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Fables

54 poésies en cours de vérification
Fables

Poésies de la collection fables

    Antoine-Vincent Arnault

    Antoine-Vincent Arnault

    @antoineVincentArnault

    Le colimaçon Sans ami, comme sans famille, Ici bas vivre en étranger ; Se retirer dans sa coquille Au signal du moindre danger ; S'aimer d'une amitié sans bornes ; De soi seul emplir sa maison ; En sortir, suivant la saison, Pour faire à son prochain les cornes ; Signaler ses pas destructeurs Par les traces les plus impures ; Outrager les plus tendres fleurs Par ses baisers ou ses morsures ; Enfin, chez soi, comme en prison, Vieillir de jour en jour plus triste, C'est l'histoire de l'égoïste, Et celle du colimaçon.

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    La cigale et la fourmi La Cigale, ayant chanté tout l'été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue : Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la Fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle. « Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'Oût, foi d'animal, Intérêt et principal. » La Fourmi n'est pas prêteuse : C'est là son moindre défaut. Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. - Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise. - Vous chantiez ? j'en suis fort aise. Eh bien! dansez maintenant.

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    La colombe et la fourmi Le long d'un clair ruisseau buvait une Colombe, Quand sur l'eau se penchant une Fourmi y tombe. Et dans cet océan l'on eût vu la Fourmi S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive. La Colombe aussitôt usa de charité : Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté, Ce fut un promontoire où la Fourmi arrive. Elle se sauve ; et là-dessus Passe un certain Croquant qui marchait les pieds nus. Ce Croquant, par hasard, avait une arbalète. Dès qu'il voit l'Oiseau de Vénus Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête. Tandis qu'à le tuer mon Villageois s'apprête, La Fourmi le pique au talon. Le Vilain retourne la tête : La Colombe l'entend, part, et tire de long. Le soupé du Croquant avec elle s'envole : Point de Pigeon pour une obole.

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    Jacques Prévert

    Jacques Prévert

    @jacquesPrevert

    Le cancre Il dit non avec la tête mais il dit oui avec le cœur il dit oui à ce qu'il aime il dit non au professeur il est debout on le questionne et tous les problèmes sont posés soudain le fou rire le prend et il efface tout les chiffres et les mots les dates et les noms les phrases et les pièges et malgré les menaces du maître sous les huées des enfants prodiges avec des craies de toutes les couleurs sur le tableau noir du malheur il dessine le visage du bonheur

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    C

    Charles Vildrac

    @charlesVildrac

    La pomme et l’escargot Il y avait une pomme A la cime d’un pommier; Un grand coup de vent d’automne La fit tomber sur le pré ! Pomme, pomme, T’es-tu fait mal ? J’ai le menton en marmelade Le nez fendu Et l’oeil poché ! Elle tomba, quel dommage, Sur un petit escargot Qui s’en allait au village Sa demeure sur le dos Ah ! stupide créature Gémit l’animal cornu T’as défoncé ma toiture Et me voici faible et nu. Dans la pomme à demi blette L’escargot, comme un gros ver Rongea, creusa sa chambrette Afin d’y passer l’hiver. Ah ! mange-moi, dit la pomme, puisque c’est là mon destin; par testament je te nomme héritier de mes pépins. Tu les mettras dans la terre Vers le mois de février, Il en sortira, j’espère, De jolis petits pommiers.

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    Antoine-Vincent Arnault

    Antoine-Vincent Arnault

    @antoineVincentArnault

    L'huître et la perle Après n'avoir rien pris de toute la semaine, Un pêcheur trouve une huître au fond de son filet : « Rien qu'une huître ! voyez, dit-il, la bonne aubaine, » En la jetant sur le galet. Comme il s'en allait, l'huître bâille, Et découvre à ses yeux surpris Une perle du plus grand prix Que recelait sa double écaille. Patience, au milieu du discours le plus sot Ou du plus ennuyeux chapitre, On peut rencontrer un bon mot, Comme une perle dans une huître.

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    Antoine-Vincent Arnault

    Antoine-Vincent Arnault

    @antoineVincentArnault

    Le lézard et la vipère Quoi ! je ne me vengerais pas De cette maudite vipère ! Disait un lézard a son père. Pourquoi fuirais-je les combats ? Au triomphe je puis prétendre ; N'ai-je pas des ongles, des dents ? II est mal d'attaquer les gens ; Mais il est bien de se défendre. — Ce point est assez entendu, Mon fils ; mais parlons avec ordre. Pour faire la guerre, il faut mordre ; Et qui mord peut être mordu. D'après cela, si je raisonne, À ta perte tu veux courir. Un serpent mordu peut guérir, Un serpent qui mord empoisonne.

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    Alphonse Allais

    Alphonse Allais

    @alphonseAllais

    Le chat Lorsque tu vois un chat de sa patte légère, Laver son nez rosé, lisser son poil si fin, Bien fraternellement embrasse ce félin. Moralité : S'il se nettoie, c'est donc ton frère.

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    Alphonse Allais

    Alphonse Allais

    @alphonseAllais

    Le petit vient en mangeant Une femme dans l'espoir de son premier enfant, Inquiète de garder ses rondeurs pour longtemps Pendant neuf longs mois, de tout encas se passa. A bout, ce fut le soir où son jeûne elle cessa Que l'enfant décida qu'il était enfin temps. Moralité : Le petit vient en mangeant.

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    Alphonse Allais

    Alphonse Allais

    @alphonseAllais

    Tamerlan Tamerlan, conquérant farouche, Dans un combat fit vingt captifs. Il les fit empaler tout vif. On n'dit pas si c'est par la bouche. Moralité: Malheur aux vaincus !

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    Alphonse Allais

    Alphonse Allais

    @alphonseAllais

    Un général anglais Un général anglais, dans une bataille, Eut les deux fesses emportées par la mitraille. Il en fit faire une autre paire en bois, mais jamais il ne les paya. Moralité : Fesses que dois !

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    Antoine-Vincent Arnault

    Antoine-Vincent Arnault

    @antoineVincentArnault

    L'aigle et le chapon On admirait l'oiseau de Jupiter, Qui déployant ses vastes ailes, Aussi rapide que l'éclair, Remontait vers son maître aux voûtes éternelles. Toute la basse-cour avait les yeux en l'air. Ce n'est pas sans raison qu'un grand dieu le préfère ! S'écriait un vieux coq ; parmi ses envieux, Qui pourrait, comme lui, laissant bien loin la terre, Voler en un clin-d'oeil au séjour du tonnerre, Et d'un élan franchir l'immensité des cieux ? Qui ? reprit un chapon ; vous et moi, mon confrère. Moi, vous dis-je. Laissons les dindons s'étonner De ce qui sort de leurs coutumes : Osons, au lieu de raisonner. D'aussi près qu'il voudra verra Jupin tonner Quiconque a du cœur et des plumes. Il dit, et de l'exemple appuyant la leçon, Il a déjà pris vol vers la céleste plaine. Mais c'était le vol du chapon. L'enfant gâté du Mans s'élève, et, comme un plomb, Va tomber sur le toit de l'étable prochaine. On sait que l'indulgence, en un malheur pareil, N'est pas le fort de la canaille : On suit le pauvre hère, on le hue, on le raille, Les plus petits exprès montaient sur la muraille. Le vieux coq, plus sensé, lui donna ce conseil : Que ceci te serve de règle ; Raser la terre est ton vrai lot : Renonce à prendre un vol plus haut, Mon ami, tu n'es pas un aigle.

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    Antoine-Vincent Arnault

    Antoine-Vincent Arnault

    @antoineVincentArnault

    La feuille De ta tige détachée, Pauvre feuille desséchée, Où vas-tu ? — Je n'en sais rien. L'orage a frappé le chêne Qui seul était mon soutien. De son inconstante haleine, Le zéphyr ou l'aquilon Depuis ce jour me promène De la forêt à la plaine, De la montagne au vallon. Je vais où le vent me mène. Sans me plaindre ou m'effrayer, Je vais où va toute chose, Où va la feuille de rose Et la feuille de laurier.

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    Antoine-Vincent Arnault

    Antoine-Vincent Arnault

    @antoineVincentArnault

    Le Colin-Maillard À ma femme Sophie. Que j'aime le colin-maillard ! C'est le jeu de la ville et celui du village ; Il est de tout pays, et même de tout âge ; Presque autant qu'un enfant il égaye un vieillard. Voyez comme il se précipite, Sans penser même aux casse-cous, Comme il tourne, comme il s'agite Parmi ce jeune essaim de folles et de fous ; Ce jeune homme enivré qu'on cherche et qu'on évite. Quel plaisir ! il poursuit vingt belles à la fois ; Comme la moins sévère il prend la plus farouche ; S'il n'y voit pas, du moins il touche ; Ses yeux sont au bout de ses doigts. Que dis-je ? hélas ! tout n'est pas fête. Au lieu des doux attraits qu'on croit en son pouvoir, Si l'on rencontre pot au noir, Jeune homme ; alors, gare à la tête. En amour, comme au jeu qu'en ces vers nous chantons, Un bandeau sur les yeux, on s'attrape à tâtons. De son aveuglement, sage qui se défie, Et qui, même en trichant, cherche à voir tant soit peu. Mais c'est ainsi, dit-on, que l'on friponne au jeu ; C'est ainsi qu'on y gagne, et que j'ai pris Sophie.

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    Antoine-Vincent Arnault

    Antoine-Vincent Arnault

    @antoineVincentArnault

    Le papillon, l'abeille et la rose À mes enfants. Du printemps la fille vermeille, La rose ne vit qu'un moment, Dont le papillon et l'abeille Profitent bien différemment. Gaspillant, comme un fou, les biens qu'on lui prodigue Tandis que l'insecte léger, Chenille un jour avant, funeste au potager, En stériles baisers sur la fleur se fatigue, L'abeille y puise l'or qu'attendent ses rayons, L'or qui doit la nourrir dans sa maison bien close, Longtemps après le jour fatal aux papillons, Où l'on voit se faner la rose. Au travail, mes enfants, accordez une part Dans les jours de votre jeunesse : Tout donner au plaisir n'est pas de la sagesse ; Tel qui pense autrement, même avant la vieillesse, S'en repentira, mais trop tard.

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    Antoine-Vincent Arnault

    Antoine-Vincent Arnault

    @antoineVincentArnault

    Les éponges L'éponge boit, c'est son métier ; Mais elle est aussi souvent pleine De l'eau fangeuse du bourbier, Que de celle de la fontaine. Docteurs qui, dans votre cerveau, Logez le vieux et le nouveau, Les vérités et les mensonges, J'en conviens, vous retenez tout ; Mais aux yeux de l'homme de goût, Ne seriez-vous pas des éponges ?

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    Charles Perrault

    Charles Perrault

    @charlesPerrault

    Le conseil des rats Les Rats tinrent conseil pour se garantir d'un Chat qui les désolait. L'un d'eux proposa de lui pendre un grelot au cou ; l'avis fut loué, mais la difficulté se trouva grande à mettre le grelot. Quand celle à qui l'on fait la cour, Est rude, sauvage et sévère ; Le moyen le plus salutaire, Serait de lui pouvoir donner un peu d'amour, Mais c'est là le point de l'affaire.

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    Charles Perrault

    Charles Perrault

    @charlesPerrault

    Le paon et la pie Les Oiseaux élirent le Paon pour leur Roi à cause de sa beauté. Une Pie s'y opposa, et leur dit qu'il fallait moins regarder à la beauté qu'il avait qu'à la vertu qu'il n'avait pas. Pour mériter le choix d'une jeune merveille, N'en déplaise à maint jouvenceau Dont le teint est plus frais qu'une rose vermeille, Ce n'est pas tout que d'être beau.

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    Charles Perrault

    Charles Perrault

    @charlesPerrault

    Le singe juge Un Loup et un Renard plaidaient l'un contre l'autre pour une affaire fort embrouillée. Le Singe qu'ils avaient pris pour Juge, les condamna tous deux à l'amende, disant qu'il ne pouvait faire mal de condamner deux aussi méchantes bêtes. Quand deux amants en usent mal, Ou que l'un et l'autre est brutal, Quelques bonnes raisons que chacun puisse dire Pour être préféré par l'objet de ses voeux La Belle doit en rire Et les chasser tous deux.

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    Charles Perrault

    Charles Perrault

    @charlesPerrault

    Les coqs et la perdrix Une Perdrix s'affligeait fort d'être battue par des Coqs ; mais elle se consola, ayant vu qu'ils se battaient eux-mêmes. Si d'une belle on se voit maltraiter Les premiers jours qu'on entre à son service, Il ne faut pas se rebuter : Bien des Amants, quoiqu'Amour les unisse, Ne laissent pas de s'entrepicoter.

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    Fénelon

    Fénelon

    @fenelon

    L'abeille et la mouche Un jour une abeille aperçut une mouche auprès de sa ruche. « Que viens-tu faire ici ? lui dit-elle d’un ton furieux. Vraiment, c’est bien à toi, vil animal, à te mêler avec les reines de l’air! — Tu as raison, répondit froidement la mouche, on a toujours tort de s’approcher d’une nation aussi fougueuse que la vôtre. — Rien n’est plus sage que nous, dit l’abeille ; nous seules avons des lois et une république bien policée ; nous ne cueillons que des fleurs odoriférantes ; nous ne faisons que du miel délicieux, qui égale le nectar. Ôte-toi de ma présence, vilaine mouche importune, qui ne fait que bourdonner et chercher ta vie sur les ordures. — Nous vivons comme nous pouvons, répondit la mouche ; la pauvreté n’est pas un vice, mais la colère en est un grand. Vous faites du miel qui est doux, mais votre cœur est toujours amer : vous êtes sages dans vos lois, mais emportées dans votre conduite. Votre colère, qui pique vos ennemis, vous donne la mort, et votre folle cruauté vous fait plus de mal qu’à personne. Il vaut mieux avoir des qualités moins écrasantes, avec plus de modération. »

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    Fénelon

    Fénelon

    @fenelon

    Le chat et les lapins Un chat, qui faisait le modeste, était entré dans une garenne peuplée de lapins. Aussitôt toute la république alarmée ne songea qu’à s’enfoncer dans ses trous. Comme le nouveau venu était au guet auprès d’un terrier, les députés de la nation lapine, qui avaient vu ses terribles griffes, comparurent dans l’endroit le plus étroit de l’entrée du terrier, pour lui demander ce qu’il prétendait. Il protesta d’une voix douce qu’il voulait seulement étudier les mœurs de la nation, qu’en qualité de philosophe il allait dans tous les pays pour s’informer des coutumes de chaque espèce d’animaux. Les députés, simples et crédules, retournèrent dire à leurs frères que cet étranger, si vénérable par son maintien modeste et par sa majestueuse fourrure, était un philosophe, sobre, désintéressé, pacifique, qui voulait seulement rechercher la sagesse de pays en pays, qu’il venait de beaucoup d’autres lieux où il avait vu de grandes merveilles, qu’il y aurait bien du plaisir à l’entendre, et qu’il n’avait garde de croquer les lapins, puisqu’il croyait en bon Bramin la métempsycose, et ne mangeait d’aucun aliment qui eût eu vie. Ce beau discours toucha l’assemblée. En vain un vieux lapin rusé, qui était le docteur de la troupe, représenta combien ce grave philosophe lui était suspect : malgré lui on va saluer le Bramin, qui étrangla du premier salut sept ou huit de ces pauvres gens. Les autres regaignent leurs trous, bien effrayés et bien honteux de leur faute. Alors dom Mitis revint à l’entrée du terrier, protestant, d’un ton plein de cordialité, qu’il n’avait fait ce meurtre que malgré lui, pour son pressant besoin, que désormais il vivrait d’autres animaux et ferait avec eux une alliance éternelle. Aussitôt les lapins entrent en négociation avec lui, sans se mettre néanmoins à la portée de sa griffe. La négociation dure, on l’amuse. Cependant un lapin des plus agiles sort par les derrières du terrier, et va avertir un berger voisin, qui aimait à prendre dans un lacs de ces lapins nourris de genièvre. Le berger, irrité contre ce chat exterminateur d’un peuple si utile, accourt au terrier avec un arc et des flèches. Il aperçoit le chat qui n’était attentif qu’à sa proie. Il le perce d’une de ses flèches, et le chat expirant dit ces dernières paroles : « Quand on a une fois trompé, on ne peut plus être cru de personne ; on est haï, craint, détesté, et on est enfin attrapé par ses propres finesses. »

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    Fénelon

    Fénelon

    @fenelon

    Le lièvre qui fait le brave Un Lièvre, qui était honteux d’être poltron, cherchait quelque occasion de s’aguerrir. Il allait quelquefois par un trou d’une haie dans les choux du jardin d’un paysan, pour s’accoutumer au bruit du village. Souvent même il passait assez près de quelques mâtins, qui se contentaient d’aboyer après lui. Au retour de ces grandes expéditions, il se croyait plus redoutable qu’Alcide après tous ses travaux. On dit même qu’il ne rentrait dans son gîte qu’avec des feuilles de laurier, et faisait l’ovation. Il vantait ses prouesses à ses compères les Lièvres voisins. Il représentait les dangers qu’il avait courus, les alarmes qu’il avait données aux ennemis, les ruses de guerre qu’il avait faites en expérimenté capitaine, et surtout son intrépidité héroïque. Chaque matin, il remerciait Mars et Bellone de lui avoir donné des talents et un courage pour dompter toutes les nations à longues oreilles. Jean Lapin, discourant un jour avec lui, lui dit d’un ton moqueur : « Mon ami, je te voudrais voir avec cette belle fierté au milieu d’une meute de chiens courants. Hercule fuirait bien vite, et ferait une laide contenance. — Moi, répondit notre preux chevalier, je ne reculerais pas quand toute la gent chienne viendrait m’attaquer. » À peine eût-il parlé, qu’il entendit un petit tournebroche d’un fermier voisin, qui glapissait dans les buissons assez loin de lui. Aussitôt il tremble, il frissonne. il a la fièvre, ses yeux se troublent, comme ceux de Paris quand il vit Ménélas qui venait ardemment contre lui. Il se précipite d’un rocher escarpé dans une profonde vallée, où il pensa se noyer dans un ruisseau. Jean Lapin, le voyant faire le saut, s’écria de son terrier : « Le voilà, ce foudre de guerre! Le voilà, cet Hercule qui doit purger la terre de tous les monstres dont elle est pleine ! »

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    L'alouette et ses petits avec le maître d'un champ Ne t'attends qu'à toi seul, c'est un commun Proverbe. Voici comme Esope le mit En crédit. Les Alouettes font leur nid Dans les blés, quand ils sont en herbe, C'est-à-dire environ le temps Que tout aime et que tout pullule dans le monde : Monstres marins au fond de l'onde, Tigres dans les Forêts, Alouettes aux champs. Une pourtant de ces dernières Avait laissé passer la moitié d'un Printemps Sans goûter le plaisir des amours printanières. A toute force enfin elle se résolut D'imiter la Nature, et d'être mère encore. Elle bâtit un nid, pond, couve, et fait éclore A la hâte ; le tout alla du mieux qu'il put. Les blés d'alentour mûrs avant que la nitée Se trouvât assez forte encor Pour voler et prendre l'essor, De mille soins divers l'Alouette agitée S'en va chercher pâture, avertit ses enfants D'être toujours au guet et faire sentinelle. Si le possesseur de ces champs Vient avecque son fils (comme il viendra), dit-elle, Ecoutez bien ; selon ce qu'il dira, Chacun de nous décampera. Sitôt que l'Alouette eut quitté sa famille, Le possesseur du champ vient avecque son fils. Ces blés sont mûrs, dit-il : allez chez nos amis Les prier que chacun, apportant sa faucille, Nous vienne aider demain dès la pointe du jour. Notre Alouette de retour Trouve en alarme sa couvée. L'un commence : Il a dit que l'Aurore levée, L'on fit venir demain ses amis pour l'aider... - S'il n'a dit que cela, repartit l'Alouette, Rien ne nous presse encor de changer de retraite ; Mais c'est demain qu'il faut tout de bon écouter. Cependant soyez gais ; voilà de quoi manger. Eux repus, tout s'endort, les petits et la mère. L'aube du jour arrive ; et d'amis point du tout. L'Alouette à l'essor, le Maître s'en vient faire Sa ronde ainsi qu'à l'ordinaire. Ces blés ne devraient pas, dit-il, être debout. Nos amis ont grand tort, et tort qui se repose Sur de tels paresseux à servir ainsi lents. Mon fils, allez chez nos parents Les prier de la même chose. L'épouvante est au nid plus forte que jamais. Il a dit ses parents, mère, c'est à cette heure... - Non, mes enfants dormez en paix ; Ne bougeons de notre demeure. L'Alouette eut raison, car personne ne vint. Pour la troisième fois le Maître se souvint De visiter ses blés. Notre erreur est extrême, Dit-il, de nous attendre à d'autres gens que nous. Il n'est meilleur ami ni parent que soi-même. Retenez bien cela, mon fils ; et savez-vous Ce qu'il faut faire ? Il faut qu'avec notre famille Nous prenions dès demain chacun une faucille : C'est là notre plus court, et nous achèverons Notre moisson quand nous pourrons. Dès lors que ce dessein fut su de l'Alouette : C'est ce coup qu'il est bon de partir, mes enfants. Et les petits, en même temps, Voletants, se culebutants, Délogèrent tous sans trompette.

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    L'hirondelle et les petits oiseaux Une Hirondelle en ses voyages Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu Peut avoir beaucoup retenu. Celle-ci prévoyait jusqu'aux moindres orages, Et devant qu'ils fussent éclos, Les annonçait aux Matelots. Il arriva qu'au temps que le chanvre se sème, Elle vit un manant en couvrir maints sillons. "Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux Oisillons : Je vous plains ; car pour moi, dans ce péril extrême, Je saurai m'éloigner, ou vivre en quelque coin. Voyez-vous cette main qui par les airs chemine ? Un jour viendra, qui n'est pas loin, Que ce qu'elle répand sera votre ruine. De là naîtront engins à vous envelopper, Et lacets pour vous attraper, Enfin mainte et mainte machine Qui causera dans la saison Votre mort ou votre prison : Gare la cage ou le chaudron ! C'est pourquoi, leur dit l'Hirondelle, Mangez ce grain; et croyez-moi. " Les Oiseaux se moquèrent d'elle : Ils trouvaient aux champs trop de quoi. Quand la chènevière fut verte, L'Hirondelle leur dit : "Arrachez brin à brin Ce qu'a produit ce maudit grain, Ou soyez sûrs de votre perte. - Prophète de malheur, babillarde, dit-on, Le bel emploi que tu nous donnes ! Il nous faudrait mille personnes Pour éplucher tout ce canton. " La chanvre étant tout à fait crue, L'Hirondelle ajouta : "Ceci ne va pas bien ; Mauvaise graine est tôt venue. Mais puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien, Dès que vous verrez que la terre Sera couverte, et qu'à leurs blés Les gens n'étant plus occupés Feront aux oisillons la guerre ; Quand reginglettes et réseaux Attraperont petits Oiseaux, Ne volez plus de place en place, Demeurez au logis, ou changez de climat : Imitez le Canard, la Grue, et la Bécasse. Mais vous n'êtes pas en état De passer, comme nous, les déserts et les ondes, Ni d'aller chercher d'autres mondes ; C'est pourquoi vous n'avez qu'un parti qui soit sûr : C'est de vous renfermer aux trous de quelque mur. " Les Oisillons, las de l'entendre, Se mirent à jaser aussi confusément Que faisaient les Troyens quand la pauvre Cassandre Ouvrait la bouche seulement. Il en prit aux uns comme aux autres : Maint oisillon se vit esclave retenu. Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres, Et ne croyons le mal que quand il est venu.

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    La fôret et le bûcheron Un bûcheron venait de rompre ou d'égarer Le bois dont il avait emmanché sa cognée. Cette perte ne put sitôt se réparer Que la forêt n'en fût quelque temps épargnée. L'homme enfin la prie humblement De lui laisser tout doucement Emporter une unique branche, Afin de faire un autre manche : Il irait employer ailleurs son gagne-pain ; Il laisserait debout maint chêne et maint sapin Dont chacun respectait la vieillesse et les charmes. L'innocente forêt lui fournit d'autres armes. Elle en eut du regret. Il emmanche son fer. Le misérable ne s'en sert Qu'à dépouiller sa bienfaitrice De ses principaux ornements. Elle gémit à tous moments : Son propre don fait son supplice. Voilà le train du monde et de ses sectateurs ; On s'y sert du bienfait contre les bienfaiteurs. Je suis las d'en parler ; mais que de doux ombrages Soient exposés à ces outrages, Qui ne se plaindrait là-dessus ? Hélas ! j'ai beau crier et me rendre incommode : L'ingratitude et les abus N'en seront pas moins à la mode.

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

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    La grenouille et le rat Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autrui, Qui souvent s'engeigne soi-même. J'ai regret que ce mot soit trop vieux aujourd'hui : Il m'a toujours semblé d'une énergie extrême. Mais afin d'en venir au dessein que j'ai pris, Un rat plein d'embonpoint, gras, et des mieux nourris, Et qui ne connaissait l'Avent ni le Carême, Sur le bord d'un marais égayait ses esprits. Une Grenouille approche, et lui dit en sa langue : Venez me voir chez moi, je vous ferai festin. Messire Rat promit soudain : Il n'était pas besoin de plus longue harangue. Elle allégua pourtant les délices du bain, La curiosité, le plaisir du voyage, Cent raretés à voir le long du marécage : Un jour il conterait à ses petits-enfants Les beautés de ces lieux, les moeurs des habitants, Et le gouvernement de la chose publique Aquatique. Un point sans plus tenait le galand empêché : Il nageait quelque peu ; mais il fallait de l'aide. La Grenouille à cela trouve un très bon remède : Le Rat fut à son pied par la patte attaché ; Un brinc de jonc en fit l'affaire. Dans le marais entrés, notre bonne commère S'efforce de tirer son hôte au fond de l'eau, Contre le droit des gens, contre la foi jurée ; Prétend qu'elle en fera gorge-chaude et curée ; (C'était, à son avis, un excellent morceau). Déjà dans son esprit la galande le croque. Il atteste les Dieux ; la perfide s'en moque. Il résiste ; elle tire. En ce combat nouveau, Un Milan qui dans l'air planait, faisait la ronde, Voit d'en haut le pauvret se débattant sur l'onde. Il fond dessus, l'enlève, et, par même moyen La Grenouille et le lien. Tout en fut ; tant et si bien, Que de cette double proie L'oiseau se donne au coeur joie, Ayant de cette façon A souper chair et poisson.

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    Jean de La Fontaine

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    La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf Une grenouille vit un boeuf Qui lui sembla de belle taille. Elle qui n’était pas grosse en tout comme un œuf Envieuse s’étend, et s’enfle, et se travaille Pour égaler l’animal en grosseur, Disant : Regardez bien, ma soeur ; Est-ce assez ? dites-moi ; n’y suis-je point encore ? – Nenni. – M’y voici donc ? – Point du tout. – M’y voilà ? – Vous n’en approchez point. La chétive pécore S’enfla si bien qu’elle creva. Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages : Tout Bourgeois veut bâtir comme les grands Seigneurs, Tout petit Prince a des Ambassadeurs, Tout Marquis veut avoir des Pages. Jean de La Fontaine  

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    Jean de La Fontaine

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    La mort et le bûcheron Un pauvre Bûcheron tout couvert de ramée, Sous le faix du fagot aussi bien que des ans Gémissant et courbé marchait à pas pesants, Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée. Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur, Il met bas son fagot, il songe à son malheur. Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ? En est-il un plus pauvre en la machine ronde ? Point de pain quelquefois, et jamais de repos. Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts, Le créancier, et la corvée Lui font d'un malheureux la peinture achevée. Il appelle la mort, elle vient sans tarder, Lui demande ce qu'il faut faire C'est, dit-il, afin de m'aider A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère. Le trépas vient tout guérir ; Mais ne bougeons d'où nous sommes. Plutôt souffrir que mourir, C'est la devise des hommes.

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    La poule aux oeufs d'or L'avarice perd tout en voulant tout gagner. Je ne veux, pour le témoigner, Que celui dont la Poule, à ce que dit la Fable, Pondait tous les jours un oeuf d'or. Il crut que dans son corps elle avait un trésor. Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable A celles dont les oeufs ne lui rapportaient rien, S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien. Belle leçon pour les gens chiches : Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus Qui du soir au matin sont pauvres devenus Pour vouloir trop tôt être riches ?

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