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Nostalgie

179 poésies en cours de vérification
Nostalgie

Poésies de la collection nostalgie

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    Louis Ménard

    @louisMenard

    Résignation C’est une pauvre vieille, humble, le dos voûté. Autrefois on l’aimait, on s’est tué pour elle. Qui sait ? Peut-être un jour tu seras regretté De celle qui dit non, maintenant qu’elle est belle. Elle aussi vieillira, puis l’ombre universelle La noîra, comme toi, dans son immensité. Il faut que les grands dieux, pour leur oeuvre éternelle, Reprennent le bonheur qu’ils nous avaient prêté. Nous sommes trop petits dans l’ensemble des choses ; La nature mûrit ses blés, fleurit ses roses Et dédaigne nos voeux, nos regrets, nos efforts. Attendons, résignés, la fin des heures lentes ; Les étoiles, là-haut, roulent indifférentes ; Qu’elles versent l’oubli sur nous ; heureux les morts !

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    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    In memoriam (I) J'aime à changer de cieux, de climat, de lumière. Oiseau d'une saison, je fuis avec l'été, Et mon vol inconstant va du rivage austère Au rivage enchanté. Mais qu'à jamais le vent bien loin du bord m'emporte Où j'ai dans d'autres temps suivi des pas chéris, Et qu'aujourd'hui déjà ma félicité morte Jonche de ses débris ! Combien ce lieu m'a plu ! non pas que j'eusse encore Vu le ciel y briller sous un soleil pâli ; L'amour qui dans mon âme enfin venait d'éclore L'avait seul embelli. Hélas ! avec l'amour ont disparu ses charmes ; Et sous ces grands sapins, au bord des lacs brumeux, Je verrais se lever comme un fantôme en larmes L'ombre des jours heureux. Oui, pour moi tout est plein sur cette froide plage De la présence chère et du regard aimé, Plein de la voix connue et de la douce image Dont j'eus le cœur charmé. Comment pourrais-je encor, désolée et pieuse, Par les mêmes sentiers traîner ce cœur meurtri, Seule où nous étions deux, triste où j'étais joyeuse, Pleurante où j'ai souri ? Painswick, Glocestershire, août 1850.

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    L

    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    Le fantôme D’un souffle printanier l’air tout à coup s’embaume. Dans notre obscur lointain un spectre s’est dressé, Et nous reconnaissons notre propre fantôme Dans cette ombre qui sort des brumes du passé. Nous le suivons de loin, entraînés par un charme A travers les débris, à travers les détours, Retrouvant un sourire et souvent une larme Sur ce chemin semé de rêves et d’amours. Par quels champs oubliés et déjà voilés d’ombre Cette poursuite vaine un moment nous conduit Vers plus d’un mont désert, dans plus d’un vallon sombre, Le fantôme léger nous égare après lui. Les souvenirs dormants de la jeunesse éteinte S’éveillent sous ses pas d’un sommeil calme et doux ; Ils murmurent ensemble ou leur chant ou leur plainte. Dont les échos mourants arrivent jusqu’à nous. Et ces accents connus nous émeuvent encore. Mais à nos yeux bientôt la vision décroît ; Comme l’ombre d’Hamlet qui fuit et s’évapore, Le spectre disparaît en criant : Souviens-toi !

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    Magdeleine Michel

    @magdeleineMichel

    Du temps Si j'avais compris, du temps, le prix des années, Passant au fil des jours, jamais ne revenant, J'aurais sucé la sève aux saveurs d'un instant, Peut-être, mordant aux heures assassinées. Mais tu voles, Chronos, avec tes ailes noires, Sur la route! Et nos vies que tu fauches, Vieillard, Tu en sèmes les grains dans un lit de brouillard, Comme d'un sable roux échappant aux mémoires. Ton sablier, impitoyablement, s'écoule Dans le lit d'Anankè ou le destin s'écroule Jusqu'aux replis secrets, dévoilant nos matins. Et nous, pauvres humains, retenons la poussière Des souvenirs perlés d'argent et de lumière, Aux larmes des adieux lissés comme satins.

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    M

    Magdeleine Michel

    @magdeleineMichel

    Je me souviens... Je me souviens De ces rivages d'horizons bleus, Au large des sentiments Où soufflait le vent de ton amour. Je me souviens De ces sommets aux neiges roses, Creusés comme crevasses Dans les replis de mon cœur. Oui, je me souviens Comme la brise argentée sur la mer, De tourbillons amers et doux Dans mes larmes de lumière. Je me souviens Sous la paupière aride et lourde, Toute la route qui s'enfuit Sous les roues de l'ennui. Je me souviens Sur les toits rouges et bleus, De rideaux de fumée Jusqu'aux coins de mes yeux. Oh! je me souviens Des chemins gris jusqu'à l'azur, Comme murailles rampantes Où s'écrivaient mes mots d'amour. Je me souviens Des citadelles aux murs de sable Et de mes ciels d'incertitudes Aussi tranchantes que des lames. Oui, je me souviens; Mais aujourd'hui est-ce le vent Pour rire ou pleurer comme avant ? Je ne sais plus... Je n'en sais rien...

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    Marcel Proust

    Marcel Proust

    @marcelProust

    Je contemple souvent le ciel de ma mémoire Le temps efface tout comme effacent les vagues Les travaux des enfants sur le sable aplani Nous oublierons ces mots si précis et si vagues Derrière qui chacun nous sentions l’infini. Le temps efface tout il n’éteint pas les yeux Qu’ils soient d’opale ou d’étoile ou d’eau claire Beaux comme dans le ciel ou chez un lapidaire Ils brûleront pour nous d’un feu triste ou joyeux. Les uns joyaux volés de leur écrin vivant Jetteront dans mon coeur leurs durs reflets de pierre Comme au jour où sertis, scellés dans la paupière Ils luisaient d’un éclat précieux et décevant. D’autres doux feux ravis encor par Prométhée Étincelle d’amour qui brillait dans leurs yeux Pour notre cher tourment nous l’avons emportée Clartés trop pures ou bijoux trop précieux. Constellez à jamais le ciel de ma mémoire Inextinguibles yeux de celles que j’aimai Rêvez comme des morts, luisez comme des gloires Mon coeur sera brillant comme une nuit de Mai. L’oubli comme une brume efface les visages Les gestes adorés au divin autrefois, Par qui nous fûmes fous, par qui nous fûmes sages Charmes d’égarement et symboles de foi. Le temps efface tout l’intimité des soirs Mes deux mains dans son cou vierge comme la neige Ses regards caressants mes nerfs comme un arpège Le printemps secouant sur nous ses encensoirs. D’autres, les yeux pourtant d’une joyeuse femme, Ainsi que des chagrins étaient vastes et noirs Épouvante des nuits et mystère des soirs Entre ces cils charmants tenait toute son âme Et son coeur était vain comme un regard joyeux. D’autres comme la mer si changeante et si douce Nous égaraient vers l’âme enfouie en ses yeux Comme en ces soirs marins où l’inconnu nous pousse. Mer des yeux sur tes eaux claires nous naviguâmes Le désir gonflait nos voiles si rapiécées Nous partions oublieux des tempêtes passées Sur les regards à la découverte des âmes. Tant de regards divers, les âmes si pareilles Vieux prisonniers des yeux nous sommes bien déçus Nous aurions dû rester à dormir sous la treille Mais vous seriez parti même eussiez-vous tout su Pour avoir dans le coeur ces yeux pleins de promesses Comme une mer le soir rêveuse de soleil Vous avez accompli d’inutiles prouesses Pour atteindre au pays de rêve qui, vermeil, Se lamentait d’extase au-delà des eaux vraies Sous l’arche sainte d’un nuage cru prophète Mais il est doux d’avoir pour un rêve ces plaies Et votre souvenir brille comme une fête.

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    Marie Krysinska

    @marieKrysinska

    Métempsycose À Georges Lorin Longtemps après que toute vie Sur la terre veuve aura cessé, Les tristes ombres des humains, Les âmes plaintives des humains, Reviendront visiter La terre veuve Où toute vie aura cessé. Elles quitteront les corps nouveaux Que la tyrannique droite de Dieu Aura assigné à leur destinée pérégrine, Dans quelque planète lointaine, Et pieusement viendront visiter La terre veuve. Allors, leur prunelle spirituelle Et leur immatérielle oreille Reconnaîtront les formes, les couleurs et les sons Qui furent les œuvres de leurs mains assidues, Durant les âges amoncelés et oubliés. Qui furent les œuvres de leurs mains débiles, De leurs mains plus fortes pourtant Que le Néant. Tandis que palpitait en eux la terrestre vie Et que leur bouche proclamait Le nom trois fois saint de l’Art immortel. Et quand, au matin revenu, un autre soleil Les rappellera vers les corps assignés À leur destinée pérégrine, Dans quelque planète lointaine, Chaque ombre errante, chaque âme plaintive Dira : – j’ai fait un rêve prodigieux. Et, sous le fouet de l’éternelle Beauté Et de l’éternelle Mélancolie, Les humains à nouveau dompteront – Dans cette planète lointaine – Les couleurs, les formes et les sons.

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    Maurice Rollinat

    @mauriceRollinat

    Nostalgie de soleil Quel poète évoquera le rose des bruyères, Le lézard des vieux murs, la mouche des étangs, Et le petit rayon qui vient, tout le beau temps, Rire au carreau crasseux de la vieille chaumière ? Les végétaux chambrés, le fleuri, la verdure De ces jardins vitrés plus chauds que des maisons Et tout le trompe-l'œil des tapis, des tentures Voulant singer les rocs, les arbres, les gazons, Accusent mieux, l'hiver, leur piteuse imposture Alors que l'on regrette avec tant de douleur Le soleil qui faisait éclater la couleur, Flamber le verdoîment dans toute la nature ! Hélas ! bien avant l'heure où l'astre roi, l'été, De sa pourpre de sang rend les plaines rougies, Dès l'automne déjà s'impose la clarté Des mélancoliques bougies. Tout seul, à leur lueur si blême, On a l'air de veiller un mort. Sans compter que, parfois encor, On dirait presque — horreur suprême ! — Que ce défunt-là c'est soi-même. Chaque retour d'hiver cause un frisson nouveau Avec ce jour de crépuscule, Ce sol humide de caveau Où nul insecte ne circule Et qui paraît sous l'ombre abaisser son niveau. Au dur tic tac de la pendule Le corps moisit, se caille ainsi que le cerveau. Nos jours plus obscurcis devant le bois qui brûle Dévident l'incertain de leur maigre écheveau. Mais que le froid sèche ou s'endorme, Et que le ciel s'allume, alors ! tout se transforme En notre âme, ce sphinx inquiet, noir problème, Louche énigme pour elle-même Dans sa prison d'humanité ! Pour cette renfermée, au ténébreux martyre, Le Soleil, c'est le bon sourire, C'est l'œil compatissant de la Fatalité !

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    Max Elskamp

    @maxElskamp

    Ici, c’est un vieil homme de cent ans Ici, c’est un vieil homme de cent ans qui dit, selon la chair, Flandre et le sang : souvenez-vous-en, souvenez-vous-en, en ouvrant son coeur de ses doigts tremblants pour montrer à tous sa vie comme un livre, et, dans sa joie comme en des oraisons, tout un genre humain occupé à vivre en ses villes pies d’hommes et d’enfants. Or à tous ici, ses pleurs et ses fêtes, et, suivant le ciel peint à ses couleurs, voici sa maison, ses fruits et ses fleurs, en ses horizons d’hommes et de bêtes : et lors ses heures d’hiver et printemps venues en musique ainsi qu’en prières, sous des Christs en croix, des saints, des calvaires, puis sa foi aussi bonne en tous les temps, pour la paix de sa vie trop à l’attache, dans les jours, les mois, des quatre saisons, et le réconfort de ses mains qui tâchent ici de leur mieux et très simplement.

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    M

    Max Elskamp

    @maxElskamp

    À ma mère Ô Claire, Suzanne, Adolphine, Ma Mère, qui m’étiez divine, Comme les Maries, et qu’enfant, J’adorais dès le matin blanc Qui se levait là, près de l’eau, Dans l’embrun gris monté des flots, Du fleuve qui chantait matines À voix de cloches dans la bruine ; Ô ma Mère, avec vos yeux bleus, Que je regardais comme cieux, Penchés sur moi tout de tendresse, Et vos mains elles, de caresses, Lorsqu’en vos bras vous me portiez Et si douce me souriiez, Pour me donner comme allégresse Du jour venu qui se levait, Et puis après qui me baigniez Nu, mais alors un peu revêche, Dans un bassin blanc et d’eau fraîche, Aux aubes d’hiver ou d’été. Ô ma Mère qui m’étiez douce Comme votre robe de soie, Et qui me semblait telle mousse Lorsque je la touchais des doigts, Ma Mère, avec aux mains vos bagues Que je croyais des cerceaux d’or, Lors en mes rêves d’enfant, vagues, Mais dont il me souvient encor ; Ô ma Mère aussi qui chantiez, Parfois lorsqu’à tort j’avais peine, Des complaintes qui les faisaient De mes chagrins choses sereines, Et qui d’amour me les donniez Alors que pour rien, je pleurais. Ô ma Mère, dans mon enfance, J’étais en vous, et vous en moi, Et vous étiez dans ma croyance, Comme les Saintes que l’on voit, Peintes dans les livres de foi Que je feuilletais sans science, M’arrêtant aux anges en ailes À l’Agneau du Verbe couché, Et à des paradis vermeils Où les âmes montaient dorées. Et vous m’étiez la Sainte-Claire, Et dont on m’avait lu le nom, Qui portait comme de lumière Un nimbe peint autour du front. * Mais temps qui va et jours qui passent, Alors, ma Mère, j’ai grandi, Et vous m’avez été l’amie Aux heures où j’avais l’âme lasse, Ainsi que parfois dans la vie Il en est d’avoir trop rêvé Et sur la voie qu’on a suivie De s’être ainsi souvent trompé. Et vous m’avez lors consolé Des mauvais jours dont j’étais l’hôte, Et m’avez aussi pardonné Parfois encore aussi mes fautes, Ma Mère, qui lisiez en moi, Ce que je pensais sans le dire, Et saviez ma peine ou ma joie Et me l’avériez d’un sourire. * Claire, Suzanne, Adolphine, Ô ma Mère, des Écaussinnes, À présent si loin qui dormez, Vous souvient-il des jours d’été, Là-bas en Août, quand nous allions, Pour les visiter nos parents Dans leur château de Belle-Tête, Bâti en pierres de chez vous, Et qui alors nous faisaient fête À vous, leur fille, ainsi qu’à nous, En cette douce Wallonie D’étés clairs là-bas, en Hainaut, Où nous entendions d’harmonie, Comme une voix venue d’en-haut, Le bruit des ciseaux sur les pierres Et qui chantaient sous les marteaux, Comme cloches sonnant dans l’air Ou mer au loin montant ses eaux, Tandis que comme des éclairs Passaient les trains sous les ormeaux. Ô ma Mère des Écaussinnes, C’est votre sang qui parle en moi, Et mon âme qui se confine En Vous, et d’amour, et de foi, Car vous m’étiez comme Marie, Bien que je ne sois pas Jésus, Et lorsque vous êtes partie, J’ai su que j’avais tout perdu.

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    Maëlle Ranoux

    @maelleRanoux

    Au village du silence Au village du silence, Règne le temps passé. Par la pierre sculptée, siècles figés, la mémoire diffuse ce que les hommes ont oublié. Au village du silence, Que la vigne encercle Et le chemin pierreux épouse, L’existence n’a qu’un son, Celui de la rivière, Celui de la fontaine, Celui de cette eau claire qui vient de la montagne. Au village du silence, Les maisons s’entrecroisent Labyrinthe de vies imbriquées Murs qui se frôlent, Fenêtres étroites qui auscultent Les passagers de ces vaisseaux occultes, réfugiés derrière leurs larges murs. Pas un mot pas un bruit, C’est dans le murmure que l’on se dit. Les maisons séculaires accueillent sous leurs massives charpentes une forêt de colombages et montants Les paroles s’y cachent, les caprices, les petitesses, les racontars, les simples humains et leurs drôles d’écueils s’y étouffent. Et dans la rue pavée, pas un pas. Quelle est l’épaisseur du trait de vie, ici ? Quel autre volume que celui des montagnes ? Quel espace reste-il si la vallée s’ouvre comme une reine et avale toutes les vies qui s’avancent à elle ? Au village du silence, Je ne dors plus, J’écoute, L’épaisseur de l’interdit qui pèse sur chacun pour que tous puissent être là. La lumière joue à s’éteindre Les légendes s’approchent pour m’étreindre A l’entrée du village, l‘eau charrie une histoire de coquillages, L’air frais diffuse, Légendes des tourbières secrètes, contes miraculeux dans une langue d’un autre âge.

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    M

    Maëlle Ranoux

    @maelleRanoux

    Se pétrir d’un voyage Je me souviens de l’océan Chaud et doux, S’entêtant à me séduire, S’allongeant sur mes rêves. Face aux torrents agités, crissants, d’ici, Je me souviens de la vie là-bas, Légère, Fluide comme une rivière, Traversante, Dans un horizon sans barrière. Je me souviens aussi, Du souvenir de vous, Mes êtres demeures, Comme des arbres absents, Dont l’ombre fraîche manquait sur mes rives. Je me souviens de l’océan. Je me souviens de vous absents. Je me souviens encore de ceux, Là-bas, Restés sous le soleil ardent, Sur les rives de ma rivière absente. * Mais, quelle est cette mélodie ? Oui, je la reconnais, C’est la triste mélodie du départ C’est la joyeuse mélodie de l’ailleurs Elle me pose, elle m’apaise, elle m’étreint, elle m’appelle, Elle porte mon chagrin, elle transporte mon espoir. * Vos lignes monotones M’animent ! Vos chemins chauds M’envolent ! Votre hiver glaçant M’échauffe ! Votre été bouillant M’exalte Vos grises mines M’amusent ! Vos âmes, à moi me lient, à moi m’attachent, à vous m’attachent. *

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    Nérée Beauchemin

    @nereeBeauchemin

    La branche d’alisier chantant Je l’ai tout à fait désapprise La berceuse au rythme flottant, Qu’effeuille, par les soirs de brise, La branche d’alisier chantant. Du rameau qu’un souffle balance, La miraculeuse chanson, Au souvenir de mon enfance, A communiqué son frisson. La musique de l’air, sans rime, Glisse en mon rêve, et, bien souvent, Je cherche à noter ce qu’exprime Le chant de la feuille et du vent. J’attends que la brise reprenne La note où tremble un doux passé, Pour que mon coeur, malgré sa peine, Un jour, une heure en soit bercé. Nul écho ne me la renvoie, La berceuse de l’autre jour, Ni les collines de la joie, Ni les collines de l’amour. La branche éolienne est morte ; Et les rythmes mystérieux Que le vent soupire à ma porte, Gonflent le coeur, mouillent les yeux. Le poète en mélancolie Pleure de n’être plus enfant, Pour ouïr ta chanson jolie, Ô branche d’alisier chantant !

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    N

    Nérée Beauchemin

    @nereeBeauchemin

    La maison solitaire Seule, en un coin de terre où plane la tristesse Et le mélancolique et vague ennui des soirs, La vieille maison blanche, aux grands contrevents noirs, Pleure-t-elle ses gens, son hôte, son hôtesse ? Avec sa porte close et ses carreaux en deuil Qui ne semblent, au loin, qu'un vaporeux décalque, La maison blanche et noire a l'air d'un catafalque Érigé sur le vide et la nuit d'un cercueil. À la croix des pignons tachés d'ocre et de suie, Comme un crêpe fané, la mousse vole au vent, Et l'on dirait, parfois, qu'il tombe de l'auvent Une neige de cendre et des larmes de pluie. Trois générations ont peiné dans ce lieu : Trois générations de laboureurs de terre Ont vécu longuement le rêve solitaire, Qui commence à l'autel et finit devant Dieu. Tout semble mort... Soudain, la vitre qui brasille S'ouvre, et, tel qu'au matin, brille un coquelicot, Une face vermeille apparaît, et l'écho Éparpille un fredon d'enfant qui s'égosille. Rouge d'orgueil, le fier petit gars d'habitant, Que le ber ancestral a couvé dans la paille, Du jeu d'un gosier d'or, éblouit la marmaille Et fait taire le merle et le coq éclatant. Et la vieille maison, tant de fois attristée Par le glas et l'adieu des funèbres convois, Reprend jeunesse et vie au seul son de la voix Qui conjure l'ennui, dont son âme est hantée. Le vieil âge n'est plus. Voici le jeune temps : L'aurore entre malgré la fenêtre morose ; La chambre se plafonne et se meuble de rose ; La maison recommence à vivre ses vingt ans. Et le chef du travail, dehors à coeur d'année, Bénit l'horizon clair et le soleil levant, Le nuage et l'oiseau, la rosée et le vent, Qui lui promettent tous une belle journée.

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    N

    Nérée Beauchemin

    @nereeBeauchemin

    Le vieux parler Si je le parle, à coeur de jour, Au pays, avec les miens, comme Au grand siècle tout gentilhomme Le parlait aux abbés de cour, C’est… Ains seulement par amour. Ce français vieillot qu’on dédaigne, Il est natif d’un haut Poitou Et d’un lointain Paris itou. Ces termes, que le chaume enseigne, Ce sont des termes de Montaigne. Le mot local, très clair, s’entend ; Du puriste il choque l’oreille ; Malgré tout, comme il s’appareille, Et comme il s’accorde pourtant Avec la parlure d’antan. L’habitant, dit-on, baragouine. L’habitant patoise ? C’est faux. Il remet au jour des joyaux Qu’incrustent souvent la patine Et l’illustre rouille latine. Oyez le parler du hameau : Il coule comme aux goutterelles Coulent les sèves naturelles ; Il coule aux lèvres comme l’eau Des érables au renouveau. Mais que l’émoi d’un coeur l’anime, Ce vieux français, c’est tout chez nous ; Sous ses aspects âpres et doux, Ce langage simple et sublime, C’est toute la patrie intime. Si le papier le souffre ici, Oh ! c’est rapport à la victoire Des patriotes de l’histoire ! Si je le parle encore ainsi, À Dieu, grand’grâce et grand merci ! Durant trois siècles d’affilée, La première langue du sol A lutté sans peur et sans dol. Malgré rafale et giboulée, L’honneur et le droit l’ont parlée. Le verbe du clocher natal A gardé toute sa puissance, Et le vieil esprit de la France Poursuit l’ancien chemin royal Vers les grands fonds de l’idéal.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Air vif J’ai regardé devant moi Dans la foule je t’ai vue Parmi les blés je t’ai vue Sous un arbre je t’ai vue Au bout de tous mes voyages Au fond de tous mes tourments Au tournant de tous les rires Sortant de l’eau et du feu L’été l’hiver je t’ai vue Dans ma maison je t’ai vue Entre mes bras je t’ai vue Dans mes rêves je t’ai vue Je ne te quitterai plus.

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Colloque sentimental Dans le vieux parc solitaire et glacé Deux formes ont tout à l'heure passé. Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, Et l'on entend à peine leurs paroles. Dans le vieux parc solitaire et glacé Deux spectres ont évoqué le passé. - Te souvient-il de notre extase ancienne ? - Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne ? - Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ? Toujours vois-tu mon âme en rêve ? - Non. Ah ! les beaux jours de bonheur indicible Où nous joignions nos bouches ! - C'est possible.

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Les chères mains qui furent miennes Les chères mains qui furent miennes, Toutes petites, toutes belles, Après ces méprises mortelles Et toutes ces choses païennes, Après les rades et les grèves, Et les pays et les provinces, Royales mieux qu'au temps des princes, Les chères mains m'ouvrent les rêves. Mains en songe, mains sur mon âme, Sais-je, moi, ce que vous daignâtes, Parmi ces rumeurs scélérates, Dire à cette âme qui se pâme ? Ment-elle, ma vision chaste D'affinité spirituelle, De complicité maternelle, D'affection étroite et vaste ? Remords si cher, peine très bonne, Rêves bénis, mains consacrées, Ô ces mains, ces mains vénérées, Faites le geste qui pardonne !

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Nevermore Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L'automne Faisait voler la grive à travers l'air atone, Et le soleil dardait un rayon monotone Sur le bois jaunissant où la bise détone. Nous étions seul à seule et marchions en rêvant, Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent. Soudain, tournant vers moi son regard émouvant " Quel fut ton plus beau jour ? " fit sa voix d'or vivant, Sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique. Un sourire discret lui donna la réplique, Et je baisai sa main blanche, dévotement. - Ah ! les premières fleurs, qu'elles sont parfumées ! Et qu'il bruit avec un murmure charmant Le premier oui qui sort de lèvres bien-aimées !

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Spleen Les roses étaient toutes rouges Et les lierres étaient tout noirs. Chère, pour peu que tu ne bouges, Renaissent tous mes désespoirs. Le ciel était trop bleu, trop tendre, La mer trop verte et l’air trop doux. Je crains toujours, – ce qu’est d’attendre ! Quelque fuite atroce de vous. Du houx à la feuille vernie Et du luisant buis je suis las, Et de la campagne infinie Et de tout, fors de vous, hélas !

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    Paul-Jean Toulet

    Paul-Jean Toulet

    @paulJeanToulet

    Aimez-vous le passé Aimez-vous le passé Et rêver d’histoires Évocatoires Aux contours effacés ? Les vieilles chambres Veuves de pas Qui sentent tout bas L’iris et l’ambre ; La pâleur des portraits, Les reliques usées Que des morts ont baisées, Chère, je voudrais Qu’elles vous soient chères, Et vous parlent un peu D’un coeur poussiéreux Et plein de mystère.

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    Paul-Jean Toulet

    Paul-Jean Toulet

    @paulJeanToulet

    Le sable ou nos pas ont crié Le sable où nos pas ont crié, l'or ni la gloire, Qu'importe, et de l'hiver le funèbre décor. Mais que l'amour demeure et me sourie encor Comme une rose rouge à travers l'hombre noire.

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    Paul-Jean Toulet

    Paul-Jean Toulet

    @paulJeanToulet

    Le tremble est blanc Le temps irrévocable a fui. L’heure s’achève. Mais toi, quand tu reviens, et traverses mon rêve, Tes bras sont plus frais que le jour qui se lève, Tes yeux plus clairs. A travers le passé ma mémoire t’embrasse. Te voici. Tu descends en courant la terrasse Odorante, et tes faibles pas s’embarrassent Parmi les fleurs. Par un après-midi de l’automne, au mirage De ce tremble inconstant que varient les nuages, Ah ! verrai-je encor se farder ton visage D’ombre et de soleil ?

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    Pierre de Ronsard

    Pierre de Ronsard

    @pierreDeRonsard

    Ciel, air et vents, plains et monts découverts Ciel, air et vents, plains et monts découverts, Tertres vineux et forêts verdoyantes, Rivages torts et sources ondoyantes, Taillis rasés et vous bocages verts, Antres moussus à demi-front ouverts, Prés, boutons, fleurs et herbes roussoyantes, Vallons bossus et plages blondoyantes, Et vous rochers, les hôtes de mes vers, Puis qu’au partir, rongé de soin et d’ire, A ce bel oeil Adieu je n’ai su dire, Qui près et loin me détient en émoi, Je vous supplie, Ciel, air, vents, monts et plaines, Taillis, forêts, rivages et fontaines, Antres, prés, fleurs, dites-le-lui pour moi.

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    Pierre de Ronsard

    Pierre de Ronsard

    @pierreDeRonsard

    Il faut laisser maisons et vergers et jardins Il faut laisser maisons et vergers et jardins, Vaisselles et vaisseaux que l’artisan burine, Et chanter son obsèque en la façon du cygne, Qui chante son trépas sur les bords méandrins. C’est fait j’ai dévidé le cours de mes destins, J’ai vécu, j’ai rendu mon nom assez insigne, Ma plume vole au ciel pour être quelque signe Loin des appas mondains qui trompent les plus fins. Heureux qui ne fut onc, plus heureux qui retourne En rien comme il était, plus heureux qui séjourne D’homme fait nouvel ange auprès de Jésus-Christ, Laissant pourrir çà-bas sa dépouille de boue Dont le sort, la fortune, et le destin se joue, Franc des liens du corps pour n’être qu’un esprit.

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    Pierre de Ronsard

    Pierre de Ronsard

    @pierreDeRonsard

    Quand je suis vingt ou trente mois Quand je suis vingt ou trente mois Sans retourner en Vendômois, Plein de pensées vagabondes, Plein d'un remords et d'un souci, Aux rochers je me plains ainsi, Aux bois, aux antres et aux ondes. Rochers, bien que soyez âgés De trois mil ans, vous ne changez Jamais ni d'état ni de forme ; Mais toujours ma jeunesse fuit, Et la vieillesse qui me suit, De jeune en vieillard me transforme. Bois, bien que perdiez tous les ans En l'hiver vos cheveux plaisants, L'an d'après qui se renouvelle, Renouvelle aussi votre chef ; Mais le mien ne peut derechef R'avoir sa perruque nouvelle. Antres, je me suis vu chez vous Avoir jadis verts les genoux, Le corps habile, et la main bonne ; Mais ores j'ai le corps plus dur, Et les genoux, que n'est le mur Qui froidement vous environne. Ondes, sans fin vous promenez Et vous menez et ramenez Vos flots d'un cours qui ne séjourne ; Et moi sans faire long séjour Je m'en vais, de nuit et de jour, Au lieu d'où plus on ne retourne.

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    Pierre Jean Jouve

    Pierre Jean Jouve

    @pierreJeanJouve

    Les soleils disparus sont des mots éternels Les soleils disparus sont des mots éternels Dont la phrase arrondie à cette forme : extase De terre musicienne et de verdure et d'or De village pendu au balcon le plus rare De prairie et de roc glaciaire entremêlés ; Ô beauté de là-bas, songe de l'extrême heure, Un furieux brasier d'Automne se formait Aux vallées par-dessous les herbes potagères, La descente faisait l'amour à la chaleur Les masures de bois tourmentaient la lumière Et la noblesse était défunte aux châtaigniers, Et partant l'on sentait la perte d'espérence Par gravitation de désirs insensés.

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    Rainer Maria Rilke

    Rainer Maria Rilke

    @rainerMariaRilke

    Ô nostalgie des lieux Ô nostalgie des lieux qui n’étaient point assez aimés à l’heure passagère, que je voudrais leur rendre de loin le geste oublié, l’action supplémentaire ! Revenir sur mes pas, refaire doucement – et cette fois, seul – tel voyage, rester à la fontaine davantage, toucher cet arbre, caresser ce banc … Monter à la chapelle solitaire que tout le monde dit sans intérêt ; pousser la grille de ce cimetière, se taire avec lui qui tant se tait. Car n’est-ce pas le temps où il importe de prendre un contact subtil et pieux ? Tel était fort, c’est que la terre est forte ; et tel se plaint : c’est qu’on la connaît peu.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Ce qui dure Le présent se fait vide et triste, Ô mon amie, autour de nous ; Combien peu de passé subsiste ! Et ceux qui restent changent tous. Nous ne voyons plus sans envie Les yeux de vingt ans resplendir, Et combien sont déjà sans vie Des yeux qui nous ont vus grandir ! Que de jeunesse emporte l'heure, Qui n'en rapporte jamais rien ! Pourtant quelque chose demeure : Je t'aime avec mon cœur ancien, Mon vrai cœur, celui qui s'attache Et souffre depuis qu'il est né, Mon cœur d'enfant, le cœur sans tache Que ma mère m'avait donné ; Ce cœur où plus rien ne pénètre, D'où plus rien désormais ne sort ; Je t'aime avec ce que mon être A de plus fort contre la mort ; Et, s'il peut braver la mort même, Si le meilleur de l'homme est tel Que rien n'en périsse, je t'aime Avec ce que j'ai d'immortel.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Printemps oublié Ce beau printemps qui vient de naître À peine goûté va finir ; Nul de nous n'en fera connaître La grâce aux peuples à venir. Nous n'osons plus parler des roses : Quand nous les chantons, on en rit ; Car des plus adorables choses Le culte est si vieux qu'il périt. Les premiers amants de la terre Ont célébré Mai sans retour, Et les derniers doivent se taire, Plus nouveaux que leur propre amour. Rien de cette saison fragile Ne sera sauvé dans nos vers, Et les cytises de Virgile Ont embaumé tout l'univers. Ah ! frustrés par les anciens hommes, Nous sentons le regret jaloux Qu'ils aient été ce que nous sommes, Qu'ils aient eu nos cœurs avant nous.

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