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Théodore Agrippa d'Aubigné

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Théodore Agrippa d'Aubigné, né d’Aubigny le 8 février 1552 au château de Saint-Maury près de Pons, et mort le 9 mai 1630 à Genève, est un homme de guerre, écrivain controversiste et poète baroque français. Il est notamment connu pour Les Tragiques, poème héroïque racontant les persécutions subies par les protestants. Calviniste intransigeant, il soutient sans relâche le parti protestant, se mettant souvent en froid avec le roi Henri de Navarre, dont il fut l'un des principaux compagnons d'armes. Après la conversion de celui-ci, il rédigea des textes qui avaient pour but d'accuser Henri IV de trahison envers l'Église. Chef de guerre, il s'illustra par ses exploits militaires et son caractère emporté et belliqueux. Ennemi acharné de l'Église romaine, critique vis-à-vis de la cour de France et souvent mal disposé à l'égard des princes, il s'illustra par son attachement farouche à la France protestante.

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Poésies

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    @theodoreAgrippaDaubigne

    A l’éclair violent de ta face divine A l’éclair violent de ta face divine, N’étant qu’homme mortel, ta céleste beauté Me fit goûter la mort, la mort et la ruine Pour de nouveau venir à l’immortalité. Ton feu divin brûla mon essence mortelle, Ton céleste m’éprit et me ravit aux Cieux, Ton âme était divine et la mienne fut telle : Déesse, tu me mis au rang des autres dieux. Ma bouche osa toucher la bouche cramoisie Pour cueillir, sans la mort, l’immortelle beauté, J’ai vécu de nectar, j’ai sucé l’ambroisie, Savourant le plus doux de la divinité. Aux yeux des Dieux jaloux, remplis de frénésie, J’ai des autels fumants comme les autres dieux, Et pour moi, Dieu secret, rougit la jalousie Quand mon astre inconnu a déguisé les Cieux. Même un Dieu contrefait, refusé de la bouche, Venge à coups de marteaux son impuissant courroux, Tandis que j’ai cueilli le baiser et la couche Et le cinquième fruit du nectar le plus doux. Ces humains aveuglés envieux me font guerre, Dressant contre le ciel l’échelle, ils ont monté, Mais de mon paradis je méprise leur terre Et le ciel ne m’est rien au prix de ta beauté.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Accourez au secours de ma mort Accourez au secours à ma mort violente, Amans, nochers experts en la peine où je suis, Vous qui avez suivi la route que je suis Et d’amour esprouvé les flots et la tourmente. Le pilote qui voit une nef perissante, En l’amoureuse mer remarquant les ennuis Qu’autrefois il risqua, tremble et luy est advis Que d’une telle fin il ne pert que l’attente. Ne venez point ici en espoir de pillage ; Vous ne pouvez tirer profit de mon naufrage : Je n’ay que des souspirs, de l’espoir, et des pleurs. Pour avoir mes souspirs les vents lèvent les armes, Pour l’air font mes espoirs volagers et menteurs, La mer me fait perir pour s’enfler de mes larmes.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Amour qui n’est qu’amour Amour qui n’est qu’amour, qui vit sans espérance, De soi-même par soi par soi-même agité, Qui naquit éternel vif à l’éternité Qui surpasse en aimant l’âme et la connaissance, Que cet amour est près de la divinité ! On dit qu’amour est feu, le feu est de deux sortes : L’un se mêle confus avec les éléments, Pour engendrer, nourrir par leurs tempéraments, L’autre assiège du Ciel tout céleste les portes, Prenant en soi la vie et tous ses mouvements. Le premier s’asservit sous les lois de la nature, Se mêle, se démêle et se perd quelquefois. Quand le vivre lui faut, l’autre n’a d’autres lois Que son cours, son esprit, son âme belle et pure, Et feu est toujours feu, sans le secours du bois. L’homme par la raison tient, augmente et possède Le feu qui n’est vrai feu, mais un bien que des dieux Le larron Promethée eut le moins précieux, L’autre qui en beauté tout le dessous excède Ne pouvant être Ciel est le plus près des Cieux. Je veux du feu terrestre et de l’élémentaire Comparer deux amours, dont l’un a pour objet Un désir, un plaisir, imparfait et abject, L’autre se mire en soi, et tout seul se veut plaire Il est la cause et fin, sa vie et son subject. Amants qui abaissez votre amour de la vue, Qui l’endormez enfant au berceau du loisir, De qui le coeur enflé engrossa de désir, Vous voyez l’espérance à la poitrine nue, Faire téter amour au lait de son plaisir. Si votre oeil fasciné un coup se défascine, Si le coeur perd sa fin ou se contente un jour, Si fortune effrayant de quelque lâche tour La nourrice d’amour a séché sa poitrine, Tout meurt, votre désir, l’espérance et l’amour. Mais ceux qui sont épris des plus célestes flammes Ne sont haussés du trop et abaissés du peu, Leur amour n’est enfant de peu de choses esmeu, Rien ne le fait mourir : En ces heureuses âmes, Sans espoir et sans bois vit l’amour et le feu. Un peu d’eau fait mourir une flamme commune. Les larmes font mourir les amours et les feux Des amants espérants, les autres amoureux Triomphent sur les pleurs, commandent la fortune Car l’eau est sous le feu comme il est sous les Cieux. Ah ! que le feu terrestre a sur soi de nuages ! Ah ! que l’autre est couvert d’une belle clarté ! Que l’un a de fumée et l’autre de beauté ! L’un sert même aux enfers, aux peines et aux rages, L’autre aux Cieux, aux plaisirs de la divinité. Pour cause, en mon amour j’aime pour ce que j’aime, J’aime sans désirer que le plaisir d’aimer, Mon âme par son âme apprend à s’animer, Je n’espère en aimant rien plus que l’amour même Et le bois de ce feu ne se peut consumer. Si on dit votre amour est simple et stérile, Sans produire, sans croître et est sans action Le feu pur est ainsi sans dépérition. S’il ne meurt point, pourquoi doit-il être fertile ? Croître et diminuer sont imperfection. Belle divinité qui mon âme a ravie En ton Ciel avec toi, mon âme a pris des yeux Pour contempler de toi le beau, le précieux, Pareil au bienheureux est son heure et sa vie, Car être au paradis, c’est contempler les dieux. Mais ne puis-je espérer de mes beaux feux estaindre ? Mais dois-je désirer d’esteindre ces beaux feux ? Non, c’est ne vouloir point le plaisir que je veux, Je ne puis le vouloir et n’oserais le craindre, Mon amour ne craint pis et n’espère rien mieux. Je vois de mon beau ciel les espérances vaines Des amants abusés, l’un ne peut s’esjouir. Possédant un défaut, l’autre ne peut fuir Le manque et l’imparfait des amitiés humaines Et l’amour sans l’espoir est plus que le jouir. Je ne désire rien, que faut-il que j’espère ? Et je n’espère rien, que puis-je désirer ? Mon amour sait ravie, et non par martyrer, Et sur mon bien parfait, qu’est-ce qui me peut plaire ? Si mon bien ne peut croître, il ne peut empirer. L’élément en hauteur surpasse toute flamme, Le feu est le plus sûr de tous les éléments, Mon âme aime plus haut que tous entendements, Il n’est rien de si beau que le beau de ma dame, Elle efface tous beau, et moi tous les amants.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    @theodoreAgrippaDaubigne

    Au tribunal d’amour, après mon dernier jour Au tribunal d’amour, après mon dernier jour, Mon coeur sera porté diffamé de brûlures, Il sera exposé, on verra ses blessures, Pour connaître qui fit un si étrange tour, A la face et aux yeux de la Céleste Cour Où se prennent les mains innocentes ou pures ; Il saignera sur toi, et complaignant d’injures Il demandera justice au juge aveugle Amour : Tu diras : C’est Vénus qui l’a fait par ses ruses, Ou bien Amour, son fils : en vain telles excuses ! N’accuse point Vénus de ses mortels brandons, Car tu les as fournis de mèches et flammèches, Et pour les coups de trait qu’on donne aux Cupidons Tes yeux en sont les arcs, et tes regards les flèches.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    @theodoreAgrippaDaubigne

    Aupres de ce beau teint Auprès de ce beau teint, le lys en noir se change, Le lait est basané auprès de ce beau teint, Du cygne la blancheur auprès de vous s'éteint Et celle du papier où est votre louange. Le sucre est blanc, et lorsqu'en la bouche on le range Le goût plait, comme fait le lustre qui le peint. Plus blanc est l'arsenic, mais c'est un lustre feint, Car c'est mort, c'est poison à celui qui le mange. Votre blanc en plaisir teint ma rouge douleur, Soyez douce du goût, comme belle en couleur, Que mon espoir ne soit démenti par l'épreuve, Votre blanc ne soit point d'aconite noirci, Car ce sera ma mort, belle, si je vous trouve Aussi blanche que neige, et froide tout ainsi.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Bien que la guerre soit âpre Bien que la guerre soit âpre, fière et cruelle Et qu'un douteux combat dérobe la douceur, Que de deux camps mêlés l'une et l'autre fureur Perde son espérance, et puis la renouvelle, Enfin, lors que le champ par les plombs d'une grêle Fume d'âmes en haut, ensanglanté d'horreur, Le soldat déconfit s'humilie au vainqueur, Forçant à jointes mains une rage mortelle. Je suis porté par terre, et ta douce beauté Ne me peut faire croire en toi la cruauté Que je sens au frapper de ta force ennemie : Quand je te crie merci, je me mets à raison, Tu ne veux me tuer, ni m'ôter de prison Ni prendre ma rançon, ni me donner la vie.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Ce doux hiver qui égale ses jours Ce doux hiver qui égale ses jours A un printemps, tant il est aimable, Bien qu’il soit beau, ne m’est pas agréable, J’en crains la queue, et le succès toujours. J’ai bien appris que les chaudes amours, Qui au premier vous servent une table Pleine de sucre et de mets délectable, Gardent au fruit leur amer et leurs tours. Je vois déjà les arbres qui boutonnent En mille noeuds, et ses beautés m’étonnent, En une nuit ce printemps est glacé, Ainsi l’amour qui trop serein s’avance, Nous rit, nous ouvre une belle apparence, Est né bien tôt bien tôt effacé.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Ce qui a esgalé aux cheveulx de la terre Ce qui a esgalé aux cheveulx de la terre Les tours et les chasteaux qui transpercent les cieux, Ce qui a renversé les palais orgueilleux, Les sceptres indomptez eslevez par la guerre, Ce n’est pas l’ennemy qui un gros camp asserre, Menace et vient de loin redouté, furieux : Ce sont les citoyens, esmeuz, armés contr’eux, Le bourgeois mutiné qui soy mesme s’enferre. Tous mes autres haineux m’attaquans n’avoyent peu Consommer mon espoir, comme sont peu à peu Le débat de mes sens, mon courage inutile, Mes souspirs eschauffez, mes desirs insolents, Mes regrets impuissants, mes sanglots violents, Qui font de ma raison une guerre civile.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Combattu des vents et des flots Combattu des vents et des flots, Voyant tous les jours ma mort preste Et abayé d’une tempeste D’ennemis, d’aguets, de complots, Me resveillant à tous propos, Mes pistolles dessoubs ma teste, L’amour me fait faire le poete, Et les vers cerchent le repos. Pardonne moy, chere Maistresse, Si mes vers sentent la destresse, Le soldat, la peine et l’esmoy : Car depuis qu’en aimant je souffre, II faut qu’ils sentent comme moy La poudre, la mesche, et le souffre.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Complainte à sa dame Ne lisez pas ces vers, si mieux vous n’aimez lire Les escrits de mon coeur, les feux de mon martyre : Non, ne les lisez pas, mais regardez aux Cieux, voyez comme ils ont joint leurs larmes à mes larmes, Oyez comme les vents pour moy levent les armes, A ce sacré papier ne refusez vos yeux. Boute-feux dont l’ardeur incessamment me tuë, Plus n’est ma triste voix digne if estre entenduë : Amours, venez crier de vos piteuses voix Ô amours esperdus, causes de ma folie, Ô enfans insensés, prodigues de ma vie, Tordez vos petits bras, mordez vos petits doigts. Vous accusez mon feu, vous en estes l’amorce, Vous m’accusez d’effort, et je n’ay point de force, Vous vous plaignez de moy, et de vous je me plains, Vous accusez la main, et le coeur luy commande, L’amour plus grand au coeur, et vous encor plus grande, Commandez à l’amour, et au coeur et aux mains. Mon peché fut la cause , et non pas l’entreprendre; Vaincu, j’ay voulu vaincre, et pris j’ay voulu prendre. Telle fut la fureur de Scevole Romain : Il mit la main au feu qui faillit à l’ouvrage, Brave en son desespoir, et plus brave en sa rage, Brusloit bien plus son coeur qu’il ne brusloit sa main. Mon coeur a trop voulu, ô superbe entreprise, Ma bouche d’un baiser à la vostre s’est prise, Ma main a bien osé toucher à vostre sein, Qu’eust -il après laissé ce grand coeur d ‘entreprendre, Ma bouche vouloit l’ame à vostre bouche rendre, Ma main sechoit mon coeur au lieu de vostre sein.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Contre la présence réelle N’est-ce point sans raison que ces champis désirent Etre sur les humains respectés en tous lieux, Car ils sont demi-dieux, puisque leurs pères tirent Leur louable excrément de substance des Dieux. Et si vous adorez un ciboire pour être Logis de votre Dieu, vous devez, sans mentir, Adorer ou le ventre ou bien le cul d’un Prêtre, Quand ce Dieu même y loge et est prêt d’en sortir. Tout ce que tient le Prêtre en sa poche, en sa manche, En sa braguette est saint et de plus je vous dis Qu’en ayant déjeuné de son Dieu le dimanche, Vous devez adorer son étron du lundi. Trouvez-vous cette phrase et dure et messéante ? Le prophète Esaïe en traitant de ce point En usait, appelant vos Dieux Dieux de fiente, Or digérez le tout et ne m’en laissez point.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Déjà la terre avait avorté la verdure Desja la terre avait avorté la verdure Par les sillons courbez, lors qu'un fascheux hyver Dissipe les beautez, et à son arriver S'accorde en s'opposant au vouloir de nature, Car le froid enuieux que le bled vert endure, Et le neige qui veut en son sein le couver, S'oppose à son plaisir affin de le sauver, Et pour en le sauvant luy donner nourriture. Les espoirs de l'amour sont les bleds verdissantz, Le desdain, les courroux sont frimatz blanchissantz : Comme du temps fascheux s'esclost un plus beau jour, Soubz l'ombre du refus la grâce se réserve, La beauté du printemps soubz le froid se conserve, L'ire des amoureux est reprise d'amour.

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    En un petit esquif esperdu, malheureux En un petit esquif esperdu, malheureux, Exposé à l’horreur de la mer enragee, Je disputoy’ le sort de ma vie engagee Avecq’ les tourbillons des bises outrageux. Tout accourt à ma mort : Orion pluvieux Creve un déluge espais, et ma barque chargee De flotz avecq’ ma vie estait my submergee, N’ayant autre secours que mon cry vers les Cieux. Aussitost mon vaisseau de peur et d’ondes vuide Reçeut à mon secours le couple Tindaride, Secours en desespoir, oportun en destresse ; En la Mer de mes pleurs porté d’un fraile corps, Au vent de mes souspirs pressé de mille morts, J’ay veu l’astre beçon des yeux de ma Deesse.

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    Extase Ainsi l’amour du Ciel ravit en ces hauts lieux Mon âme sans la mort, et le corps en ce monde Va soupirant çà bas à liberté seconde De soupirs poursuivant l’âme jusques aux Cieux. Vous courtisez le Ciel, faibles et tristes yeux, Quand votre âme n’est plus en cette terre ronde : Dévale, corps lassé, dans la fosse profonde, Vole en ton paradis, esprit victorieux. Ô la faible espérance, inutile souci, Aussi loin de raison que du Ciel jusqu’ici, Sur les ailes de foi délivre tout le reste. Céleste amour, qui as mon esprit emporté, Je me vois dans le sein de la Divinité, Il ne faut que mourir pour être tout céleste.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Inscription pour une fontaine Vois-tu, passant, couler cette onde Et s’écouler incontinent ? Ainsi fuit la gloire du monde, Et rien que Dieu n’est permanent.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    @theodoreAgrippaDaubigne

    Je brûle avec mon âme et mon sang rougissant Je brûle avec mon âme et mon sang rougissant Cent amoureux sonnets donnés pour mon martyre, Si peu de mes langueurs qu’il m’est permis d’écrire Soupirant un Hécate, et mon mal gémissant. Pour ces justes raisons, j’ai observé les cent : A moins de cent taureaux on ne fait cesser l’ire De Diane en courroux, et Diane retire Cent ans hors de l’enfer les corps sans monument. Mais quoi ? puis-je connaître au creux de mes hosties, A leurs boyaux fumants, à leurs rouges parties Ou l’ire, ou la pitié de ma divinité ? Ma vie est à sa vie, et mon âme à la sienne, Mon coeur souffre en son coeur. La Tauroscytienne Eût son désir de sang de mon sang contenté.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    J’entreprens hardiment de te rendre eternelle J’entreprens hardiment de te rendre eternelle, Targuant de mes escripts ton nom contre la Mort, Mais en t’eternisant je ne travaille fort ; Ta perfection n’est en aucun poinct mortelle, Rien n’est mortel en toy, ta chasteté est telle Que le temps envieux ne luy peut faire tort. Tes dons, thresors du Ciel, ton nom exemptz du port Et du fleuve d’oubly ont la vie immortelle. Mesmes ce livre heureux vivra infiniment Pour ce que l’infiny sera son argument. Or je rend grâce aux Dieux de ce que j’ay servie Toute perfection de grace et de beauté, Mais je me plein’ à eux que ta sévérité, Comme sont tes vertus, aussi est infinie.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    @theodoreAgrippaDaubigne

    J’ouvre mon estomac, une tombe sanglante J’ouvre mon estomac, une tombe sanglante De maux ensevelis. Pour Dieu, tourne tes yeux, Diane, et vois au fond mon coeur parti en deux, Et mes poumons gravés d’une ardeur violente, Vois mon sang écumeux tout noirci par la flamme, Mes os secs de langueurs en pitoyable point Mais considère aussi ce que tu ne vois point, Le reste des malheurs qui saccagent mon âme. Tu me brûles et au four de ma flamme meurtrière Tu chauffes ta froideur : tes délicates mains Attisent mon brasier et tes yeux inhumains Pleurent, non de pitié, mais flambants de colère. À ce feu dévorant de ton ire allumée Ton oeil enflé gémit, tu pleures à ma mort, Mais ce n’est pas mon mal qui te déplait si fort Rien n’attendrit tes yeux que mon aigre fumée. Au moins après ma fin que ton âme apaisée Brûlant le coeur, le corps, hostie à ton courroux, Prenne sur mon esprit un supplice plus doux, Étant d’ire en ma vie en un coup épuisée.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Larmes J'ai couvert mes plaintes funèbres Sous le voile noir des ténèbres, La nuit a gardé mes ennuis, Le jour mes allégresses feintes ; Cacher ni feindre je ne puis, Pour ce que les plus longues nuits Sont trop courtes à mes complaintes. Le feu dans le cœur d'une souche A la fin lui forme une bouche, Et lui ouvre comme des yeux, Par où l'on voit et peut entendre Le brasier épris en son creux : Mais lors qu'on voit à clair ses feux, C'est lors qu'elle est demi en cendre. Au printemps, on coupe la branche. L'hiver sans danger on la tranche : Mais quand un acier sans pitié Tire le sang, qui est la sève, Lors pleurant sa morte moitié Meurt en été, de l'amitié, La branche de la branche veuve. Que l'aether soupire à ma vue, Tire mes vapeurs en la nue ; Le tison fumant de mon cœur Un pareil feu dans le ciel mette, Qui de jour cache son ardeur, La nuit, d'effroyable splendeur, Flambait au ciel un grand cornette. Plaindrai-je ma moitié ravie, De quelques moitiés de ma vie ? Non, la vie entière n'est pas Trop, pour en ces douleurs s'éteindre, Soupirer en passant le pas Par les trois fumeaux du trépas, C'est plaindre comme il faut se plaindre. Plus mes yeux asséchez ne pleurent ; Taris sans humeur, ils se meurent : L'âme la pleure, et non pas l'œil. Je prendrai le drap mortuaire Dans l'obscurité du cercueil, Les noires ombres pour mon deuil, Et pour crêpe noir le suaire.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    L’hyver Mes volages humeurs, plus sterilles que belles, S’en vont ; et je leur dis : Vous sentez, irondelles, S’esloigner la chaleur et le froid arriver. Allez nicher ailleurs, pour ne tascher, impures, Ma couche de babil et ma table d’ordures ; Laissez dormir en paix la nuict de mon hyver. D’un seul poinct le soleil n’esloigne l’hemisphere ; Il jette moins d’ardeur, mais autant de lumiere. Je change sans regrets, lorsque je me repens Des frivoles amours et de leur artifice. J’ayme l’hyver qui vient purger mon cœur de vice, Comme de peste l’air, la terre de serpens. Mon chef blanchit dessous les neiges entassées. Le soleil, qui reluit, les eschauffe, glacées, Mais ne les peut dissoudre, au plus court de ses mois. Fondez, neiges ; venez dessus mon cœur descendre, Qu’encores il ne puisse allumer de ma cendre Du brazier, comme il fit des flammes autrefois. Mais quoi ! serai-je esteint devant ma vie esteinte ? Ne luira plus sur moi la flamme vive et sainte, Le zèle flamboyant de la sainte maison ? Je fais aux saints autels holocaustes des restes, De glace aux feux impurs, et de naphte aux celestes : Clair et sacré flambeau, non funebre tison ! Voici moins de plaisirs, mais voici moins de peines. Le rossignol se taist, se taisent les Sereines. Nous ne voyons cueillir ni les fruits ni les fleurs ; L’esperance n’est plus bien souvent tromperesse, L’hyver jouit de tout. Bienheureuse vieillesse La saison de l’usage, et non plus des labeurs ! Mais la mort n’est pas loin ; cette mort est suivie D’un vivre sans mourir, fin d’une fausse vie : Vie de nostre vie, et mort de nostre mort. Qui hait la seureté, pour aimer le naufrage ? Qui a jamais esté si friant de voyage Que la longueur en soit plus douce que le port ?

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Mille baisers perdus, mille et mille faveurs Mille baisers perdus, mille et mille faveurs, Sont autant de bourreaux de ma triste pensée, Rien ne la rend malade et ne l’a offensée Que le sucre, le ris, le miel et les douceurs. Mon coeur est donc contraire à tous les autres coeurs, Mon penser est bizarre et mon âme insensée Qui fait présente encor’ une chose passée, Crevant de désespoir le fiel de mes douleurs. Rien n’est le destructeur de ma pauvre espérance Que le passé présent, ô dure souvenance Qui me fait de moi même ennemi devenir ! Vivez, amants heureux, d’une douce mémoire, Faites ma douce mort, que tôt je puisse boire En l’oubli dont j’ai soif, et non du souvenir. Théodore Agrippa d’Aubigné, L’Hécatombe à Diane

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Miséricorde, ô cieux, ô cieux impitoyables III Miséricorde, ô Cieux, ô Dieux impitoyables, Espouvantables flots, o vous palles frayeurs Qui mesme avant la mort faites mourir les cœurs. En horreur, en pitié voyez ces misérables ! Ce navire se perd, desgarny de ses cables, Ces cables ses moyens, de ses espoirs menteurs ; La voile est mise à bas, les plus fermes rigueurs D’une fiere beauté sont les rocs imployables ; Les mortels changements sont les sables mouvant, Les sanglots sont esclairs, les souspirs font les vents, Les attentes sans fruict sont escumeuses rives Où aux bords de la mer les esplorés Amours Vogans de petits bras, las et foible secours, Aspirent en nageant à faces demivives.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Nos désirs sont d’amour Nos désirs sont d’amour la dévorante braise, Sa boutique nos corps, ses flammes nos douleurs, Ses tenailles nos yeux, et la trempe nos pleurs, Nos soupirs ses soufflets, et nos sens sa fournaise. De courroux, ses marteaux, il tourmente notre aise Et sur la dureté, il rabat nos malheurs, Elle lui sert d’enclume et d’étoffe nos coeurs Qu’au feu trop violent, de nos pleurs il apaise, Afin que l’apaisant et mouillant peu à peu Il brûle d’avantage et rengrège son feu. Mais l’abondance d’eau peut amortir la flamme. Je tromperai l’enfant, car pensant m’embraser, Tant de pleurs sortiront sur le feu qui m’enflamme Qu’il noiera sa fournaise au lieu de l’arroser.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Oui, mais ainsi qu’on voit en la guerre civile Oui, mais ainsi qu’on voit en la guerre civile Les débats des plus grands, du faible et du vainqueur De leur douteux combat laisser tout le malheur Au corps mort du pays, aux cendres d’une ville, Je suis le champ sanglant où la fureur hostile Vomit le meurtre rouge, et la scythique horreur Qui saccage le sang, richesse de mon coeur, Et en se débattant font leur terre stérile. Amour, fortune, hélas ! apaisez tant de traits, Et touchez dans la main d’une amiable paix : Je suis celui pour qui vous faites tant la guerre. Assiste, amour, toujours à mon cruel tourment ! Fortune, apaise-toi d’un heureux changement, Ou vous n’aurez bientôt ni dispute, ni terre.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Pressé de désespoir, mes yeux flambants je dresse … Pressé de désespoir, mes yeux flambants je dresse À ma beauté cruelle, et baisant par trois fois Mon poignard nu, je l’offre aux mains de ma déesse, Et lâchant mes soupirs en ma tremblante voix, Ces mots coupés je presse : « Belle, pour étancher les flambeaux de ton ire, Prends ce fer en tes mains pour m’en ouvrir le sein, Puis mon cœur haletant hors de son lieu retire, Et le pressant tout chaud, étouffe en l’autre main Sa vie et son martyre. Ah dieu ! si pour la fin de ton ire ennemie Ta main l’ensevelit, un sépulcre si beau Sera le paradis de son âme ravie, Le fera vivre heureux au milieu du tombeau D’une plus belle vie ! » Mais elle fait sécher de fièvre continue Ma vie en languissant, et ne veut toutefois, De peur d’avoir pitié de celui qu’elle tue, Rougir de mon sang chaud l’ivoire de ses doigts, Et en troubler sa vue.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

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    Prière de l'auteur Prisonnier de guerre et condamné à mort. Lors que ma douleur secrète, D'un cachot aveugle jette Maint soupir empoisonné, Tu m'entends bien sans parole. Ma plainte muette vole Dans ton sein déboutonné. Je veux que mon âme suive, Ou soit libre, ou soit captive, Tes plaisirs : rien ne me chaut ; Tout plaît, pourvu qu'il te plaise. Ô Dieu ! pour me donner l'aise, Donne-moi ce qu'il me faut. Ma chair qui tient ma pensée, Sous ses clefs est abaissée, Sous la clef d'un geôlier : Dont soit en quelque manière Cette prison prisonnière, Moins rude à son prisonnier. Que si mon âme captive Est moins allègre et moins vive, Lors que ses membres germains L'enveloppent de mes peines, De mes pieds ôte mes chaînes, Et les menottes des mains. Mais si mon âme, au contraire, Fait mieux ce qu'elle veut faire Quand son ennemi pervers Pourrit au fond de ses grottes, Charge mes mains de menottes, Et mes deux jambes de fers. Si le temps de ma milice, Si les ans de mon service Sont prolongez, c'est tant mieux : Cette guerre ne m'envie, Douce me sera la vie, Et le trépas ennuyeux. Mais, Ô mon Dieu, si tu trouves Qu'il est temps qu'on me relève, Je suis tout prêt de courir, De tout quitter pour te suivre. Le mourir me sera vivre, Vivre me sera mourir.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

    Théodore Agrippa d'Aubigné

    @theodoreAgrippaDaubigne

    Prière du matin Le Soleil couronné de rayons et de flammes Redore nostre aube à son tour : Ô sainct Soleil des Saincts, Soleil du sainct amour, Perce de flesches d’or les tenebres des ames En y rallumant le beau jour. Le Soleil radieux jamais ne se courrouce, Quelque fois il cache ses yeux : C’est quand la terre exhalle en amas odieux Un voile de vapeurs qu’au devant elle pousse, En se troublant, et non les Cieux. Jesus est toujours clair, mais lors son beau visage Nous cache ses rayons si doux, Quand nos pechez fumans entre le Ciel et nous, De vices redoublez enlevent un nuage Qui noircit le Ciel de courroux. Enfin ce noir rempart se dissout et s’esgare Par la force du grand flambeau. Fuyez, pechez, fuyez : le Soleil clair et beau Vostre amas vicieux et dissipe et separe, Pour nous oster nostre bandeau. Nous ressusciterons des sepulchres funebres, Comme le jour de la nuict sort Si la premiere mort de la vie est le port, Le beau jour est la fin des espaisses tenebres, Et la vie est fin de la mort.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

    Théodore Agrippa d'Aubigné

    @theodoreAgrippaDaubigne

    Puisque le corps blessé Puisque le cors blessé, mollement estendu Sur un lit qui se courbe aux malheurs qu'il suporte Me faict venir au ronge et gouster mes douleurs, Mes membres, jouissez du repos pretendu, Tandis l'esprit lassé d'une douleur plus forte Esgalle au corps bruslant ses ardentes chaleurs. Le corps vaincu se rend, et lassé de souffrir Ouvre au dard de la mort sa tremblante poitrine, Estallant sur un lit ses misérables os, Et l'esprit, qui ne peut pour endurer mourir, Dont le feu violent jamais ne se termine, N'a moyen de trouver un lit pour son repos. Les medecins fascheux jugent diversement De la fin de ma vie et de l'ardente flamme Qui mesme fait le cors pour mon ame souffrir, Mais qui pourroit juger de l'eternel torment Qui me presse d'ailleurs ? Je sçay bien que mon ame N'a point de medecins qui la peussent guerir. Mes yeux enflez de pleurs regardent mes rideaux Cramoisis, esclatans du jour d'une fenestre Qui m'offusque la veuë, et faict cliner les yeux, Et je me resouviens des celestes flambeaux, Comme le lis vermeil de ma dame faict naistre Un vermeillon pareil à l'aurore des Cieux. Je voy mon lict qui tremble ainsi comme je fais, Je voy trembler mon ciel, le chaslit et la frange Et les soupirs des vents passer en tremblottant ; Mon esprit temble ainsi et gemist soubs le fais D'un amour plein de vent qui, muable, se change Aux vouloirs d'un cerveau plus que l'air inconstant. Puis quant je ne voy' rien que mes yeux peussent voir, Sans bastir là dessus les loix de mon martyre, Je coulle dans le lict ma pensée et mes yeux ; Ainsi puisque mon ame essaie à concevoir Ma fin par tous moyens, j'attens et je desire Mon corps en un tombeau, et mon esprit es Cieux.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

    Théodore Agrippa d'Aubigné

    @theodoreAgrippaDaubigne

    Quiconque sur les os des tombeaux effroyables… Quiconque sur les os des tombeaux effroyables Verra le triste amant, les restes misérables D’un cœur séché d’amour, et l’immobile corps Qui par son âme morte est mis entre les morts, Qu’il déplore le sort d’une âme à soi contraire, Qui pour un autre corps à son corps adversaire Me laisse examiné sans vie et sans mourir, Me fait aux noirs tombeaux après elle courir. Démons qui fréquentez des sépulcres la lame, Aidez-moi, dites-moi nouvelles de mon âme, Ou montrez-moi les os qu’elle suit adorant De la morte amitié qui n’est morte en mourant. Diane, où sont les traits de cette belle face ? Pourquoi mon oeil ne voit comme il voyait ta grâce, Ou pourquoi l’oeil de l’âme, et plus vif et plus fort, Te voit et n’a voulu se mourir en ta mort ? Elle n’est plus ici, ô mon âme aveuglée, Le corps vola au ciel quand l’âme y est allée; Mon cœur, mon sang, mes yeux, verraient entre les morts Son cœur, son sang, ses yeux, si c’était là son corps. Si tu brûle à jamais d’une éternelle flamme, A jamais je serai un corps sans toi, mon âme, Les tombeaux me verront effrayé de mes cris, Compagnons amoureux des amoureux esprits.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

    Théodore Agrippa d'Aubigné

    @theodoreAgrippaDaubigne

    Sort inique et cruel ! le triste laboureur Sort inique et cruel ! le triste laboureur Qui s’est arné le dos à suivre sa charrue, Qui sans regret semant la semence menue Prodigua de son temps l’inutile sueur, Car un hiver trop long étouffa son labeur, Lui dérobant le ciel par l’épais d’une nue, Mille corbeaux pillards saccagent à sa vue L’aspic demi pourri, demi sec, demi mort. Un été pluvieux, un automne de glace Font les fleurs, et les fruits joncher l’humide place. A ! services perdus ! A ! vous, promesses vaines ! A ! espoir avorté, inutiles sueurs ! A ! mon temps consommé en glaces et en pleurs. Salaire de mon sang, et loyer de mes peines !

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