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Michel Deguy

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Michel Deguy, né le 23 mai 1930 à Draveil et mort le 16 février 2022 à Paris 5e, est un poète, traducteur et essayiste français, fondateur et rédacteur en chef de la revue Po&sie. Il est à la fois poète et philosophe, ne séparant pas la poésie d'une pensée critique sur le monde. Il est aussi enseignant, et traverse en tant qu'enseignant la période particulièrement animée et riche en remise en cause, en milieu étudiant, de mai 1968.

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Poésies

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    Michel Deguy

    @michelDeguy

    Compléments d'objets Ne me laisse pas ignorer où tu seras Lis-moi le brouillon planétaire Est-ce que je te commis connaissant tes objets Les pétales de flainme de ta flamme et de son omphalos Ton odeur ton nom ton âge tes commissures Par tes capillaires, je bats, les tiges, faisceau de pouls, verge Ton élégance tes récits tes bas tes couleurs Talanguis la rose de quelqu'une le roman Tes bijoux tes bleus tes cils la montre La proximité est notre dimension Tes lobes ta voix tes lèvres tes lettres Ne me laisse pas ignorer où tu es Le rouleau gris ensable notre baie

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    Hiver L'hiver comme une grange sonore les chiens s'y répondent. Face morte du jardin ; et nous songeons que beaucoup sont en prison. De la terre plus vite que jamais le cœur épuise le tour. Hiver, buisson de cendres. Sol mis à nu. Le clairvoyant hiver met la place au pur, borne d'une lice où peut avoir lieu entre la lumière et nous la reconnaissance. L'esprit regarde, le monde est sa passion; il ne peut, ne sait, ne veut le quiller des yeux. Toute la terre notre idole, chiffre de sa profusion toute étalée, splendeur qui parle de soi. Parfois les yeux chavirent en suivant le cœur où frappe soudain il ne sait encore quelle image, plus pâle qu'une flamme. Stagnante l'eau, mais l'arbre pousse. Son imminence la mort; elle est le lendemain; pour tout sourire l'échéance, pour toute tendresse son revirement. Nous repassions par les mêmes sévices, par les mêmes jours, comme on repasse par la même mer. En foule, gens de peau, et comme un animal en somme inlassable. Ame injectée de sang, que veux-tu ce matin? Longuement de silence. Le jour de vie l'espace ne manquera pas. Nous aurons fait peau neuve et serons hommes autant que pierre l'épaule de silex où ruissellera la rivière.

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    Jeune fille La jeune fille démarre Bougeant l'air comme un cheval Ou calme couchée Les seins ensablés Comme une ancienne barque dans la grève

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    L'esprit de Poésie Toute figure est figure de pensée... Une figure est celle du dieu de poésie Qui se glisse dans la forme de cette figure En ressemblant à s'y méprendre à cet hôte qui l'accueille Pour y féconder Alcmène la poésie L'esprit de poésie : un défieur de dieux qui invoque : « qu'est-ce que vous attendez ? ! » Cette durée ne peut pas durer ! Il faut que l'interminable soit ponctué ; qu'il y ait de l'interruption, du contour, de l'apparition, de la finition ! Venez. J'expose la peau ocellée d'Argus, une cotte de synonymes : Protée, montre-toi que je te reconnaisse multiple, que je t'épèle à grande vitesse ! L'esprit de poésie compare l'ogre égarant ses enfants à la «forêt obscure» où Dante commençait par se perdre; il perd les «significations admises», tout ce qui s'énonçait vite, ne demandait qu'à être identifié (et sans doute vaudrait-il mieux être égaré par une puissance que prendre les devants par jeu, mais enfin il faut bien que quelqu'un commence) ; l'affaire ordinaire, le patent, l'envoyé loyal, le message escompté, il s'en impatiente ! Le trompeur authentique, le déguisé, le fourbe de comédie, celui que le public a démasqué d'entrée de jeu ne lui suffit pas. Mais où est le dieu ? Dans les tragédies, le dieu ? Celui qui est autre qu'on croit, non par férocité mais parce qu'on ne pourrait l'accueillir, l'excessif, qui éclipserait. Ou alors il y aurait deux dissimulations, et la première, sympathique et remédiable, pour nous préparer à l'autre, « tragique » ? Celui qui est et n'est pas — ce qu'il est. Et les dieux ont appris aux hommes par les arts à recevoir, à pouvoir recevoir, toute chose comme un dieu, pour ce qu'elle est en étant autre (en excès, en à-côté), autre que ce que c'est qui la comporte, dans quoi elle vient; en étant comme cela qui s'annonce, c'est-à-dire irréductible à cela qu'elle paraît : masqué par son apparaître, par son être-vrai même. L'artiste apprend à ménager, d'un rapport indirect, le « dieu inconnu » en tout. Le dieu est ce qui remplit la forme humaine, parfois trop humble comme Déméter, en retrait dans le visible, pour suggérer l'inégalité de la visibilité à l'être, la « différence de l'être et de l'étant » ? Ainsi est-ce l'épreuve par tout : reconnaître le dieu. Il s'agit de ce qui excéderait la vie dans la vie, le dieu amour, « promis à tous », en tout cas à toi, à toi, à toi... C'est ton tour. Et si tu ne l'accueilles pas en quelque mode, tant pis pour toi, « tu auras vécu en vain ». Même la comédie murmure «c'est votre affaire», de le reconnaître dans ce valet, ce double, cette erreur, cette coquette. Il n'est pas réservé aux Princes de la tragédie ; il ne s'agit pas que de mourir.

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    L'été Le jour roule sur le chant des tourterelles. La bourrasque au bruit d'edredon livre le ciel au soleil. L'âme se défroisse sur le lit des os. Le pont-levis du chemin s'abaisse vers la mer ; hors du manoir des pins suis allé demander le poème des dunes, entre l'écume et le maïs. Etape aux portes des champs; le vent la lève, il faut partir. Un courlis prisonnier du roncier crie comme un courlis blessé. Echos de lumière sous le verger roman ; frisson de joie dans la volière des trembles ; le pommier met ses boucles d'oreille ; les bleuets montent sur les barricades ; la rivière passe sous les fleurs. Des colombes s'abattent : flocons de la lune pâle à midi. Je vois les papillons papillonner à la rencontre. Pin et chêne je les entends s'essouffler l'un vers l'autre; partout deux mains tentent de se rejoindre. La lumière prend feu aux ardoises, qui la concentrent vers la terre : foyer du village aux quatre temps. La nuit le toit doublera l'ombre.

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    Le dîner de Vénus a Port-La-Galère A Vénus Khoury-Ghata Vénus, aux tard venus Ton bijou pendait sous les palmes d'août La systole rouge de Régulus entre les pieds du Lion Donnait le pouls de l'horizon Véga cloutait le zénith bleu Tu cherchais la polaire en vain La chaise cassée de Cassiopée tu La rangeas en paix où je te dis sur les terrasses Et je sortis de ton coffret Comme l'assistant du prestidigitateur La Couronne et Déneb la triangulaire Ton cœur de salade fila dans ma bouche J'ai lu pour toi encore Arcturus et les Ourses Avec des rimes et cette ligne mieux venue J'aurais pu faire ton sonnet, Vénus Tout Polyphonix échoua down town aux portes de la veuve de Max Ernst « The party is over » Il fallait remonter Mais à New York Gherassim Luca perdait l'orie: Nous prîmes un express tardif et ressortâmes où il ne fallait pas, e et Fifth, à peu près « On the dark side you are » dit le taxi portoricain A deux heures un dernier bar open on Amsterdam mais rien que du bourbon et des nuts Et à trois heures Gherassim ne savait toujours pas de quel collège de Columbia il était l'hôte J'ai un portrait de lui polaroïd contre la grille du Réservoir un large chapeau noir éclaire son sourire souriant J'écris avec un crayon rouge de la Bodleian Library Acheté en même temps que la carte postale Aussitôt envoyée à Jacques Derrida Avec Jacques Roubaud rios voyages ne sont pas finis De Nashville à La Nouvelle-Orléans il a le détail dans son carnet T.W. Bundy nous montra des factures de Baudelaire La barge à touristes fit circuler le Mississippi A Cambridge nous avons lu John Montague posait sa fiole sur la table A Barcelone le sereno d'hôtel intervertit nos passeports et nous avons quitté l'Espagne léthargiquement chacun sous l'identité de l'autre C'est Jacques qui s'en est aperçu Repartant pour Oslo il me téléphone Il en rit volontiers et me dit L'an prochain Il faudrait que tu viennes à Oslo

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    Le traître Les grands vents féodaux courent la terre. Poursuite pure ils couchent les blés, délitent les fleuves, effeuillent chaume et ardoises, seigneurs, et le peuple des hommes leur tend des pièges de tremble, érige des pals de cyprès, jette des grilles de bambou en travers de leurs pistes, et leur opposent de hautes éoliennes. Le poète est le traître qui ravitaille l'autan, il rythme sa course et la presse avec ses lyres, lui montre des passages de lisière et de cols

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    Michel Deguy

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    Pour aimer Le plus proche étranger : toi-même. D'autres ne sont pas assez près pour paraître en toute étrangeté. C'est pourquoi tu préfères la connivence de ton silence. C'est pour attendre qu'y naisse l'espace inti-mior intimo meo, en l'absence duquel rien ne pourrait jamais être dit proche de ton cœur. Place au secret enfin Pour accueillir les prémices de l'échange Et que très près homme et femme Hermaphrodite dédoublé Soient à partir du même capables de s'aimer

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    Sourire Quand je la croise sur son visage Sur son visage comme sur les nôtres Sur leurs visages il y a Des restes de la rencontre précédente

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