Femme et chatte Elle jouait avec sa chatte,
Et c’était merveille de voir
La main blanche et la blanche patte
S’ébattre dans l’ombre du soir.
Elle cachait – la scélérate ! –
Sous ces mitaines de fil noir
Ses meurtriers ongles d’agate,
Coupants et clairs comme un rasoir.
L’autre aussi faisait la sucrée
Et rentrait sa griffe acérée,
Mais le diable n’y perdait rien…
Et dans le boudoir où, sonore,
Tintait son rire aérien,
Brillaient quatre points de phosphore.
il y a 10 mois
Paul Verlaine
@paulVerlaine
Le monstre de la fuite Le monstre de la fuite hume même les plumes
De cet oiseau roussi par le feu du fusil.
Sa plainte vibre tout le long d’un mur de larmes
Et les ciseaux des yeux coupent la mélodie
Qui bourgeonnait déjà dans le cœur du chasseur.
il y a 10 mois
Paul-Jean Toulet
@paulJeanToulet
L’alchimiste Satan, notre meg, a dit
Aux rupins embrassés des rombières :
» Icicaille est le vrai paradis
» Dont les sources nous désaltèrent.
» La vallace couleur du ciel
» Y lèche le long des allées
» Le pavot chimérique et le bel
» Iris, et les fleurs azalées.
» La douleur, et sa soeur l’Amour,
» La luxure aux chemises noires
» Y préparent pour vous, loin du jour,
» Leurs poisons les plus doux à boire.
» Et tandis qu’aux portes de fer
» Se heurte la jeune espérance,
» Une harpe dessine dans l’air
» Le contour secret du silence. «
Ainsi (à voix basse) parla
Le sorcier subtil du Grand Oeuvre,
Et Lilith souriait, dont les bras
Sont plus frais que la peau des couleuvres.
il y a 10 mois
Paul-Jean Toulet
@paulJeanToulet
Pâle matin de Février Pâle matin de Février
Couleur de tourterelle
Viens, apaise notre querelle,
Je suis las de crier ;
Las d’avoir fait saigner pour elle
Plus d’un noir encrier…
Pâle matin de Février
Couleur de tourterelle.
il y a 10 mois
Paul-Jean Toulet
@paulJeanToulet
Sur l’océan couleur de fer Sur l’océan couleur de fer
Pleurait un choeur immense
Et ces longs cris dont la démence
Semble percer l’enfer.
Et pais la mort, et le silence
Montant comme un mur noir.
… Parfois au loin se laissait voir
Un feu qui se balance.
il y a 10 mois
Pierre Corneille
@pierreCorneille
Chagrin Usez moins avec moi du droit de tout charmer ;
Vous me perdrez bientôt si vous n’y prenez garde.
J’aime bien a vous voir, quoi qu’enfin j’y hasarde ;
Mais je n’aime pas bien qu’on me force d’aimer.
Cependant mon repos a de quoi s’alarmer ;
Je sens je ne sais quoi dès que je vous regarde ;
Je souffre avec chagrin tout ce qui m’en retarde,
Et c’est déjà sans doute un peu plus qu’estimer.
Ne vous y trompez pas, l’honneur de ma défaite
N’assure point d’esclave à la main qui l’a faite,
Je sais l’art d’échapper aux charmes les plus forts,
Et quand ils m’ont réduit à ne plus me défendre,
Savez-vous, belle Iris, ce que je fais alors ?
Je m’enfuis de peur de me rendre.
il y a 10 mois
Pierre Corneille
@pierreCorneille
La peste J’ai vu la peste en raccourci :
Et s’il faut en parler sans feindre,
Puisque la peste est faite ainsi,
Peste, que la peste est à craindre !
De cœurs qui n’en sauraient guérir
Elle est partout accompagnée,
Et dût-on cent fois en mourir,
Mille voudraient l’avoir gagnée.
L’ardeur dont ils sont emportés,
En ce péril leur persuade,
Qu’avoir la peste à ses côtés,
Ce n’est point être trop malade.
Aussi faut-il leur accorder
Qu’on aurait du bonheur de reste,
Pour peu qu’on se pût hasarder
Au beau milieu de cette peste.
La mort serait douce à ce prix,
Mais c’est un malheur à se pendre
Qu’on ne meurt pas d’en être pris,
Mais faute de la pouvoir prendre.
L’ardeur qu’elle fait naître au sein
N’y fait même un mal incurable
Que parce qu’elle prend soudain,
Et qu’elle est toujours imprenable.
Aussi chacun y perd son temps,
L’un en gémit, l’autre en déteste,
Et ce que font les plus contents
C’est de pester contre la peste.
il y a 10 mois
Pierre de Ronsard
@pierreDeRonsard
Contre Denise Sorcière L’inimitié que je te porte.
Passe celle, tant elle est forte,
Des aigneaux et des loups,
Vieille sorcière deshontée,
Que les bourreaux ont fouettée
Te honnissant de coups.
Tirant après toy une presse
D’hommes et de femmes espesse,
Tu monstrois nud le flanc.
Et monstrois nud parmy la rue
L’estomac, et l’espaule nue
Rougissante de sang.
Mais la peine fut bien petite.
Si lon balance ton mérite :
Le Ciel ne devoit pas
Pardonner à si lasche teste,
Ains il devoit de sa tempeste
L’acravanter à bas.
La Terre mère encor pleurante
Des Geans la mort violante
Bruslez du feu des cieux,
(Te laschant de son ventre à peine)
T’engendra, vieille, pour la haine
Qu’elle portait aux Dieux.
Tu sçais que vaut mixtionnée
La drogue qui nous est donnée
Des pays chaleureux.
Et en quel mois, en quelles heures
Les fleurs des femmes sont meilleures
Au breuvage amoureux.
Nulle herbe, soit elle aux montagnes.
Ou soit venimeuse aux campagnes,
Tes yeux sorciers ne fuit.
Que tu as mille fois coupée
D’une serpe d’airain courbée,
Béant contre la nuit.
Le soir, quand la Lune fouette
Ses chevaux par la nuict muette,
Pleine de rage, alors
Voilant ta furieuse teste
De la peau d’une estrange beste
Tu t’eslances dehors.
Au seul soufler de son haleine
Les chiens effroyez par la plaine
Aguisent leurs abois :
Les fleuves contremont reculent.
Les loups effroyablement hurlent
Apres toy par les bois.
Adonc par les lieux solitaires.
Et par l’horreur des cimetaires
Où tu hantes le plus,
Au son des vers que tu murmures
Les corps des morts tu des-emmures
De leurs tombeaux reclus.
Vestant de l’un l’image vaine
Tu viens effroyer d’une peine
(Rebarbotant un sort)
Quelque veufve qui se tourmente,
Ou quelque mère qui lamente
Son seul héritier mort.
Tu fais que la Lune enchantée
Marche par l’air toute argentée,
Luy dardant d’icy bas
Telle couleur aux joues pâlies.
Que le son de mille cymbales
Ne divertiroit pas.
Tu es la frayeur du village :
Chacun craignant ton sorcelage
Te ferme sa maison.
Tremblant de peur que tu ne taches
Ses bœufs, ses moutons et ses vaches
Du just de ta poison.
J ’ay veu souvent ton œil senestre.
Trois fois regardant de loin paistre
La guide du troupeau.
L’ensorceler de telle sorte.
Que tost après je la vy morte
Et les vers sur la peau.
Comme toy, Medée exécrable
Fut bien quelquefois profitable :
Ses venins ont servy,
Reverdissant d’Eson l’escorce :
Au contraire, tu m’as par force
Mon beau printemps ravy.
Dieux ! si là haut pitié demeure,
Pour recompense qu’elle meure,
Et ses os diffamez
Privez d’honneur de sépulture,
Soient des oiseaux goulus pasture,
Et des chiens affamez.
il y a 10 mois
Raymond Queneau
@raymondQueneau
Les malheureux C'est un militaire
Il n'a pas vingt ans
Il n'a plus de blair
Il n'a plus de dents
Mutilé de guerre
il boit son café
devant le comptoir
qu'on a dézingué
Il agite la
fiole à saccharine
au-dessus de son
de son orge noire
C'est un militaire
qui n'a plus dnarine
qui n'a plus de poire
Mutilé de guerre
vient en permission
boire son café
rue de
Lauriston
Moi je l'examine
d'un œil très humide
mon cœur est tordu
mon cœur est brisu
je suis malheureux
j'ai de grands chagrins
mais j'ai horreur de la saccharine
il y a 10 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Passion malheureuse J'ai mal placé mon cœur, j'aime l'enfant d'un autre ;
Et c'est pour m'exploiter qu'il fait le bon apôtre,
Ce petit traître ! Je le sais.
Sa mère, quand je viens, me devine, et l'appelle,
Sentant que je suis là pour lui plus que pour elle,
Mais elle ne m'en veut jamais.
Le marmot prend alors sa voix flûtée et tendre
(Les enfants ont deux voix) et dit, sans la comprendre,
Sa fable, avec expression ;
Puis il me fait ranger des soldats sur la table,
Et m'obsède, et je trouve un plaisir ineffable
À sa gentille obsession.
Je m'y laisse duper toutes les fois : j'espère
Qu'à force de bonté je serai presque un père :
Ne dit-il pas qu'il m'aime bien ?
Mais voici tout à coup le vrai père, ô disgrâce !
L'enfant court, bat des mains, lui saute au cou, l'embrasse,
Et le pauvre oncle n'est plus rien.
il y a 10 mois
R
Renee Vivien
@reneeVivien
Désir Elle est lasse, après tant d’épuisantes luxures.
Le parfum émané de ses membres meurtris
Est plein du souvenir des lentes meurtrissures.
La débauche a creusé ses yeux bleus assombris.
Et la fièvre des nuits avidement rêvées
Rend plus pâles encor ses pâles cheveux blonds.
Ses attitudes ont des langueurs énervées.
Mais voici que l’Amante aux cruels ongles longs
Soudain la ressaisit, et l’étreint, et l’embrasse
D’une ardeur si sauvage et si douce à la fois,
Que le beau corps brisé s’offre, en demandant grâce,
Dans un râle d’amour, de désirs et d’effrois.
Et le sanglot qui monte avec monotonie,
S’exaspérant enfin de trop de volupté,
Hurle comme l’on hurle aux moments d’agonie,
Sans espoir d’attendrir l’immense surdité.
Puis, l’atroce silence, et l’horreur qu’il apporte,
Le brusque étouffement de la plaintive voix,
Et sur le cou, pareil à quelque tige morte,
Blêmit la marque verte et sinistre des doigts.
il y a 10 mois
R
Renee Vivien
@reneeVivien
Elle écarte en passant Elle écarte en passant les ronces du chemin.
Au geste langoureux et frôleur de sa main
Éclosent blanchement les fraîches églantines…
Mais sa chair s’est blessée à tant d’âpres épines !
J’ai vu saigner ses pieds aux buissons du chemin.
Son lent sourire tombe au sein d’or des corolles.
L’évanouissement de ses vagues paroles
Mêle au soir vaporeux des rythmes envolés
Où d’anciens sanglots vibrent inconsolés…
Son lent sourire tombe au sein d’or des corolles.
Dans l’ombre de ses pas pleurent les liserons…
Le jasmin, diadème aux délicats fleurons,
Cet astre atténué, la chaste primevère,
Parent son front de vierge à la beauté sévère…
Là-bas pleurent d’amour les simples liserons.
Son être, où brûle encor l’ardeur des soifs divines,
S’est blessé trop souvent aux sauvages épines, —
J’ai vu saigner son cœur aux buissons du chemin.
Elle va gravement vers le lourd lendemain,
Inlassable et gardant l’ardeur des soifs divines…
J’ai vu saigner son cœur aux buissons du chemin.
il y a 10 mois
S
Sabine Sicaud
@sabineSicaud
Le chemin de crève-coeur Un seul coeur ? Impossible
Si c’est par lui qu’on souffre et que l’on est heureux.
On dit : coeur douloureux,
Coeur torturé, coeur en lambeaux –
Puis : joyeux et léger comme un oiseau des Iles,
Un coeur si grand, si lourd, si gros
Qu’il n’y a plus de place
Pour rien d’autre que lui dans notre corps humain.
Puis évadé, baigné d’une grâce divine ?
Un coeur si plein
De tout le sang du monde et ne gardant la trace
Que d’une cicatrice fine qui s’efface ?
Impossible ! Il me faut plusieurs coeurs.
Le même ne peut pas oublier dans la joie
Tout ce qu’il a connu de détresse une fois
– Une fois ou plusieurs, chaque fois pour toujours –
Mon coeur se souviendrait qu’il fut un coeur trop lourd
Et ne serait jamais un coeur neuf, sans patrie,
Sans bagage à porter de vie en vie.
il y a 10 mois
S
Sabine Sicaud
@sabineSicaud
Un médecin ? Un médecin ? Mais alors qu’il soit beau !
Très beau. D’une beauté non pas majestueuse,
Mais jeune, saine, alerte, heureuse !
Qu’il parle de plein air, non pas trop haut,
Mais assez pour que du soleil entre avec lui.
Qu’il sache rire – tant d’ennui
Bâille aux quatre coins de la chambre –
Et qu’il sache te faire rire, toi, souffrant
De ta souffrance et du mal de Décembre.
Décembre gris, Décembre gris, Noël errant
Sous un ciel de plomb et de cendre.
Un médecin doit bien savoir
D’où ce gris mortel peut descendre ?
Qu’il soit gai pour vaincre le soir
Et les fantômes de la fièvre –
Qu’il dise les mots qu’on attend
Ou qu’on les devine à ses lèvres.
Qu’il soit gai, qu’il soit bien portant,
(Ne faut-il croire à l’équilibre
Qui doit redevenir le nôtre, aux membres libres,
À l’esprit jouant sans efforts ?)
Qu’il soit bien portant, qu’il soit fort – sans insolence,
Avec douceur, contre le sort…
Il nous faut tant de confiance !
Qu’il aime ce que j’aime – J’ai besoin
Qu’il ait cet art de tout comprendre
Et de s’intéresser, non pas de loin,
Mais en ami tout proche, à ce qui m’intéresse.
Qu’il soit bon – nous voulons une indulgence tendre
Pour accepter notre révolte ou nos faiblesses.
De la science ? Il en aura, n’en doutez point,
S’il est ce que je dis, ce que j’exige.
Mais exiger cela, c’est, vous le voyez bien,
Leur demander, quand ils n’y peuvent rien,
Quelque chose comme un prodige !
Lequel, parmi vos diplômés,
Ressemble au médecin qu’espère le malade ?
Lequel, dans tout ce gris tenace, épais, maussade,
Sera celui que moi je vois, les yeux fermés ? …
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ou bien, alors, prenons-le contrefait,
Cagneux, pointu, perclus, minable ;
Qu’il flotte en ses effets
Comme un épouvantail – et semble inguérissable
Des pires maux, connus ou inconnus !
Prenons-le blême et vieux, que son crâne soit nu,
Ses yeux rougis, sa lèvre amère –
Et que rien ne paraisse au monde plus précaire,
Plus laid, plus rechigné que cet être vivant,
Afin que, chaque jour, l’apercevant
Comme un défi, parmi les fleurs venant d’éclore,
Nous pensions, rassurés, soulagés, fiers un peu
De nous sentir si forts par contraste: « Grand Dieu !
Qu’il doit être savant pour vivre encore ! »
il y a 10 mois
S
Sabine Sicaud
@sabineSicaud
Vous parler ? Vous parler ? Non. Je ne peux pas.
Je préfère souffrir comme une plante,
Comme l’oiseau qui ne dit rien sur le tilleul.
Ils attendent. C’est bien. Puisqu’ils ne sont pas las
D’attendre, j’attendrai, de cette même attente.
Ils souffrent seuls. On doit apprendre à souffrir seul.
Je ne veux pas d’indifférents prêts à sourire
Ni d’amis gémissants. Que nul ne vienne.
La plante ne dit rien. L’oiseau se tait. Que dire ?
Cette douleur est seule au monde, quoi qu’on veuille.
Elle n’est pas celle des autres, c’est la mienne.
Une feuille a son mal qu’ignore l’autre feuille.
Et le mal de l’oiseau, l’autre oiseau n’en sait rien.
On ne sait pas. On ne sait pas. Qui se ressemble ?
Et se ressemblât-on, qu’importe. Il me convient
De n’entendre ce soir nulle parole vaine.
J’attends – comme le font derrière la fenêtre
Le vieil arbre sans geste et le pinson muet…
Une goutte d’eau pure, un peu de vent, qui sait ?
Qu’attendent-ils ? Nous l’attendrons ensemble.
Le soleil leur a dit qu’il reviendrait, peut-être…
il y a 10 mois
Saint-Georges de Bouhélier
@saintGeorgesDeBouhelier
Inscription sur ce qui cause le malheur Tu te plains de la vie, elle u pourtant ses charmes
Qu’il est beau de connaître. Il te semble, il est vrai, qu’ils ont un goût de larmes
Mais il naît de ton être !
L’eau de pluie en tombant dans un puits plein de sable
Prend son odeur ainsi.
Toute chose qui passe en ton cœur misérable
Se charge de soucis.
Tu crois les jours sans grâce, ils te paraissent sombres,
Sans qu’aucun d’eux ne brille : C’est en toi qu’empruntant ces couleurs pleines d’ombres
Ils deviennent stériles.
La peine qui t’emplit fait de chaque délice
Un chagrin éternel,
Comme un objet plongé dans la vague qui glisse
Se recouvre de sel !
Rejette loin de toi cette langueur tragique
Qui toujours te dévore :
Tu verras quel bonheur l’univers communique
A l’âme qui l’adore !
il y a 10 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Amour haineux Se levant
le poing
foudroie
tâche la peau
d’un bleu incrédule
Le cri transperce les murs
sourds
L’abîme reste impuni
Le Verbe destructeur
empoisonne les veines
démolit l’âme
L’oreille voisine se voile
Les belles paroles
cachent les sanglots
Le prince charmant
brode l’enfer du quotidien
en maitre absolu
il y a 10 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Emprise toxique Cerveau siphonné
âme possédée
paroles atrophiées
Tu vis dans une île sans mer
bercée par le brouillard
Tes rêves en décomposition
La haine en tempête
Ton amour défiguré
ta tête éclatée
tu regardes ébahie
suffoquée par le mensonge
sursauts d’effrois
le nain de jardin ricane dans son coin
écrasée
pulvérisée
GAME OVER
il y a 10 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Errance captive Ciel rouge
nuages hagards
Le migrant perdu cherche une main
le regard ébouriffé de solitude
Aucune humanité dans ce pays de rêve
du bateau meurtrier à la famine de la ville
Écarté par les hommes
il feuillette un destin qui n’est pas le sien
Oiseau meurtri par la (in)civilisation
il avale les silences
aux visages multiples
son espoir enterré dans le labyrinthe
La frontière est prête
sa vie en boomerang
volée
il y a 10 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
L’éminent essentiel Mot répété autour d’une table
Mappemonde de convives
un seul consensus
le symbole de notre société déchue
Crise
La recherche d’un printemps nous hante
Désir de reviviscence
Retour à l’essentiel
Riz aux fraises
il y a 10 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Périmètre de la mémoire Épigénèse
Ton cerveau façonné
déconstruit l’imaginaire
anesthésie le désir
Le chagrin grandi
le mur te regarde
solitaire
le musée de tes pensées éclate
tu n’es plus vivant
la rigidité cadavérique de notre monde te berce
Tu as peur
d’un cri dépassant le rebord
d’une fenêtre avec vue sur le néant
Tu pleures
ton chagrin
le chagrin d’un peuple
meurtri par la haine
enlevé par le déterminisme
torturé par la gloire
Anamnèse d’une vie
désagrégée
il y a 10 mois
Théodore Agrippa d'Aubigné
@theodoreAgrippaDaubigne
En un petit esquif esperdu, malheureux En un petit esquif esperdu, malheureux,
Exposé à l’horreur de la mer enragee,
Je disputoy’ le sort de ma vie engagee
Avecq’ les tourbillons des bises outrageux.
Tout accourt à ma mort : Orion pluvieux
Creve un déluge espais, et ma barque chargee
De flotz avecq’ ma vie estait my submergee,
N’ayant autre secours que mon cry vers les Cieux.
Aussitost mon vaisseau de peur et d’ondes vuide
Reçeut à mon secours le couple Tindaride,
Secours en desespoir, oportun en destresse ;
En la Mer de mes pleurs porté d’un fraile corps,
Au vent de mes souspirs pressé de mille morts,
J’ay veu l’astre beçon des yeux de ma Deesse.
il y a 10 mois
Théodore Agrippa d'Aubigné
@theodoreAgrippaDaubigne
Je brûle avec mon âme et mon sang rougissant Je brûle avec mon âme et mon sang rougissant
Cent amoureux sonnets donnés pour mon martyre,
Si peu de mes langueurs qu’il m’est permis d’écrire
Soupirant un Hécate, et mon mal gémissant.
Pour ces justes raisons, j’ai observé les cent :
A moins de cent taureaux on ne fait cesser l’ire
De Diane en courroux, et Diane retire
Cent ans hors de l’enfer les corps sans monument.
Mais quoi ? puis-je connaître au creux de mes hosties,
A leurs boyaux fumants, à leurs rouges parties
Ou l’ire, ou la pitié de ma divinité ?
Ma vie est à sa vie, et mon âme à la sienne,
Mon coeur souffre en son coeur. La Tauroscytienne
Eût son désir de sang de mon sang contenté.
il y a 10 mois
Théodore de Banville
@theodoreDeBanville
Nous n’irons plus au bois Nous n’irons plus au bois, les lauriers sont coupés.
Les Amours des bassins, les Naïades en groupe
Voient reluire au soleil en cristaux découpés
Les flots silencieux qui coulaient de leur coupe.
Les lauriers sont coupés, et le cerf aux abois
Tressaille au son du cor ; nous n’irons plus au bois,
Où des enfants charmants riait la folle troupe
Sous les regards des lys aux pleurs du ciel trempés,
Voici l’herbe qu’on fauche et les lauriers qu’on coupe.
Nous n’irons plus au bois, les lauriers sont coupés.
Novembre 1845.
il y a 10 mois
Victor Hugo
@victorHugo
L’enfant Les turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l’île des vins, n’est plus qu’un sombre écueil,
Chio, qu’ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un chœur dansant de jeunes filles.
Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée ;
Il avait pour asile, il avait pour appui
Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage oubliée.
Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l’onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tête blonde,
Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
En boucles sur ta blanche épaule
Ces cheveux, qui du fer n’ont pas subi l’affront,
Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule ?
Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
Est-ce d’avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
Qui d’Iran borde le puits sombre ?
Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,
Qu’un cheval au galop met, toujours en courant,
Cent ans à sortir de son ombre ?
Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l’oiseau merveilleux ?
– Ami, dit l’enfant grec, dit l’enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.
8-10 juillet 1828
il y a 10 mois
Voltaire
@voltaire
A Mademoiselle de guise Vous possédez fort inutilement
Esprit, beauté, grâce, vertu, franchise ;
Qu’y manque-t-il ? quelqu’un qui vous le dise
Et quelque ami dont on en dise autant.
il y a 10 mois
W
William Braumann
@williamBraumann
Effrois de trottoir S’il faut aller plus loin, affronter des bourrasques
Et croiser la peine dans des rues bousculées
Couvertes de corbeaux et de pieds sous des masques,
Allons trouver chimères et fous de la cité
Dans le cœur de Paris, des visages fêlés
S’oublient et s’abîment en pensées taciturnes,
Cohabitent, zélés, avec un verre amoché
A moitié plein de tout et de nectar nocturne
Tout près du grand bassin, accoudés au métro
Résistent des clochards assoiffés d’imprévus
Qui contre un peu d’amour, bazarderaient châteaux
Et matelas en soie qu’ils n’ont jamais reçus
Le brouillard s’alourdit dans les heures distendues
Frissons sur le parcours des longs réverbères
Dans le vide du vent, sur la froide avenue
Des sirènes hurlent leurs feux aux fenêtres grimacières
Drame de macadam, soir suie, noyé de plumes,
Meurt un oiseau marin dans un flash d’overdose,
L’ombre mordorée qui trouble le bitume
Pleure en écho son fils sous les portes closes
Les larmes ont triomphé, que faisions-nous là ?
Les mains dans les poches à regarder passer
La douleur et le froid
Tout comme au cinéma.
Mais mon cauchemar freine enfin,
J’entends grincer l’acier…
il y a 10 mois
W
William Braumann
@williamBraumann
Robocratie Nous sommes les machines
Et nous voilà debout
Sur les quatre pattes motrices
De chimpanzés de fer,
Dressés à rouler
Nos toutes dernières voitures singes
Quadrupèdes modernes et horodatés
Filent sur le sol caoutchouc de nos voies rapides,
Avec en dedans cette soif de carburant plasma
Qui dévore les circuits numériques
De leur mécanique pétrochimiesque
En passant, nos véhicules mammifères
Saluent les arbres mous de nos villes
Automates,
Aux tomates
Ultraviolettes
Nous avons dompté l’animal,
Imposé nos empreintes
Digitales
Et enfin donné une âme
Au métal.
il y a 10 mois
W
Winston Perez
@winstonPerez
Hyper Chinois Chavirer,
n’est pas bon pour moi
Chavirer,
n’est pas ma tasse de thé
C’est
Le jour
C’est
La nuit
Tu es dans ton lit et tu bois ton café trop froid
avec du lait
Il y a du soleil,
La lune se cache…
C’est toujours pareil
C’est
Le jour
C’est
La nuit
Tu fumes dans ton lit et tu n’es jamais en retard
Tu n’as jamais le cafard
Il fait trop chaud
Tu prends le vaporetto
Et tu t’allonges nu
Et tu écoutes le boléro
de Ravel ou Jorge Pardo ?
C’est
Le jour
C’est
La nuit
Tu fumes du haschisch
Tu es l’Hyper chinois
comme si tu étais un Roi
Qui aimes casser des noix
Et tu donnes à manger à ton chien
Et tu commences à te sentir bien
C’est très bien
Maintenant,
tu prépares des sushis
C’est bientôt minuit…
Chavirer,
n’est pas bon pour moi
Chavirer,
n’est pas ma tasse de thé
il y a 10 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
Il fait novembre en mon âme Rayures d'eau, longues feuilles couleur de brique,
Par mes plaines d'éternité comme il en tombe !
Et de la pluie et de la pluie - et la réplique
D'un gros vent boursouflé qui gonfle et qui se bombe
Et qui tombe, rayé de pluie en de la pluie.