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Imaginaire

207 poésies en cours de vérification
Imaginaire

Poésies de la collection imaginaire

    R

    Régis Boury

    @regisBoury

    Avec ou sans Des roses sans épines Des riches sans argent Des poules avec des dents Des hommes avec des ailes Des hirondelles Qui feraient le printemps Des villes sans hommes Des hommes sans têtes Des têtes sans cervelles Des cervelles Qu'on ne servirait plus A manger A midi A la cantine Comme ça Ca me va. 11 octobre 1994

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Apparition La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs Vaporeuses, tiraient de mourantes violes De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles. C’était le jour béni de ton premier baiser. Ma songerie aimant à me martyriser S’énivrait savamment du parfum de tristesse Que même sans regret et sans déboire laisse La cueillaison d’un rêve au coeur qui l’a cueilli. J’errais donc, l’oeil rivé sur le pavé vieilli Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue Et dans le soir, tu m’es en riant apparue Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Autre éventail de mademoiselle Mallarmé O rêveuse, pour que je plonge Au pur délice sans chemin, Sache, par un subtil mensonge, Garder mon aile dans ta main. Une fraîcheur de crépuscule Te vient à chaque battement Dont le coup prisonnier recule L’horizon délicatement. Vertige ! voici que frissonne L’espace comme un grand baiser Qui, fou de naître pour personne, Ne peut jaillir ni s’apaiser. Sens-tu le paradis farouche Ainsi qu’un rire enseveli Se couler du coin de ta bouche Au fond de l’unanime pli ! Le sceptre des rivages roses Stagnants sur les soirs d’or, ce l’est, Ce blanc vol fermé que tu poses Contre le feu d’un bracelet.

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    L'après-midi d'un faune Le Faune: Ces nymphes, je les veux perpétuer. Si clair, Leur incarnat léger, qu'il voltige dans l'air Assoupi de sommeils touffus. Aimai-je un rêve? Mon doute, amas de nuit ancienne, s'achève En maint rameau subtil, qui, demeuré les vrais Bois même, prouve, hélas! que bien seul je m'offrais Pour triomphe la faute idéale de roses. Réfléchissons… ou si les femmes dont tu gloses Figurent un souhait de tes sens fabuleux! Faune, l'illusion s'échappe des yeux bleus Et froids, comme une source en pleurs, de la plus chaste: Mais, l'autre tout soupirs, dis-tu qu'elle contraste Comme brise du jour chaude dans ta toison? Que non! par l'immobile et lasse pâmoison Suffoquant de chaleurs le matin frais s'il lutte, Ne murmure point d'eau que ne verse ma flûte Au bosquet arrosé d'accords; et le seul vent Hors des deux tuyaux prompt à s'exhaler avant Qu'il disperse le son dans une pluie aride, C'est, à l'horizon pas remué d'une ride Le visible et serein souffle artificiel De l'inspiration, qui regagne le ciel. O bords siciliens d'un calme marécage Qu'à l'envi de soleils ma vanité saccage Tacite sous les fleurs d'étincelles, CONTEZ Que je coupais ici les creux roseaux domptés Par le talent; quand, sur l'or glauque de lointaines Verdures dédiant leur vigne à des fontaines, Ondoie une blancheur animale au repos: Et qu'au prélude lent où naissent les pipeaux Ce vol de cygnes, non! de naïades se sauve Ou plonge…

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Prose Hyperbole ! de ma mémoire Triomphalement ne sais-tu Te lever, aujourd’hui grimoire Dans un livre de fer vêtu : Car j’installe, par la science, L’hymne des cœurs spirituels En l’œuvre de ma patience, Atlas, herbiers et rituels. Nous promenions notre visage (Nous fûmes deux, je le maintiens) Sur maints charmes de paysage, Ô sœur, y comparant les tiens. L’ère d’autorité se trouble Lorsque, sans nul motif, on dit De ce midi que notre double Inconscience approfondit Que, sol des cent iris, son site, Ils savent s’il a bien été, Ne porte pas de nom que cite L’or de la trompette d’Été. Oui, dans une île que l’air charge De vue et non de visions Toute fleur s’étalait plus large Sans que nous en devisions. Telles, immenses, que chacune Ordinairement se para D’un lucide contour, lacune Qui des jardins la sépara.

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    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Chaleur estivale Sur la plage le parasol fermé pointe au firmament Ma langue savoure les grains de sel sur mes lèvres moites Mes pieds s’enfoncent dans le sable chaud Le sommeil me guette Le rêve m’attend Le soleil grandit l’éternité de mes pensées. Je répète jusqu’à l’hallucination les vers que tu as écrits pour moi, une nuit à côté des étoiles. Sous l’astre de l’été je revis notre amour : colonne ivre du temple de l’éternité Les saisons se succèdent Et moi je crois encore aux feux d’artifices.

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    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Périmètre de la mémoire Épigénèse Ton cerveau façonné déconstruit l’imaginaire anesthésie le désir Le chagrin grandi le mur te regarde solitaire le musée de tes pensées éclate tu n’es plus vivant la rigidité cadavérique de notre monde te berce Tu as peur d’un cri dépassant le rebord d’une fenêtre avec vue sur le néant Tu pleures ton chagrin le chagrin d’un peuple meurtri par la haine enlevé par le déterminisme torturé par la gloire Anamnèse d’une vie désagrégée

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

    Théodore Agrippa d'Aubigné

    @theodoreAgrippaDaubigne

    Mais quoi ! c'est trop chanté Mais quoi ! c'est trop chanté, il faut tourner les yeux Éblouis de rayons dans le chemin des cieux. C'est fait, Dieu vient régner, de toute prophétie Se voit la période à ce point accomplie. La terre ouvre son sein, du ventre des tombeaux Naissent des enterrés les visages nouveaux : Du pré, du bois, du champ, presque de toutes places Sortent les corps nouveaux et les nouvelles faces. Ici les fondements des châteaux rehaussés Par les ressuscitants promptement sont percés ; Ici un arbre sent des bras de sa racine Grouiller un chef vivant, sortir une poitrine ; Là l'eau trouble bouillonne, et puis s'éparpillant Sent en soi des cheveux et un chef s'éveillant. Comme un nageur venant du profond de son plonge, Tous sortent de la mort comme l'on sort d'un songe. Les corps par les tyrans autrefois déchirés Se sont en un moment en leurs corps asserrés, Bien qu'un bras ait vogué par la mer écumeuse De l'Afrique brûlée en Tylé froiduleuse. Les cendres des brûlés volent de toutes parts ; Les brins plus tôt unis qu'ils ne furent épars Viennent à leur poteau, en cette heureuse place Riants au ciel riant d'une agréable audace...

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Carmen Dicere carmen. Horace. Camille, en dénouant sur votre col de lait Vos cheveux radieux plus beaux que ceux d’Hélène, Égrenez tour à tour, ainsi qu’un chapelet, Ces guirlandes de fleurs sur ces tapis de laine. Tandis que la bouilloire, éveillée à demi, Ronfle tout bas auprès du tison qui s’embrase, Et que le feu charmant, tout à l’heure endormi, Mélange l’améthyste avec la chrysoprase ; Tandis qu’en murmurant, ces vins, célestes pleurs, Tombent à flots pressés des cruches ruisselantes, Et que ces chandeliers, semblables à des fleurs, Mettent des rayons d’or dans les coupes sanglantes ; Que les Dieux de vieux Saxe et les Nymphes d’airain Semblent, en inclinant leur tête qui se penche, Parmi les plâtres grecs au visage serein, Se sourire de loin dans la lumière blanche ; Les bras et les pieds nus, laissez votre beau corps Dont le peignoir trahit la courbe aérienne, Sur ce lit de damas étaler ses accords, Ainsi qu’un dieu foulant la pourpre tyrienne. Que votre bouche en fleur se mette à l’unisson Du vin tiède et fumant, de la flamme azurée Et de l’eau qui s’épuise à chanter sa chanson, Et dites-nous des vers d’une voix mesurée. Car il faut assouplir nos rhythmes étrangers Aux cothurnes étroits de la Grèce natale, Pour attacher aux pas de l’Ode aux pieds légers Le nombre harmonieux d’une lyre idéale. Il faut à l’hexamètre, ainsi qu’aux purs arceaux Des églises du Nord et des palais arabes, Le calme, pour pouvoir dérouler les anneaux Saints et mystérieux de ses douze syllabes ! Janvier 1844.

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Dernière angoisse Au moment de jeter dans le flot noir des villes Ces choses de mon coeur, gracieuses ou viles, Que boira le gouffre sans fond, Ce gouffre aux mille voix où s’en vont toutes choses, Et qui couvre d’oubli les tombes et les roses, Je me sens un trouble profond. Dans ces rhythmes polis où mon destin m’attache Je devrais servir mieux la Muse au front sans tache ; Au lieu de passer en riant, Sur ces temples sculptés dont l’éclat tourbillonne Je devrais faire luire un flambeau qui rayonne Comme une étoile à l’Orient ; Rebâtir avec soin les histoires anciennes, A chaque monument redemander les siennes, Dont le souvenir a péri ; Chanter les dieux du Nord dont la splendeur étonne, A côté de Vénus et du fils de Latone Peindre la Fée et la Péri ; Ranimer toute chose avec une syllabe, L’ogive et ses vitraux de feu, le trèfle arabe, Le cirque, l’église et la tour, Le château fort tout plein de rumeurs inouïes, Et le palais des rois, demeures éblouies Dont chacune règne à son tour ; Les murs Tyrrhéniens aux majestés hautaines, Les granits de Memphis et les marbres d’Athènes Qu’un regard du soleil ambra, Et des temps révolus éveillant le fantôme, Faire briller auprès d’un temple polychrome Le Colisée et l’Alhambra! J’aurais dû ranimer ces effroyables guerres Dont les peuples mourants s’épouvantaient naguères, Meurtris sous un rude talon, Dire Attila suivi de sa farouche horde, Charlemagne et César, et celui dont l’exorde Fut le grand siège de Toulon ! Puis, après tous ces noms, sur la page choisie Écrire d’autres noms d’art et de poésie, Dont le bataillon espacé Par des poëmes d’or, dont la splendeur enchaîne L’époque antérieure à l’époque prochaine, Illumine tout le passé ! Dans ce grand Panthéon, des dalles jusqu’aux cintres Graver des noms sacrés de chanteurs et de peintres, D’artistes rêvés ardemment ; A chacun, soit qu’il cherche un poëme sous l’arbre, Ou qu’il jette son coeur dans la note ou le marbre, Faire une place au monument ! Dire Moïse, Homère à la voix débordante Qui contenait en lui Tasse, Virgile et Dante; Dire Gluck, penché vers l’Éden, Mozart, Goethe, Byron, Phidias et Shakspere, Molière, devant qui toute louange expire, Et Raphaël et Beethoven ! Montrer comment Rubens, Rembrandt et Michel-Ange Mélangeaient la couleur et pétrissaient la fange Pour en faire un Jésus en croix; Et comment, quand mourait notre Art paralytique Apparurent, guidés par l’instinct prophétique, Le grand Ingres et Delacroix ! Comment la Statuaire et la Musique aux voiles Transparents, ont porté nos coeurs jusqu’aux étoiles; Nommer David, sculptant ses Dieux, Rossini, gaieté, joie, ivresse, amour, extase, Et Meyerbeer, titan ravi sur un Caucase Dans l’ouragan mélodieux ! Mais surtout dire à tous que tu grandis encore, O notre chêne ancien que le vieux gui décore, Arbre qui te déchevelais Sur le front des aïeux et jusqu’à leur épaule, Car Gautier et Balzac sont encore la Gaule De Villon et de Rabelais ! Montrer l’Antiquité largement compensée, Et comparant de loin ces oeuvres de pensée Qu’un sublime destin lia, Répéter après eux, dans leur langage énorme, Ce que disent les vers de Marion Delorme Aux chapitres de Lélia ! Pas à pas dans son vers suivre chaque poëme, Chaque création arrachée au ciel même, Et surtout le vers de Musset, Fantasio divin, qui, soit qu’il se promène Dans les rêves du ciel ou la souffrance humaine, Devient un vers que chacun sait ! Enfin, pour un moment traînant mes Muses blanches Sur les hideux tréteaux et les sublimes planches, Aller demander au public Les noms de ceux qui font sa douleur ou son rire, Puis, avant tous ces noms, sur le feuillet inscrire George, Dorval et Frédérick ! Ainsi, des temps passés relevant l’hyperbole, Et, comme un pèlerin, apportant mon obole A tout ce qui luit fort et beau, J’aurais voulu bâtir sur l’arène mouvante Un monument hardi pour la gloire vivante, Pour la gloire ancienne un tombeau ! Hélas ! ma folle Muse est une enfant bohème Qui se consolera d’avoir fait un poëme Dont le dessin va de travers, Pourvu qu’un beau collier pare sa gorge nue, Et que, charmante et rose, une fille ingénue Rie ou pleure en lisant ses vers. Juillet 1842

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    La muse La muse est un oiseau, disait un maître ancien. Auguste Vacquerie. Près du ruisseau, sous la feuillée, Menons la Muse émerveillée Chanter avec le doux roseau, Puisque la Muse est un oiseau. Puisque la Muse est un oiseau, Gardons que quelque damoiseau N’apprenne ses chansons nouvelles Pour aller les redire aux belles. Un méchant aux plus fortes ailes Tend mille pièges infidèles. Gardons-la bien de son réseau, Puisque la Muse est un oiseau. Puisque la Muse est un oiseau, Empêchons qu’un fatal ciseau Ne la poursuive et ne s’engage Dans les plumes de son corsage. Mère, veillez bien sur la cage Où la Muse rêve au bocage. Veillez en tournant le fuseau, Puisque la Muse est un oiseau. Avril 1844.

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    La voie lactée Déesse, dans les cieux éblouissants, la Voie Lactée est un chemin de triomphe et de joie, Et ce flot de clarté qui dans le firmament Jette parmi l’azur son blanc embrasement Semble, dans sa splendeur en feu qui s’irradie, Produit par un foyer unique d’incendie. Mais quand notre regard dans l’éther empli d’yeux Monte vers l’Océan céleste que les Dieux Font rouler des Gémeaux de flamme au Sagittaire, Il y voit flamboyer des astres dont la terre Admire en pâlissant la sereine splendeur, Et dans le vaste flot sacré dont la candeur Éclate et de la nuit blanchit les sombres voiles, Il voit s’épanouir des millions d’étoiles. Telle est la Poésie: à travers le lointain Des âges, qui s’enfuit, comme au riant matin Devant les flèches d’or à vaincre habituées S’enfuit le triste choeur frissonnant des Nuées, Elle nous apparaît d’abord confusément, Lueur, flambeau, clarté, vaste éblouissement De porteurs de lauriers et de porteurs de lyre A l’homme encor sauvage enseignant leur délire; Puis nous reconnaissons parmi des spectres vains Les inventeurs sacrés, les beaux géants divins, Pareils à des lions dont la fauve crinière Embrase leurs fronts d’or que baise la lumière. O Calliope! muse aux chastes bras de lys, Avant tous, dans les jours lointains je vois ton fils Orphée, et je salue au riant crépuscule Ce roi héros qui fut le compagnon d’Hercule. Je le vois sur l’Argo; déjà courbant leurs fronts, Jason, Téphys, Idas de leurs gais avirons Frappent les flots; mais lui, tenant la lyre, il chante. Tous les monstres marins sur la mer qu’il enchante Montent, heurtant leurs flancs vermeils et se pressant Pour suivre le vaisseau rapide en bondissant; Et cherchant le héros avec un doux murmure, Le vent caressant fait voler sa chevelure. Puis je le vois, plus tard, soumettant à sa voix L’âpre désert, vainqueur des antres et des bois; Car, ô Déesse, alors sur les monts du Rhodope Ou sur le sombre Hémus que la nue enveloppe, Attirés par ses chants, pins, yeuses, cyprès, Les arbres pour venir l’écouter de plus près Déchiraient follement en leurs fureurs divines La terre qui tenait captives leurs racines; Et, sans songer à fuir leurs souffles arrogants Restant pour l’écouter dans les noirs ouragans, La colombe des cieux laissait tomber sa plume Sur le flot irrité du torrent blanc d’écume; Les aigles oubliaient de prendre leur essor; La tigresse tournait une prunelle d’or Vers ses regards voilés par ses longues paupières, Et sa voix éveillait des âmes dans les pierres. Temps quatre fois heureux où des vers ont changé Une arène infertile en Éden ombragé! þAu haut de la colline, une plaine déserte Et sans ombre, étalait son tapis d’herbe verte. Sitôt que le poëte issu du sang des Dieux Y vint, et que la corde aux sons mélodieux Résonna sous ses doigts, alors l’ombre prochaine Accourut. Ni ton arbre, ô Chaon! ni le chêne Touffu ne manqua, ni le frêne meurtrier, Ni l’érable qui saigne et le chaste laurier. Puis le tilleul ami, l’héliade pleureuse, Les tendres noisetiers et la tremblante yeuse Groupèrent leurs rameaux près du sapin sans noeuds Et du hêtre, étonnés de trouver auprès d’eux Le saule et le lotus amants des blondes rives; Puis le myrte léger, le buis aux teintes vives Qui bravent tous les deux le souffle des hivers, Et, le figuier poreux qui s’orne de fruits verts, Et le mûrier portant sa récolte sanglante, Et le prix immortel d’une victoire lente, La palme. Vous aussi vous vîntes, enlaçant L’ormeau, lierre aux cent mains, la vigne en l’embrassant! Et près de vous le pin, dont la tête se mêle Aux blancheurs de la nue, arbre aimé de Cybèle Depuis que son écorce emprisonna la chair Du bel Attis, et prit l’enfant qui lui fut cher; Enfin, suivant aussi le charme qui le guide, Le cyprès, des forêts mouvante pyramide, Arbre aujourd’hui, jadis ami du dieu changeant Dont la cithare est d’or et dont l’arc est d’argent. Et dès que sous ce dôme ombragé le poëte Eut doré de ses chants la paisible retraite Et que l’archet frémit, tout l’univers créé Vint rafraîchir sa lèvre à ce torrent sacré; Le lion, dont les yeux lancent la mort, cet hôte De la caverne sombre et de la forêt haute, Cessa pour un moment de répandre l’effroi, Le tigre dépouilla ses colères de roi, Et se laissa bercer dans un tendre vertige; Bien plus, en ce moment, ineffable prodige! Les stériles rochers où l’oiseau fait son nid Quittèrent la montagne et ses flancs de granit; La brise tut ses chants, l’aigle quitta son aire, Le ruisseau ralentit sa démarche légère, Et dans l’arbre amoureux les Dryades des bois Turent leurs vagues chants pour la première fois. Dans cet enivrement, les muses Aonides Quittèrent sans regret les demeures splendides Où l’écho retentit d’harmonieux accords, Et le mont verdoyant où les lys de leur corps Font comme une guirlande à la noire fontaine, Où le Permesse tombe et meurt dans l’Hippocrène, Où le sombre Olmius, avec un doux fracas, Bleuit d’un long baiser leurs membres délicats; Et les Dieux, sur l’Olympe où la jeune Déesse Leur verse à flots vermeils l’éternelle jeunesse Avec les vins sanglants par l’amour embrasés, Oublièrent enfin les immortels baisers. Chacun prêta l’oreille aux premiers chants du cygne: Celui qui ralentit les nuages d’un signe, Mercure ailé, Junon si belle en son courroux, Lyaeus accoudé sur les grands lions roux, Puis la blonde Aphrodite à la prunelle noire, Thétis, dont un rayon, baise les pieds d’ivoire, Mars, Diane, Pallas aux yeux profonds et bleus, Et Phébus rayonnant dans l’azur nébuleux. Sous ce profond regard de la voûte étoilée Le poëte eût senti son âme consolée, S’il n’eût été choisi pour la grande douleur Que les Dieux immortels égalent à la leur, Et s’il n’eût regretté ce type insaisissable Comme une goutte d’eau dans un désert de sable, Ce spectre qui de loin vous fait voir un sein nu Et fuit, vierge, un amant qui ne l’a pas connu. Oh! pour que dans mes vers ton doux nom resplendisse, Victime aux pieds légers, réponds, jeune Eurydice! Le ciel t’envoyait-il à notre humanité Pour montrer qu’ici-bas l’éternelle Beauté Ne se révèle à nous que dans l’éclair d’un rêve? Blonde et rieuse enfant, douce comme notre Ève, N’étais-tu pas, avec ton front chaste et divin, L’image du bonheur que nous touchons en vain, Qui nous apparaît tel que nos voeux le choisissent, Et qui s’évanouit quand nos mains le saisissent? Qu’avais-tu fait aux Dieux? A quoi pensait la Mort, Quand les bois gémissant la virent, sans remord Sur ta lèvre surprise éteignant la parole, Fermer ta bouche en fleur ainsi qu’une corolle? Eurydice! pendant que de son pas léger Elle fuyait les cris d’un insolent berger, Courant éperdûment dans les vertes campagnes De la Thrace, avec les Naïades ses compagnes, Elle tomba, mordue au pied par un serpent. Déroulant ses anneaux et dans l’herbe rampant, Le monstre au cou livide et qu’une bave arrose, Furtif, avait rampé vers son talon de rose, Et mis ses crocs affreux dans cette jeune chair. Les Dryades, pleurant son front qui leur fut cher, Crurent qu’en la perdant la terre était changée. On entendit gémir la cime du Pangée; Le dur géant Rhodope eut de longs désespoirs; Des sanglots éclataient parmi ses rochers noirs, Et le ciel vit les pleurs de la froide Orithye. Pour Orphée, anxieux et l’âme anéantie, Sur son front portant l’ombre ainsi qu’un noir vautour, De l’aube à la nuit noire il chantait son amour, Pâle, effrayant, en proie au sinistre délire, Et des cris douloureux s’échappaient de sa lyre. Enfin, brûlant toujours de feux inapaisés, Cherchant la vierge enfant ravie à ses baisers, Il pénétra parmi les gorges du Ténare; Il entra dans le bois où la lumière avare Se voile et meurt, où les vains spectres par milliers Se pressent, comme font des oiseaux familiers Qui vont rasant la terre et dont le vol hésite. Il apaisa le flot bouillonnant du Cocyte, Et même il vit au fond de l’enfer souterrain Les Dieux de l’ombre assis sur leurs trônes d’airain. Il chantait, voix mêlée à la lyre divine; Les Dieux voyaient l’Amour vivant dans sa poitrine; Sans doute ils eurent peur qu’en leur morne tombeau L’archer Désir lui-même avec son clair flambeau Ne parût, et domptant le Styx aux vagues sombres, Ne redonnât la vie au vain peuple des Ombres. Muse! tu sais comment, subjugué par ses vers, Pluton qui règne, assis près des gouffres ouverts Et des pics trop brûlés pour que l’herbe y verdisse, Rendit au roi chanteur la tremblante Eurydice, Et comment, ô douleur! vaincu par son amour Orphée, en arrivant presque aux portes du jour Se retourna pour voir plus tôt la bien-aimée. Elle s’évanouit en légère fumée. La mort couvrait de nuit son visage riant, Et, triste, elle appelait Orphée en s’enfuyant Vers le gouffre béant et d’où sortaient des râles Tendant encor vers lui ses mains froides et pâles, Et repassant déjà le fleuve au noir limon. Pendant sept mois entiers, sur les bords du Strymon, Orphée en pleurs, de tous évitant les approches, Dans les antres glacés vécut parmi les roches . Parmi les durs frimas où fleurissent les lys De l’âpre neige, aux bords glacés du Tanaïs Il erra, savourant le funeste délice De sa douleur, toujours chantant son Eurydice. Les Ménades hurlant dans leurs terribles jeux, L’aperçurent un jour du haut d’un mont neigeux. Les tigres à ses pieds se couchaient pleins d’ivresse, Et les chênes, suivant sa voix enchanteresse, Venaient vers le divin poëte en se mouvant. L’une d’elles, sauvage et les cheveux au vent, S’écria: Le voilà, celui qui nous méprise! Et les cris furieux se mêlaient dans la brise, Et le son de la flûte et le bruit des tambours Épouvantaient la nue, et devant les Dieux sourds, Rouges, à coups de thyrse, à coups de branches d’arbre, Lui jetant de la terre et des rochers de marbre, Même pour l’en frapper, dans les sillons bourbeux Arrachant follement les cornes des grands boeufs, Comme un farouche essaim, les Ménades hurlantes Déchirèrent son corps avec leurs mains sanglantes, Et leurs cris étouffaient ses plaintes et sa voix Impuissante à charmer pour la première fois, Car un dieu dans leurs coeurs avait mis cette fièvre, Et l’âme du héros s’échappa de sa lèvre. þLes oiseaux, les lions, les rochers et les bois Te pleurèrent, Orphée! Attirée à ta voix Si souvent, la forêt laissa comme une veuve L’ornement de son front pour te pleurer; le fleuve Crût de ses pleurs; voilant son sein de toutes parts Avec son deuil, la nymphe eut les cheveux épars. Le corps gît en lambeaux; et prodige! quand l’Hèbre Roule avec lui la tête et la lyre célèbre, La lyre cherche un son plaintif, qu’en expirant La voix plaintive mêle aux plaintes du torrent.þ On dit qu’en ce moment, par un instinct de mère, Calliope sentit une douleur amère; Que sa voix tressaillit dans son essor vainqueur, Et que son divin sang reflua vers son coeur. Saluant du regard ses légères compagnes, Elle vole dans l’air, plane sur les campagnes, Et pâle, ses cheveux dénoués sur son flanc, Touche enfin, mais trop tard, au rivage de sang. Elle ne pleura pas, la mère douloureuse! Mais regarda longtemps le flot que le flot creuse, Et laissant retomber ses voiles, montra nu Le chef-d’oeuvre sacré de son corps inconnu. C’en est fait, ce beau corps a roulé sous la vague, Le fleuve soulevé pousse un murmure vague, Fait briller son oeil glauque, et, trois fois agité De caresser dans l’ombre une divinité, Cherche dans son transport une force nouvelle Pour meurtrir follement cette chair immortelle. Ivre, le vent gémit, et les arbres dans l’air Font craquer sourdement leurs grands rameaux; l’éclair Enveloppe le ciel d’un sanglant crépuscule, Et frissonnant, le jour s’épouvante et recule, Et toute la Nature, émue en ce moment, Jette de sa poitrine un long gémissement. Les hommes, effrayés et baissant la paupière, Brûlent un encens pur dans leurs temples de pierre, Jusqu’à ce que le ciel, en essuyant ses pleurs, Déroule avec Iris l’écharpe aux sept couleurs, Et que l’onde calmée où ce rayon s’argente Couvre son dos uni d’une moire changeante. Alors, le regard trouble et la bouche en sanglots, La Muse reparaît sur l’écume des flots, Non telle qu’autrefois Cypris, la vierge blonde, Jaillit dans la clarté sur l’écume de l’onde, Mais farouche, plaintive, et sur un sein de lys Te serrant, douce Lyre, échappée à son fils! Puis elle alla s’asseoir aux sables du rivage, Les yeux illuminés d’une terreur sauvage, Les cheveux dénoués et mêlés de roseaux, Et l’épaule bleuie à l’étreinte des eaux. Là, pleine d’amertume en son âme qui saigne, Et regardant les fronts que la lumière baigne, Elle chercha des yeux le mortel assez grand Pour tenir la cithare où pleure un souffle errant. Mais nul n’osa prétendre à ce divin trophée De mort et d’harmonie. Ainsi mourut Orphée, La Lyre. Mais plus tard ce fut de son esprit Errant dans les grands bois où l’herbe en fleur sourit, Mais que le bûcheron frappe de sa cognée; Ce fut de son amour, de son âme indignée Que naquirent tous ceux dont le chant vif et clair S’envole dans l’orage en feu comme l’éclair Et plane comme un aigle au sein des cieux féeriques, Les dompteurs, les charmeurs, les poëtes lyriques: Tyrtée, Alcée en pleurs dont les vers fulgurants Ont jeté la terreur dans l’âme des tyrans, Et dont la sombre haine invincible et crispée Se retrouve, ô Chénier! sur ta tête coupée; Pindare que d’en haut suivent les Dieux épars, Qui chante dans le bruit des coursiers et des chars Et qui s’envole au but sacré tout d’une haleine! Et toi, grande Sappho, reine de Mitylène! Lionne que l’Amour furieux enchaîna, Près de la mer grondante, avec son Érinna, Elle enseignait le rhythme et ses délicatesses Au troupeau triomphal des jeunes poétesses, Et glacée et brûlante, au bruit amer des flots Elle mêlait des cris de rage et des sanglots. Éros, qui nous atteins avec des flèches sûres, De quels feux tu brûlas et de quelles blessures Son chaste sein meurtri par le baiser du vent! Mais comme rien ne meurt de ce qui fut vivant, Sa colère amoureuse et de souffrance avide, Plus tard devait dicter sa plainte au fier Ovide Qui, choisissant l’amour, eut la meilleure part, Et frémir dans les vers d’Horace et de Ronsard. Mille chanteurs ont dit chez nous, riants Orphées, Les chevaliers héros protégés par les Fées; Villon, ce bel enfant qui n’eut ni feu ni lieu, A chanté sa ballade en riant comme un dieu, Et Marot, comme un Faune escaladant la cime Du mont sacré, baisa les lèvres de la Rime; L’harmonieux Ronsard fit vibrer sous ses doigts La glorieuse lyre où sommeillent des voix, Et joyeux, anima de son archet d’ivoire Un Tempé souriant près de la verte Loire. Pindare, son aïeul, lui dit les grands secrets, Et les Nymphes baisaient son front dans les forêts. Attirant sur ses pas, au milieu des Déesses, Un troupeau louangeur de rois et de princesses, Il nous rendait Properce et Tibulle et ce doux Catulle, et ses chansons apprivoisaient des loups. Au tiède renouveau, sous la verdure tendre Cythérée amenait son enfant pour l’entendre. Comme un rouge Soleil entouré d’astres d’or Il régnait, et, charmeur d’âmes, volait encor Le Sonnet et la rime enflammée à Pétrarque; Et par lui, ravissant l’inexorable Parque, Victorieuse, comme en un festin d’amour Le vin de pourpre emplit un vase au pur contour, L’âme française entra dans les mètres d’Horace Élégants et précis. Voilà comment la race D’Orphée, ainsi qu’un vol d’abeilles au doux miel, Arriva jusqu’à nous des profondeurs du ciel. Mais bien avant que sur la terre émerveillée L’Ode aux cris éclatants ne se fût réveillée, Un homme colossal, une lyre à la main, Se leva pour chanter un combat surhumain. Comment dire ton nom, ton nom, géant Homère! Qui dominas du front cette Grèce ta mère, Et qui, roulant tout bas, spectre pâle et hagard Ta prunelle d’azur, sans flamme et sans regard, Laissas couler un jour de ta main gigantesque Toute l’Antiquité, comme une grande fresque! Où sont tes Dieux ravis dans l’éblouissement Et tes héros plus grands que tes grands Dieux? Comment Donnerai-je à mon vers une assez forte haleine Pour chanter les héros et le chanteur d’Hélène? Qui t’instruisait, ô Roi? Quels secrets épiés T’apprirent ces mortels qui rampaient sous tes pieds? Qui t’avait révélé, vieux mendiant des routes, Le ciel éblouissant et les splendides voûtes? Qui t’a fait voir un jour, d’un oeil épouvanté, Le maître dans sa gloire et dans sa majesté? N’étais-tu pas le fils d’Apollon, dieu de Sminthe, Qui dicte à ses enfants une suave plainte? Ou, dieu toi-même, un jour, l’âme pleine de fiel, Jupiter t’avait-il précipité du ciel, Et ne cachais-tu pas, dans ton idolâtrie, Un souvenir lointain de ta vieille patrie? Nul ne le sut. Tu vins, et d’un ton compassé, Un pied sur l’avenir, l’autre sur le passé, Tu chantas à grands flots ces créations pures, Fleuve où s’abreuveront les cent races futures! Tu marchais, échangeant, fier de ta pauvreté, Quelque repas furtif pour l’immortalité, Disant au peuple sourd à force d’insolence: Nation, je te voue à la nuit du silence! Pour l’immense avenir enflant ta large voix, Mendiant, t’asseyant à la table des rois, Et parmi les rayons, comme un essaim farouche Les mots harmonieux murmuraient sur ta bouche. Dans les enchantements de tes superbes vers, Tu mis les deux splendeurs qui charment l’univers, La Force et la Beauté sereine, et pour éclore Ton oeuvre s’éveilla dans une ardente aurore. Le mot fatal brilla, l’autel fut consacré, Le monde de l’idée étincela créé. Pour la beauté d’abord tu nous donnas Hélène, Forme terrible et pure en son manteau de laine, Pour laquelle à jamais les hommes et les Dieux Se livrent sans relâche un combat odieux, Et, comme sur un mont les roches ébranlées, S’écroulent à longs cris dans tes grandes mêlées; Hélène, au sort fatal qu’elle fuyait en vain, Que Vénus réservait pour un bonheur divin, 385 Et qui, dès que le blond Pâris ouvrit la bouche, Pensa voir Lyaeus, le roi libre et farouche, Le dieu charmant, riant, jeune, en qui s’est mêlé Le sang de Jupiter au sang de Sémélé! Hélène qui, riant sur sa couche fatale, Tuait dans un baiser l’Asie orientale, Et serrant sur son sein l’enfant aux blonds cheveux, Étouffait un empire entre ses bras nerveux! Prophétesse en courroux, triste et fière lionne, Comment saluas-tu la mère d’Hermione, Lorsque endormant Pâris sur le navire ailé, Ses chants retentissaient dans le détroit d’Hellé! Oh! quand tout l’avenir de carnage et de cendre Passa comme un flambeau sur l’âme de Cassandre; Lorsqu’elle vit au loin, comme un jeune lion, Achille déchirer les princes d’Ilion, Que, le regard fixé sur toutes ces détresses, Elle arrachait son voile et ses cheveux en tresses, Quel frisson dut la prendre au haut de cette tour Qui devait sur son front s’écrouler à son tour, Et d’où ses yeux ont vu, dans l’horrible mêlée De mille égorgements, la Guerre échevelée! Oui, ce furent bien là des combats palpitants Et tels qu’en avaient eu les Dieux et les Titans, Quand ces monstres hideux, fils de la Terre énorme, Pour élever au ciel leur phalange difforme, Sur l’escalier fatal que leur main exhaussa Posèrent pour degrés Pélion sur Ossa! Quels combats et quels chocs! Vénus et Diomède, Phoebus, Neptune, Ulysse et Minerve à son aide; Hector guidé par Mars et par Bellone, Hector Dont les chevaux ardents brisent des harnois d’or, Et derrière eux l’Asie ardente à se répandre De l’Axius d’argent aux rives du Méandre; Atride et les Ajax au carnage excités; La Grèce impitoyable et toutes ses cités, Depuis Cos, où les rocs semblent de noires tombes, Jusqu’à Thisbé, séjour aimé par les colombes! Oh! parle! redis-nous de combien de héros Les Dieux ivres d’horreur se firent les bourreaux! Chante encore, apparais sous le deuil qui te navre, Muse! excite nos pleurs, montre-nous le cadavre D’Hector, que tu suivis en tes longs désespoirs, Balayant la poussière avec ses cheveux noirs! Vierge, enfle tes clairons; c’est là que tout commence, Et rien n’eût rappelé cette Iliade immense, Si, las de cette mer où tout poëte but, Le père des héros n’eût vers un autre but Tourné sa poésie enivrante et pressée, Et gardé quelque amour à sa soeur l’Odyssée, Rêverie à plis d’or, chant limpide et vainqueur, Dont chaque note éveille un écho dans le coeur! Oh! que de passions et de saintes idées Y dorment gravement, hautes de cent coudées! Que de drames en germe étalés sous les fleurs! Avec quel charme on suit du sourire ou des pleurs Ce héros qui, jouet du courroux de Neptune, Portant de tous côtés son étrange fortune, Va parmi les flots verts, destructeur des cités, Braver le dur cyclope et ses atrocités, Suivre des yeux Pallas, guerrière vengeresse, Dormir près de Circé la brune enchanteresse, Et s’asseoir en haillons au grand festin des rois, Ces fils de Jupiter, dont l’éclatante voix De leur noble origine était comme une preuve, Et dont l’enfant lavait ses robes dans le fleuve! Comme on prête l’oreille au chant simple et divin Qui jaillit au repas d’une coupe de vin, Et peint avec amour ces beautés extatiques Rayonnant au sommet sur les ombres antiques, Ou qui, nous démasquant les recoins de l’autel, Fait éclater les Dieux de leur rire immortel, Devant le filet d’or à la maille serrée Où Vulcain près de Mars enferme Cythérée! Odyssée! Iliade! ô couple ardent et fort! Vaste dualité, fille d’un même effort! O lyres à cent voix! ô douces Philomèles! Coupes aux flancs sculptés! créations jumelles! Quel homme eût jamais cru qu’un délire nouveau Eût pu vous enfanter dans le même cerveau? Pourtant, marchant pieds nus dans la ronce et les pierres, Il tenait dans ses mains les géantes guerrières, Et jusqu’au but sacré, sans redouter l’affront, Il porta sans pâlir ces filles de son front. Mais quand ce créateur eut son oeuvre finie , Cet inventeur des chants, ce héros, ce génie, Consumé par les feux d’une céleste ardeur, S’affaissa sous le poids de sa propre grandeur, Et, les regards fixés aux cieux, où sur leurs ailes Ses vers avaient porté des Déesses nouvelles, Colosse, s’endormit au revers du chemin, Fier, souriant encore, et tenant à la main Sa lyre de héros, plus noble que l’épée D’Achille. Ainsi mourut Homère, l’Epopée. Mais, ô Muse! il revit pour jamais comme un dieu, Dans un temple idéal ouvert sur l’azur bleu: Nous le voyons, géant environné de gloire, Dans la lumière, assis sur un trône d’ivoire. Ses Filles à ses pieds, d’un geste souverain, Tiennent encor la rame et le glaive d’airain. Et là, Virgile avec sa longue chevelure, Lucrèce, à l’oeil épris de la grande Nature, Le conteur de la guerre effrayante, Lucain Portant dans sa poitrine un coeur républicain, Dante, sombre et vêtu de sa robe écarlate, Tasse, Arioste enfant qui nous berce et nous flatte, Camoëns tout mouillé par le flot de la mer, Milton qui se souvient du ciel et de l’enfer, O Muse! tous ces rois, tous ces conteurs épiques, Nés pour chanter les chocs des glaives et des piques, Tous ces grands inspirés qui, même privés d’yeux, Plongent dans l’insondable éther, et voient les Dieux Et leurs palais qui dans la lumière se dorent, Veillent, silencieux, près d’Homère et l’adorent; Car ils sont tous les fils de son glorieux sang. Ils sont même sortis de son robuste flanc, Ceux-là qui, vendangeurs aux doigts tachés de lie, Ont suivi Melpomène, ou la brune Thalie Dont on craint le regard charmant et meurtrier: Eschyle au vaste front couvert du noir laurier, Dont le Mède a connu la bravoure intrépide, Sophocle, et le charmeur des femmes, Euripide, Et cet Aristophane irritable, au grand coeur, Dont la colère chante avec les voix du choeur, Ménandre, Plaute esclave, et le sage Térence, Le vieux Corneille, honneur éternel de la France, Et Racine qui prend les âmes, et Regnard, Et La Fontaine encor sans égal dans son art, Qui, dans son Iliade ingénue et subtile, Fait du renard Thersite et du lion Achille. Tous adorent Homère et vers lui sont venus Par le hardi chemin qu’ont touché ses pieds nus. S’ils n’ont pas, comme lui, des cimes escarpées Précipité le flot des larges épopées, C’est que l’homme enfermé dans les champs et les murs, Toujours courbé vers l’or ou vers les épis mûrs, Et n’ayant plus d’amour pour les collines veuves, Se trouva trop petit pour boire à ces grands fleuves. Alors pour nous fixer au monde où nous passions, Vint le Drame vivant qui peint les passions, Et sa riante soeur, la folle Comédie, Qui jette sur nos moeurs la satire hardie. Un masque sur le front, effroyable ou rieur, Des chercheurs, attirés par l’homme intérieur, Avec le dur scalpel vinrent déchirer l’âme Et l’éclairer tremblante à leurs torches de flamme, Soulevèrent du doigt l’enveloppe qui ment, Surprirent le secret de chaque mouvement, Et léguant devant tous leur étude profonde A la postérité, cette voix qui féconde, Chantèrent au soleil, harmonieux Memnons. Mais par-dessus leurs voix et par-dessus leurs noms Rayonnent sur la scène où leur souffle respire, Le justicier Molière et le divin Shakspere! Deux sages, deux voyants brûlés du même feu, Et qui sur notre monde ont laissé pour adieu Mille créations palpitantes d’extases, Dont le sein est vêtu de rêves et de gazes, Et qui, sur notre ennui, du haut de leur ciel pur, Jettent de longs regards d’incendie et d’azur. Oh! le bon sens joyeux et brutal de Molière! Ce dilemme subtil, acharné comme un lierre, Cette franche tirade ou bien ces mots si courts, Étincelles d’esprit qui charmèrent les cours, Oh! qui nous les rendra? Quand donc, pleins de querelles, Reverrons-nous gonfler ces charmants Sganarelles Dont l’honneur outragé crève comme un ballon? Quand roucoulerez-vous, ô reines de salon! Ces madrigaux ouvrés et ces fadaises tendres Qu’improvisaient pour vous de précieux Clitandres? Quand donc les Vadius avec leurs Trissotins Viendront-ils débiter leurs supplices latins Aux tout petits pieds blancs de nos Muses, dont mainte Laisse derrière soi Bélise et Philaminte! Hélas! chaque Henriette aujourd’hui sait le grec! Et toi, qui regardais les bavards d’un oeil sec, Alceste soucieux, Céladon misanthrope, Qui vers ton cher soleil, comme l’héliotrope, Tournes tes yeux ardents, reviendras-tu des bois Pour gourmander un peu notre monde aux abois! Ces Jourdains lamés d’or et ces Josses orfèvres, Comme ils nous manquent tous avec leur rire aux lèvres! Comment nous laissent-ils, ces amis? et comment Nous sommes-nous passés de ce troupeau charmant? Oh! comme ils savent tous des façons bien apprises! Comme ils mènent à bout leurs folles entreprises! Comme tous ces maris, bouffons dont vous riez, Sont bien aux yeux de tous triplement mariés! Et comme ce marquis, bel ourdisseur de trames, Qui leur vole à plaisir leurs filles et leurs femmes, Est un charmant vaurien dont un regard séduit Magiquement, la jeune Agnès dans son réduit! Il s’appelle Damis, Horace ou bien Valère; Il est tendre et charmant jusque dans sa colère; Il est fait comme un dieu, rose comme un enfant, S’avance avec un air superbe et triomphant, Et passe, d’une main la plus blanche du monde, Son peigne dentelé dans sa perruque blonde. Aussi les fleurs de cour, aux yeux extravagants, Laissent-elles tomber leurs coeurs avec leurs gants Devant ce dédaigneux, qui se baisse à grand’peine Pour ramasser à terre une âme toute pleine! Et c’est justice, au fait, car ses rubans sont lourds Et parent follement son habit de velours; Ses canons précieux sont du plus grand volume, Et son chapeau lissé disparaît sous la plume. De plus, il sait jeter son or à pleines mains, Et d’un large mépris couvre tous les humains. Après tout, les Orgons et les pères Gérontes Ont le tort d’être laids comme l’ogre des contes, De garder leurs écus comme des Harpagons, D’être vêtus de noir et de sortir des gonds, Au lieu de chantonner ces paroles magiques Dont rêvent les Agnès comme les Angéliques. Puis, comment laissent-ils auprès de leurs trésors, Eux qui, Dieu sait pourquoi, sont si souvent dehors, Ces soubrettes d’esprit aux gorges découvertes, Dont la robe et la main à chacun sont ouvertes, Et qui, tout en jouant aux vieux de si bons tours, Veillent folâtrement sur le nid des Amours? Filles de bon conseil, retorses comme un juge, Promptes à la réplique ainsi qu’au subterfuge, Vous faites bien pendant à ces dignes Scapins Dans leurs manteaux d’azur que Watteau nous a peints! Heureusement votre âme est encore assez probe Pour démasquer Tartuffe, un allongeur de robe, Qui cache à tout propos son coeur licencieux Sous le manteau divin de l’église et des cieux, Et qui, tout en parlant de l’enfer lamentable, Pousse pieusement Elmire sur la table; Tartuffe, ce penseur aux lèvres de rubis Que nous trouvons partout et sous tous les habits; Qui tâte des deux mains en profond philosophe, Le désir sous les mots, la chair avec l’étoffe, Et dans ce monde étrange où le mal est tyran Serait leur maître à tous, s’ils n’avaient pas don Juan! C’est le roi, celui-là! c’est le roi, faites place! Regardez! c’est don Juan qui porte un coeur de glace, Qui, tenant dans sa main le magique rameau, Corrompt la grande dame et l’enfant du hameau, Raille, sans essuyer le sang après sa manche, Son père en cheveux blancs, après monsieur Dimanche, Et qui, par les replis d’un labeur sombre et lent, Jusqu’à l’hypocrisie a poussé le talent! C’est don Juan qui, debout devant l’homme de pierre, A subi ses regards sans baisser la paupière, Et qui tenait si bien sa coupe entre ses doigts Que son coeur et sa main n’ont tremblé qu’une fois! O spectacle éternel! ô fiction mouvante, Qui par sa vérité nous glace d’épouvante! Quand le divin Molière, une lampe à la main, Éclaira devant tous les plis du coeur humain, Les peuples, ignorant si le bouffon qu’on vante Suscitait devant eux la Sagesse vivante, Applaudissaient déjà ses grotesques portraits, Sur les passants du jour copiés traits pour traits. Car ils sont bien réels tous, avec leur folie! Ces types surhumains costumés par Thalie Ont une passion sous leur rire moqueur; Sous leurs habits de soie on sent frémir un coeur. S’ils incarnent l’Amour, la Fourbe ou l’Avarice, Ils sont hommes aussi, la terre est leur nourrice! Leur langage profond, dont chacun a la clé, Est un clavier superbe; et rien n’eût égalé Ce théâtre vivant qui frissonne et respire, Si Dieu n’eût allumé l’autre flambeau: Shakspere! Dans le monde réel plein d’ombre et de rayons, Tout ce qui nous sourit, tout ce que nous voyons, Les cieux d’azur, les mers, ces immensités pleines, La fleur qui brode un point sur le manteau des plaines, Les nénuphars penchés et les pâles roseaux Qui disent leur chant sombre au murmure des eaux, Le chêne gigantesque et l’humide oseraie Qui trace sur le sol comme une longue raie, L’aigle énorme et l’oiseau qui chante à son réveil, Tout revit et palpite aux baisers du soleil. C’est de lui qu’ici-bas toute splendeur émane; C’est lui qui répandant la clarté diaphane, Charme le tendre lys comme le jeune aiglon, En secouant au loin ses cheveux d’Apollon, De même, dans ce monde aux choses incertaines, Où la voix du poëte est le bruit des fontaines, Où les vers éblouis sont la brise et les fleurs, Les rires des rayons, les diamants des pleurs, Toute création à laquelle on aspire, Tout rêve, toute chose, émanent de Shakspere. Shakspere, ce penseur! ombre! océan! éclair! Abîme comme Goethe! âme comme Schiller! Or pur dont la splendeur s’éveille dans la flamme! Oeil ouvert gravement sur la nature et l’âme! Phare qui, pour guider les pâles matelots, Rayonne dans la nuit sur des alpes de flots! Mille autres avant lui, farouches statuaires, Ont tourmenté l’argile au fond des sanctuaires Sans avoir entendu le mot essentiel, Et voulaient dans leurs mains prendre le feu du ciel; Mille autres ont chanté, mais devant le prestige De leur création, ils ont eu le vertige; Sur eux, comme une houle, a passé l’univers; A peine si leurs noms surnagent sur leurs vers Mais la grande pensée atteint avec son aile Une aire énorme au haut d’une cime éternelle, D’où ses mille rayons au monde épouvanté Jettent l’intelligence et la fécondité. Le sang qui de son coeur s’écoule comme une onde, A jeté son reflet de pourpre sur le monde. Ainsi de ce sommet grandiose où nos yeux Voient flamboyer son front à mi-chemin des cieux, Shakspere sur la terre a semé des poëtes, Ceux-ci remplis d’amour, et ceux-là de tempêtes. Tout rêve, tout héros, vêtu de pourpre ou nu, Dans sa vaste pensée est au fond contenu; Ainsi que Charlemagne il a tenu le globe, Et pourrait emporter dans les plis de sa robe, Avec leur pauvre lyre et leurs grands piédestaux, Nos géants d’aujourd’hui drapés dans leurs manteaux. Et s’il faisait un jour comparaître à sa barre Les courtisans musqués de sa Muse barbare, Comme de Henri quatre au sombre Richard trois, Ses rois démasqueraient des fantômes de rois! Eux seuls savent porter le sceptre et la couronne; Car il les portait bien, celui qui les leur donne, Lui qui, les yeux remplis d’éclairs, et non content De fouler sous ses pas un royaume éclatant, S’élevait au-dessus de notre fange immonde, Et dans un pays d’or se refaisait un monde! Lui, créateur, à qui, sans craindre son effroi, Dieu lui-même avait dit: Macbeth, tu seras roi! Oh! comme en se penchant sur cet univers sombre, Où fourmillent ses fils et ses peuples sans nombre, L’oeil se baisse aussitôt et se ferme, ébloui D’avoir vu rayonner dans cet antre inouï Tant d’âmes de héros et tant de coeurs de femme, Déchirés et tordus par l’orage du drame! Qui pourrait s’empêcher de craindre et de pâlir Avec Cordélia, la fille du roi Lear, Adorant, fille tendre, ainsi qu’une Antigone, Son père en cheveux blancs, sans trône et sans couronne, Parfum des derniers jours, pauvre Cordélia, Seul et dernier trésor du roi qui l’oublia! Qui, répétant tout bas les chansons d’Ophélie, Ne retrouve des pleurs pour sa douce folie? Qui dans son coeur éteint n’entend sourdre un écho, Et n’aime Juliette écoutant Roméo? Comme ces deux enfants, ces deux âmes jumelles Que le premier amour caresse de ses ailes, Aspirent en un jour tout un bonheur divin, Et meurent, enivrés de ce généreux vin! Juliette n’a pas quatorze ans; c’est une âme Enfantine, où l’amour brûle comme une flamme; Elle vient au balcon mêler dans chaque bruit Les soupirs de son rêve aux cent voix de la nuit, Si belle qu’on croirait sur son front diaphane Voir le vivant rayon de la nymphe Diane, Et le coeur si naïf qu’en ce calice ouvert Le zéphyr qui murmure au sein de l’arbre vert Apporte des serments pleins d’une douce joie! C’est lui! c’est Roméo! Sur son pourpoint de soie La nuit pâle et jalouse a répandu ses pleurs: Il a sur son chemin écrasé mille fleurs, Il a par des endroits hérissés, impossibles, Franchi facilement des murs inaccessibles; Il lui faudra braver, pour sortir du palais, Mille cris, les poignards de tous les Capulets! Qu’importe à Roméo? c’est pour voir Juliette; Juliette sa soeur, pauvre amante inquiète Qui dans cette heure douce où Phoebé resplendit, Le rappelle cent fois et n’a jamais tout dit; Et qui, trop pauvre alors, pour pouvoir encor rendre Son coeur à Roméo, l’aurait voulu reprendre! Oh! lorsque tes cheveux aux magiques reflets Inondent ton beau cou, fille des Capulets! Quand on a vu pendant cette nuit enchantée Rayonner ton front blanc sous la lune argentée! Et toi, qu’à ton destin le ciel abandonna, Toi qui nous fais pleurer, belle Desdemona, Toi qui ne croyais pas, pauvre ange aux blanches ailes, Qu’on pût voir parmi nous des amours infidèles, Desdemona candide, ange qui va mourir, Quand on a dans son coeur entendu ton soupir Et ce que tu chantais en attendant le More: La pauvre âme qui pleure au pied du sycomore! Quand on connaît vos soeurs, ces anges gracieux, Évoqués une nuit de l’enfer ou des cieux, Miranda, Cléopâtre, Imogène, Ophélie, Ces rêves éthérés que le même amour lie! Quelle femme ici-bas ferait vibrer encor Le coeur extasié par vos cithares d’or? Mais ce qui le ravit dans une molle ivresse, C’est ce théâtre bleu fait pour notre paresse, D’où, comme le bon sens, la grave histoire a fui, Et laisse le rêveur chanter son chant pour lui. On n’y mesure pas les poisons à la pinte; Sans quinquets enfumés, ni ciel de toile peinte, Mille gens plus pimpants qu’un sonnet de Ronsard, En faisant des bons mots s’y croisent au hasard. Là, des ruisseaux d’argent, dans des pays quelconques, Versent leurs diamants aux marbres de leurs conques, Des arabesques d’or se brodent sur les cieux; Les arbres sont d’un vert qui ferait mal aux yeux; Tout est très surprenant sans causer de surprises, Et dans tout ce soleil on est baigné de brises. Les héros vont partout sans y porter leurs pas, Ne sont d’aucune époque et ne demeurent pas. Les bouffons sont hardis comme des philosophes; Les femmes ont au corps les plus riches étoffes, Des robes de brocart, de saphirs et d’oiseaux, Souples comme une vague ou comme les roseaux; Des mantelets aurore ou bien couleur de lune Jettent mille reflets sur leur épaule brune, Avec mille bijoux, plumages et colliers. Parfois sous de riants habits de cavaliers, Égrenant sur leurs pas de folles épigrammes, Elles courent les champs, enamourent les femmes, Ont un beau nom de page, et vont prendre le frais Avec leurs diamants dans de petits coffrets. Des Céladons rimeurs, amants d’une Égérie, En habit de satin font de la bergerie, Sont en grand désespoir, et, couchés sur le dos, Regardent le soleil en faisant des rondeaux. Mais la belle est un peu tigresse, et désappointe Le concetti final, au moyen d’une pointe. Les amoureux, gens nés, prennent bien leurs revers, Parlent en prose, à moins qu’ils ne disent des vers, Et ne s’empressent pas vers leur épithalame, Sachant qu’Hymenaeus, au dénoûment du drame Viendra tout arranger avec ses vieux flambeaux. Mais, pour servir de fleurs ils ont des madrigaux Et les fichent après un arbre, qui s’empresse De les faire tenir sans faute à leur adresse. Dans des chars blonds, formés d’une écorce de noix Et de fils d’araignée en guise de harnois, On voit passer au loin de gracieuses fées Qui chantent au soleil, bizarrement coiffées. Les Ariels ont tous deux sexes; les lézards Savent la pantomime et cultivent les arts. Des gens à tête d’âne arrivent, quoi qu’on die, Devant des seigneurs grecs jouer leur tragédie, Où l’homme avec un chien représente Phoebé Dans les tristes amours de Pyrame et Thisbé. Mais lion et Phoebé, tout semble tant habile, Qu’on leur dit: Bien lui, Lune! et: Bien rugi, Lion! Le père Anchise arrive avec le galion Pour reconnaître exprès à la fin, chose due, Sa fille Perdita, c’est-à-dire perdue. Au lieu d’avoir des noms anglais, turcs ou romains, Tous ont des noms charmants pour courir les chemins: Mercutio, Célie, Orlando, Rosalinde, Parolles, Pandarus, Corin, Sylvio! L’Inde Où l’on passe un flot rose en jonque de bambous, Tandis que recueillis, seuls comme des hibous, Des hommes fort dévots font saigner leur échine; L’Eldorado, Kiou-Siou, Kounashir, et la Chine Qui sur sa porcelaine a des pays d’azur, N’ont rien de plus riant, de plus bleu, de plus pur Que ce rêve, où parfois la rose Fantaisie Près du chêne Saxon jette les fleurs d’Asie. C’est un monde limpide où dorment en riant Les mystères du Nord aux clartés d’Orient, Où près des flots d’argent brillent dans les prairies Des plantes d’émeraude aux fleurs de pierreries, Où des bouvreuils jaseurs, pour payer leur écot, Vocalisent, perchés sur un coquelicot! C’est comme notre amour qui parlerait, ou comme Un chant qui redirait ce qui chante dans l’homme; C’est comme un zéphyr calme, ou comme un sylphe ailé Qui caresserait l’âme. Et rien n’eût égalé Ce beau théâtre empli d’une âme singulière, Si nous n’avions pas eu l’autre flambeau: Molière! Car leur Muse à tous deux était la même enfant, Jetant au ridicule un regard triomphant, Ayant la liberté d’une fille espagnole, Un éclair dans les yeux comme dans la parole, Pourtant fière et naïve, et trouvant quelquefois Un mot mystérieux et voilé dans sa voix, Comme en leur soleil d’or l’Armorique ou l’Irlande Ont des brouillards pensifs couchés sur une lande. Elle qui, le sein nu, par les coteaux voisins, Tordait sur ses cheveux la vigne et les raisins, A présent soucieuse au désert où nous sommes, Car tout son avenir était dans ces deux hommes, Gémissait de les voir, par un effort uni, S’user à découvrir le problème infini. Car la science offerte aux coeurs des foules vaines Est comme le sang pur échappé de nos veines, Et ceux qui sur la scène ont répandu la leur, En gardent pour toujours une étrange pâleur. Quand tous deux effaçaient, délaissant leur royaume, Lui le rouge d’Argan, lui le fard du fantôme, Dieu savait chaque jour par quel changement prompt Une ride nouvelle illuminait leur front. Et la Muse pleurait sur leur métamorphose, Elle essuyait ses pleurs de sa basquine rose, Et voulait soutenir avec sa faible main Ces Atlas accablés d’un univers humain. Puis enfin, las un jour de leur tâche première, Grands astres consumés par leur propre lumière, Ils moururent devant les peuples étonnés, Debout comme il convient aux hommes couronnés! Alors ce fut sur nous comme une nuit étrange, Où nul rayon d’en haut ne dora notre fange, Où rien ne traversa le murmure profond Que soulève l’idée et que les choses font. Seulement, au lointain, sur les vertes collines, On entendait gémir dans les brises divines Un mélange confus de sanglots et de voix. C’était le cri plaintif des Muses d’autrefois, Exhalé, frémissant d’une douleur amère, Sur la lyre d’Orphée et la lyre d’Homère! Et leur plus jeune soeur, cet ange des amours, Qui des plus pâles nuits jadis faisait des jours, Qui du poëte aux rois étendait son empire, Cette soeur de Molière, amante de Shakspere, Racontait sa détresse au choeur aérien. Qui me consolera? disait-elle, mais rien Ne répondait encore à ses paroles vaines. Son sang libre et jaloux gonflait partout ses veines, Mais dans la nuit profonde où sommeillait la foi, Nul flambeau ne disait à l’homme: Lève-toi! Et comme les débris de cette antique Égypte, Où, dans leur pyramide ou leur obscure crypte, Dorment les Sésostris auprès des Néchaos, Notre art, monde autrefois, redevenait chaos. Puis, après bien longtemps, lorsque sur des idées Mortes en germe avant qu’on les eût fécondées, Les sons, comme des flots qui tourmentent leurs quais, Se furent bien longtemps dans l’ombre entrechoqués, Le peuple vit soudain rayonner sur sa face Un point resplendissant de lumière vivace. Et comme on demandait quel était ce flambeau Qui jetait sur la nuit un prestige si beau, Les plus sages ont vu que c’était l’auréole Au front du jeune enfant marqué pour la parole, Comme furent jadis les hommes de Sion, Et venu pour grandir sa génération. Ce n’était qu’un enfant. L’airain aux Feuillantines L’avait bercé jadis de ses voix argentines: Dans un jardin antique ombragé comme un bois, La Nature, qui parle avec ses mille voix, Lui disait chaque jour le secret grandiose. Ivre de chants, de fleurs et de parfums de rose, Il complétait son âme, oubliant, oublié, Par un passé de gloire à l’avenir lié, Méditant sans effort pour sa pensée agile Virgile par les champs et les champs par Virgile; Dans son coeur inspiré, mais grave et sérieux, Cherchant déjà le sens des bruits mystérieux, Aux lauriers paternels, aux doux baisers de mère, Comprenant les deux mots que lui disait Homère, La Grandeur et l’Amour, et de mille rayons Enveloppant déjà tout ce que nous voyons. Dans son rêve, planant au loin sur les rivages, Il aperçut, auprès des Bacchantes sauvages, S’acharnant sur leur proie ainsi que des bourreaux, Le fleuve ensanglanté par le chaste héros. Puis, y voyant gémir sur leur divin trophée Les soeurs de l’Harmonie et la mère d’Orphée, Il regarda le monde, et, sachant dans son coeur Les secrets oubliés du lyrisme vainqueur, S’écria, plein déjà du céleste délire: Je serai l’Harmonie et je serai la Lyre! Et, sans faiblir après sous ce sublime effort, Il dit aux fronts courbés, se sentant assez fort Pour ourdir à son tour quelque sublime trame: Je serai l’Epopée et je serai le Drame! Il se leva sur nous. Et l’homme triomphant Tint si bien ce qu’au monde avait promis l’enfant, Que le vieillard pensif dont la jeune Amérique Se souviendra, lui dit d’une voix homérique: Vous êtes l’avenir et je suis le passé! Et que, dernier de tous, il a tout surpassé. Lui seul, faisant saillir dans tout problème sombre L’ombre par le rayon et le rayon par l’ombre, A fait briller à flots sur nos illusions L’immuable clarté faite de trois rayons, Trinité solennelle à nos yeux apparue, Triple aspect du foyer, du champ et de la rue. Le foyer! oasis aux souvenirs anciens, Où dans la solitude on est tout pour les siens, Sanctuaire où l’on sent comme il est bon de vivre La tête dans les mains et les yeux dans un livre! Là tout est doux, charmant, simple et mystérieux: C’est l’épouse qui suit votre rêve des yeux, Ce sont les beaux enfants pleins d’avenir, aux lèvres Rouges comme les fleurs des vases de vieux Sèvres; Et la vierge étonnée, en son coeur ingénu, De voir son front si pur, et si blanc son bras nu; Puis c’est un vieil ami qui cause de Tacite, Qui lit à coeur ouvert dans Virgile qu’il cite, Et dont les souvenirs, d’âge en âge espacés, Vous reportent, jeune homme, à vos plaisirs passés. Foyer, doux manteau d’ombre! ô naïve peinture Flamande, que chacun refera! la nature A-t-elle plus que toi d’harmonie et de chants? Qui pourrait t’égaler, sinon l’air et les champs? Car les champs sont aussi le grand poëme, et comme Un livre écrit par Dieu pour l’extase de l’homme. C’est là que chaque lèvre, allant chercher son miel, Boit, abeille, les fleurs, et, poëte, le ciel! C’est là qu’un doux zéphyr fait frissonner la lyre, Et que le mot s’écrit pour ceux qui savent lire; Ce sont des ruisseaux d’or, de larges horizons, Des fruits divers donnés à toutes les saisons, Des cascades, des fleurs, de grandes voûtes d’arbres, Des cailloux anguleux plus brillants que des marbres, Des oiseaux garrulants qui s’envolent troublés, De gais coquelicots qui dansent dans les blés, Des lacs aux flots unis où, sans cesse jetée, La lumière dessine une moire argentée, Des cieux pleins de blasons qui paradent au loin, Et de vagues parfums qui s’exhalent du foin! Et sur ce beau décor, un choeur immense, un monde: La verte demoiselle avec l’insecte immonde, Le corbeau velouté, les boeufs aux larges reins, Cherchant leurs Brascassats ou leurs Claudes Lorrains! Chacun marche en sa voie. Au fond de la prairie La génisse au flanc roux court dans l’herbe fleurie, Les oiseaux attentifs portent au fond du nid La mousse dérobée aux angles du granit, L’insecte fait son trou, la verte demoiselle Se mire dans le flot scintillant qui ruisselle, Et dans une clarté l’épi s’ouvre au soleil. Chacun cherche son but dès le premier réveil: La fourmi son brin d’herbe, et l’homme sa charrue. Et comme aux champs, hélas! chaque homme dans la rue Doit labourer l’argile, et dans un tourbillon Remplir encor sa tâche et creuser son sillon, Et, sans devancer l’heure où la moisson commence, Disputer aux oiseaux du ciel, herbe ou semence, Les grains qui deviendront épis. Tout penseur doit Désigner le vrai but, et le montrant du doigt, Protéger tour à tour les peuples qu’on enchaîne, Et le bon Roi, souvent insulté sous le chêne! Cerveau lumineux, coeur où déborde l’amour, Il doit, leur prodiguant sa pitié tour à tour, Au milieu des abus toujours prêts à nous mordre, Conserver et grandir la liberté par l’ordre, Pour rajeunir sans cesse et pour purifier L’atmosphère du champ et celle du foyer. Triple aspect du foyer, du champ et de la rue, O trilogie énorme avec le temps accrue, Pour dégager de toi la tranquille clarté, Il fallait un penseur qui, de tous écarté, Reçut, seul entre tous, de la muse d’Homère La royauté, nectar qui fait la coupe amère! Aussi la Muse eut-elle un regard triomphant Lorsque, sur le berceau divin de cet enfant, Elle vit, consolée enfin de son désastre, La flamme de l’esprit s’allumer comme un astre! Si bien que cet enfant, ce rêveur radieux, Calme, indulgent et fort comme les demi-dieux, Ce grand porte-lumière, élu dès sa naissance, L’illumina plus tard de sa reconnaissance; Et sentant ce jour-là tous les peuples divers Assez grands pour la voir avec leurs yeux ouverts, Il la leur montra, belle, ingénue et sans voiles, Ayant sur ses bras nus la blancheur des étoiles, Et dans la coupe, où luit l’éclair d’un diamant, Buvant le vin de pourpre avec son jeune amant, Le beau printemps vermeil les salue et les fête, Et, comme un choeur sublime, autour de ce poëte En qui revit l’orgueil des temps évanouis, Des poëtes nouveaux se pressent éblouis. Les voilà. Ce sont eux, les héros qui délivrent! J’entends leurs cris d’amour et leurs voix qui m’enivrent, Et, dans la route sûre où je suivrai leurs pas, Je vois tous ces vainqueurs de l’ombre et du trépas. Byron n’est plus; il dort dans la gloire suprême, Fier, adoré, superbe, et la Muse elle-même, De son âme brisée emportant le meilleur, Baisa le pâle front de ce don Juan railleur. Lamartine aux beaux yeux, qui charme et qui soupire, Près du lac frissonnant chante encor son Elvire; Les deux Deschamps, brisant la maille et les réseaux, S’élancent dans l’air libre ainsi que des oiseaux; Sainte-Beuve revoit ses maux et nous les conte; Vigny, doux et hautain, sous son manteau de comte Garde pieusement notre orgueil indompté; Musset, les yeux brûlants, pâle de volupté, Sent dans son coeur brisé naître la poésie; Barbier rugit; Moreau célèbre sa Voulzie; En Valmore Sappho s’éveille et chante encor; Delphine, sa rivale, en ses longs cheveux d’or Triomphe, poétesse à la toison vermeille; Laprade s’est penché sur Psyché qui sommeille; Méry taille et sertit, merveilleux joaillier, Les rubis indiens en un rouge collier; Brizeux nous a rendu les fiers accents du Celte; Sous ses longs cheveux noirs, beau rhapsode au corps svelte, Gautier, pensif et doux, qui semble un jeune dieu, Réfléchit l’univers dans sa prunelle en feu, Et quand Heine, d’un vers joyeux et plein de haine, Perce les serpents vils de la Bêtise humaine, On croit voir sur la fange et dans l’impur vallon Pleuvoir les flèches d’or de son père Apollon. Nos horizons lointains de clarté se revêtent, L’air vibre, et c’est ainsi que ces lyriques jettent Aux quatre vents du ciel leurs chants nobles et purs; Et la Muse les guide aux prodiges futurs, Et mûrit lentement leur oeuvre qu’elle achève, Sage, car elle sait; jeune, car elle rêve! Son jour se lève bleu. Sur ses bras assouplis Flotte un voile pourpré. Les temps sont accomplis. O Déesse, âme, esprit, clarté, Muse nouvelle, Qui renais du passé plus farouche et plus belle, Toi qui mènes aussi tes enfants par la main, Charmeresse au grand coeur, montre-moi le chemin!

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    Tristan Corbière

    Tristan Corbière

    @tristanCorbiere

    La pipe au poète Je suis la Pipe d'un poète, Sa nourrice, et : j'endors sa Bête. Quand ses chimères éborgnées Viennent se heurter à son front, Je fume... Et lui, dans son plafond, Ne peut plus voir les araignées. ... Je lui fais un ciel, des nuages, La mer, le désert, des mirages ; – Il laisse errer là son œil mort... Et, quand lourde devient la nue, Il croit voir une ombre connue, – Et je sens mon tuyau qu'il mord... – Un autre tourbillon délie Son âme, son carcan, sa vie ! ... Et je me sens m'éteindre. – Il dort – . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . – Dors encor : la Bête est calmée, File ton rêve jusqu'au bout... Mon Pauvre !... la fumée est tout. – S'il est vrai que tout est fumée... Paris. – Janvier.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

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    A une femme Enfant ! si j’étais roi, je donnerais l’empire, Et mon char, et mon sceptre, et mon peuple à genoux Et ma couronne d’or, et mes bains de porphyre, Et mes flottes, à qui la mer ne peut suffire, Pour un regard de vous ! Si j’étais Dieu, la terre et l’air avec les ondes, Les anges, les démons courbés devant ma loi, Et le profond chaos aux entrailles fécondes, L’éternité, l’espace, et les cieux, et les mondes, Pour un baiser de toi !

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

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    Booz endormi Booz s'était couché de fatigue accablé ; Il avait tout le jour travaillé dans son aire ; Puis avait fait son lit à sa place ordinaire ; Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé. Ce vieillard possédait des champs de blés et d'orge ; Il était, quoique riche, à la justice enclin ; Il n'avait pas de fange en l'eau de son moulin ; Il n'avait pas d'enfer dans le feu de sa forge. Sa barbe était d'argent comme un ruisseau d'avril. Sa gerbe n'était point avare ni haineuse ; Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse : – Laissez tomber exprès des épis, disait-il.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

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    Les femmes sont sur la terre Les femmes sont sur la terre Pour tout idéaliser ; L'univers est un mystère Que commente leur baiser. C'est l'amour qui, pour ceinture, A l'onde et le firmament, Et dont toute la nature, N'est, au fond, que l'ornement. Tout ce qui brille, offre à l'âme Son parfum ou sa couleur ; Si Dieu n'avait fait la femme, Il n'aurait pas fait la fleur. A quoi bon vos étincelles, Bleus saphirs, sans les yeux doux ? Les diamants, sans les belles, Ne sont plus que des cailloux ; Et, dans les charmilles vertes, Les roses dorment debout, Et sont des bouches ouvertes Pour ne rien dire du tout. Tout objet qui charme ou rêve Tient des femmes sa clarté ; La perle blanche, sans Eve, Sans toi, ma fière beauté, Ressemblant, tout enlaidie, A mon amour qui te fuit, N'est plus que la maladie D'une bête dans la nuit. Paris, avril 18...

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

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    Les griffonnages de l’écolier Charle a fait des dessins sur son livre de classe. Le thème est fatigant au point, qu’étant très lasse, La plume de l’enfant n’a pu se reposer Qu’en faisant ce travail énorme : improviser Dans un livre, partout, en haut, en bas, des fresques, Comme on en voit aux murs des alhambras moresques, Des taches d’encre, ayant des aspects d’animaux, Qui dévorent la phrase et qui rongent les mots, Et, le texte mangé, viennent mordre les marges. Le nez du maître flotte au milieu de ces charges. Troublant le clair-obscur du vieux latin toscan, Dans la grande satire où Rome est au carcan, Sur César, sur Brutus, sur les hautes mémoires, Charle a tranquillement dispersé ses grimoires. Ce chevreau, le caprice, a grimpé sur les vers. Le livre, c’est l’endroit ; l’écolier, c’est l’envers. Sa gaîté s’est mêlée, espiègle, aux stigmates Du vengeur qui voulait s’enfuir chez les Sarmates. Les barbouillages sont étranges, profonds, drus. Les monstres ! Les voilà perchés, l’un sur Codrus, L’autre sur Néron. L’autre égratigne un dactyle. Un pâté fait son nid dans les branches du style. Un âne, qui ressemble à monsieur Nisard, brait, Et s’achève en hibou, dans l’obscure forêt ; L’encrier sur lui coule, et, la tête inondée De cette pluie, il tient dans sa patte un spondée. Partout la main du rêve a tracé le dessin ; Et c’est ainsi qu’au gré de l’écolier, l’essaim Des griffonnages, horde hostile aux belles-lettres, S’est envolé parmi les sombres hexamètres. Jeu ! songe ! on ne sait quoi d’enfantin, s’enlaçant Au poème, lui donne un ineffable accent, Commente le chef-d’œuvre, et l’on sent l’harmonie D’une naïveté complétant un génie. C’est un géant ayant sur l’épaule un marmot. Charle invente une fleur qu’il fait sortir d’un mot, Ou lâche un farfadet ailé dans la broussaille Du rythme effarouché qui s’écarte et tressaille. Un rond couvre une page. Est-ce un dôme ? est-ce un œuf ? Une belette en sort qui peut-être est un bœuf. Le gribouillage règne, et sur chaque vers, pose Les végétations de la métamorphose. Charle a sur ce latin fait pousser un hallier. Grâce à lui, ce vieux texte est un lieu singulier Où le hasard, l’ennui, le lazzi, la rature, Dressent au second plan leur vague architecture. Son encre a fait la nuit sur le livre étoilé. Et pourtant, par instants, ce noir réseau brouillé, À travers ses rameaux, ses porches, ses pilastres, Laisse passer l’idée et laisse voir les astres. C’est de cette façon que Charle a travaillé Au dur chef-d’œuvre antique, et qu’au bronze rouillé Il a plaqué le lierre, et dérangé la masse Du masque énorme avec une folle grimace. Il s’est bien amusé. Quel bonheur d’écolier ! Traiter un fier génie en monstre familier ! Être avec ce lion comme avec un caniche ! Aux pédants, groupe triste et laid, faire une niche ! Rendre agréable aux yeux, réjouissant, malin, Un livre estampillé par monsieur Delalain ! Gai, bondir à pieds joints par-dessus un poème ! Charle est très satisfait de son œuvre, et lui-même, — L’oiseau voit le miroir et ne voit pas la glu — Il s’admire. Un guetteur survient, homme absolu. Dans son œil terne luit le pensum insalubre ; Sa lèvre aux coins baissés porte en son pli lugubre Le rudiment, la loi, le refus des congés, Et l’auguste fureur des textes outragés. L’enfance veut des fleurs ; on lui donne la roche. Hélas ! c’est le censeur du collège. Il approche, Jette au livre un regard funeste, et dit, hautain : — Fort bien. Vous copierez mille vers ce matin Pour manque de respect à vos livres d’étude. — Et ce geôlier s’en va, laissant là ce Latude. Or c’est précisément la récréation. Être à neuf ans Tantale, Encelade, Ixion ! Voir autrui jouer ! Être un banni, qu’on excepte ! Tourner du châtiment la manivelle inepte ! Soupirer sous l’ennui, devant les cieux ouverts, Et sous cette montagne affreuse, mille vers ! Charles sanglote, et dit : — Ne pas jouer aux barres ! Copier du latin ! Je suis chez les barbares. — C’est midi ; le moment où sur l’herbe on s’assied, L’heure sainte où l’on doit sauter à cloche-pied ; L’air est chaud, les taillis sont verts, et la fauvette S’y débarbouille, ayant la source pour cuvette ; La cigale est là-bas qui chante dans le blé. L’enfant a droit aux champs. Charles songe accablé Devant le livre, hélas, tout noirci par ses crimes. Il croit confusément ouïr gronder les rimes D’un Boileau, qui s’entrouvre et bâille à ses côtés ; Tous ces bouquins lui font l’effet d’être irrités. Aucun remords pourtant. Il a la tête haute. Ne sentant pas de honte, il ne voit pas de faute. — Suis-je donc en prison ? Suis-je donc le vassal De Noël, lâchement aggravé par Chapsal ? Qu’est-ce donc que j’ai fait ? — Triste, il voit passer l’heure De la joie. Il est seul. Tout l’abandonne. Il pleure. Il regarde, éperdu, sa feuille de papier. Mille vers ! Copier ! Copier ! Copier ! Copier ! Ô pédant, c’est là ce que tu tires Du bois où l’on entend la flûte des satyres, Tyran dont le sourcil, sitôt qu’on te répond, Se fronce comme l’onde aux arches d’un vieux pont ! L’enfance a dès longtemps inventé dans sa rage La charrue à trois socs pour ce dur labourage. — Allons ! dit-il, trichons les pions déloyaux ! — Et, farouche, il saisit sa plume à trois tuyaux. Soudain du livre immense une ombre, une âme, un homme Sort, et dit : — Ne crains rien, mon enfant. Je me nomme Juvénal. Je suis bon. Je ne fais peur qu’aux grands. — Charles lève ses yeux pleins de pleurs transparents, Et dit : — Je n’ai pas peur. — L’homme, pareil aux marbres, Reprend, tandis qu’au loin on entend sous les arbres Jouer les écoliers, gais et de bonne foi : — Enfant, je fus jadis exilé comme toi, Pour avoir comme toi barbouillé des figures. Comme toi les pédants, j’ai fâché les augures. Élève de Jauffret que jalouse Massin, Voyons ton livre. — Il dit, et regarde un dessin Qui n’a pas trop de queue et pas beaucoup de tête. — Qu’est-ce que c’est que ça ? — Monsieur, c’est une bête. — Ah ! tu mets dans mes vers des bêtes ! Après tout Pourquoi pas ? puisque Dieu, qui dans l’ombre est debout, En met dans les grands bois et dans les mers sacrées. Il tourne une autre page, et se penche : — Tu crées. Qu’est ceci ? Ca m’a l’air fort beau, quoique tortu. — Monsieur, c’est un bonhomme. — Un bonhomme, dis-tu ? Eh bien, il en manquait justement un. Mon livre Est rempli de méchants. Voir un bonhomme vivre Parmi tous ces gens-là me plaît. Césars bouffis, Rangez-vous ! ce bonhomme est dieu. Merci, mon fils. — Et, d’un doigt souverain, le voilà qui feuillette Nisard, l’âne, le nez du maître, la belette Qui peut-être est un bœuf, les dragons, les griffons, Les pâtés d’encre ailés, mêlés aux vers profonds, Toute cette gaîté sur son courroux éparse, Et Juvénal s’écrie ébloui : — C’est très farce ! Ainsi, la grande sœur et la petite sœur, Ces deux âmes, sont là, jasant ; et le censeur, Obscur comme minuit et froid comme décembre, Serait bien étonné, s’il entrait dans la chambre, De voir sous le plafond du collège étouffant, Le vieux poète rire avec le doux enfant. 12 septembre.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Lux Temps futurs ! vision sublime ! Les peuples sont hors de l'abîme. Le désert morne est traversé. Après les sables, la pelouse ; Et la terre est comme une épouse, Et l'homme est comme un fiancé ! Dès à présent l'œil qui s'élève Voit distinctement ce beau rêve Qui sera le réel un jour ; Car Dieu dénouera toute chaîne, Car le passé s'appelle haine Et l'avenir se nomme amour ! Dès à présent dans nos misères Germe l'hymen des peuples frères ; Volant sur nos sombres rameaux, Comme un frelon que l'aube éveille, Le progrès, ténébreuse abeille, Fait du bonheur avec nos maux. Oh ! voyez ! la nuit se dissipe. Sur le monde qui s'émancipe, Oubliant Césars et Capets, Et sur les nations nubiles, S'ouvrent dans l'azur, immobiles, Les vastes ailes de la paix ! O libre France enfin surgie ! O robe blanche après l'orgie ! O triomphe après les douleurs ! Le travail bruit dans les forges, Le ciel rit, et les rouges-gorges Chantent dans l'aubépine en fleurs !

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    Vlad Negrescu

    @vladNegrescu

    Chemins On dit que tous les chemins mènent à Rome, je dis que chaque chemin s’envoie en l’air il faut bien qu’ils s’amusent aussi, bonhommes à feindre l’orgasme demain mais surtout hier tortueux et sinueux ils lancent des ficelles qu’on suit ou pas qu’on dicte ou non et tentés de se teindre de se maquiller de rimmel poussent le vrai aux fonds étiolés ils prennent parfois le métro seuls comme des grands parlant aux gens sérieux et aux filles écarlates aux gamins pleurnichards aux vieux de cent ans et se fixent juste là au dessus des omoplates les chemins s’achètent se vendent et s’échangent à la foire du mercredi au marché aux puces objets vaporeux suintant comme des servantes aux yeux mielleux aux yeux de russes moi même j’en ai acheté plus de mille et un chemins sentiers bordels aussi, car il en faut pour s’amuser de même juste un petit instant embruns et poussières d’ébats, le matin tôt les chemins riment entre eux et triment de faire de nous des valeureux pour que les guerres et les affreux abîmes ne soient que des petits jeux ils testent poussent à bout d’une main sévère dans des pays aux noms exotiques à prendre l’un d’eux et faire des tours avec sa clique les chemins dansent les chemins pleurent promettent vraiment un lendemain heureux ou pas l’on ne sait guère une chose est sure ils seront miens

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    Voltaire

    Voltaire

    @voltaire

    La crépinade Le diable un jour, se trouvant de loisir, Dit: « Je voudrais former à mon plaisir Quelque animal dont l’âme et la figure Fût à tel point au rebours de nature, Qu’en le voyant l’esprit le plus bouché Y reconnût mon portrait tout craché. » Il dit, et prend une argile ensoufrée, Des eaux du Styx imbue et pénétrée; Il en modèle un chef-d’oeuvre naissant, Pétrit son homme, et rit en pétrissant. D’abord il met sur une tête immonde Certain poil roux que l’on sent à la ronde; Ce crin de juif orne un cuir bourgeonné, Un front d’airain, vrai casque de damné; Un sourcil blanc cache un oeil sombre et louche; Sous un nez large il tord sa laide bouche. Satan lui donne un ris sardonien Qui fait frémir les pauvres gens de bien, Cou de travers, omoplate en arcade, Un dos cintré propre à la bastonnade; Puis il lui souffle un esprit imposteur, Traître et rampant, satirique et flatteur. Rien n’épargnait: il vous remplit la bête De fiel au coeur, et de vent dans la tête. Quand tout fut fait, Satan considéra Ce beau garçon, le baisa, l’admira; Endoctrina, gouverna son ouaille; Puis dit à tous: « Il est temps qu’il rimaille. Aussitôt fait, l’animal rimailla, Monta sa vielle, et Rabelais pilla; Il griffonna des Ceintures magiques, Des Adonis, des Aïeux chimériques; Dans les cafés il fit le bel esprit; Il nous chanta Sodome et Jésus-Christ; Il fut sifflé, battu pour son mérite, Puis fut errant, puis se fit hypocrite; Et, pour finir, à son père il alla. Qu’il y demeure. Or je veux sur cela Donner au diable un conseil salutaire: « Monsieur Satan, lorsque vous voudrez faire Quelque bon tour au chétif genre humain, Prenez-vous-y par un autre chemin. Ce n’est le tout d’envoyer son semblable Pour nous tenter: Crépin, votre féal, Vous servant trop, vous a servi fort mal: Pour nous damner, rendez le vice aimable. »

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    Voltaire

    Voltaire

    @voltaire

    À M. le comte, le chevalier et l’abbé de Sade Trio charmant que je remarque Entre ceux qui font mon appui, Trio par qui Laure aujourd’hui Revient de la fatale barque ; Vous qui pensez mieux que Pétrarque, Et rimez aussi bien que lui, Je ne puis quitter mon étui Pour le souper où l’on m’embarque ; Car la cousine de la Parque, La fièvre au minois catarreux, À l’air hagard, au cerveau creux, À la marche vive, inégale, De mes jours compagne infernale, M’oblige, pauvre vaporeux, D’avaler les juleps affreux Dont monsieur Geoffroi me régale ; Tandis que d’un gosier heureux Vous buvez la liqueur vitale D’un vin brillant et savoureux.

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    Voltaire

    Voltaire

    @voltaire

    À Samuel Bernard Au nom de Madame de Fontaine-Martel C’est mercredi que je soupais chez vous Et que, sortant des plaisirs de la table, Bientôt couchée, un sommeil prompt et doux Me fit présent d’un songe délectable. Je rêvais donc qu’au manoir ténébreux J’étais tombée, et que Pluton lui-même Me menait voir les héros bienheureux Dans un séjour d’une beauté suprême ; Par escadrons ils étaient séparés ; L’un après l’autre il me les fit connaître. Je vis d’abord modestement parés Les opulents qui méritaient de l’être : Voilà, dit-il, les généreux amis ; En petit nombre ils viennent me surprendre ; Entre leurs mains les biens ne semblaient mis Que pour avoir le soin de les répandre. Ici sont ceux dont les puissants ressorts, Crédit immense, et sagesse profonde, Ont soutenu l’état par des efforts Qui leur livraient tous les trésors du monde. Un peu plus loin, sur ces riants gazons, Sont les héros pleins d’un heureux délire, Qu’Amour lui-même en toutes les saisons Fit triompher dans son aimable empire. Ce beau réduit, par préférence, est fait Pour les vieillards dont l’humeur gaie et tendre Paraît encore avoir ses dents de lait, Dont l’enjouement ne saurait se comprendre. D’un seul regard tu peux voir tout d’un coup Le sort des bons, les vertus couronnées : Mais un mortel m’embarrasse beaucoup ; Ainsi je veux redoubler ses années : Chaque escadron le revendiquerait. La jalousie au repos est funeste : Venant ici quel trouble il causerait ! Il est là-haut très heureux ; qu’il y reste.

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    Winston Perez

    @winstonPerez

    Cavalcade au dessus des nuages Hier j’étais le cheval Aujourd’hui l’édredon Demain un ciel d’orage au dessus des maisons Hier c’était la joie Aujourd’hui le soleil Demain une aventure, un don, un beau réveil Hier j’aimais la soie Aujourd’hui le nylon Demain une hirondelle au dessus des saisons Hier une gentiane Aujourd’hui un cyprès Demain une pierre de lave que l’on aurait craché Hier un ouragan Aujourd’hui c’est l’été Demain un autre jour et tout repartira Comme une cavalcade au dessus des nuages

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    Winston Perez

    @winstonPerez

    Empoisonné J’ai vu la Croix par dessus la Lune merveilleux soir de brume j’avais vingt ans passés Mille cornes plantées Mille crevasses brunes et faisceaux éclatants Mille pas gravés sur terre et parfums enivrants J’ai vu l’homme, la princesse éphémère et le Père flamboyant J’étais plus que moi-même plus grand que le grand Mon corps lacéré ne me faisait plus mal J’étais l’air et l’humide Et il n’y avait plus d’organes Il n’y avait plus d’ennui J’ouvrais les portes de la perception divine Ce soir par dessus la Lune J’étais empoisonné

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    Winston Perez

    @winstonPerez

    Expériences Je marchais seul par dessus les étoiles et crachais le feu que les hommes pleurent encore Je vivais comme un Etre démuni d’espérance et soufflait dans le vide jusqu’à ne plus souffrir J’éprouvais tous les maux comme on aime les autres et soulevait l’Ordalie sur un Géant d’Acier Je dormais sans dormir dans les limbes d’antan et voyageait sans vivre au firmament d’un corps Je parlais mille langues inconnues et immondes et me réveillait nu au milieu de l’Aurore J’avais encore espoir que le temps m’abandonne et voulais terminer avec l’infiniment perdu

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    Winston Perez

    @winstonPerez

    Métempsycose Un jour j’ai quitté mon corps pour en rejoindre un autre et j’ai connu l’osmose de la métempsycose J’avais l’oeil ouvert des jours heureux Un parfum de glucose Rose Au creux de mes mains posées sur mon ventre Une forte dose D’opium 27 Mille étaient les cercles Mille étaient les étoiles Mille étaient les soleils Emanations d’ombre dorées de jouissances riches de sensations déjà vécues Osmose de la métempsycose un peu surannée Une renaissance vers l’infinie pureté de caresses buccales en voyage cosmiques d’âmes parfaites Va-et-vient d’extase Allers retours de subtilité Eruptions

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    Winston Perez

    @winstonPerez

    Sonnet à creus Ô Sculptures pliées par le doigt des Dieux Créations invisibles qu’on n’ose pas toucher Et l’aigle qui vole par dessus l’Enfer et qui se fixe sur l’astre aride craché par la mer Et le vent qui vient chaque jour défier l’horizon puis dessiner ces formes mortes hurlant à l’unisson Et le vent qui souffle son éternel Amour à la Gloire du Vide, et du Silence lourd Chaque pas sur le chemin raconte cette autre histoire Celle qu’on ne raconte pas, par peur de voir le Nous, le Eux, que l’on ne verra plus jamais Et même si on a cru le voir dans un passé lointain Ce sera le chameau qui surgira au bout de la route et le Rhinocéros sèché paraîtra endormi

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