Chanson Ta voix est un savant poème…
Charme fragile de l’esprit,
Désespoir de l’âme, je t’aime
Comme une douleur qu’on chérit.
Dans ta grâce longue et blémie,
Tu revins du fond de jadis…
O ma blanche et lointaine amie,
Je t’adore comme les lys!
On dit qu’un souvenir s’émousse,
Mais comment oublier jamais
Que ta voix se faisait très douce
Pour me dire que tu m’aimais?
il y a 9 mois
R
Renee Vivien
@reneeVivien
Comment oublier le pli lourd Comment oublier le pli lourd
De tes belles hanches sereines,
L’ivoire de ta chair où court
Un frémissement bleu de veines ?
Et comment jamais retrouver
L’identique extase farouche,
T’oublier, revivre et rêver
Comme j’ai rêvé sur ta bouche ?
il y a 9 mois
R
Renee Vivien
@reneeVivien
J’ai l’âme lasse du destin J’ai l’âme lasse du destin
Et je ne veux plus voir le monde
Qu’à travers le voile divin
De tes pâles cheveux de blonde.
Sur mon front, haï des sommeils
Et que le délire importune,
Répands tes doux cheveux, pareils
À des rayons de clair de lune.
Puisque le passé pleure seul
Parmi les félicités brèves,
Fais de tes cheveux un linceul
Afin d’ensevelir mes rêves.
il y a 9 mois
R
Renee Vivien
@reneeVivien
O forme que les mains ne sauraient retenir ! Ô forme que les mains ne sauraient retenir !
Comme au ciel l’élusif arc-en-ciel s’évapore,
Ton sourire, en fuyant, laisse plus vide encore
Le cœur endolori d’un trop doux souvenir.
Ton caprice lassé, comment le rajeunir,
Afin qu’il refleurisse aux fraîcheurs d’une aurore ?
Quels mots te murmurer, quelles fleurs faire éclore
Pour enchanter l’ennui de l’éternel loisir ?
De quels baisers charmer la langueur de ton âme,
Afin qu’exaspéré d’extase, pleure et pâme
Ton être suppliant, avide et contenté ?
De quels rythmes d’amour, de quel fervent poème
Honorer dignement Celle dont la beauté
Porte au front le Désir ainsi qu’un diadème ?
il y a 9 mois
R
Rhita Benjelloun
@rhitaBenjelloun
Fleur du paradis Colombe blanche qui plane dans les cieux
Réside avec les anges et le bon Dieu
Ton âme est une note de musique qui nous éblouit
Si rayonnante telle une fleur qui s’épanouit
Juvénile, d’une blancheur pure et angélique
Et ce sourire qui m’emporte vers un monde féerique
Jadis, on marchait en chantant
Main dans la main souvent en galopant
Ainsi on vivait avant le 25 mai
Ce jour damné qui a ton existence a mis un trait
Houda …Ta mémoire est gravée dans mon cœur d’enfant
Elle sera intacte,
je veillerai à ce qu’elle le soit longtemps…
Car ton authentique amitié est inestimable
Je n’oublierai jamais nos rires, et même nos larmes
Ton esprit court sans aucun doute
Dans les jardins du paradis
Je prierai chaque jour le bon Dieu pour ton répit
Hommage à mon amie d’enfance Houda CHAHIDI, une pensée à tous ceux qui ont perdus leurs proches dans la guerre de la route…
il y a 9 mois
R
Richard Taillefer
@richardTaillefer
À ma mère Elle est assise
Dans l’embrasure de la grande fenêtre
C’est l’endroit du monde
Où l’on voit le mieux tout le monde
Un peu de mer
Un peu de ciel
Elle aime cet endroit
Où son cœur s’apaise
Un rayon de soleil paresseux avance devant elle
La lumière flirte avec le fond de la pièce
Là elle ne pense plus à rien
Elle n’oublie pas !
Les gens
Les choses
Les visages
De ceux qui lui sont proches
Et pourtant si lointains
Ni Pépète
La petite chienne aux poils si noirs
Réfugiée sur ses genoux de douleur
Elle écoute
Une étrange musique
Rythmée par les caprices du vent
Tournoyant dans les arbres
il y a 9 mois
R
Robert Tirvaudey
@robertTirvaudey
L’éffroi de l’oubli Ils s’assemblent souvent, pour combattre
Les affres de l’oubli tenace
Sur leur canne, dans un regard fugace
Nos vieillards se souviennent sans se battre
Elle est loin la bataille de Verdun
Nos poilus sans barbe viennent de loin
Et pourtant tout est là sans entrain
Ils auraient voulu battre le foin
Le frère n’est plus, le cousin non plus
Les Anciens ne peuvent tout raconter
Ils chuchotent des chansons qui leur ont plu
Les belles années défilent sans compter
Ils pleurent, ils savent, les morts sans mémoire
Qui se souviendra du capitaine
Fusillé, mutin, refus de gloire
Sur la croix blanche, son nom, sans haine
il y a 9 mois
R
Régis Boury
@regisBoury
Sans escale Sur un quai sur un port
Sur la France
Sur ce quai ce quai de port
Un port de France
Des pas
Ses pas
Tonnent
Et résonnent
Puis peu à peu monotones
S'abandonnent.
Les pas
Ces pas qu'on n'entend plus
Que je n'entends pas
Sont ceux de l'ami
De celui
Qui pas après pas
S'en va
S'enfuit dans la nuit
Qui nous laisse là comme ça
Nous abandonne.
17 janvier 1978
il y a 9 mois
R
Régis Boury
@regisBoury
Sur le sable Renaissons sur le sable où nous étions heureux,
En marée haute emportant les amoureux ;
Gare aux vagues aimables, aux baisers, aux creux :
Il viendra bien le jour où nous serons fin vieux.
Sur ce même tapis, là, d'autres prétentieux
Bâtifoleront en vain, nus, vers d'autres cieux
Où se perdent les cris de goélands fielleux ;
Un orage viendra, soudainement furieux,
Rasant encore l'écume verte au front fiévreux.
Y'a qu'à attendre, laisser faire. Oui, c'est mieux.
22 août 2002
il y a 9 mois
S
Sabine Sicaud
@sabineSicaud
Château de Biron Sur les chemins nus, plus personne.
Couleur de sanguine pâlie
Un horizon de bois frissonne.
De quelle âpre mélancolie
Nous enveloppe ici l’automne ?
Un gémissement de poulie
Survit seul en haut du puits rond.
La cour d’honneur et le perron
En vain parleraient d’Italie…
Trop de couloirs sombres relient
Aux salles où nos pas résonnent
Des retraits que nous ignorons.
Trop d’ombre se tasse aux chevrons
Le long de frises abolies.
Feu le duc aux « souliers tout ronds »
A rejoint défunt Bragelonne.
Dans les cuisines, plus personne.
Le soir meurt, plein de moucherons.
Vieux château des Gontaut-Biron
Avec quelle mélancolie
Vous regardez venir l’automne…
il y a 9 mois
S
Sandrine Davin
@sandrineDavin
A cet homme… Des godasses un peu trop grandes
Un chapeau de paille, troué
Il n’en avait que faire :
Sa vie, c’était la terre.
Des mains aussi noires qu’un mineur
Mais tant d’amour dans le cœur
Jamais un mot de travers
Il en voulait, à son père.
Qui était-il ?
Un « Vieux Bonhomme » au regard clair
Un homme qui aimait la terre.
Les années ont passé,
Il a succombé.
…
« Il n’en avait que faire,
Sa vie, c’était la terre ».
A mon grand-père.
il y a 9 mois
S
Sandrine Davin
@sandrineDavin
A l’ombre du cerisier La terre pleure
Le souvenir de tes pas
Que tes semelles ont
Trop souvent foulé.
Le cerisier
Ne fleurit pas,
Il n’est plus là
Depuis tant d’années.
…
Le chapeau de paille
Accroché dans la grange
Se repose à jamais.
il y a 9 mois
S
Sandrine Davin
@sandrineDavin
De l’enfant que j’étais, au vieillard devenu… Il était beau le temps
Où mes pommettes roses
S’érigeaient au vent.
Les genoux écorchés
Par les ronces
Au bord des sentiers oubliés,
Je m’en souviens encore.
…
Les feuilles mortes
Se sont envolées,
Ont tout emporté
Avec elles,
Souvenirs et passé.
…
De l’enfant que j’étais
Il ne me reste plus que
Des rides,
Des sourires,
Des cheveux blancs.
Au vieillard devenu,
J’ai oublié le temps…
il y a 9 mois
S
Sandrine Davin
@sandrineDavin
Effleurement d’être Dehors est-ce la nuit
– L’infini –
Un ciel qui jette l’ancre
Aux vents blessés
Où le froid ronge
Les heures.
Au fond de l’âme
La mémoire s’effrite
Inexorablement.
– Entre silence et rêve
L’éphémère souvenir –
il y a 9 mois
S
Sandrine Davin
@sandrineDavin
Jardin de grand-père C’était il y a longtemps –
Ta main
Dans la mienne
L’horizon
A perte de vue
Le grillage
De rouille
Et les herbes mortes
Ta main
Ridée
Qui crevasse la terre
La mienne
Si rose
Effleurant les ronces
Tes yeux
Dans les miens
Le bleu du ciel
En morsure de lèvres
Et quelques grains de terre
Entre nos doigts
C’était il y a longtemps
Et aujourd’hui encore
Ces quelques grains de terre
Rident ma chair
il y a 9 mois
S
Sandrine Davin
@sandrineDavin
La gantière Dans le noir
De l’atelier
Les doigts en or
De grand-mère
Cousent
Décousent
Nuit et jour
Pour trois francs
Six sous
Les doigts s’usent
Sous le tissu
Dans le noir
De l’atelier
Le bruit des machines
Ecorche les oreilles
De grand-mère
– Il est bien loin ce temps –
Cent ans passés
Ma main dans la tienne
Je te laisse me raconter ta vie
il y a 9 mois
S
Sandrine Davin
@sandrineDavin
Elle Elle
Elle était belle dans la nuit
A la lueur de la lune ronde
Des rubans dansent dans ses cheveux
Et le vent rit à ses côtés ;
…
Sur les chemins parsemés d’étoiles
Elle brille de mille feux
Ses mains implorent le ciel
Au temps qui se suspend.
…
Une envolée d’oiseaux nous rappelle
Qu’elle était belle,
« Elle » …
il y a 9 mois
S
Sandrine Davin
@sandrineDavin
La vieille Elle est ici « La vieille »
Assise sur ce banc
Là, au fond du parc
Comme hier, comme toujours
Comme demain.
Des pigeons pour seuls amis
Lui font la conversation
Comme hier, comme toujours
Comme demain.
Elle est bien seule
« La vieille »,
Personne ne pense à elle
« La vieille ».
Elle pourrait bien
Mourir demain
Qui sera là pour lui tenir
La main ?
Elle est si seule
« La vieille ».
…
Elle pense et repense
Au bon vieux temps
A l’insouciance, aux fleurs des champs
A son enfance,
Comme hier, comme toujours
Comme demain.
Le soleil s’est éteint
Les pigeons se sont fait la malle
Elle n’est plus là
« La vieille »
Elle n’a plus mal…
il y a 9 mois
S
Sophie d'Arbouville
@sophieDarbouville
La grand-mère Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d'amour :
Trop vite, hélas ! un ciel d'orage
Vient obscurcir le plus beau jour.
En vous voyant, je me rappelle
Et mes plaisirs et mes succès ;
Comme vous, j'étais jeune et belle,
Et, comme vous, je le savais.
Soudain ma blonde chevelure
Me montra quelques cheveux blancs…
J'ai vu, comme dans la nature,
L'hiver succéder au printemps.
Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d'amour ;
Trop vite, hélas ! un ciel d'orage
Vient obscurcir le plus beau jour.
Naïve et sans expérience,
D'amour je crus les doux serments,
Et j'aimais avec confiance…
On croit au bonheur à quinze ans !
Une fleur, par Julien cueillie,
Était le gage de sa foi ;
Mais, avant qu'elle fût flétrie,
L'ingrat ne pensait plus à moi !
Dansez, fillettes du Village,
Chantez vos doux refrains d'amour ;
Trop vite, hélas ! un ciel d'orage
Vient obscurcir le plus beau jour.
À vingt ans, un ami fidèle
Adoucit mon premier chagrin ;
J'étais triste, mais j'étais belle,
Il m'offrit son cœur et sa main.
Trop tôt pour nous vint la vieillesse ;
Nous nous aimions, nous étions vieux…
La mort rompit notre tendresse…
Mon ami fut le plus heureux !
il y a 9 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Juxtaposition Jardin inondé par la pluie
battante sur mes pensées matinales
Les petites fleurs me regardent
chaque pétale tremble
Les chimères lointaines crachent
la folle course de la sève
Vers la lune, le soleil se penche
de loin
insouciant du demain
Je me sens transportée dans le marasme
du bonheur assoupi
Au fond de mon âme
les souvenirs de jeunesse
éclatent dans le puzzle de la vie
il y a 9 mois
T
Thea
@thea
Le facteur J'ai porté vos lettres
en hiver comme été
a travers vos fenêtres
vous me voyez passé
je suis votre facteur
et dans ma sacoche
ya pas qu'du bonheur
quand j'frappe a la porte
faut bien travailler
et c'est mon métier
quand je l'ai choisi
c'etait le paradis
ce fut le bon temps
je donnais des sous
a toutes les mamans
qu' avait plus un clou
et trente ans plus tard
on m'a donné une auto
j'arrive plus en retard
et je regrette mon vélo
je n'ai plus le temps pressé
de voir la nature pousser
les saisons aux champs
et les rires des enfants
il a bien fallu modernisé
avec toute la publicité
car on est plus facteur
on est devenu menteur
voila mon histoire
et si vous voulez
un beau jour me voir
je suis près de calais
thea
il y a 9 mois
Théodore de Banville
@theodoreDeBanville
Bien souvent je revois… Bien souvent je revois sous mes paupières closes,
La nuit, mon vieux Moulins bâti de briques roses,
Les cours tout embaumés par la fleur du tilleul,
Ce vieux pont de granit bâti par mon aïeul,
Nos fontaines, les champs, les bois, les chères tombes,
Le ciel de mon enfance où volent des colombes,
Les larges tapis d’herbe où l’on m’a promené
Tout petit, la maison riante où je suis né
Et les chemins touffus, creusés comme des gorges,
Qui mènent si gaiement vers ma belle Font-Georges,
À qui mes souvenirs les plus doux sont liés.
Et son sorbier, son haut salon de peupliers,
Sa source au flot si froid par la mousse embellie
Où je m’en allais boire avec ma soeur Zélie,
Je les revois ; je vois les bons vieux vignerons
Et les abeilles d’or qui volaient sur nos fronts,
Le verger plein d’oiseaux, de chansons, de murmures,
Les pêchers de la vigne avec leurs pêches mûres,
Et j’entends près de nous monter sur le coteau
Les joyeux aboiements de mon chien Calisto !
il y a 9 mois
Théodore de Banville
@theodoreDeBanville
Lorsque ma soeur et moi Lorsque ma soeur et moi, dans les forêts profondes,
Nous avions déchiré nos pieds sur les cailloux,
En nous baisant au front tu nous appelais fous,
Après avoir maudit nos courses vagabondes.
Puis, comme un vent d’été confond les fraîches ondes
De deux petits ruisseaux sur un lit calme et doux,
Lorsque tu nous tenais tous deux sur tes genoux,
Tu mêlais en riant nos chevelures blondes.
Et pendant bien longtemps nous restions là blottis,
Heureux, et tu disais parfois : Ô chers petits.
Un jour vous serez grands, et moi je serai vieille !
Les jours se sont enfuis, d’un vol mystérieux,
Mais toujours la jeunesse éclatante et vermeille
Fleurit dans ton sourire et brille dans tes yeux.
il y a 9 mois
T
Théophile de Viau
@theophileDeViau
Lettre à son frère Je verrai ces bois verdissants
Où nos îles et l'herbe fraîche
Servent aux troupeaux mugissants
Et de promenoir et de crèche.
L'aurore y trouve à son retour
L'herbe qu'ils ont mangée le jour,
Je verrai l'eau qui les abreuve,
Et j'orrai plaindre les graviers
Et repartir l'écho du fleuve
Aux injures des mariniers.
... Je verrai sur nos grenadiers
Leurs rouges pommes entrouvertes,
Où le Ciel, comme à ses lauriers,
Garde toujours des feuilles vertes.
Je verrai ce touffu jasmin
Qui fait ombre à tout le chemin
D'une assez spacieuse allée,
Et la parfume d'une fleur
Qui conserve dans la gelée
Son odorat et sa couleur.
Je reverrai fleurir nos prés ;
Je leur verrai couper les herbes ;
Je verrai quelque temps après
Le paysan couché sur les gerbes ;
Et, comme ce climat divin
Nous est très libéral de vin,
Après avoir rempli la grange,
Je verrai du matin au soir,
Comme les flots de la vendange
Écumeront dans le pressoir...
il y a 9 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Tristesse d'Olympio Les champs n'étaient point noirs, les cieux n'étaient pas mornes.
Non, le jour rayonnait dans un azur sans bornes
Sur la terre étendu,
L'air était plein d'encens et les prés de verdures
Quand il revit ces lieux où par tant de blessures
Son cœur s'est répandu !
L'automne souriait ; les coteaux vers la plaine
Penchaient leurs bois charmants qui jaunissaient à peine ;
Le ciel était doré ;
Et les oiseaux, tournés vers celui que tout nomme,
Disant peut-être à Dieu quelque chose de l'homme,
Chantaient leur chant sacré !
Il voulut tout revoir, l'étang près de la source,
La masure où l'aumône avait vidé leur bourse,
Le vieux frêne plié,
Les retraites d'amour au fond des bois perdues,
L'arbre où dans les baisers leurs âmes confondues
Avaient tout oublié !
Il chercha le jardin, la maison isolée,
La grille d'où l'œil plonge en une oblique allée,
Les vergers en talus.
Pâle, il marchait. – Au bruit de son pas grave et sombre,
Il voyait à chaque arbre, hélas ! se dresser l'ombre
Des jours qui ne sont plus !
Il entendait frémir dans la forêt qu'il aime
Ce doux vent qui, faisant tout vibrer en nous-même,
Y réveille l'amour,
Et, remuant le chêne ou balançant la rose,
Semble l'âme de tout qui va sur chaque chose
Se poser tour à tour !
Les feuilles qui gisaient dans le bois solitaire,
S'efforçant sous ses pas de s'élever de terre,
Couraient dans le jardin ;
Ainsi, parfois, quand l'âme est triste, nos pensées
S'envolent un moment sur leurs ailes blessées,
Puis retombent soudain.
Il contempla longtemps les formes magnifiques
Que la nature prend dans les champs pacifiques ;
Il rêva jusqu'au soir ;
Tout le jour il erra le long de la ravine,
Admirant tour à tour le ciel, face divine,
Le lac, divin miroir !
Hélas ! se rappelant ses douces aventures,
Regardant, sans entrer, par-dessus les clôtures,
Ainsi qu'un paria,
Il erra tout le jour. Vers l'heure où la nuit tombe,
Il se sentit le cœur triste comme une tombe,
Alors il s'écria :
« Ô douleur ! j'ai voulu, moi dont l'âme est troublée,
Savoir si l'urne encor conservait la liqueur,
Et voir ce qu'avait fait cette heureuse vallée
De tout ce que j'avais laissé là de mon cœur !
« Que peu de temps suffit pour changer toutes choses !
Nature au front serein, comme vous oubliez !
Et comme vous brisez dans vos métamorphoses
Les fils mystérieux où nos cœurs sont liés !
« Nos chambres de feuillage en halliers sont changées !
L'arbre où fut notre chiffre est mort ou renversé ;
Nos roses dans l'enclos ont été ravagées
Par les petits enfants qui sautent le fossé !
« Un mur clôt la fontaine où, par l'heure échauffée,
Folâtre, elle buvait en descendant des bois ;
Elle prenait de l'eau dans sa main, douce fée,
Et laissait retomber des perles de ses doigts !
« On a pavé la route âpre et mal aplanie,
Où, dans le sable pur se dessinant si bien,
Et de sa petitesse étalant l'ironie,
Son pied charmant semblait rire à côté du mien !
« La borne du chemin, qui vit des jours sans nombre,
Où jadis pour m'attendre elle aimait à s'asseoir,
S'est usée en heurtant, lorsque la route est sombre,
Les grands chars gémissants qui reviennent le soir.
« La forêt ici manque et là s'est agrandie.
De tout ce qui fut nous presque rien n'est vivant ;
Et, comme un tas de cendre éteinte et refroidie,
L'amas des souvenirs se disperse à tout vent !
« N'existons-nous donc plus ? Avons-nous eu notre heure ?
Rien ne la rendra-t-il à nos cris superflus ?
L'air joue avec la branche au moment où je pleure ;
Ma maison me regarde et ne me connaît plus.
« D'autres vont maintenant passer où nous passâmes.
Nous y sommes venus, d'autres vont y venir ;
Et le songe qu'avaient ébauché nos deux âmes,
Ils le continueront sans pouvoir le finir !
« Car personne ici-bas ne termine et n'achève ;
Les pires des humains sont comme les meilleurs ;
Nous nous réveillons tous au même endroit du rêve.
Tout commence en ce monde et tout finit ailleurs.
« Oui, d'autres à leur tour viendront, couples sans tache,
Puiser dans cet asile heureux, calme, enchanté,
Tout ce que la nature à l'amour qui se cache
Mêle de rêverie et de solennité !
« D'autres auront nos champs, nos sentiers, nos retraites ;
Ton bois, ma bien-aimée, est à des inconnus.
D'autres femmes viendront, baigneuses indiscrètes,
Troubler le flot sacré qu'ont touché tes pieds nus !
« Quoi donc ! c'est vainement qu'ici nous nous aimâmes !
Rien ne nous restera de ces coteaux fleuris
Où nous fondions notre être en y mêlant nos flammes !
L'impassible nature a déjà tout repris.
« Oh ! dites-moi, ravins, frais ruisseaux, treilles mûres,
Rameaux chargés de nids, grottes, forêts, buissons,
Est-ce que vous ferez pour d'autres vos murmures ?
Est-ce que vous direz à d'autres vos chansons ?
« Nous vous comprenions tant ! doux, attentifs, austères,
Tous nos échos s'ouvraient si bien à votre voix !
Et nous prêtions si bien, sans troubler vos mystères,
L'oreille aux mots profonds que vous dites parfois !
« Répondez, vallon pur, répondez, solitude,
Ô nature abritée en ce désert si beau,
Lorsque nous dormirons tous deux dans l'attitude
Que donne aux morts pensifs la forme du tombeau ;
« Est-ce que vous serez à ce point insensible
De nous savoir couchés, morts avec nos amours,
Et de continuer votre fête paisible,
Et de toujours sourire et de chanter toujours ?
« Est-ce que, nous sentant errer dans vos retraites,
Fantômes reconnus par vos monts et vos bois,
Vous ne nous direz pas de ces choses secrètes
Qu'on dit en revoyant des amis d'autrefois ?
« Est-ce que vous pourriez, sans tristesse et sans plainte,
Voir nos ombres flotter où marchèrent nos pas,
Et la voir m'entraîner, dans une morne étreinte,
Vers quelque source en pleurs qui sanglote tout bas ?
« Et s'il est quelque part, dans l'ombre où rien ne veille,
Deux amants sous vos fleurs abritant leurs transports,
Ne leur irez-vous pas murmurer à l'oreille :
– Vous qui vivez, donnez une pensée aux morts !
« Dieu nous prête un moment les prés et les fontaines,
Les grands bois frissonnants, les rocs profonds et sourds
Et les cieux azurés et les lacs et les plaines,
Pour y mettre nos cœurs, nos rêves, nos amours !
« Puis il nous les retire. Il souffle notre flamme ;
Il plonge dans la nuit l'antre où nous rayonnons ;
Et dit à la vallée, où s'imprima notre âme,
D'effacer notre trace et d'oublier nos noms.
« Eh bien ! oubliez-nous, maison, jardin, ombrages !
Herbe, use notre seuil ! ronce, cache nos pas !
Chantez, oiseaux ! ruisseaux, coulez ! croissez, feuillages !
Ceux que vous oubliez ne vous oublieront pas.
« Car vous êtes pour nous l'ombre de l'amour même !
Vous êtes l'oasis qu'on rencontre en chemin !
Vous êtes, ô vallon, la retraite suprême
Où nous avons pleuré nous tenant par la main !
« Toutes les passions s'éloignent avec l'âge,
L'une emportant son masque et l'autre son couteau,
Comme un essaim chantant d'histrions en voyage
Dont le groupe décroît derrière le coteau.
« Mais toi, rien ne t'efface, amour ! toi qui nous charmes,
Toi qui, torche ou flambeau, luis dans notre brouillard !
Tu nous tiens par la joie, et surtout par les larmes ;
Jeune homme on te maudit, on t'adore vieillard.
« Dans ces jours où la tête au poids des ans s'incline,
Où l'homme, sans projets, sans but, sans visions,
Sent qu'il n'est déjà plus qu'une tombe en ruine
Où gisent ses vertus et ses illusions ;
« Quand notre âme en rêvant descend dans nos entrailles,
Comptant dans notre cœur, qu'enfin la glace atteint,
Comme on compte les morts sur un champ de batailles,
Chaque douleur tombée et chaque songe éteint,
« Comme quelqu'un qui cherche en tenant une lampe,
Loin des objets réels, loin du monde rieur,
Elle arrive à pas lents par une obscure rampe
Jusqu'au fond désolé du gouffre intérieur ;
« Et là, dans cette nuit qu'aucun rayon n'étoile,
L'âme, en un repli sombre où tout semble finir,
Sent quelque chose encor palpiter sous un voile...
C'est toi qui dors dans l'ombre, ô sacré souvenir ! »
Le 21 octobre 1837.
il y a 9 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Ô mes lettres d'amour Ô mes lettres d'amour, de vertu, de jeunesse,
C'est donc vous ! Je m'enivre encore à votre ivresse ;
Je vous lis à genoux.
Souffrez que pour un jour je reprenne votre âge !
Laissez-moi me cacher, moi, l'heureux et le sage,
Pour pleurer avec vous !
il y a 9 mois
Voltaire
@voltaire
A Mme du Châtelet L'un des plus beaux poèmes de Voltaire, À Mme du Châtelet, est un texte d'amour qu'il a écrit pour Émilie du Châtelet. Ils se rencontrent en 1733 et elle fût pendant quinze ans sa maitresse et sa muse. Ce poème est composé de neuf quatrains en octosyllabes avec des rimes embrassées et croisées.
Si vous voulez que j’aime encore,
Rendez-moi l’âge des amours ;
Au crépuscule de mes jours
Rejoignez, s’il se peut, l’aurore.
Des beaux lieux où le dieu du vin
Avec l’Amour tient son empire,
Le Temps, qui me prend par la main,
M’avertit que je me retire.
De son inflexible rigueur
Tirons au moins quelque avantage.
Qui n’a pas l’esprit de son âge,
De son âge a tout le malheur.
Laissons à la belle jeunesse
Ses folâtres emportements.
Nous ne vivons que deux moments :
Qu’il en soit un pour la sagesse.
Quoi ! pour toujours vous me fuyez,
Tendresse, illusion, folie,
Dons du ciel, qui me consoliez
Des amertumes de la vie !
il y a 9 mois
Voltaire
@voltaire
Les vous et les tu Philis, qu’est devenu ce temps
Où, dans un fiacre promenée,
Sans laquais, sans ajustements,
De tes grâces seules ornée,
Contente d’un mauvais soupé
Que tu changeais en ambroisie,
Tu te livrais, dans ta folie,
A l’amant heureux et trompé
Qui t’avait consacré sa vie ?
Le ciel ne te donnait alors,
Pour tout rang et pour tous trésors,
Que les agréments de ton âge,
Un coeur tendre, un esprit volage,
Un sein d’albâtre, et de beaux yeux.
Avec tant d’attraits précieux,
Hélas ! qui n’eût été friponne ?
Tu le fus, objet gracieux !
Et (que l’Amour me le pardonne !)
Tu sais que je t’en aimais mieux.
Ah ! madame ! que votre vie
D’honneurs aujourd’hui si remplie,
Diffère de ces doux instants !
Ce large suisse à cheveux blancs,
Qui ment sans cesse à votre porte,
Philis, est l’image du Temps ;
On dirait qu’il chasse l’escorte
Des tendres Amours et des Ris ;
Sous vos magnifiques lambris
Ces enfants tremblent de paraître.
Hélas ! je les ai vus jadis
Entrer chez toi par la fenêtre,
Et se jouer dans ton taudis.
Non, madame, tous ces tapis
Qu’a tissus la Savonnerie,
Ceux que les Persans ont ourdis,
Et toute votre orfèvrerie,
Et ces plats si chers que Germain
A gravés de sa main divine,
Et ces cabinets où Martin
A surpassé l’art de la Chine ;
Vos vases japonais et blancs,
Toutes ces fragiles merveilles ;
Ces deux lustres de diamants
Qui pendent à vos deux oreilles ;
Ces riches carcans, ces colliers,
Et cette pompe enchanteresse,
Ne valent pas un des baisers
Que tu donnais dans ta jeunesse.
il y a 9 mois
W
Winston Perez
@winstonPerez
Empoisonné J’ai vu la Croix par dessus la Lune
merveilleux soir de brume
j’avais vingt ans passés
Mille cornes plantées
Mille crevasses brunes
et faisceaux éclatants
Mille pas gravés sur terre
et parfums enivrants
J’ai vu l’homme, la princesse éphémère
et le Père flamboyant
J’étais plus que moi-même
plus grand que le grand
Mon corps lacéré ne me faisait plus mal
J’étais l’air et l’humide
Et il n’y avait plus d’organes
Il n’y avait plus d’ennui
J’ouvrais les portes de la perception divine
Ce soir par dessus la Lune
J’étais empoisonné