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Voltaire

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Voltaire, de son vrai nom François-Marie Arouet, né le 21 novembre 1694 à Paris où il est mort le 30 mai 1778, est un écrivain, notamment dramaturge et poète, et un philosophe et encyclopédiste français, figure majeure de la philosophie des Lumières, jouissant de son vivant d'une célébrité internationale. Voltaire marque son époque par sa production littéraire et ses engagements politiques. Son influence sur les classes éduquées est considérable dans les décennies qui précèdent la Révolution française et au début du XIXe siècle, mais diminue par la suite du fait du triomphe du mouvement romantique, plus religieux et sérieux, dont Jean-Jacques Rousseau est plus proche. Anglomane, féru d'arts et de sciences, anticlérical mais déiste, il dénonce dans son Dictionnaire philosophique le fanatisme religieux de toutes les époques, tant en France que dans d'autres pays. Mettant sa notoriété au service des victimes de l’intolérance religieuse ou de l’arbitraire, il prend position dans des affaires qu’il a rendues célèbres : les affaires Calas, Sirven, et celles du chevalier de La Barre et du comte de Lally-Tollendal. Sur le plan politique, il est partisan d’une monarchie modérée et libérale, éclairée par les « philosophes ». Il a d'abord pour modèle le système britannique de gouvernement, issu de la révolution de 1688, mais croit aussi un moment trouver dans les « despotes éclairés » (Frédéric de Prusse et Catherine de Russie) des princes modèles. Il n'est en revanche pas favorable au régime républicain, à la différence de Rousseau, citoyen de la république de Genève. Lors du premier partage de la Pologne (la république des Deux Nations) en 1772, Rousseau soutient les Polonais, Voltaire les princes partageurs. Sa production théâtrale, ses poèmes épiques, comme La Henriade, ses œuvres historiques et surtout ses pamphlets font de lui un des écrivains français les plus connus au XVIIIe siècle. Son œuvre comprend aussi des contes, notamment Candide ou l'Optimisme, les Lettres philosophiques, le Dictionnaire philosophique et une correspondance monumentale estimée à quarante mille lettres, dont nous connaissons plus de quinze mille. Titulaire pendant quelques années d'une charge officielle d'historiographe du roi, il a publié Le Siècle de Louis XIV, Le Siècle de Louis XV et l'Essai sur les mœurs, ouvrages considérés comme les premiers essais historiques modernes. Sa Philosophie de l'histoire fait de lui le précurseur du déterminisme historique du XIXe siècle et de l'histoire culturelle au XXe siècle. Tout au long de sa vie, Voltaire fréquente les grands de ce monde et les monarques, a une attitude très ambivalente[pas clair] envers les classes populaires, mais il est aussi en butte en France aux interventions des autorités politiques, ce qui l'amène à la Bastille et le pousse un moment à l’exil en Angleterre, puis, en 1759, à s'installer à Ferney, à la frontière entre le royaume de France et la république de Genève. En 1749, après la mort d’Émilie du Châtelet, avec laquelle il a entretenu une liaison pendant quinze ans, il part pour la cour de Prusse mais, déçu dans ses espoirs d'influencer Frédéric II, il se brouille avec lui au bout de trois ans et quitte Berlin en 1753. Il se réfugie alors aux Délices, près de Genève, puis acquiert en 1759 le domaine à Ferney. Revenu à Paris en 1778, après une absence de près de vingt-huit ans, il y est ovationné par ses admirateurs et y meurt quelques semaines plus tard à 83 ans. Voltaire aime le confort, les plaisirs de la table et de la conversation qu’il considère, avec le théâtre, comme l’une des formes les plus abouties de la vie en société. Il acquiert une fortune considérable dans des opérations spéculatives, surtout la vente d'armes, et dans la vente de ses ouvrages, ce qui lui permet de s’installer en 1759 au château de Ferney et d'y vivre sur un grand pied, tenant table et porte ouvertes. Le pèlerinage à Ferney fait partie en 1770-1775 du périple de formation des classes supérieures européennes sympathisant avec le parti philosophique. Investissant ses capitaux, il fait du village misérable de Ferney une petite ville prospère. Généreux, d'humeur gaie, il est néanmoins chicanier et parfois féroce et mesquin avec ses adversaires comme Jean-Jacques Rousseau, Crébillon ou Lefranc de Pompignan. Les révolutionnaires de 1789, partisans de la monarchie constitutionnelle, voient en lui un précurseur, plus qu'en Rousseau, de sorte qu'il entre au Panthéon en 1791, le deuxième après Mirabeau. À l'initiative du marquis de Villette qui l'a hébergé durant son séjour à Paris, le « quai des Théatins » où l'écrivain est mort est rebaptisé « quai Voltaire ». Sa popularité est moindre auprès du gouvernement montagnard de 1793-1794 : Robespierre étant un admirateur de Rousseau. Il est célébré par la IIIe République : dès 1870, à Paris, un boulevard, une impasse et une place portent son nom, il a nourri, au XIXe siècle, les passions antagonistes des adversaires et des défenseurs de la laïcité de l’État et de l’école publique, et, au-delà, de l’esprit des Lumières[pas clair].

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Poésies

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    A Mme du Châtelet L'un des plus beaux poèmes de Voltaire, À Mme du Châtelet, est un texte d'amour qu'il a écrit pour Émilie du Châtelet. Ils se rencontrent en 1733 et elle fût pendant quinze ans sa maitresse et sa muse. Ce poème est composé de neuf quatrains en octosyllabes avec des rimes embrassées et croisées. Si vous voulez que j’aime encore, Rendez-moi l’âge des amours ; Au crépuscule de mes jours Rejoignez, s’il se peut, l’aurore. Des beaux lieux où le dieu du vin Avec l’Amour tient son empire, Le Temps, qui me prend par la main, M’avertit que je me retire. De son inflexible rigueur Tirons au moins quelque avantage. Qui n’a pas l’esprit de son âge, De son âge a tout le malheur. Laissons à la belle jeunesse Ses folâtres emportements. Nous ne vivons que deux moments : Qu’il en soit un pour la sagesse. Quoi ! pour toujours vous me fuyez, Tendresse, illusion, folie, Dons du ciel, qui me consoliez Des amertumes de la vie !

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    À Mme Lullin Hé quoi ! vous êtes étonnée Qu'au bout de quatre-vingts hivers, Ma Muse faible et surannée Puisse encor fredonner des vers ? Quelquefois un peu de verdure Rit sous les glaçons de nos champs ; Elle console la nature, Mais elle sèche en peu de temps. Un oiseau peut se faire entendre Après la saison des beaux jours ; Mais sa voix n'a plus rien de tendre, Il ne chante plus ses amours.

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    A Monsieur le chevalier de boufflers Croyez qu’un vieillard cacochyme, Chargé de soixante et douze ans, Doit mettre, s’il a quelque sens, Son âme et son corps au régime. Dieu fit la douce Illusion Pour les heureux fous du bel âge ; Pour les vieux fous l’ambition, Et la retraite pour le sage. Vous me direz qu’Anacréon, Que Chaulieu même, et Saint-Aulaire, Tiraient encor quelque chanson De leur cervelle octogénaire. Mais ces exemples sont trompeurs ; Et quand les derniers jours d’automne Laissent éclore quelques fleurs, On ne leur voit point les couleurs Et l’éclat que le printemps donne : Les bergères et les pasteurs N’en forment point une couronne. La Parque, de ses vilains doigts, Marquait d’un sept avec un trois La tête froide et peu pensante De Fleury, qui donna les lois A notre France languissante. Il porta le sceptre des rois, Et le garda jusqu’à nonante. Régner est un amusement Pour un vieillard triste et pesant, De toute autre chose incapable ; Mais vieux bel esprit, vieux amant, Vieux chanteur, est insupportable. C’est à vous, ô jeune Boufflers, A vous, dont notre Suisse admire Le crayon, la prose, et les vers, Et les petits contes pour rire ; C’est à vous de chanter Thémire, Et de briller dans un festin, Animé du triple délire Des vers, de l’amour, et du vin.

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    Aux habitants de Lyon Il est vrai que Plutus est au rang de vos dieux, Et c’est un riche appui pour votre aimable ville : Il n’est point de plus bel asile ; Ailleurs il est aveugle, il a chez vous des yeux. Il n’était autrefois que Dieu de la richesse ; Vous en faites le dieu des arts : J’ai vu couler dans vos remparts Les ondes du Pactole et les eaux du Permesse.

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    Aux manes de M. de Genonville Toi que le ciel jaloux ravit dans son printemps, Toi de qui je conserve un souvenir fidèle Vainqueur de la mort et du temps, Toi dont la perte, après dix ans, M’est encore affreuse et nouvelle ; Si tout n’est pas détruit, si sur les sombres bords Ce souffle si caché, cette faible étincelle, Cet esprit, le moteur et l’esclave du corps, Ce je ne sais quel sens qu’on nomme âme immortelle, Reste inconnu de nous, est vivant chez les morts ; S’il est vrai que tu sois, et si tu peux m’entendre, Ô mon cher Genonville, avec plaisir reçois Ces vers et ces soupirs que je donne à ta cendre, Monument d’un amour immortel comme toi. Il te souvient du temps où l’aimable Egérie, Dans les beaux jours de notre vie, Ecoutait nos chansons, partageait nos ardeurs. Nous nous aimions tous trois ; la raison, la folie, L’amour, l’enchantement des plus tendres erreurs, Tout réunissait nos trois cœurs. Que nous étions heureux ! même cette indigence, Triste compagne des beaux jours, Ne put de notre joie empoisonner le cours. Jeunes, gais, satisfaits, sans soins, sans prévoyance, Aux douceurs du présent bornant tous nos désirs, Quel besoin avions-nous d’une vaine abondance ? Ces plaisirs, ces beaux jours coulés dans la mollesse, Ces ris, enfants de l’allégresse, Sont passés avec toi dans la nuit du trépas. Le ciel, en récompense, accorde à ta maîtresse Des grandeurs et de la richesse, Appuis de l’âge mûr, éclatant embarras Faible soulagement quand on perd sa jeunesse. La fortune est chez elle où fût jadis l’amour. Les plaisirs ont leur temps ; la sagesse a son tour. L’amour s’est envolé sur l’aile du bel âge ; Mais jamais l’amitié ne fuit du cœur du sage. Nous chantons quelquefois et tes vers et les miens ; De ton aimable esprit nous célébrons les charmes ; Ton nom se mêle encore à tous nos entretiens ; Nous lisons tes écrits, nous les baignons de larmes : Loin de nous à jamais ces mortels endurcis, Indignes du beau nom, du nom sacré d’amis, Ou toujours remplis d’eux, ou toujours hors d’eux même, Au monde, à l’inconstance ardents à se livrer, Malheureux, dont le cœur ne sait pas comme on aime, Et qui n’ont point connu la douceur de pleurer !

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    L'hymen et ses liens À mon avis, l'hymen et ses liens Sont les plus grands ou des maux ou des biens. Point de milieu ; l'état du mariage Est des humains le plus cher avantage, Quand le rapport des esprits et des cœurs, Des sentiments, des goûts, et des humeurs, Serre ces nœuds tissus par la nature, Que l'amour forme et que l'honneur épure. Dieux ! quel plaisir d'aimer publiquement, Et de porter le nom de son amant ! Votre maison, vos gens, votre livrée, Tout vous retrace une image adorée ; Et vos enfants, ces gages précieux, Nés de l'amour, en sont de nouveaux nœuds. Un tel hymen, une union si chère, Si l'on en voit, c'est le ciel sur la terre. Mais tristement vendre par un contrat Sa liberté, son nom, et son état, Aux volontés d'un maître despotique, Dont on devient le premier domestique ; Se quereller ou s'éviter le jour ; Sans joie à table, et la nuit sans amour ; Trembler toujours d'avoir une faiblesse, Y succomber, ou combattre sans cesse ; Tromper son maître, ou vivre sans espoir Dans les langueurs d'un importun devoir ; Gémir, sécher dans sa douleur profonde ; Un tel hymen est l'enfer de ce monde.

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    La Bastille Or ce fut donc par un matin, sans lune, En beau printemps, un jour de Pentecôte, Qu’un bruit étrange en sursaut m’éveilla. Un mien valet, qui du soir était ivre: « Maître, dit-il, le Saint-Esprit est là; C’est lui sans doute, et j’ai lu dans mon livre Qu’avec vacarme il entre chez les gens. » Et moi de dire alors entre mes dents: « Gentil puîné de l’essence suprême, Beau Paraclet, soyez le bienvenu; N’êtes-vous pas celui qui fait qu’on aime? En achevant ce discours ingénu, Je vois paraître au bout de ma ruelle, Non un pigeon, non une colombelle, De l’Esprit saint oiseau tendre et fidèle, Mais vingt corbeaux de rapine affamés, Monstres crochus que l’enfer a formés. L’un près de moi s’approche en sycophante: Un maintien doux, une démarche lente, Un ton cafard, un compliment flatteur, Cachent le fiel qui lui ronge le coeur. « Mon fils, dit-il, la cour sait vos mérites; On prise fort les bons mots que vous dites, Vos petits vers, et vos galants écrits; Et, comme ici tout travail a son prix, Le roi, mon fils, plein de reconnaissance, Veut de vos soins vous donner récompense, Et vous accorde, en dépit des rivaux, Un logement dans un de ses châteaux. Les gens de bien qui sont à votre porte Avec respect vous serviront d’escorte; Et moi, mon fils, je viens de par le roi Pour m’acquitter de mon petit emploi. ¾ Trigaud, lui dis-je, à moi point ne s’adresse Ce beau début; c’est me jouer d’un tour: Je ne suis point rimeur suivant la cour; Je ne connais roi, prince, ni princesse; Et, si tout bas je forme des souhaits, C’est que d’iceux ne sois connu jamais. Je les respecte, ils sont dieux sur la terre; Mais ne les faut de trop près regarder: Sage mortel doit toujours se garder De ces gens-là qui portent le tonnerre. Partant, vilain, retournez vers le roi; Dites-lui fort que je le remercie De son logis; c’est trop d’honneur pour moi; Il ne me faut tant de cérémonie: Je suis content de mon bouge; et les dieux Dans mon taudis m’ont fait un sort tranquille: Mes biens sont purs, mon sommeil est facile, J’ai le repos; les rois n’ont rien de mieux. J’eus beau prêcher, et j’eus beau m’en défendre, Tous ces messieurs, d’un air doux et bénin, Obligeamment me prirent par la main: « Allons, mon fils, marchons. » Fallut se rendre, Fallut partir. Je fus bientôt conduit En coche clos vers le royal réduit Que près Saint-Paul ont vu bâtir nos pères Par Charles Cinq. O gens de bien, mes frères, Que Dieu vous gard’ d’un pareil logement! J’arrive enfin dans mon appartement. Certain croquant avec douce manière Du nouveau gîte exaltait les beautés, Perfections, aises, commodités. « Jamais Phébus, dit-il, dans sa carrière, De ses rayons n’y porta la lumière: Voyez ces murs de dix pieds d’épaisseur, Vous y serez avec plus de fraîcheur. » Puis me faisant admirer la clôture, Triple la porte et triple la serrure, Grilles, verrous, barreaux de tout côté: « C’est, me dit-il, pour votre sûreté. » Midi sonnant, un chaudeau l’on m’apporte; La chère n’est délicate ni forte: De ce beau mets je n’étais point tenté; Mais on me dit: « C’est pour votre santé; Mangez en paix, ici rien ne vous presse. » Me voici donc en ce lieu de détresse, Embastillé, logé fort à l’étroit, Ne dormant point, buvant chaud, mangeant froid, Trahi de tous, même de ma maîtresse. O Marc-René, que Caton le Censeur Jadis dans Rome eût pris pour successeur, O Marc-René, de qui la faveur grande Fait ici-bas tant de gens murmurer, Vos beaux avis m’ont fait claquemurer: Que quelque jour le bon Dieu vous le rende!

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    La crépinade Le diable un jour, se trouvant de loisir, Dit: « Je voudrais former à mon plaisir Quelque animal dont l’âme et la figure Fût à tel point au rebours de nature, Qu’en le voyant l’esprit le plus bouché Y reconnût mon portrait tout craché. » Il dit, et prend une argile ensoufrée, Des eaux du Styx imbue et pénétrée; Il en modèle un chef-d’oeuvre naissant, Pétrit son homme, et rit en pétrissant. D’abord il met sur une tête immonde Certain poil roux que l’on sent à la ronde; Ce crin de juif orne un cuir bourgeonné, Un front d’airain, vrai casque de damné; Un sourcil blanc cache un oeil sombre et louche; Sous un nez large il tord sa laide bouche. Satan lui donne un ris sardonien Qui fait frémir les pauvres gens de bien, Cou de travers, omoplate en arcade, Un dos cintré propre à la bastonnade; Puis il lui souffle un esprit imposteur, Traître et rampant, satirique et flatteur. Rien n’épargnait: il vous remplit la bête De fiel au coeur, et de vent dans la tête. Quand tout fut fait, Satan considéra Ce beau garçon, le baisa, l’admira; Endoctrina, gouverna son ouaille; Puis dit à tous: « Il est temps qu’il rimaille. Aussitôt fait, l’animal rimailla, Monta sa vielle, et Rabelais pilla; Il griffonna des Ceintures magiques, Des Adonis, des Aïeux chimériques; Dans les cafés il fit le bel esprit; Il nous chanta Sodome et Jésus-Christ; Il fut sifflé, battu pour son mérite, Puis fut errant, puis se fit hypocrite; Et, pour finir, à son père il alla. Qu’il y demeure. Or je veux sur cela Donner au diable un conseil salutaire: « Monsieur Satan, lorsque vous voudrez faire Quelque bon tour au chétif genre humain, Prenez-vous-y par un autre chemin. Ce n’est le tout d’envoyer son semblable Pour nous tenter: Crépin, votre féal, Vous servant trop, vous a servi fort mal: Pour nous damner, rendez le vice aimable. »

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    Le loup moraliste Un loup, à ce que dit l’histoire, Voulut donner un jour des leçons à son fils, Et lui graver dans la mémoire, Pour être honnête loup, de beaux et bons avis. « Mon fils, lui disait-il, dans ce désert sauvage, A l’ombre des forêts vous passez vos jours ; Vous pourrez cependant avec de petits ours Goûter les doux plaisirs qu’on permet à votre âge. Contentez-vous du peu que j’amasse pour vous, Point de larcin : menez une innocente vie ; Point de mauvaise compagnie ; Choisissez pour amis les plus honnêtes loups ; Ne vous démentez point, soyez toujours le même ; Ne satisfaites point vos appétits gloutons : Mon fils, jeûnez plutôt l’avent et le carême, Que de sucer le sang des malheureux moutons ; Car enfin, quelle barbarie, Quels crimes ont commis ces innocents agneaux ? Au reste, vous savez qu’il y va de la vie : D’énormes chiens défendent les troupeaux. Hélas ! Je m’en souviens, un jour votre grand-père Pour apaiser sa faim entra dans un hameau. Dès qu’on s’en aperçut : O bête carnassière ! Au loup ! s’écria-t-on ; l’un s’arme d’un hoyau, L’autre prend une fourche ; et mon père eût beau faire, Hélas ! Il y laissa sa peau : De sa témérité ce fut le salaire. Sois sage à ses dépens, ne suis que la vertu, Et ne sois point battant, de peur d’être battu. Si tu m’aimes, déteste un crime que j’abhorre. » Le petit vit alors dans la gueule du loup De la laine, et du sang qui dégouttait encore : Il se mit à rire à ce coup. « Comment, petit fripon, dit le loup en colère, Comment, vous riez des avis Que vous donne ici votre père ? Tu seras un vaurien, va, je te le prédis : Quoi ! Se moquer déjà d’un conseil salutaire ! » L’autre répondit en riant : « Votre exemple est un bon garant ; Mon père, je ferai ce que je vous vois faire. » Tel un prédicateur sortant d’un bon repas Monte dévotement en chaire, Et vient, bien fourré, gros et gras, Prêcher contre la bonne chère.

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    Le portrait manqué A Madame de B*** On ne peut faire ton portrait : Folâtre et sérieuse, agaçante et sévère, Prudente avec l’air indiscret, Vertueuse, coquette, à toi-même contraire, La ressemblance échappe en rendant chaque trait. Si l’on te peint constante, on t’aperçoit légère : Ce n’est jamais toi qu’on a fait. Fidèle au sentiment avec des goûts volages, Tous les cœurs à ton char s’enchaînent tour à tour : Tu plais aux libertins, tu captives les sages, Tu domptes les plus fiers courages, Tu fais l’office de l’Amour. On croit voir cet enfant en te voyant paraître ; Sa jeunesse, ses traits, son art, Ses plaisirs, ses erreurs, sa malice peut-être : Serais-tu ce dieu, par hasard ?

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    Les fréron D’où vient que ce nom de Fréron Est l’emblème du ridicule ? Si quelque maître Aliboron, Sans esprit comme sans scrupule, Brave les moeurs et la raison ; Si de Zoïle et de Chausson Il se montre le digne émule, Les enfants disent :  » C’est Fréron. «  Sitôt qu’un libelle imbécile Croqué par quelque polisson Court dans les cafés de la ville,  » Fi, dit-on, quel ennui ! quel style ! C’est du Fréron, c’est du Fréron ! «  Si quelque pédant fanfaron Vient étaler son ignorance, S’il prend Gillot pour Cicéron, S’il vous ment avec impudence, On lui dit :  » Taisez-vous, Fréron. «  L’autrejour un gros ex-jésuite, Dans le grenier d’une maison, Rencontra fille très-instruite Avec un beau petit garçon. Le bouc s’empara du giton. On le découvre, il prend la fuite. Tout le quartier à sa poursuite Criait :  » Fréron, Fréron, Fréron. «  Lorsqu’au drame de monsieur Hume On bafouait certain fripon, Le parterre, dont la coutume Est d’avoir le nez assez bon, Se disait tout haut :  » Je présume Qu’on a voulu peindre Fréron. «  Cependant, fier de son renom, Certain maroufle se rengorge ; Dans son antre à loisir il forge Des traits pour l’indignation. Sur le papier il vous dégorge De ses lettres le froid poison, Sans songer qu’on serre la gorge Aux gens du métier de Fréron. Pour notre petit embryon, Délateur de profession, Qui du mensonge est la trompette, Déjà sa réputation Dans le monde nous semble faite : C’est le perroquet de Fréron. Voltaire (François Marie Arouet)

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    Les souhaits Il n’est mortel qui ne forme des voeux : L’un de Voisin convoite la puissance ; L’autre voudrait engloutir la finance Qu’accumula le beau-père d’Évreux. Vers les quinze ans, un mignon de couchette Demande à Dieu ce visage imposteur, Minois friand, cuisse ronde et douillette Du beau de Gesvre, ami du promoteur. Roy versifie, et veut suivre Pindare ; Du Bousset chante, et veut passer Lambert. En de tels voeux mon esprit ne s’égare : Je ne demande au grand dieu Jupiter Que l’estomac du marquis de La Fare, Et les c…ons de monsieur d’Aremberg.

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    Les vous et les tu Philis, qu’est devenu ce temps Où, dans un fiacre promenée, Sans laquais, sans ajustements, De tes grâces seules ornée, Contente d’un mauvais soupé Que tu changeais en ambroisie, Tu te livrais, dans ta folie, A l’amant heureux et trompé Qui t’avait consacré sa vie ? Le ciel ne te donnait alors, Pour tout rang et pour tous trésors, Que les agréments de ton âge, Un coeur tendre, un esprit volage, Un sein d’albâtre, et de beaux yeux. Avec tant d’attraits précieux, Hélas ! qui n’eût été friponne ? Tu le fus, objet gracieux ! Et (que l’Amour me le pardonne !) Tu sais que je t’en aimais mieux. Ah ! madame ! que votre vie D’honneurs aujourd’hui si remplie, Diffère de ces doux instants ! Ce large suisse à cheveux blancs, Qui ment sans cesse à votre porte, Philis, est l’image du Temps ; On dirait qu’il chasse l’escorte Des tendres Amours et des Ris ; Sous vos magnifiques lambris Ces enfants tremblent de paraître. Hélas ! je les ai vus jadis Entrer chez toi par la fenêtre, Et se jouer dans ton taudis. Non, madame, tous ces tapis Qu’a tissus la Savonnerie, Ceux que les Persans ont ourdis, Et toute votre orfèvrerie, Et ces plats si chers que Germain A gravés de sa main divine, Et ces cabinets où Martin A surpassé l’art de la Chine ; Vos vases japonais et blancs, Toutes ces fragiles merveilles ; Ces deux lustres de diamants Qui pendent à vos deux oreilles ; Ces riches carcans, ces colliers, Et cette pompe enchanteresse, Ne valent pas un des baisers Que tu donnais dans ta jeunesse.

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    Polissonnerie Je cherche un petit bois touffu, Que vous portez, Aminthe, Qui couvre, s’il n’est pas tondu Un gentil labyrinthe. Tous les mois, on voit quelques fleurs Colorer le rivage ; Laissez-moi verser quelques pleurs Dans ce joli bocage. – Allez, monsieur, porter vos pleurs Sur un autre rivage ; Vous pourriez bien gâter les fleurs De mon joli bocage ; Car, si vous pleuriez tout de bon, Des pleurs comme les vôtres Pourraient, dans une autre saison, M’en faire verser d’autres. – Quoi ! vous craignez l’évènement De l’amoureux mystère ; Vous ne savez donc pas comment On agit à Cythère ; L’amant, modérant sa raison, Dans cette aimable guerre, Sait bien arroser la gazon Sans imbiber la terre. – Je voudrais bien, mon cher amant, Hasarder pour vous plaire ; Mais dans ce fortuné moment On ne se connait guère. L’amour maîtrisant vos désirs, Vous ne seriez plus maître De retrancher de nos plaisirs Ce qui vous donna l’être.

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    Sur le louvre Monument imparfait de ce siècle vanté Qui sur tous les beaux-arts a fondé sa mémoire, Vous verrai-je toujours, en attestant sa gloire, Faire un juste reproche à sa postérité ? Faut-il que l’on s’indigne alors qu’on vous admire, Et que les nations qui veulent nous braver, Fières de nos défauts, soient en droit de nous dire Que nous commençons tout, pour ne rien achever ? Mais, ô nouvel affront ! quelle coupable audace Vient encore avilir ce chef d’œuvre divin ? Quel sujet entreprend d’occuper une place Faite pour admirer les traits du souverain ! Louvre, palais pompeux dont la France s’honore, Sois digne de Louis, ton maître et ton appui ; Sors de l’état honteux où l’univers t’abhorre, Et dans tout ton éclat montre-toi comme lui.

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    À la marquise du Châtelet Ainsi donc cent beautés nouvelles Vont fixer vos brillants esprits Vous renoncez aux étincelles, Aux feux follets de mes écrits Pour des lumières immortelles ; Et le sublime Maupertuis Vient éclipser mes bagatelles. Je n’en suis fâché ni surpris ; Un esprit vrai doit être épris Pour des vérités éternelles : Mais ces vérités que sont-elles ? Quel est leur usage et leur prix ? Du vrai savant que je chéris La raison ferme et lumineuse Vous montrera les cieux décrits, Et d’une main audacieuse Vous dévoilera les replis De la nature ténébreuse : Mais, sans le secret d’être heureuse, Il ne vous aura rien appris.

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    À M. le comte, le chevalier et l’abbé de Sade Trio charmant que je remarque Entre ceux qui font mon appui, Trio par qui Laure aujourd’hui Revient de la fatale barque ; Vous qui pensez mieux que Pétrarque, Et rimez aussi bien que lui, Je ne puis quitter mon étui Pour le souper où l’on m’embarque ; Car la cousine de la Parque, La fièvre au minois catarreux, À l’air hagard, au cerveau creux, À la marche vive, inégale, De mes jours compagne infernale, M’oblige, pauvre vaporeux, D’avaler les juleps affreux Dont monsieur Geoffroi me régale ; Tandis que d’un gosier heureux Vous buvez la liqueur vitale D’un vin brillant et savoureux.

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    À M. le duc de La Feuillade Conservez précieusement L’imagination fleurie Et la bonne plaisanterie, Dont vous possédez l’agrément, Au défaut du tempérament, Dont vous vous vantez hardiment Et que tout le monde vous nie. La dame qui depuis longtemps Connaît à fond votre personne, A dit : hélas ! je lui pardonne D’en vouloir imposer aux gens ; Son esprit est dans son printemps, Mais son corps est dans son automne. Adieu, monsieur le gouverneur, Non plus de province frontière, Mais d’une beauté singulière, Qui, par son esprit, par son cœur, Et par son humeur libertine, De jour en jour fait grand honneur Au gouverneur qui l’endoctrine. Priez le Seigneur seulement Qu’il empêche que Cythérée Ne substitue incessamment Quelque jeune et frais lieutenant Qui ferait sans vous son entrée Dans un si beau gouvernement.

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    À Madame de Fontaine-Martel Ô très singulière Martel, J’ai pour vous estime profonde ; C’est dans votre petit hôtel, C’est sur vos soupers que je fonde Mon plaisir, le seul bien réel Qu’un honnête homme ait en ce monde. Il est vrai qu’un peu je vous gronde ; Mais, malgré cette liberté, Mon cœur vous trouve, en vérité, Femme à peu de femmes seconde ; Car sous vos cornettes de nuit, Sans préjugés et sans faiblesse, Vous logez esprit qui séduit, Et qui tient fort à la sagesse. Or votre sagesse n’est pas Cette pointilleuse harpie Qui raisonne sur tous les cas, Et qui, triste sœur de l’Envie, Ouvrant un gosier édenté, Contre la tendre volupté Toujours prêche, argumente et crie Mais celle qui si doucement, Sans efforts et sans industrie, Se bornant toute au sentiment, Sait jusqu’au dernier moment Répandre un charme sur la vie. Voyez-vous pas de tous côtés De très décrépites beautés, Pleurant de n’être plus aimables, Dans leur besoin de passion Ne pouvant rester raisonnables, S’affolier de dévotion, Et rechercher l’ambition D’être bégueules respectables ? Bien loin de cette triste erreur, Vous avez, au lieu de vigiles, Des soupers longs, gais et tranquilles ; Des vers aimables et faciles, Au lieu des fatras inutiles De Quesnel et de le Tourneur ; Voltaire, au lieu d’un directeur ; Et, pour mieux chasser toute angoisse, Au curé préférant Campra, Vous avez loge à l’opéra Au lieu de banc dans la paroisse : Et ce qui rend mon sort plus doux, C’est que ma maîtresse, chez vous, La liberté, se voit logée ; Cette liberté mitigée, À l’œil ouvert, au front serein, À la démarche dégagée, N’étant ni prude, ni catin, Décente, et jamais arrangée ; Souriant d’un souris badin À ces paroles chatouilleuses Qui font baisser un œil malin À mesdames les précieuses. C’est là qu’on trouve la gaîté, Cette sœur de la liberté, Jamais aigre dans la satire, Toujours vive dans les bons mots, Se moquant quelquefois des sots, Et très souvent, mais à propos, Permettant au sage de rire. Que le ciel bénisse le cours D’un sort aussi doux que le vôtre ! Martel, l’automne de vos jours Vaut mieux que le printemps d’une autre.

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    A Mademoiselle de guise Vous possédez fort inutilement Esprit, beauté, grâce, vertu, franchise ; Qu’y manque-t-il ? quelqu’un qui vous le dise Et quelque ami dont on en dise autant.

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    À Mademoiselle le couvreur L’heureux talent dont vous charmez la France Avait en vous brillé dès votre enfance ; Il fut dès lors dangereux de vous voir, Et vous plaisiez même sans le savoir. Sur le théâtre heureusement conduite, Parmi les vœux de cent cœurs empressés, Vous récitiez, par la nature instruite : C’était beaucoup, ce n’était point assez ; Il vous fallut encore un plus grand maître. Permettez-moi de faire ici connaître Quel est ce Dieu de qui l’air enchanteur Vous a donné votre gloire suprême : Le tendre Amour me l’a conté lui-même ; On me dira que l’Amour est menteur : Hélas! je sais qu’il faut qu’on s’en défie ; Qui mieux que moi connaît sa perfidie ? Qui souffre plus de sa déloyauté ? Je ne croirai cet enfant de ma vie ; Mais cette fois il a dit vérité. Ce même Amour, Vénus et Melpomène, Loin de Paris faisaient voyage un jour ; Ces Dieux charmants vinrent dans ce séjour Où vos appas éclataient sur la scène ; Chacun des trois avec étonnement Vit cette grâce et simple et naturelle, Qui faisait lors votre unique ornement : Ah ! dirent-ils, cette jeune mortelle Mérite bien que sans retardement Nous répandions tous nos trésors sur elle. Ce qu’un Dieu veut se fait dans le moment. Tout aussitôt la tragique déesse Vous inspira le goût, le sentiment, Le pathétique, et la délicatesse : Moi, dit Vénus, je lui fais un présent Plus précieux, et c’est le don de plaire ; Elle accroîtra l’empire de Cythère, A son aspect tout cœur sera troublé, Tous les esprits viendront lui rendre hommage ; Moi, dit l’Amour, je ferai davantage, Je veux qu’elle aime. A peine eut-il parlé Que dans l’instant vous devîntes parfaite ; Sans aucuns soins, sans étude, sans fard, Des passions vous fûtes l’interprète : Ô de l’Amour adorable sujette, N’oubliez point le secret de votre art.

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    À Monsieur le comte Algarotti Lorsque ce grand courrier de la philosophie, Condamine l’observateur, De l’Afrique au Pérou conduit par Uranie, Par la gloire, et par la manie, S’en va griller sous l’équateur, Maupertuis et Clairaut, dans leur docte fureur, Vont geler au pôle du monde. Je les vois d’un degré mesurer la longueur, Pour ôter au peuple rimeur Ce beau nom de machine ronde, Que nos flasques auteurs, en chevillant leurs vers, Donnaient à l’aventure à ce plat univers. Les astres étonnés, dans leur oblique course, Le grand, le petit Chien, et le Cheval, et l’Ourse, Se disent l’un à l’autre, en langage des cieux :  » Certes, ces gens sont fous, ou ces gens sont les dieux. «  Et vous, Algarotti, vous, cygne de Padoue, Élève harmonieux du cygne de Mantoue, Vous allez donc aussi, sous le ciel des frimas, Porter, en grelottant, la lyre et le compas, Et, sur des monts glacés traçant des parallèles, Faire entendre aux Lapons vos chansons immortelles ? Allez donc, et du pôle observé, mesuré, Revenez aux Français apporter des nouvelles. Cependant je vous attendrai, Tranquille admirateur de votre astronomie, Sous mon méridien, dans les champs de Cirey, N’observant désormais que l’astre d’Émilie. Échauffé par le feu de son puissant génie, Et par sa lumière éclairé, Sur ma lyre je chanterai Son âme universelle autant qu’elle est unique ; Et j’atteste les cieux, mesurés par vos mains, Que j’abandonnerais pour ses charmes divins L’équateur et le pôle arctique.

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    À Samuel Bernard Au nom de Madame de Fontaine-Martel C’est mercredi que je soupais chez vous Et que, sortant des plaisirs de la table, Bientôt couchée, un sommeil prompt et doux Me fit présent d’un songe délectable. Je rêvais donc qu’au manoir ténébreux J’étais tombée, et que Pluton lui-même Me menait voir les héros bienheureux Dans un séjour d’une beauté suprême ; Par escadrons ils étaient séparés ; L’un après l’autre il me les fit connaître. Je vis d’abord modestement parés Les opulents qui méritaient de l’être : Voilà, dit-il, les généreux amis ; En petit nombre ils viennent me surprendre ; Entre leurs mains les biens ne semblaient mis Que pour avoir le soin de les répandre. Ici sont ceux dont les puissants ressorts, Crédit immense, et sagesse profonde, Ont soutenu l’état par des efforts Qui leur livraient tous les trésors du monde. Un peu plus loin, sur ces riants gazons, Sont les héros pleins d’un heureux délire, Qu’Amour lui-même en toutes les saisons Fit triompher dans son aimable empire. Ce beau réduit, par préférence, est fait Pour les vieillards dont l’humeur gaie et tendre Paraît encore avoir ses dents de lait, Dont l’enjouement ne saurait se comprendre. D’un seul regard tu peux voir tout d’un coup Le sort des bons, les vertus couronnées : Mais un mortel m’embarrasse beaucoup ; Ainsi je veux redoubler ses années : Chaque escadron le revendiquerait. La jalousie au repos est funeste : Venant ici quel trouble il causerait ! Il est là-haut très heureux ; qu’il y reste.

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    À une dame ou soit-disant telle Tu commences par me louer, Tu veux finir par me connaître. Tu me loueras bien moins ; mais il faut t’avouer Ce que je suis, ce que je voudrais être. J’aurai vu dans trois ans passer quarante hivers ; Apollon présidait un jour qui m’a vu naître ; Au sortir du berceau j’ai bégayé des vers ; Bientôt ce dieu puissant m’ouvrit son sanctuaire ; Mon cœur, vaincu par lui, se rangea sous sa loi. D’autres ont fait des vers par le désir d’en faire ; Je fus poète malgré moi. Tous les goûts à la fois sont entrés dans mon âme ; Tout art a mon hommage, et tout plaisir m’enflamme : La peinture me charme ; on me voit quelquefois, Au palais de Philippe, ou dans celui des rois, Sous les efforts de l’art admirer la nature, Du brillant Cagliari saisir l’esprit divin, Et dévorer des yeux la touche noble et sûre De Raphaël et du Poussin. De ces appartements qu’anime la peinture Sur les pas du plaisir je vole à l’opéra. J’applaudis tout ce qui me touche, La fertilité de Campra, La gaîté de Mouret, les grâces de Destouches : Pélissier par son art, le Maure par sa voix, Tour à tour ont mes vœux et suspendent mon choix. Quelquefois, embrassant la science hardie Que la curiosité Honora par vanité Du nom de philosophie, Je cours après Newton dans l’abyme des cieux ; Je veux voir si des nuits la courrière inégale, Par le pouvoir changeant d’une force centrale, En gravitant vers nous s’approche de nos yeux, Et pèse d’autant plus qu’elle est près de ces lieux Dans les limites d’un ovale. J’en entends raisonner les plus profonds esprits, Maupertuis et Clairault, calculante cabale ; Je les vois qui des cieux franchissent l’intervalle, Et je vois trop souvent que j’ai très peu compris. De ces obscurités je passe à la morale ; Je lis au cœur de l’homme, et souvent j’en rougis ; J’examine avec soin les informes écrits, Les monuments épars, et le style énergique De ce fameux Pascal, ce dévot satirique ; Je vois ce rare esprit trop prompt à s’enflammer ; Je combats ses rigueurs extrêmes : Il enseigne aux humains à se haïr eux-mêmes ; Je voudrais, malgré lui, leur apprendre à s’aimer. Ainsi mes jours égaux, que les Muses remplissent, Sans soins, sans passions, sans préjugés fâcheux, Commencent avec joie, et vivement finissent Par des soupers délicieux. L’amour dans mes plaisirs ne mêle plus ses peines ; La tardive raison vient de briser mes chaînes : J’ai quitté prudemment ce dieu qui m’a quitté ; J’ai passé l’heureux temps fait pour la volupté. Est-il donc vrai, grands Dieux, il ne faut plus que j’aime ? La foule des beaux arts, dont je veux tour à tour Remplir le vide de moi-même, N’est pas encore assez pour remplacer l’amour.

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    À une jeune veuve Jeune et charmant objet à qui pour son partage Le ciel a prodigué les trésors les plus doux, Les grâces, la beauté, l’esprit, et le veuvage, Jouissez du rare avantage D’être sans préjugés, ainsi que sans époux ! Libre de ce double esclavage, Joignez à tous ces dons celui d’en faire usage ; Faites de votre lit le trône de l’Amour ; Qu’il ramène les Ris, bannis de votre cour Par la puissance maritale. Ah ! ce n’est pas au lit qu’un mari se signale : Il dort toute la nuit et gronde tout le jour ; Ou s’il arrive par merveille Que chez lui la nature éveille le désir, Attend-il qu’à son tour chez sa femme il s’éveille ? Non : sans aucun prélude il brusque le plaisir ; Il ne connaît point l’art d’animer ce qu’on aime, D’amener par degrés la volupté suprême : Le traître jouit seul… si pourtant c’est jouir. Loin de vous tous liens, fût-ce avec Plutus même ! L’Amour se chargera du soin de vous pourvoir. Vous n’avez jusqu’ici connu que le devoir, Le plaisir vous reste à connaître. Quel fortuné mortel y sera votre maître ! Ah ! lorsque, d’amour enivré, Dans le sein du plaisir il vous fera renaître, Lui-même trouvera qu’il l’avait ignoré.

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    À uranie Je vous adore, ô ma chère Uranie ! Pourquoi si tard m’avez-vous enflammé ? Qu’ai-je donc fait des beaux jours de ma vie ? Ils sont perdus ; je n’avais point aimé. J’avais cherché dans l’erreur du bel âge Ce dieu d’amour, ce dieu de mes désirs ; Je n’en trouvai qu’une trompeuse image Je n’embrassai que l’ombre des plaisirs. Non, les baisers des plus tendres maîtresses ; Non, ces moments comptés par cent caresses, Moments si doux et si voluptueux, Ne valent pas un regard de tes yeux. Je n’ai vécu que du jour où ton âme M’a pénétré de sa divine flamme ; Que de ce jour où, livré tout à toi, Le monde entier a disparu pour moi. Ah ! quel bonheur de te voir, de t’entendre ! Que ton esprit a de force et d’appas ! Dieux ! que ton cœur est adorable et tendre ! Et quels plaisirs je goûte dans tes bras ! Trop fortuné, j’aime ce que j’admire. Du haut du ciel, du haut de ton empire, Vers ton amant tu descends chaque jour, Pour l’enivrer de bonheur et d’amour. Belle Uranie, autrefois la Sagesse En son chemin rencontra le Plaisir ; Elle lui plut ; il en osa jouir ; De leurs amours naquit une déesse, Qui de sa mère a le discernement, Et de son père a le tendre enjouement. Cette déesse, ô ciel ! qui peut-elle être Vous, Uranie, idole de mon cœur, Vous que les dieux pour la gloire ont fait naître, Vous qui vivez pour faire mon bonheur.

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    Épigramme sur Fréron L’autre jour, au fond d’un vallon, Un serpent piqua Jean Fréron ; Que pensez-vous qu’il arriva ? Ce fut le serpent qui creva.

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    Épigramme sur Gresset Certain cafard, jadis jésuite, Plat écrivain, depuis deux jours Ose gloser sur ma conduite, Sur mes vers, et sur mes amours : En bon chrétien je lui fais grâce, Chaque pédant peut critiquer mes vers ; Mais sur l’amour jamais un fils d’Ignace Ne glosera que de travers.

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