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Titre : Contre Denise Sorcière

Auteur : Pierre de Ronsard Recueil : Les Odes (XVI)

L’inimitié que je te porte. Passe celle, tant elle est forte, Des aigneaux et des loups, Vieille sorcière deshontée, Que les bourreaux ont fouettée Te honnissant de coups. Tirant après toy une presse D’hommes et de femmes espesse, Tu monstrois nud le flanc. Et monstrois nud parmy la rue L’estomac, et l’espaule nue Rougissante de sang. Mais la peine fut bien petite. Si lon balance ton mérite : Le Ciel ne devoit pas Pardonner à si lasche teste, Ains il devoit de sa tempeste L’acravanter à bas. La Terre mère encor pleurante Des Geans la mort violante Bruslez du feu des cieux, (Te laschant de son ventre à peine) T’engendra, vieille, pour la haine Qu’elle portait aux Dieux. Tu sçais que vaut mixtionnée La drogue qui nous est donnée Des pays chaleureux. Et en quel mois, en quelles heures Les fleurs des femmes sont meilleures Au breuvage amoureux. Nulle herbe, soit elle aux montagnes. Ou soit venimeuse aux campagnes, Tes yeux sorciers ne fuit. Que tu as mille fois coupée D’une serpe d’airain courbée, Béant contre la nuit. Le soir, quand la Lune fouette Ses chevaux par la nuict muette, Pleine de rage, alors Voilant ta furieuse teste De la peau d’une estrange beste Tu t’eslances dehors. Au seul soufler de son haleine Les chiens effroyez par la plaine Aguisent leurs abois : Les fleuves contremont reculent. Les loups effroyablement hurlent Apres toy par les bois. Adonc par les lieux solitaires. Et par l’horreur des cimetaires Où tu hantes le plus, Au son des vers que tu murmures Les corps des morts tu des-emmures De leurs tombeaux reclus. Vestant de l’un l’image vaine Tu viens effroyer d’une peine (Rebarbotant un sort) Quelque veufve qui se tourmente, Ou quelque mère qui lamente Son seul héritier mort. Tu fais que la Lune enchantée Marche par l’air toute argentée, Luy dardant d’icy bas Telle couleur aux joues pâlies. Que le son de mille cymbales Ne divertiroit pas. Tu es la frayeur du village : Chacun craignant ton sorcelage Te ferme sa maison. Tremblant de peur que tu ne taches Ses bœufs, ses moutons et ses vaches Du just de ta poison. J ’ay veu souvent ton œil senestre. Trois fois regardant de loin paistre La guide du troupeau. L’ensorceler de telle sorte. Que tost après je la vy morte Et les vers sur la peau. Comme toy, Medée exécrable Fut bien quelquefois profitable : Ses venins ont servy, Reverdissant d’Eson l’escorce : Au contraire, tu m’as par force Mon beau printemps ravy. Dieux ! si là haut pitié demeure, Pour recompense qu’elle meure, Et ses os diffamez Privez d’honneur de sépulture, Soient des oiseaux goulus pasture, Et des chiens affamez.