressemblent le deuil et le pouvoir perdu, Le premier jour tout le monde est là pour vous consoler, . Le lendemain plus personne.Dure est la chute, quel drame ! Pour l’avenir de l’humanité, partout l’espoir reste encore permis Non pas avec des hommes, mais tant qu’il y aura des femmes, Ayant donné en effet la vie, elles en apprécient davantage le prix. . Belhamissi Sadek le 07.09.2017

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Du besoin de s’unir après le départ des étrangers Ô toi que l’univers adore, Ô toi que maudit l’univers, Fortune, dont la main, du couchant à l’aurore, Dispense les lauriers, les sceptres et les fers, Ton aveugle courroux nous garde-t-il encore Des triomphes et des revers? Nos malheurs trop fameux proclament ta puissance; Tes jeux furent sanglans dans notre belle France; Le peuple mieux instruit, mais trop fier de ses droits, Sur les débris du trône établit son empire, Poussa la liberté jusqu’au mépris des lois, Et la raison jusqu’au délire. Bientôt au premier rang porté par ses exploits, Un roi nouveau brisa d’un sceptre despotique Les faisceaux de la république, Tout dégouttans du sang des rois. Pour affermir son trône, il lassa la victoire, D’un peuple généreux prodigua la valeur; L’Europe qu’il bravait a fléchi sous sa gloire; Elle insulte à notre malheur. C’est qu’ils ne vivent plus que dans notre mémoire Ces guerriers dont le nord a moissonné la fleur. O désastre! O pitié! Jour à jamais célèbre, Où ce cri s’éleva dans la patrie en deuil; Ils sont morts, et Moscow fut le flambeau funèbre Qui prêta ses clartés à leur vaste cercueil. Ces règnes d’un moment, et les chutes soudaines De ces trônes d’un jour l’un sur l’autre croulans, Ont laissé des levains de discorde et de haines Dans nos esprits plus turbulens. Cessant de comprimer la fièvre qui l’agite, Le fier républicain, sourd aux leçons du temps, Appelle avec fureur, dans ses rêves ardens, Une liberté sans limite; Mais cette liberté fut féconde en forfaits; Cet océan trompeur, qui n’a point de rivages, N’est connu jusqu’à nous que par de grands naufrages Dans les annales des Français. << Que nos maux, direz-vous, nous soient du moins utiles; Opposons une digue aux tempêtes civiles; Que deux pouvoirs rivaux, l’un émané des rois, L’autre sorti du peuple et garant de ses droits, Libres et dépendans, offrent au rang suprême Un rempart contre nous, un frein contre lui-même. >> Vainement la raison vous dicte ces discours; L’égoïsme et l’orgueil sont aveugles et sourds; Cet amant du passé, que le présent irrite, Jaloux de voir ses rois d’entraves dégagés, Le front baissé, se précipite Sous la verge des préjugés. Quoi! Toujours des partis proclamés légitimes, Tant qu’ils règnent sur nos débris, L’un par l’autre abattus, proscrivant ou proscrits, Tour à tour tyrans ou victimes! Empire malheureux! Voilà donc ton destin! … Français, ne dites plus : << La France nous est chère; >> Elle désavoûrait votre amour inhumain. Cessez, enfans ingrats, d’embrasser votre mère, Pour vous étouffer dans son sein. Contre ses ennemis tournez votre courage; Au conseil des vainqueurs son sort est agité; Ces rois qui l’encensaient fiers de leur esclavage, Vont lui vendre la liberté. Non, ce n’est pas en vain que sa voix nous appelle; Et, s’ils ont prétendu, par d’infames traités, Imprimer sur nos fronts une tache éternelle; Si de leur doigt superbe ils marquent les cités Que veut se partager une ligue infidèle; Si la foi des sermens n’est qu’un garant trompeur; Si, le glaive à la main, l’iniquité l’emporte; Si la France n’est plus, si la patrie est morte, Mourons tous avec elle, ou rendons-lui l’honneur. Qu’entends-je? Et d’où vient cette ivresse Qui semble croître dans son cours? Quels chants, quels transports d’allégresse! Quel bruyant et nombreux concours! De nos soldats la foule au loin se presse; D’une nouvelle ardeur leurs yeux sont embrasés; Plus d’anglais parmi nous! Plus de joug! Plus d’entraves! Levez plus fièrement vos fronts cicatrisés… Oui, l’étranger s’éloigne; oui, vos fers sont brisés; Soldats, vous n’êtes plus esclaves! Reprends ton orgueil, Ma noble patrie; Quitte enfin ton deuil, Liberté chérie; Liberté, patrie, Sortez du cercueil! D’un vainqueur insolent méprisons les injures; Riches des étendards conquis sur nos rivaux, Nous pouvons à leurs yeux dérober nos blessures En les cachant sous leurs drapeaux. Voulons-nous enchaîner leurs fureurs impuissantes? Soyons unis, français; nous ne les verrons plus Nous dicter d’Albion les décrets absolus, Arborer sur nos tours ses couleurs menaçantes. Nous ne les verrons plus, le front ceint de lauriers, Troublant de leur aspect les fêtes du génie, Chez Melpomène et Polymnie Usurper une place où siégeaient nos guerriers. Nous ne les verrons plus nous accorder par grace Une part des trésors flottans sur nos sillons. Soyons unis; jamais leurs bataillons De nos champs envahis ne couvriront la face; La France dans son sein ne les peut endurer, Et ne les recevrait que pour les dévorer. Ah! Ne l’oublions pas; naguère, dans ces plaines Où le sort nous abandonna, Nous n’avions pas porté des ames moins romaines Qu’aux champs de Rivoli, de Fleurus, d’Iéna; Mais nos divisions nous y forgeaient des chaînes. Effrayante leçon qui doit unir nos coeurs Par des liens indestructibles; Le courage fait des vainqueurs; La concorde, des invincibles. Henri, divin Henri, toi qui fus grand et bon, Qui chassas l’espagnol et finis nos misères, Les partis sont d’accord en prononçant ton nom; Henri, de tes enfans fais un peuple de frères. Ton image déjà semble nous protéger, Tu renais; avec toi renaît l’indépendance; Ô roi le plus français dont s’honore la France, Il est dans ton destin de voir fuir l’étranger! Et toi, son digne fils, après vingt ans d’orage, Règne sur des sujets par toi-même ennoblis. Leurs droits sont consacrés dans ton plus bel ouvrage. Oui, ce grand monument, affermi d’âge en âge, Doit couvrir de son ombre et le peuple et les lis. Il est des opprimés l’asile impérissable, La terreur du tyran, du ministre coupable, Le temple de nos libertés. Que la France prospère en tes mains magnanimes, Que tes jours soient sereins, tes décrets respectés, Toi, qui proclames ces maximes; Ô rois, pour commander, obéissez aux lois; Peuple, en obéissant, sois libre sous tes rois!

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Le retour Au Havre. Le voilà, ce vieux môle où j’errai si souvent ! Ainsi grondaient alors les rafales du vent, Quand aux pâles clartés des fanaux de la Hève Si tristes à minuit, Le flux, en s’abattant pour envahir la grève, Blanchissait dans la nuit. Au souffle du matin qui déchirait la brume, Ainsi sur mes cheveux volait la fraîche écume ; Et quand à leur zénith les feux d’un jour d’été Inondaient les dalles brûlantes, Ainsi, dans sa splendeur et dans sa majesté, La mer sous leurs rayons roulait l’immensité De ses houles étincelantes. Mais là, mais toujours là, hormis si l’ouragan Des flots qu’il balayait restait le seul tyran, Toujours là, devant moi, ces voiles ennemies Que la Tamise avait vomies Pour nous barrer notre Océan ! Alors j’étais enfant, et toutefois mon âme Bondissait dans mon sein d’un généreux courroux, Je sentais de la haine y fermenter la flamme : Enfant, j’aimais la France et d’un amour jaloux. J’aimais du port natal l’appareil militaire ; J’aimais les noirs canons, gardiens de ses abords ; J’aimais la grande voix que prêtaient à nos bords Ces vieux mortiers d’airain sous qui tremblait la terre ; Enfant, j’aimais la France : aimer la France alors, C’était détester l’Angleterre ! Que disaient nos marins lui demandant raison De sa tyrannie éternelle, Quand leurs deux poings fermés menaçaient l’horizon ? Que murmuraient les vents quand ils me parlaient d’elle ? Ennemie implacable, alliée infidèle ! On citait ses serments de parjures suivis, Les trésors du commerce en pleine paix ravis, Aussi bien que sa foi sa cruauté punique : Témoin ces prisonniers ensevelis vingt ans, Et vingt ans dévorés dans des cachots flottants Par la liberté britannique ! Plus tard, un autre prisonnier, Dont les bras en tous lieux s’allongeant pour l’atteindre Par-dessus l’Océan n’avaient pas pu l’étreindre, Osa s’asseoir à son foyer. Ceux qui le craignaient tant, il aurait dû les craindre ; Il les crut aussi grands qu’il était malheureux, Et le jour d’être grands brillait enfin pour eux. Mais ce jour, où, déchu, l’hôte sans défiance Vint, le sein découvert, le fer dans le fourreau, Ce jour fut pour l’Anglais celui de la vengeance : Il se fit le geôlier de la Sainte-Alliance, Et de geôlier devint bourreau ! Oui, du vautour anglais l’impitoyable haine But dans le cœur de l’aigle expirant sous sa chaîne Un sang qui pour la France eût voulu s’épuiser : Car il leur faisait peur, car ils n’ont pu l’absoudre D’avoir quinze ans porté la foudre Dont il faillit les écraser. Il ne resta de lui qu’une tombe isolée Où l’ouragan seul gémissait. En secouant ses fers, la grande ombre exilée Dans mes rêves m’apparaissait. Et j’étais homme alors, et maudissais la terre Qui le rejeta de ses bords : Convenez-en, Français, aimer la France alors, C’était détester l’Angleterre ! Mais voici que Paris armé Tue et meurt pour sa délivrance, Vainqueur aussitôt qu’opprimé ; Trois jours ont passé sur la France : L’œuvre d’un siècle est consommé. Des forêts d’Amérique aux cendres de la Grèce, Du ciel brûlant d’Egypte au ciel froid des Germains, Les peuples frémissaient d’une sainte allégresse. Les lauriers s’ouvraient des chemins Pour tomber à nos pieds des quatre points du monde ; Sentant que pour tous les humains Notre victoire était féconde, Tous les peuples battaient des mains. Entre l’Anglais et nous les vieux griefs s’effacent : Des géants de l’Europe enfin les bras s’enlacent ; Et libres nous disons : « Frères en liberté, « Dans les champs du progrès guidons l’humanité ! » Et nous oublions tout, jusqu’à trente ans de guerre ; Car les Français victorieux Sont le plus magnanime et le plus oublieux De tous les peuples de la terre. Sa cendre, on nous la rend ! mer, avec quel orgueil De tes flots tu battais d’avance Ce rivage du Havre, où tu dois à la France Rapporter son cercueil ! Mais à peine ce bruit fait tressaillir ton onde, Qu’un vertige de guerre a ressaisi le monde. Homme étrange, est-il dans son sort Que tout soit ébranlé quand sa cendre est émue ? Elle a tremblé, sa tombe, et le monde remue ; Elle s’ouvre, et la guerre en sort ! Encore une Sainte-Alliance ! Eh bien ! si son orgueil s’obstine à prévaloir Contré l’œuvre immortel des jours de délivrance, Ce que l’honneur voudra, nous saurons le vouloir. Aux Anglais de choisir ! et leur choix est le nôtre, Quand nous serions seuls contre tous ; Car un duel entre eux et nous, C’est d’un côté l’Europe et la France de l’autre. Viens, ton exil a cessé ; Romps ta chaîne, ombre captive ; Fends l’écume, avance, arrive : Le cri de guerre est poussé. Viens dans ton linceul de gloire, Toi qui nous as faits si grands ; Viens, spectre que la victoire Reconnaîtra dans nos rangs. Contre nous que peut le nombre ? Devant nous tu marcheras ; Pour vaincre à ta voix, grande ombre, Nous t’attendons l’arme au bras ! Partez, vaisseaux ; cinglez, volez vers Sainte-Hélène, Pour escorter sa cendre encor loin de nos bords ; Le noir cercueil flottant qui d’exil le ramène Peut avoir à forcer un rempart de sabords. Volez ! seul contre cent fallût-il la défendre, Joinville périra plutôt que de la rendre, Et dans un tourbillon de salpêtre enflammé il ira, s’il le faut, l’ensevelir fumante Au fond de la tombe écumante Où le Vengeur s’est abîmé ! Que dis-je ? vain effroi ! Dieu veut qu’il la rapporte Sous la bouche de leur canon, Et passe avec ou sans escorte. Que l’Océan soit libre ou non. Mais qu’il ferait beau voir l’escadre funéraire, Un fantôme pour amiral, Mitrailler en passant l’arrogance insulaire, Et lui sous son deuil triomphal, Pour conquérir ses funérailles, Joindre aux lauriers conquis par quinze ans de batailles Les palmes d’un combat naval ! Viens dans ce linceul de gloire, Toi qui nous as faits si grands ; Viens, spectre que la victoire Reconnaîtra dans nos rangs. Contre nous que peut le nombre ? Devant nous tu marcheras : Pour vaincre à ta voix, grande ombre, Nous t’attendons l’arme au bras ! Arme au bras ! fier débris de la phalange antique, Qui, de tant d’agresseurs vengeant la république, Foula sous ses pieds nus tant de drapeaux divers ; Arme au bras ! vétérans d’Arcole et de Palmyre, Vous, restes mutilés des braves de l’Empire ; Vous, vainqueurs d’Ulloa, de l’Atlas et d’Anvers ! Dans les camps, sur la plaine, aux créneaux des murailles, Avec tes vieux soutiens et tes jeunes soldats, Avec tous les enfants qu’ont portés tes entrailles, Arme au bras, patrie, arme au bras ! Il aborde, et la France, en un camp transformée, Reçoit son ancien général ; Il écarte à ses cris le voile sépulcral, Cherche un peuple, et trouve une armée ! Les pères sont debout, revivant dans les fils ; Ses vieux frères de gloire, il les revoit encore : « Vous serez, nous dit-il, ce qu’ils furent jadis ; « Une ligue nouvelle aujourd’hui vient d’éclore : « D’un nouveau soleil d’Austerlitz « Demain se lèvera l’aurore ! » Aux salves de canon que j’entends retentir, Sur lui le marbre saint retombe ; Et peut-être avec lui va rentrer dans la tombe La guerre qu’il en fit sortir ! Mais que sera pour nous l’amitié britannique ? Entre les deux pays, séparés désormais, Le temps peut renouer un lien politique ; Un lien d’amitié, jamais ! Consultons son tombeau, qui devant nous s’élève : Au seul nom des Anglais nous y verrons son glaive Frémir d’un mouvement guerrier ! Consultons la voix du grand homme, Et nous l’entendrons nous crier : « Jamais de paix durable entre Carthage et Rome ! » Il le disait vivant ; il le dit chez les morts ; C’est qu’en vain sur ce cœur pèse une froide pierre : Il est le même, ô France ! il t’aime, noble terre, Comme alors il t’aimait… Aimer la France alors, C’était détester l’Angleterre !

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    Casimir Delavigne

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    Le vaisseau Naples. Par les flots balancée, une barque légère Hier m’avait porté sur ce vaste vaisseau Qui fatiguait le golfe et sa vaine colère D’un inébranlable fardeau. Ses longs mâts dans les deux montaient en pyramides : Comme un serpent ailé, leur flamme au sein des airs Déroulait ses anneaux rapides, Et j’admirais ce noir géant des mers, Armé d’un triple rang de bronzes homicides, Qui sortaient à demi de ses flancs entr’ouverts. Ces mots : Demain ! demain ! ce doux nom de la Grèce, Volent débouche en bouche : on s’agite, on s’empresse. L’un, penché sur les ponts, aux câbles des sabords Enchaîne les foudres roulantes ; L’autre court, suspendu sur les vergues tremblantes, Où la voile, en criant, cède à ses longs efforts. Leur chef le commandait, et son regard tranquille De la poupe à la proue errait de tous côtés, Avant d’abandonner cette masse immobile Au souffle des vents irrités. Ainsi, prêt à quitter les sphères immortelles, Pour ravir une proie au vautour furieux, L’aigle, tranquille et fier, se mesure des yeux, Essaie, eu les ouvrant, si ses ongles fidèles A sa colère obéiront encor, Et, pour battre les airs, étend deux fois ses ailes Avant de prendre son essor. Témoin de ces apprêts, debout sous la misaine, Il part, disais-je, il part ; mais doit-il affranchir Les généreux enfants de Sparte et de Mécène ? Doit-il sous un pacha les contraindre à fléchir ? Pour qui grondera son tonnerre ? A ce peuple persécuté Porte-t-il dans ses flancs où la paix ou la guerre, L’esclavage ou la liberté ? La liberté, sans doute !… et la Grèce est mourante ; Son sang coule et s’épuise. Ah ! qu’il parte ! il est temps De sauver, d’arracher au sabre des sultans La victime encor palpitante. Quand je la vois toucher à ses derniers instants, Il fatigue mon cœur d’une trop longue attente. Comme toi menaçant, et comme toi muet, Vésuve, que fait-il sous ton double sommet, Qui, trompant mon espoir par la vapeur légère Que ta bouche béante exhale vers les cieux, Fume éternellement sans éblouir mes yeux Du spectacle de ta colère ? Dors, volcan imposteur, par les ans refroidi, Dors, et sois pour l’enfance un objet de risée ; Vieillard, sous la cendre engourdi, Je suis las d’insulter à ta lave épuisée ; Mais qu’il tonne du moins ce Vésuve flottant, Moins avare que loi des flammes qu’il recèle ! Que son courroux tardif soit juste en éclatant Sur les mers du Bosphore où Canaris l’appelle ! Quand il fendra les flots, si souvent éclairés Par des esquifs brûlants qui vengeaient la patrie. S’il faut une étincelle à sa flamme assoupie, Qu’elle s’allume aux feux de ces brandons sacrés Que la Grèce avait préparés Pour les flottes d’Alexandrie ! Mais non ; son seul aspect sous les murs ottomans Fera triompher la croix sainte ; Il verra du sérail trembler les fondements, Les flots de Marmara se troubleront de crainte, Et, sans contraindre Athène à payer un succès Qui l’arrache expirante au joug de l’infidèle, Si l’Anglais la délivre, au moins quelques Français Auront versé leur sang pour elle. Toi qu’ils ont devancé dans ton noble dessein, Vaisseau libérateur, reçois-moi sur ton sein ; Pars, va me déposer sous ces blanches colonnes Où Socrate inspirait les discours de Platon. Mes yeux verront flotter les premières couronnes Que les Grecs vont suspendre aux murs du Parthénon. Laisse-moi, sous des fleurs et sous de verts feuillages Consacrés par mes mains à ses dieux exilés, Laisse-moi cacher les outrages De ses marbres vainqueurs de la guerre et des âges Que votre Elgin a mutilés. Je les verrai, ces morts qui vivent dans l’histoire, Pour saluer des jours si beaux, Renaître et soulever les trois mille ans de gloire Dont le temps chargea leurs tombeaux ; Et moi, chantant comme eux ces jours de délivrance,. J’irai mêler la voix, l’hymne à peine écouté D’un obscur enfant de la France, A leurs cris de reconnaissance, A leurs hymnes de liberté. Va donc, n’hésite plus, n’attends pas les étoiles ; Des flambeaux de la nuit les feux seront pour toi. N’entends-tu pas le vent qui frémit dans tes voiles ? Il t’invite à partir ; pars, vole, emporte-moi ! N’oins, je me confie à ton humide haleine ; A toi, brûlant Siroc ; à toi, noir Aquilon ; Mugis, qui que tu sois qui souffles vers Athène : Tout me sera Zéphyr, quelque vent qui m’entraîna Du tombeau de Virgile au tombeau de Byron ! Vain songe !… Il dédaigna ma prière inutile. Hélas ! pour un Français il n’avait point d’asile. Au lever du soleil, mes yeux l’ont découvert Entre le doux Sorrente, où la grappe dorée Se marie au citronnier vert, Et les rochers aigus de la pâle Caprée. Sans doute il entendit, sur ce pic menaçant, L’infâme successeur des demi-dieux du Tibre, Tibère, s’éveillant au nom d’un peuple libre, Des Grecs ressuscites lui demander le sang. Sur la rive opposée il ne put méconnaître Ce chantre harmonieux que Sorrente a vu naître : Le Tasse errait encor dans l’asile enchanté Où l’amour d’une sœur recueillit sa misère ; Du sein de l’immortalité, Poète, il fit des vœux pour, les enfants d’Homère !… Le vaisseau cependant voguait sur l’onde amère. Oui des deux a-t-il écouté ?…

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    Casimir Delavigne

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    Parthénope et l’étrangère À M. Pouqueville O femme, que veux-tu ? – Parthénope, un asile. – Quel est ton crime ? – Aucun. – Qu’as-tu fait ? – Des ingrats. – Quels sont tes ennemis ? – Ceux qu’affranchit mon bras ; Hier on m’adorait, aujourd’hui l’on m’exile. – Comment dois-tu payer mon hospitalité ? – Par des périls d’un jour et des lois éternelles. – Qui t’osera poursuivre au sein de ma cité ? – Des rois. – Quand viendront-ils ? – Demain. – De quel côté ? – De tous… Eh bien ! Pour moi tes portes s’ouvrent-elles ? – Entre ; quel est ton nom ? – Je suis la Liberté ! Recevez-la, remparts antiques, Par elle autrefois habités ; Au rang de vos divinités Recevez-la, sacrés portiques ; Levez-vous, ombres héroïques, Faites cortége à ses côtés. Beau ciel napolitain, rayonne d’allégresse ; Ô terre, enfante des soldats ; Et vous, peuples, chantez ; peuples, c’est la déesse Pour qui mourut Léonidas. Sa tête a dédaigné des ornemens futiles : Les siens sont quelques fleurs qui semblent s’entr’ouvrir ; Le sang les fit éclore au pied des thermopyles : Deux mille ans n’ont pu les flétrir. Sa couronne immortelle exhale sur sa trace Je ne sais quel parfum dont s’enivre l’audace ; Sa voix terrible et douce a des accens vainqueurs, Qui ne trouvent point de rebelle ; Ses yeux d’un saint amour font palpiter les cœurs, Et la vertu seule est plus belle. Le peuple se demande, autour d’elle arrêté, Comment elle a des rois encouru la colère. « Hélas ! Répond cette noble étrangère, Je leur ai dit la vérité. Si jamais sous mon nom l’imprudence ou la haine Ébranla leur pouvoir, que je veux contenir, Est-ce à moi d’en porter la peine ? Est-ce aux Germains à m’en punir ? « Ont-ils donc oublié, ces vaincus de la veille, Ces esclaves d’hier, aujourd’hui vos tyrans, Que leurs cris de détresse ont frappé mon oreille, Qu’auprès d’Arminius j’ai marché dans leurs rangs ? Seule, j’ai rallié leurs peuplades tremblantes ; Et, de la Germanie armant les défenseurs, J’ai creusé de mes mains, dans ses neiges sanglantes, Un lit de mort aux oppresseurs. « Vengez-moi, justes dieux qui voyez mes outrages. Puisse le souvenir de mes bienfaits passés Poursuivre ces ingrats, par l’effroi dispersés ! Puissent les fils d’Odin errans sur les nuages, Le front chargé d’orages, La nuit leur apparaître à la lueur des feux ! Et puissent les débris des légions romaines, Dont j’ai blanchi leurs plaines, Se lever devant eux ! « Que dis-je ? Rome entière est-elle ensevelie Dans la poudre de leurs sillons ? Mon pied, frappant le sein de l’antique Italie, En fait jaillir des bataillons. Rome, ne sens-tu pas, au fond de tes entrailles, S’agiter les froids ossemens Des guerriers citoyens, que tant de funérailles Ont couchés sous tes monumens ? « Génois, brisez vos fers ; la mer impatiente De vous voir secouer un indigne repos, Se gonfle avec orgueil sous la forêt flottante Où vous arborez mes drapeaux. « Veuve des Médicis, renais, noble Florence ! Préfère à ton repos tes droits que je défends ; Préfère à l’esclavage, où dorment tes enfans, Ton orageuse indépendance. « Ô fille de Neptune, ô Venise, ô cité Belle comme Vénus, et qui sortis comme elle De l’écume des flots, surpris de ta beauté, Épouvante Albion d’une splendeur nouvelle. Doge, règne en mon nom ; sénat, reconnais-moi ; Réveille-toi, Zéno ; Pisani, lève-toi : C’est la liberté qui t’appelle. » Elle dit : à sa voix s’agite un peuple entier. Dans la fournaise ardente Je vois blanchir l’acier : J’entends le fer crier Sous la lime mordante ; L’enclume au loin gémit, l’airain sonne, un guerrier Prépare à ce signal sa lance menaçante, Un autre son coursier. Le père chargé d’ans, mais jeune encor d’audace, Arme son dernier fils, le devance et prend place Au milieu des soldats. Arrêté par sa sœur qui rit de sa colère, L’enfant dit à sa mère : Je veux mourir dans les combats. Que n’auraient-ils pas fait, ceux en qui la vaillance Avait la force pour appui ? Quel homme dans la fuite eût mis son espérance, Et quel homme aurait craint pour lui Cette mort que cherchaient la vieillesse et l’enfance ? Ils s’écrièrent tous d’une commune voix : « Assis sous ton laurier que nous courons défendre, Virgile, prends ta lyre et chante nos exploits ; Jamais un oppresseur ne foulera ta cendre. » Ils partirent alors ces peuples belliqueux, Et trente jours plus tard, oppresseur et tranquille, Le germain triomphant s’enivrait avec eux Au pied du laurier de Virgile. La Liberté fuyait en détournant les yeux, Quand Parthénope la rappelle. La déesse un moment s’arrête au haut des cieux ; « Tu m’as trahie ; adieu, dit-elle, Je pars. – Quoi ! Pour toujours ? – On m’attend. – Dans quel lieu ? – En Grèce. – On y suivra tes traces fugitives. – J’aurai des défenseurs. – Là, comme sur mes rives, On peut céder au nombre. – Oui, mais on meurt ; adieu ! »

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    Casimir Delavigne

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    Une semaine à Paris Aux Français Debout ! mânes sacrés de mes concitoyens ! Venez ; inspirez-les, ces vers où je vous chante. Debout, morts immortels, héroïques soutiens De la liberté triomphante ! Brûlant, désordonné, sans frein dans son essor, Comme un peuple en courroux qu’un même cri soulève, Que cet hymne vers vous s’élève De votre sang qui fume encor ! Quels sont donc les malheurs que ce jour nous apporte ? — Ceux que nous présageaient ses ministres et lui. — Quoi ! malgré ses serments ! — Il les rompt aujourd’hui… — Le ciel les a reçus.— Et le vent les emporte. — Mais les élus du peuple ?… — Il les a cassés tous. — Les lois qu’il doit défendre ? — Esclaves comme nous. — Et la pensée ? — Aux fers. — Et la liberté ? — Morte. — Quel était notre crime ? — En vain nous le cherchons. — Pour mettre en interdit la patrie opprimée, Son droit ? — C’est le pouvoir. — Sa raison ? — Une armée. — La nôtre est un peuple : marchons. Ils marchaient, ils couraient sans armes, Ils n’avaient pas encor frappé, On les tue ; ils criaient : Le monarque est trompé ! On les tue… ô fureur ! Pour du sang, quoi ! des larmes ! De vains cris pour du sang ! — Ils sont morts les premiers ; Vengeons-les, ou mourons. — Des armes ! — Où les prendre ? — Dans les mains de leurs meurtriers : A qui donne la mort c’est la mort qu’il faut rendre. Vengeance ! place au drapeau noir ! Passage, citoyens ! place aux débris funèbres Qui reçoivent dans les ténèbres Les serments de leur désespoir ! Porté par leurs bras nus, le cadavre s’avance. Vengeance ! tout un peuple a répété : Vengeance ! Restes inanimés, vous serez satisfaits. Le peuple vous l’a dit, et sa parole est sûre ; Ce n’est pas lui qui se parjure : Il a tenu quinze ans les serments qu’il a faits. Il s’est levé : le tocsin sonne ; Aux appels bruyants des tambours, Aux éclats de l’obus qui tonne, Vieillards, enfants, cité, faubourgs, Sous les haillons, sous l’épaulette, Armés, sans arme, unis, épars, Se roulent contre les remparts Que le fer de la baïonnette Leur oppose de toutes parts. Ils tombent ; mais dans cette ville, Où sur chaque pavé sanglant La mort enfante en immolant, Pour un qui tombe il en naît mille. Ouvrez, ouvrez encor les grilles de Saint-Cloud ! Vomissez des soldats pour nous livrer bataille. Le sabre est dans leurs mains ; dans leurs rangs, la mitraille, Mais de la Liberté l’arsenal est partout. Que nous importe, à nous, l’instrument qui nous venge ! Une foule intrépide agite en rugissant La scie aux dents d’acier, le levier, le croissant ; Sous sa main citoyenne en arme tout se change : Des foyers fastueux les marbres détachés, Les grès avec effort de la terre arrachés, Sont des boulets pour sa colère ; Et, soldats comme nous, nos femmes et nos sœurs Font pleuvoir sur les oppresseurs Cette mitraille populaire. Qu’ils aient l’ordre pour eux, le désordre est pour nous ! Désordre intelligent, qui seconde l’audace, Qui commande, obéit, marque à chacun sa place, Comme un seul nous fait agir tous, Et qui prouve à la tyrannie, En brisant son sceptre abhorré, Que par la patrie inspiré, Un peuple, comme un homme, a ses jours de génie. Quoi ! toujours sous le feu, si jeune, au premier rang ! Retenons ce martyr que trop d’ardeur enflamme. Il court, il va mourir… Relevons le mourant : O Liberté !… c’est une femme ! Quel est-il, ce guerrier suspendu dans les airs ? De son drapeau qu’il tient encore Il roule autour de lui le linceul tricolore, Et disparaît au milieu des éclairs. Viens recueillir sa dernière parole, Grande ombre de Napoléon ! C’est à toi de graver son nom Sur les piliers du nouveau pont d’Arcole. Ce soleil de juillet qu’enfin nous revoyons, Il a brillé sur la Bastille, Oui, le voilà, c’est lui ! La Liberté, sa fille, Vient de renaître à ses rayons. Luis pour nous, accomplis l’œuvre de délivrance ; Avance, mois sauveur, presse ta course, avance : Il faut trois jours à ces héros. Abrège au moins pour eux les nuits qui sont sans gloire ; Avance, ils n’auront de repos Que dans la tombe ou la victoire. Nuits lugubres ! tout meurt, lumière et mouvement. De cette obscurité muette et sépulcrale Quels bruits inattendus sortent par intervalle ? Le cliquetis du fer qui heurte pesamment Des débris entassés la barrière inégale ; Ces cris se répondant de moment en moment : Qui vive ? — Citoyens. — Garde à vous, sentinelles ! L’adieu de deux amis, dont un embrassement Vient de confondre encor les âmes fraternelles ; Les soupirs d’un blessé qui s’éteint lentement, Et sous l’arche plaintive un sourd frémissement, Quand l’onde, en tournoyant, vient refermer la tombe D’un cadavre qui tombe… Au Louvre, amis ; voici le jour ! Battez la charge ! Au Louvre ! Au Louvre ! Balayé par le plomb qui se croise et les couvre, Chacun, pour mourir à son tour, Vient remplir le rang qui s’entr’ouvre. Le bataillon grossit sous ce feu dévorant. Son chef dans la poussière en vain roule expirant, Il saisit la victime, il l’enlève, il l’emporte, Il s’élance, il triomphe, il entre… Quel tableau ! Dieu juste ! la voilà victorieuse et morte, Sur le trône de son bourreau ! Allez, volez, tombez dans la Seine écumante, D’un pouvoir parricide emblèmes abolis. Allez, chiffres brisés ; allez, pourpre fumante ; Allez, drapeaux déchus, que le meurtre a salis ! Dépouilles des vaincus, par le fleuve entraînées, Dépouilles des martyrs que je pleure aujourd’hui, Allez, et sur les flots, à Saint-Cloud, portez-lui Le bulletin des trois journées ! Victoire ! embrassons-nous. — Tu vis ! — Je te revoi ! — Le fer de l’étranger m’épargna comme toi. — Quel triomphe ! en trois jours. —Honneur à ton courage ! — Gloire au tien ! — C’est ton nom qu’on cite le premier. — N’en citons qu’un. — Lequel ? — Celui du peuple entier. Hier qu’il était brave ! aujourd’hui qu’il est sage ! — Du trépas, en mourant, un d’eux m’a préservé. — Mais ton sang coule encor.—Ma blessure est légère. — Et ton frère ? — Il n’est plus. — L’assassin de ton frère, Tu l’as puni ? — Je l’ai sauvé. Ah ! qu’on respire avec délices, Et qu’il est enivrant, l’air de la liberté ! Comment regarder sans fierté Ces murs couverts de cicatrices, Ces drapeaux qu’à l’exil redemandaient nos pleurs, Et dont nous revoyons les glorieux symboles Voltiger, s’enlacer, courber leurs trois couleurs Sur ces nobles enfants, l’orgueil de nos écoles ! Des fleurs à pleines mains, des fleurs pour ces guerriers ! Jetez-leur au hasard des couronnes civiques : Ils ne tomberont, vos lauriers, Que sur des têtes héroïques. Mais lui, que sans l’abattre ont jadis éprouvé Le despotisme et la licence, Que la vieillesse a retrouvé Ce qu’il fut dans l’adolescence, Entourons-le d’amour ! Français, Américains, De baisers et de pleurs couvrons ses vieilles mains ! La popularité, si souvent infidèle, Est fille de la terre et meurt en peu d’instants : La sienne, plus jeune et plus belle, A traversé les mers, a triomphé du temps : C’était à la vertu d’en faire une immortelle. O toi, roi citoyen, qu’il presse dans ses bras Aux cris d’un peuple entier dont les transports sont juste Tu fus mon bienfaiteur, je ne te louerai pas : Les poètes des rois sont leurs actes augustes. Que ton règne te chante, et qu’on dise après nous : Monarque, il fut sacré par la raison publique ; Sa force fut la loi ; l’honneur, sa politique ; Son droit divin, l’amour de tous. Pour toi, peuple affranchi, dont le bonheur commence, Tu peux croiser tes bras après ton œuvre immense ; Purs de tous les excès, huit jours l’ont enfanté, ils ont conquis les lois, chassé la tyrannie, Et couronné la Liberté : Peuple, repose-toi ; ta semaine est finie !

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    Casimir Delavigne

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    À Napoléon De lumière et d’obscurité, De néant et de gloire étonnant assemblage, Astre fatal aux rois comme à la liberté; Au plus haut de ton cours porté par un orage, Et par un orage emporté, Toi, qui n’as rien connu, dans ton sanglant passage, D’égal à ton bonheur que ton adversité; Dieu mortel, sous tes pieds les monts courbant leurs têtes T’ouvraient un chemin triomphal; Les élémens soumis attendaient ton signal; D’une nuit pluvieuse écartant les tempêtes, Pour éclairer tes fêtes, Le soleil t’annonçait sur son char radieux; L’Europe t’admirait dans une horreur profonde, Et le son de ta voix, un signe de tes yeux, Donnaient une secousse au monde. Ton souffle du chaos faisait sortir les lois; Ton image insultait aux dépouilles des rois, Et, debout sur l’airain de leurs foudres guerrières, Entretenait le ciel du bruit de tes exploits. Les cultes renaissans, étonnés d’être frères, Sur leurs autels rivaux, qui fumaient à la fois, Pour toi confondaient leurs prières. << Conservez, disaient-ils, le vainqueur du Thabor, Conservez le vainqueur du Tibre; >> Que n’ont-ils pour ta gloire ajouté plus encor: << Dieu juste, conservez le roi d’un peuple libre! >> Tu régnerais encor si tu l’avais voulu. Fils de la Liberté, tu détrônas ta mère. Armé contre ses droits d’un pouvoir éphémère, Tu croyais l’accabler, tu l’avais résolu! Mais le tombeau creusé pour elle Dévore tôt ou tard le monarque absolu; Un tyran tombe ou meurt; seule elle est immortelle. Justice, droits, sermens, peux-tu rien respecter? D’un antique lien périsse la mémoire! L’Espagne est notre soeur de dangers et de gloire; Tu la veux pour esclave, et n’osant ajouter À ta double couronne un nouveau diadème, Sur son trône conquis ton orgueil veut jeter Un simulacre de toi-même. Mais non, tu l’espérais en vain. Ses prélats, ses guerriers l’un l’autre s’excitèrent, Les croyances du peuple à leur voix s’exaltèrent. Quels signes précurseurs d’un désastre prochain! Le beffroi, qu’ébranlait une invisible main, S’éveillait de lui-même et sonnait les alarmes; Les images des preux s’agitaient sous leurs armes; On avait vu des pleurs mouiller leurs yeux d’airain; On avait vu le sang du sauveur de la terre Des flancs du marbre ému sortir à longs ruisseaux; Les morts erraient dans l’ombre, et ces cris : guerre! guerre! S’élevaient du fond des tombeaux. Une nuit, c’était l’heure où les songes funèbres Apportent aux vivans les leçons du cercueil; Où le second Brutus vit son génie en deuil Se dresser devant lui dans l’horreur des ténèbres; Où Richard, tourmenté d’un sommeil sans repos, Vit les mânes vengeurs de sa famille entière, Rangés autour de ses drapeaux, Le maudire et crier : voilà ta nuit dernière! Napoléon veillait, seul et silencieux; La fatigue inclinait cette tête puissante Sur la carte immobile où s’attachaient ses yeux; Trois guerrières, trois soeurs parurent sous sa tente. Pauvre et sans ornemens, belle de ses hauts faits, La première semblait une vierge romaine Le front ceint d’un rameau de chêne, Elle appuyait son bras sur un drapeau français. Il rappelait un jour d’éternelle mémoire; Trois couleurs rayonnaient sur ses lambeaux sacrés Par la foudre noircis, poudreux et déchirés, Mais déchirés par la Victoire. << Je t’ai connu soldat; salut : te voilà roi. De Marengo la terrible journée Dans tes fastes, dit-elle, a pris place après moi; Salut; je suis sa soeur aînée. << Je te guidais au premier rang; Je protégeai ta course et dictai la parole Qui ranima des tiens le courage expirant, Lorsque la mort te vit si grand, Qu’elle te respecta sous les foudres d’Arcole. << Tu changeas mon drapeau contre un sceptre d’airain; Tremble, je vois pâlir ton étoile éclipsée. La force est sans appui, du jour qu’elle est sans frein. Adieu, ton règne expire et ta gloire est passée. >> La seconde unissait aux palmes des déserts Les dépouilles d’Alexandrie. Les feux dont le soleil inonde sa patrie, De ses brûlans regards allumaient les éclairs. Sa main, par la conquête armée, Dégouttante du sang des descendans d’Omar, Tenait le glaive de César Et le compas de Ptolémée. << Je t’ai connu banni; salut : te voilà roi. Du mont Thabor la brillante journée Dans tes fastes, dit-elle, a pris place après moi; Salut! Je suis sa soeur aînée. << Je te dois l’éclat immortel Du nom que je reçus aux pieds des pyramides. J’ai vu les turbans d’Ismaël Foulés au bord du Nil par tes coursiers rapides. Les arts sous ton égide avaient placé leurs fils, Quand des restes muets de Thèbe et de Memphis Ils interrogeaient la poussière; Et, si tu t’égarais dans ton vol glorieux, C’était comme l’aiglon qui se perd dans les cieux, C’était pour chercher la lumière. << Tu voulus l’étouffer sous ton sceptre d’airain; Tremble, je vois pâlir ton étoile éclipsée. La force est sans appui, du jour qu’elle est sans frein. Adieu! Ton règne expire, et ta gloire est passée. >> La dernière… O pitié, des fers chargeaient ses bras! L’oeil baissé vers la terre où chacun de ses pas Laissait une empreinte sanglante, Elle s’avançait chancelante En murmurant ces mots : meurt et ne se rend pas. Loin d’elle les trésors qui parent la conquête, Et l’appareil des drapeaux prisonniers! Mais des cyprès, beaux comme des lauriers, De leur sombre couronne environnaient sa tête. << Tu ne me connaîtras qu’en cessant d’être roi. Écoute et tremble : aucune autre journée Dans tes fastes jamais n’aura place après moi, Et je n’eus point de soeur aînée. << De vaillance et de deuil souvenir désastreux, J’affranchirai les rois que ton bras tient en laisse, Et je transporterai la chaîne qui les blesse Aux peuples qui vaincront pour eux. Les siècles douteront, en lisant ton histoire, Si tes vieux compagnons de gloire, Si ces débris vivans de tant d’exploits divers, Se sont plus illustrés par trente ans de victoire, Que par un seul jour de revers. << Je chasserai du ciel ton étoile éclipsée; Je briserai ton glaive et ton sceptre d’airain; La force est sans appui, du jour qu’elle est sans frein. Adieu! Ton règne expire, et ta gloire est passée. >> Toutes trois vers le ciel avaient repris l’essor, Et le guerrier surpris les écoutait encor; Leur souvenir pesait sur son ame oppressée; Mais aux roulemens du tambour, Cette image bientôt sortit de sa pensée, Comme l’ombre des nuits se dissipe effacée Par les premiers rayons du jour. Il crut avoir dompté les enfans de Pélage; Entraîné de nouveau par ce char vagabond Qui portait en tous lieux la guerre et l’esclavage, Passant sur son empire, il le franchit d’un bond; Et tout fumans encor, ses coursiers hors d’haleine, Que les feux du midi naguère avaient lassés, De la Bérésina, qui coulait sous sa chaîne, Buvaient déjà les flots glacés. Il dormait sur la foi de son astre infidèle, Trompé par ces flatteurs dont la voix criminelle L’avait mal conseillé. Il rêvait, en tombant, l’empire de la terre, Et ne rouvrit les yeux qu’aux éclats du tonnerre; Où s’est-il réveillé! … Seul et sur un rocher d’où sa vie importune Troublait encor les rois d’une terreur commune, Du fond de son exil encor présent partout, Grand comme son malheur, détrôné, mais debout Sur les débris de sa fortune. Laissant l’Europe vide et la victoire en deuil, Ainsi, de faute en faute et d’orage en orage, Il est venu mourir sur un dernier écueil, Où sa puissance a fait naufrage. La vaste mer murmure autour de son cercueil. Une île t’a reçu sans couronne et sans vie, Toi qu’un empire immense eut peine à contenir; Sous la tombe, où s’éteint ton royal avenir, Descend avec toi seul toute une dynastie. Et le pêcheur le soir s’y repose en chemin; Reprenant ses filets qu’avec peine il soulève Il s’éloigne à pas lents, foule ta cendre, et rêve… A ses travaux du lendemain.

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    Chloe Douglas

    @chloeDouglas

    Le coût de soigner Parce que cela coute De soigner, De se débrouiller, D’essayer d’apaiser le fardeau. Parce que cela coute D’être mondain, D’avoir ce dont on a besoin, Pour faire fonctionner les choses. Parce que cela coute D’aider, Et cela dépend du soignant. Nous semblons Tomber dans le piège, De soigner le montant.

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    Edgar Georges

    @edgarGeorges

    La cage Hamsters, réveillez-vous la paille vous attend, là-bas et les regards qui vous fustigent lorsqu’on recherche l’absolu Une maison, de beaux vêtements, des voyages… Réveillez-vous et brisez l’algorithme du monstre qui vous écrase ! La marguerite un jour n’aura plus de pétales Le vent tournera sous ce ciel cristallin Les bols de jouvence seront bientôt vidés La foret n’aura plus de secrets, plus de charme Et sur le chemin de la cage ils diront : « Marchons tout droit vers la liberté ! » Donnez-moi raison, laissez-moi crier Pour nous tous Du haut de la colline Que la pureté revienne

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Au Reichstag On m’affirmait :  » Partout où les cités de vapeurs s’enveloppent, Où l’homme dans l’effort s’exalte et se complaît, Bat le coeur fraternel d’une plus haute Europe. De la Sambre à la Ruhr, de la Ruhr à l’Oural, Et d’Allemagne en France et de France en Espagne L’ample entente disperse un grand souffle auroral Qui va de ville en plaine et de plaine en montagne. Ici le charbon fume et là-bas l’acier bout, Le travail y est sombre et la peine y est rude, Mais des tribuns sont là dont le torse est debout Et dont le verbe éclaire au front les multitudes. Aux soirs d’émeute brusque et de battant tocsin, Quand se forme et grandit la révolte brutale, Pour qu’en soient imposés les voeux et les desseins Leurs gestes fulguraux domptent les capitales. Ils maîtrisent les Parlements astucieux Grâce à leur force franche, ardente et réfractaire, Ils ont le peuple immense et rouge derrière eux Et leur grondant pouvoir est fait de son tonnerre. Leurs noms sont lumineux de pays en pays ; Dans les foyers où l’homme et la femme travaillent, Où la fille est la servante des plus petits, Leur image à deux sous s’épingle à la muraille. On les aime : ne sont-ils point simples et droits, Avec la pitié grande en leur âme profonde ? Et quand s’étend en sa totale ampleur leur voix, Ne couvre-t-elle point de sa force le monde ? «  Et l’on disait encor :  » Eux seuls tissent les rets où sera pris le sort. Qu’un roi hérisse un jour de ses armes la terre, Leur ligue contre lui arrêtera la guerre. «  Ainsi S’abolissait l’effroi, le trouble et le souci Et s’exaltait la foi dans la concorde ardente. La paix régnait déjà, normale et évidente Comme un déroulement de jours, de mois et d’ans. On se sentait heureux de vivre en un tel temps Où tout semblait meilleur au monde, où les génies Juraient de le doter d’une neuve harmonie, Où l’homme allait vers l’homme et cherchait dans ses yeux On ne sait quoi de grand qui l’égalait aux Dieux, Quand se fendit soudain, en quelle heure angoissée ! Cette tour où le rêve étageait la pensée, Ce fut en août, là-bas, au Reichstag, à Berlin, Que ceux en qui le monde avait mis sa foi folle Se turent quand sonna la mauvaise parole. Un nuage passa sur le front du destin. Eux qui l’avaient proscrite, accueillirent la guerre. La vieille mort casquée, atroce, autoritaire, Sortit de sa caserne avec son linceul blanc, Pour en traîner l’horreur sur les pays sanglants. Son ombre s’allongea sur les villes en flammes, Le monde se fit honte et tua la grande âme Qu’il se faisait avec ferveur pour qu’elle soit Un jour l’âme du Droit Devant l’audace inique et la force funeste. Aux ennemis dont tue et ravage le geste, Il fallut opposer un coeur qui les déteste ; On s’acharna ensemble à se haïr soudain, Le clair passé glissa au ténébreux demain, Tout se troublait et ne fut plus, en somme, Que fureur répandue et que rage dardée ; Au fond des bourgs et des campagnes On prenait peur d’être un vivant, Car c’est là ton crime immense, Allemagne, D’avoir tué atrocement L’idée Que se faisait pendant la paix, En notre temps, L’homme de l’homme.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Pauvres vieilles cités Pauvres vieilles cités par les plaines perdues, Dites de quel grand plan de gloire, Vers la vie humble et dérisoire, Toutes, vous voilà descendues. Vous ne comprenez plus vos hauts beffrois en deuil, Ni ce que disent aux nuées Tant de pierres destituées De leur ancien et bel orgueil, Vos carrefours, vos grand’places et votre port, Tout est muet et léthargique ; Tout semble aller à pas logiques Vers l’horizon, où luit la mort. Seule, quand le marché aligne au jour levé, Sur le trottoir, ses éventaires, Un peu de vie hebdomadaire Se cabre aux joints de vos pavés. Ou bien, quand la kermesse et ses cortèges d’or Mènent leur ronde autour des rues, L’émoi des foules accourues Vous fait revivre une heure encor. Vos moeurs sont pareilles à vos petits jardins : Buissons corrects, calmes verdures, Mais une odeur de moisissure Séjourne en leurs recoins malsains. Vos gestes sont prudents, mesquins et routiniers, Vous ne penchez sur vos négoces Que des yeux mornes ou féroces, Qui ne comptent que par deniers. Vos cerveaux sans révolte et vos coeurs sans fierté Se complaisent aux moindres choses, Et de pauvres apothéoses Font tressaillir vos vanités. Vous ne produisez plus ni communiers ni gueux Et vivez à la dérobée Des miettes d’ombre et d’or tombées Du festin rouge des aïeux. Pourtant, si triste et long que soit votre déclin, Notre rêve ne veut pas croire Que plus jamais la belle gloire Ne bondira de vos tremplins. Vous vous armez encore de trop d’entêtement, Damme, Courtrai, Ypres, Termonde, Pour n’être plus au vent du monde Que des tombeaux d’orgueil flamand. Et n’avoir plus aucun remords, aucun sursaut En ces heures de somnolence Où le visage du silence Se mire seul dans vos canaux.

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    E

    Esther Granek

    @estherGranek

    Les ronds-de-cuir Les ronds de jambe des ronds-de-cuir, C’est pour les galons. Les poignées de mains, les sourires, C’est la promotion. Les flatteries faites sans rougir, C’est bénédiction. Existe-t-il rien d’aussi bon Qu’un chemin tracé au Cordon ! C’est cordeau qu’il fallait leur dire Et j’ai dit Cordon. Dans une vie sans coup férir, C’est décoration. Il est prédit leur avenir, Et du meilleur ton. Existe-t-il rien de plus beau Qu’un chemin tracé au cordeau ! D’un cordeau ils savent se munir Sans trop de chichis. Et ce courage fera pâlir Tous leurs ennemis. La dignité saura grandir Ce qui les unit. Ah, qu’il est beau ! ah, qu’il est bon Le chemin tracé au Cordon ! Ils tournent en rond, les ronds-de-cuir. Ils font des ron-ron. C’est pas méchant, ça n’veut rien dire. Ça fait les dos ronds. Ils portent les problèmes d’avenir Dans leurs réflexions. Et-ron-et-ron-et-ron-et-ron C’est le poids d’la méditation…

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    E

    Esther Granek

    @estherGranek

    L’accolade Ne s’aimant pas, pourtant voyez : Par-devant toute l’assemblée attentive et si éduquée, l’accolade ils vont se donner, en chaleureux gestes de bras, en face-à-face de coeurs glacés, en relents de hargnes rentrées. Applaudissez !

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