splash screen icon Lenndi
splash screen name leendi

Mensonge

53 poésies en cours de vérification
Mensonge

Poésies de la collection mensonge

    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon oeil Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon oeil Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire, Sinon en leur marcher les princes contrefaire, Et se vêtir, comme eux, d’un pompeux appareil. Si leur maître se moque, ils feront le pareil, S’il ment, ce ne sont eux qui diront du contraire, Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire, La lune en plein midi, à minuit le soleil. Si quelqu’un devant eux reçoit un bon visage, Es le vont caresser, bien qu’ils crèvent de rage S’il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt. Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite, C’est quand devant le roi, d’un visage hypocrite, Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi

    en cours de vérification

    J

    Jules Delavigne

    @julesDelavigne

    Chien errant Il essaie des fois de défaire ce nœud Essentiel, sa force, sa faiblesse Une couronne imaginaire posée sur la tête, Une brioche croquée dans la pénombre, Loin du regard des autres Le soleil brille sur lui Il ne le voit pas L’estragon de son hémisphère, Il pourrait laisser ses bagages derrière lui Et aller dans les roses de son enfance Embrasser le sable des jours oubliés Pourquoi se cache-t-il quand le vent se lève ? Ses poches sont vides de toute façon. Le chien errant en lui le suit depuis toujours Mais n’a jamais la force pour le rattraper Son ciel de l’absolu est entouré d’horizons Mais il l’écarte, un mensonge démenti Installé confortablement sur son canapé Au milieu d’un champ de poussière Il ne vit que la moitié de son existence

    en cours de vérification

    L

    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    L’amour et la mort A M. Louis de Ronchaud) I Regardez-les passer, ces couples éphémères ! Dans les bras l’un de l’autre enlacés un moment, Tous, avant de mêler à jamais leurs poussières, Font le même serment : Toujours ! Un mot hardi que les cieux qui vieillissent Avec étonnement entendent prononcer, Et qu’osent répéter des lèvres qui pâlissent Et qui vont se glacer. Vous qui vivez si peu, pourquoi cette promesse Qu’un élan d’espérance arrache à votre coeur, Vain défi qu’au néant vous jetez, dans l’ivresse D’un instant de bonheur ? Amants, autour de vous une voix inflexible Crie à tout ce qui naît : « Aime et meurs ici-bas !  » La mort est implacable et le ciel insensible ; Vous n’échapperez pas. Eh bien ! puisqu’il le faut, sans trouble et sans murmure, Forts de ce même amour dont vous vous enivrez Et perdus dans le sein de l’immense Nature, Aimez donc, et mourez ! II Non, non, tout n’est pas dit, vers la beauté fragile Quand un charme invincible emporte le désir, Sous le feu d’un baiser quand notre pauvre argile A frémi de plaisir. Notre serment sacré part d’une âme immortelle ; C’est elle qui s’émeut quand frissonne le corps ; Nous entendons sa voix et le bruit de son aile Jusque dans nos transports. Nous le répétons donc, ce mot qui fait d’envie Pâlir au firmament les astres radieux, Ce mot qui joint les coeurs et devient, dès la vie, Leur lien pour les cieux. Dans le ravissement d’une éternelle étreinte Ils passent entraînés, ces couples amoureux, Et ne s’arrêtent pas pour jeter avec crainte Un regard autour d’eux. Ils demeurent sereins quand tout s’écroule et tombe ; Leur espoir est leur joie et leur appui divin ; Ils ne trébuchent point lorsque contre une tombe Leur pied heurte en chemin. Toi-même, quand tes bois abritent leur délire, Quand tu couvres de fleurs et d’ombre leurs sentiers, Nature, toi leur mère, aurais-tu ce sourire S’ils mouraient tout entiers ? Sous le voile léger de la beauté mortelle Trouver l’âme qu’on cherche et qui pour nous éclôt, Le temps de l’entrevoir, de s’écrier :  » C’est Elle !  » Et la perdre aussitôt, Et la perdre à jamais ! Cette seule pensée Change en spectre à nos yeux l’image de l’amour. Quoi ! ces voeux infinis, cette ardeur insensée Pour un être d’un jour ! Et toi, serais-tu donc à ce point sans entrailles, Grand Dieu qui dois d’en haut tout entendre et tout voir, Que tant d’adieux navrants et tant de funérailles Ne puissent t’émouvoir, Qu’à cette tombe obscure où tu nous fais descendre Tu dises :  » Garde-les, leurs cris sont superflus. Amèrement en vain l’on pleure sur leur cendre ; Tu ne les rendras plus !  » Mais non ! Dieu qu’on dit bon, tu permets qu’on espère ; Unir pour séparer, ce n’est point ton dessein. Tout ce qui s’est aimé, fût-ce un jour, sur la terre, Va s’aimer dans ton sein. III Eternité de l’homme, illusion ! chimère ! Mensonge de l’amour et de l’orgueil humain ! Il n’a point eu d’hier, ce fantôme éphémère, Il lui faut un demain ! Pour cet éclair de vie et pour cette étincelle Qui brûle une minute en vos coeurs étonnés, Vous oubliez soudain la fange maternelle Et vos destins bornés. Vous échapperiez donc, ô rêveurs téméraires Seuls au Pouvoir fatal qui détruit en créant ? Quittez un tel espoir ; tous les limons sont frères En face du néant. Vous dites à la Nuit qui passe dans ses voiles :  » J’aime, et j’espère voir expirer tes flambeaux.  » La Nuit ne répond rien, mais demain ses étoiles Luiront sur vos tombeaux. Vous croyez que l’amour dont l’âpre feu vous presse A réservé pour vous sa flamme et ses rayons ; La fleur que vous brisez soupire avec ivresse : « Nous aussi nous aimons ! » Heureux, vous aspirez la grande âme invisible Qui remplit tout, les bois, les champs de ses ardeurs ; La Nature sourit, mais elle est insensible : Que lui font vos bonheurs ? Elle n’a qu’un désir, la marâtre immortelle, C’est d’enfanter toujours, sans fin, sans trêve, encor. Mère avide, elle a pris l’éternité pour elle, Et vous laisse la mort. Toute sa prévoyance est pour ce qui va naître ; Le reste est confondu dans un suprême oubli. Vous, vous avez aimé, vous pouvez disparaître : Son voeu s’est accompli. Quand un souffle d’amour traverse vos poitrines, Sur des flots de bonheur vous tenant suspendus, Aux pieds de la Beauté lorsque des mains divines Vous jettent éperdus ; Quand, pressant sur ce coeur qui va bientôt s’éteindre Un autre objet souffrant, forme vaine ici-bas, Il vous semble, mortels, que vous allez étreindre L’Infini dans vos bras ; Ces délires sacrés, ces désirs sans mesure Déchaînés dans vos flancs comme d’ardents essaims, Ces transports, c’est déjà l’Humanité future Qui s’agite en vos seins. Elle se dissoudra, cette argile légère Qu’ont émue un instant la joie et la douleur ; Les vents vont disperser cette noble poussière Qui fut jadis un coeur. Mais d’autres coeurs naîtront qui renoueront la trame De vos espoirs brisés, de vos amours éteints, Perpétuant vos pleurs, vos rêves, votre flamme, Dans les âges lointains. Tous les êtres, formant une chaîne éternelle, Se passent, en courant, le flambeau de l’amour. Chacun rapidement prend la torche immortelle Et la rend à son tour. Aveuglés par l’éclat de sa lumière errante, Vous jurez, dans la nuit où le sort vous plongea, De la tenir toujours : à votre main mourante Elle échappe déjà. Du moins vous aurez vu luire un éclair sublime ; Il aura sillonné votre vie un moment ; En tombant vous pourrez emporter dans l’abîme Votre éblouissement. Et quand il régnerait au fond du ciel paisible Un être sans pitié qui contemplât souffrir, Si son oeil éternel considère, impassible, Le naître et le mourir, Sur le bord de la tombe, et sous ce regard même, Qu’un mouvement d’amour soit encor votre adieu ! Oui, faites voir combien l’homme est grand lorsqu’il aime, Et pardonnez à Dieu !

    en cours de vérification

    M

    Marie Krysinska

    @marieKrysinska

    Nature morte À Louis Forain Un boudoir cossu : Les meubles, les tentures et les œuvres d’art, ont la banalité requise. Et la lampe — soleil à gage — éclaire les deux amants. Elle est teinte en blonde, car Il n’aime que les blondes. Lui, a les cheveux de la même nuance que son complet très à la mode * Par la fenêtre ouverte on voit un ciel bleu comme une flamme de soufre. Et la lune, radieuse en ces voiles, flotte vers de fulgurants hymens. * Ayant achevé de lire le cours authentique de la Bourse, Il allume un cigare cher — et songe : « C’est une heure agréable de la journée, celle où l’on SACRIFIE À L’AMOUR. » Ils se sont rapprochés et causent DE L’ÉGOÏSME À DEUX, DES ÂMES SŒURS. . . Lui, bâillant un peu Elle tâchant à éviter la cendre du cigare. * Par la fenêtre ouverte on voit un ciel bleu comme une flamme de soufre, Et les arbres bercés de nuptiales caresses. * Lui, ayant fini son cigare, se penche pour donner un baiser à celle Qu’au club il appelle « sa maîtresse ». Il se penche pour lui donner un baiser — tout en rêvant : « Pourvu que la Banque Ottomane ne baisse pas ! » Elle, offre ses lèvres pensant à ses fournisseurs Et leur baiser sonne comme le choc de deux verres vides. * Par la fenêtre ouverte on voit un ciel bleu comme une flamme de soufre Et les oiseaux veilleurs chantent l’immortel Amour Tandis que de la terre monte une vapeur d’encens Et des parfums d’Extase. * — Si nous fermions — disent-ils — cette fenêtre qui gêne NOTRE EXTASE !

    en cours de vérification

    M

    Maurice Rollinat

    @mauriceRollinat

    La parole Avec le masque du mensonge La parole suit son chemin, Rampe aujourd'hui, vole demain, Se raccourcit ou bien s'allonge. Elle empoigne comme une main Et se dérobe comme un songe. Avec le masque du mensonge La parole suit son chemin. Cœurs de gaze et de parchemin, Chacun la boit comme une éponge ; Et jusqu'au fond du gouffre humain Elle s'insinue et se plonge Avec le masque du mensonge.

    en cours de vérification

    Max Jacob

    Max Jacob

    @maxJacob

    Corpus mensonges Toi seule es ma Société ma gloire et ma banqueroute jusqu'à honte et satiété en coquille ou décoquillé en liasse et goutte et goutte. Toi Seule ! et moi à Sardanapale que tout le reste est pâle. L'église croule et tout l'argent les dieux, l'art et les gens légendes ! Comment quitter l'appartement où s'embusque le faune ! Au moins le pneu, ce spécimen de toi ! le téléphone. Or on m'ordonna de dîner c'est chez M. le comte. Et mes dix doigts tambourinaient. Quand donc auront-ils terminé ? Est-ce que tout cela compte ? Ainsi parle étourdiment l'amant aux murs de l'enfer ses tourments sous le vocable d'une maîtresse. Pardon deux fois, ô Jésus-Christ c'est moi ! pour vous, ces vers écrits c'est à Vous qu'ils s'adressent.

    en cours de vérification

    M

    Myriam Maltais

    @myriamMaltais

    Le mensongeur Telle une robe exquise, De sa peau se déguise. D'illusions nous berce ; Comme une lame nous transperce. De papier je l'ai lu ; De ses mots je l'ai cru. Babille, bafouille, bavarde tant que veux Je crains chaque parole, mon malheureux. Tandis que la fleur de mon printemps bourgeonne ; Toi, la névasse de ton hiver détonne. Aussi scabreuse noirceur restera, Ton cœur infidèle, décevra.

    en cours de vérification

    P

    Patrice Cosnuau

    @patriceCosnuau

    Merci, mais sans moi Pour que la nostalgie ne soit plus douloureuse, Mon désir erratique en désaxe les cibles ; Je vous garde en mémoire, ô voeux inaccessibles Qui font briller les yeux d’aveugles tubéreuses. Mon royaume est criblé de dettes fabuleuses, Ma couronne est futile et mon sceau peu crédible. Mon coeur, sois libertaire et demeure infrangible Quand la vie te délie des joies ensorceleuses ! Concurrence tueuse, ourlée de stratagèmes, Cesseras-tu un jour tes pénibles baptêmes ? Comme Orphée qui d’or fin surligna son regard, Orphelin de lumière, exilé d’innocence, Je vais en l’avenir, chercher réminiscence De ce puissant sillon où, faible, je m’égare…

    en cours de vérification

    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Lettre Éloigné de vos yeux, Madame, par des soins Impérieux (j’en prends tous les dieux à témoins), Je languis et je meurs, comme c’est ma coutume En pareil cas, et vais, le cœur plein d’amertume, À travers des soucis où votre ombre me suit, Le jour dans mes pensers , dans mes rêves la nuit, Et la nuit et le jour, adorable Madame ! Si bien qu’enfin, mon corps faisant place à mon âme, Je deviendrai fantôme à mon tour aussi, moi, Et qu’alors, et parmi le lamentable émoi Des enlacements vains et des désirs sans nombre, Mon ombre se fondra pour jamais en votre ombre. En attendant, je suis, très chère, ton valet. Tout se comporte-t-il là-bas comme il te plaît, Ta perruche, ton chat, ton chien ? La compagnie Est-elle toujours belle, et cette Silvanie Dont j’eusse aimé l’œil noir si le tien n’était bleu, Et qui parfois me fit des signes, palsambleu ! Te sert-elle toujours de douce confidente ? Or, Madame, un projet impatient me hante De conquérir le monde et tous ses trésors pour Mettre à vos pieds ce gage – indigne – d’un amour Égal à toutes les flammes les plus célèbres Qui des grands cœurs aient fait resplendir les ténèbres. Cléopâtre fut moins aimée, oui, sur ma foi ! Par Marc-Antoine et par César que vous par moi, N’en doutez pas, Madame, et je saurai combattre Comme César pour un sourire, ô Cléopâtre, Et comme Antoine fuir au seul prix d’un baiser. Sur ce, très chère, adieu. Car voilà trop causer, Et le temps que l’on perd à lire une missive N’aura jamais valu la peine qu’on l’écrive.

    en cours de vérification

    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    L’adultère, celui du moins codifié L’adultère, celui du moins codifié Au mépris de l’Église et de Dieu défié, Tout d’abord doit sembler la faute irrémissible. Tel un trait lancé juste, ayant l’enfer pour cible ! Beaucoup de vrais croyants, questionnés ici, Répondraient à coup sûr qu’il en retourne ainsi. D’autre part le mondain, qui n’y voit pas un crime, Pour qui tous mauvais tours sont des bons coups d’escrime, Rit du procédé lourd, préférant, affrontés, Tous risques et périls à ces légalités Abominablement prudentes et transies Entre ces droits divers et plusieurs fantaisies, Enfin juge le cas boiteux, piteux, honteux. Le Sage, de qui l’âme et l’esprit vont tous deux, Bien équilibrés, droit, au vrai milieu des causes, Pleure sur telle femme en route pour ces choses. Il plaide l’ignorance, elle donc ne sachant Que le côté naïf, c’est-à-dire méchant, Hélas ! de cette douce et misérable vie. Elle plait et le sait, et ce qu’elle est ravie Mais son caprice tue, elle l’ignore tant ! Elle croit que d’aimer c’est de l’argent comptant, Non un fonds travaillant, qu’on paie et qu’on est quitte, Que d’aimer c’est toujours « qu’arriva-t-elle ensuite », Non un seul vœu qui tient jusqu’à la mort de nous. Et certes suscité, néanmoins son courroux Gronde le seul péché, plaignant les pécheresses, Coupables tout au plus de certaines paresses, Et les trois quarts du temps luxurieuses point. Bêle orgueil, intérêt mesquin, voilà le joint, Avec d’avoir été trop ou trop peu jalouses. Seigneur, ayez pitié des âmes, nos épouses.

    en cours de vérification

    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Mort ! Les Armes ont tu leurs ordres en attendant De vibrer à nouveau dans des mains admirables Ou scélérates, et, tristes, le bras pendant, Nous allons, mal rêveurs, dans le vague des Fables. Les Armes ont tu leurs ordres qu’on attendait Même chez les rêveurs mensongers que nous sommes, Honteux de notre bras qui pendait et tardait, Et nous allons, désappointés, parmi les hommes. Armes, vibrez ! mains admirables, prenez-les, Mains scélérates à défaut des admirables ! Prenez-les donc et faites signe aux En-allés Dans les fables plus incertaines que les sables. Tirez du rêve notre exode, voulez-vous ? Nous mourons d’être ainsi languides, presque infâmes ! Armes, parlez ! Vos ordres vont être pour nous La vie enfin fleurie au bout, s’il faut, des lames. La mort que nous aimons, que nous eûmes toujours Pour but de ce chemin où prospèrent la ronce Et l’ortie, ô la mort sans plus ces émois lourds, Délicieuse et dont la victoire est l’annonce !

    en cours de vérification

    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Les caresses Les caresses ne sont que d'inquiets transports, Infructueux essais du pauvre amour qui tente L'impossible union des âmes par les corps. Vous êtes séparés et seuls comme les morts, Misérables vivants que le baiser tourmente ! Ô femme, vainement tu serres dans tes bras Tes enfants, vrais lambeaux de ta plus pure essence : Ils ne sont plus toi-même, ils sont eux, les ingrats ! Et jamais, plus jamais, tu ne les reprendras, Tu leur as dit adieu le jour de leur naissance. Et tu pleures ta mère, ô fils, en l'embrassant ; Regrettant que ta vie aujourd'hui t'appartienne, Tu fais pour la lui rendre un effort impuissant : Va ! Ta chair ne peut plus redevenir son sang, Sa force ta santé, ni sa vertu la tienne. Amis, pour vous aussi l'embrassement est vain, Vains les regards profonds, vaines les mains pressées : Jusqu'à l'âme on ne peut s'ouvrir un droit chemin ; On ne peut mettre, hélas ! Tout le cœur dans la main, Ni dans le fond des yeux l'infini des pensées. Et vous, plus malheureux en vos tendres langueurs Par de plus grands désirs et des formes plus belles, Amants que le baiser force à crier : « Je meurs ! » Vos bras sont las avant d'avoir mêlé vos cœurs, Et vos lèvres n'ont pu que se brûler entre elles. Les caresses ne sont que d'inquiets transports, Infructueux essais d'un pauvre amour qui tente L'impossible union des âmes par les corps. Vous êtes séparés et seuls comme les morts, Misérables vivants que le baiser tourmente.

    en cours de vérification

    R

    Renee Vivien

    @reneeVivien

    Invocation à la lune Ô Lune chasseresse aux flèches très légères, Viens détruire d’un trait mes amours mensongères ! Viens détruire les faux baisers, les faux espoirs, Toi dont les traits ont su percer les troupeaux noirs ! Toi qui fus autrefois l’Amie et la Maîtresse, Incline-toi vers moi, dans ma grande détresse !… Dis-moi que nul regard n’est divinement beau Pour qui sait contempler le grand regard de l’eau !… Ô Lune, toi qui sais disperser les mensonges, Éloigne le troupeau serré des mauvais songes ! Et, daignant aiguiser l’arc d’argent bleu qui luit, Accorde-moi l’espoir d’un rayon dans la nuit ! Ô Lune, toi qui sais rendre l’âme à soi-même Dans sa vérité froide, indifférente et blême ! Ô toi, victorieuse adversaire du jour, Accorde-moi le don d’échapper à l’amour !

    en cours de vérification

    R

    Renee Vivien

    @reneeVivien

    Terreur du mensonge Oui, j’endure aujourd’hui le pire des tourments, Tu m’as menti… Tu m’as trompé… Et tu me mens !… Mensonge caressant qui glisse de ta bouche ! Ô serment que l’on croit, ô parole qui touche ! Ô multiples douleurs qui s’abattent sur vous Ainsi qu’un petit vent pluvieusement doux !… Comme un lilas ne peut devenir asphodèle, Jamais tu ne seras ni franche ni fidèle. Tu seras celle-là qui se dérobe et fuit Plus sinueusement qu’un démon dans la nuit. Ô toi que j’aime encor ! L’horreur de ton mensonge Est dans mon cœur amer… Il me mord, il me ronge… Je suis lasse d’avoir suivi les noirs chemins… Col frêle qu’on voudrait prendre entre ses deux mains !

    en cours de vérification

    R

    Rhita Benjelloun

    @rhitaBenjelloun

    Aux premières loges Spectatrice, j’observe la scène de la vie Où des personnages surgissent, Dans les moments de joie ou de dépit Où le rêve devient illusion et meurt avec mépris Où le mensonge devient vrai et la vérité au fond du puits Mais qui suis-je dans ce monde plein d’acteurs ? Où chacun monte sur l’estrade, Joue son rôle comme ses prédécesseurs Qui suis-je quand moi-même j’ai un rôle dans cette scène ? J’observe, je souffre Mais j’applaudis tous ces mensonges réels Que serait le monde s’il n’était pas une fiction Si ces scènes étaient bien réelles et faites avec passion Je jure devant Dieu que j’assisterais tous les jours Je serais l’héroïne de la gaieté De la confiance et de l’amour J’applaudirais jusqu’à ne plus en pouvoir Et j’appellerais les âmes chagrinées pour venir la voir Mais hélas la scène de la vie demeure la même Et je demeure aux premières loges Avec ou sans mes applaudissements le rideau s’ouvre et se ferme

    en cours de vérification

    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Angoisse Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête En qui vont les péchés d'un peuple, ni creuser Dans tes cheveux impurs une triste tempête Sous l'incurable ennui que verse mon baiser : Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes Planant sous les rideaux inconnus du remords, Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges, Toi qui sur le néant en sais plus que les morts : Car le Vice, rongeant ma native noblesse, M'a comme toi marqué de sa stérilité, Mais tandis que ton sein de pierre est habité Par un cœur que la dent d'aucun crime ne blesse, Je fuis, pâle, défait, hanté par mon linceul, Ayant peur de mourir lorsque je couche seul.

    en cours de vérification

    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Éventail de Mademoiselle Mallarmé Ô rêveuse, pour que je plonge Au pur délice sans chemin, Sache, par un subtil mensonge, Garder mon aile dans ta main. Une fraîcheur de crépuscule Te vient à chaque battement Dont le coup prisonnier recule L'horizon délicatement. Vertige ! voici que frissonne L'espace comme un grand baiser Qui, fou de naître pour personne, Ne peut jaillir ni s'apaiser. Sens-tu le paradis farouche Ainsi qu'un rire enseveli Se couler du coin de ta bouche Au fond de l'unanime pli ! Le sceptre des rivages roses Stagnants sur les soirs d'or, ce l'est, Ce blanc vol fermé que tu poses Contre le feu d'un bracelet.

    en cours de vérification

    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Sosie décalqué L’autre de ton existence, celui que tu voudrais être, que tu ne seras jamais, que tu ne peux pas faire exister. Règles, conventions arbitraires Façonnage de l’esprit invalidant Altération du cerveau Doublure négative Miroir de notre société Le blanc et le noir s’entremêlent sans cesse, ne te laissent aucun répit, aucun choix. Tu dois être autre Un autre sosie décalqué par la raison Comme moi

    en cours de vérification

    Théodore Agrippa d'Aubigné

    Théodore Agrippa d'Aubigné

    @theodoreAgrippaDaubigne

    Un clairvoyant faucon en volant par rivière Un clairvoyant faucon en volant par rivière Planait dedans le ciel, à se fondre apprêté Sur son gibier blotti. Mais voyant à côté Une corneille, il quitte une pointe première. Ainsi de ses attraits une maîtresse fière S’élevant jusqu’au ciel m’abat sous sa beauté, Mais son vouloir volage est soudain transporté En l’amour d’un corbeau pour me laisser arrière. Ha ! beaux yeux obscurcis qui avez pris le pire, Plus propres à blesser que discrets à élire, Je vous crains abattu, ainsi que fait l’oiseau Qui n’attend que la mort de la serre ennemie Fors que le changement lui redonne la vie, Et c’est le changement qui me traîne au tombeau.

    en cours de vérification

    Tristan Corbière

    Tristan Corbière

    @tristanCorbiere

    Fleur d’art Oui — Quel art jaloux dans Ta fine histoire ! Quels bibelots chers ! — Un bout de sonnet, Un cœur gravé dans ta manière noire, Des traits de canif à coups de stylet. — Tout fier mon cœur porte à la boutonnière Que tu lui taillas, un petit bouquet D’immortelle rouge — Encor ta manière — C’est du sang en fleur. Souvenir coquet. Allons, pas de pleurs à notre mémoire ! — C’est la mâle-mort de l’amour ici — Foin du myosotis, vieux sachet d’armoire ! Double femme, va !… Qu’un âne te braie ! Si tu n’étais fausse, eh serais-tu vraie ?… L’amour est un duel : — Bien touché ! Merci.

    en cours de vérification

    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Billet du matin Si les liens des coeurs ne sont pas des mensonges, Oh ! dites, vous devez avoir eu de doux songes, Je n'ai fait que rêver de vous toute la nuit. Et nous nous aimions tant ! vous me disiez : « Tout fuit, Tout s'éteint, tout s'en va ; ta seule image reste. » Nous devions être morts dans ce rêve céleste ; Il semblait que c'était déjà le paradis. Oh ! oui, nous étions morts, bien sûr ; je vous le dis. Nous avions tous les deux la forme de nos âmes. Tout ce que, l'un de l'autre, ici-bas nous aimâmes Composait notre corps de flamme et de rayons, Et, naturellement, nous nous reconnaissions. Il nous apparaissait des visages d'aurore Qui nous disaient : « C'est moi ! » la lumière sonore Chantait ; et nous étions des frissons et des voix. Vous me disiez : « Écoute ! » et je répondais : « Vois ! » Je disais : « Viens-nous-en dans les profondeurs sombres ; Vivons ; c'est autrefois que nous étions des ombres. » Et, mêlant nos appels et nos cris : « Viens ! oh ! viens ! Et moi, je me rappelle, et toi, tu te souviens. » Éblouis, nous chantions : « C'est nous-mêmes qui sommes Tout ce qui nous semblait, sur la terre des hommes, Bon, juste, grand, sublime, ineffable et charmant ; Nous sommes le regard et le rayonnement ; Le sourire de l'aube et l'odeur de la rose, C'est nous ; l'astre est le nid où notre aile se pose ; Nous avons l'infini pour sphère et pour milieu, L'éternité pour l'âge ; et, notre amour, c'est Dieu. » Paris, juin 18...

    en cours de vérification

    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Oh ! je sais qu'ils feront des mensonges I. Oh ! je sais qu'ils feront des mensonges sans nombre Pour s'évader des mains de la Vérité sombre, Qu'ils nieront, qu'ils diront : ce n'est pas moi, c'est lui. Mais, n'est-il pas vrai, Dante, Eschyle, et vous, prophètes ? Jamais, du poignet des poètes, Jamais, pris en collet, les malfaiteurs n'ont fui. J'ai fermé sur ceux-ci mon livre expiatoire ; J'ai mis des verrous à l'histoire ; L'histoire est un bagne aujourd'hui. Le poète n'est plus l'esprit qui rêve et prie ; Il a la grosse clef de la conciergerie. Quand ils entrent au greffe, où pend leur chaîne au clou, On regarde le prince aux poches, comme un drôle, Et les empereurs à l'épaule ; Macbeth est un escroc, César est un filou. Vous gardes des forçats, ô mes strophes ailées ! Les Calliopes étoilées Tiennent des registres d'écrou. II. Ô peuples douloureux, il faut bien qu'on vous venge ! Les rhéteurs froids m'ont dit : Le poète, c'est l'ange, Il plane, ignorant Fould, Magnan, Morny, Maupas ; Il contemple la nuit sereine avec délices... - Non, tant que vous serez complices De ces crimes hideux que je suis pas à pas, Tant que vous couvrirez ces brigands de vos voiles, Cieux azurés, soleils, étoiles, Je ne vous regarderai pas ! Tant qu'un gueux forcera les bouches à se taire, Tant que la liberté sera couchée à terre Comme une femme morte et qu'on vient de noyer, Tant que dans les pontons on entendra des râles, J'aurai des clartés sépulcrales Pour tous ces fronts abjects qu'un bandit fait ployer ; Je crierai : Lève-toi, peuple ! ciel, tonne et gronde ! La France, dans sa nuit profonde, Verra ma torche flamboyer ! III. Ces coquins vils qui font de la France une Chine, On entendra mon fouet claquer sur leur échine. Ils chantent : Te Deum, je crierai : Memento ! Je fouaillerai les gens, les faits, les noms, les titres, Porte-sabres et porte-mitres ; Je les tiens dans mon vers comme dans un étau. On verra choir surplis, épaulettes, bréviaires, Et César, sous mes étrivières, Se sauver, troussant son manteau ! Et les champs, et les prés, le lac, la fleur, la plaine, Les nuages, pareils à des flocons de laine, L'eau qui fait frissonner l'algue et les goëmons, Et l'énorme océan, hydre aux écailles vertes, Les forêts de rumeurs couvertes, Le phare sur les flots, l'étoile sur les monts, Me reconnaîtront bien et diront à voix basse C'est un esprit vengeur qui passe, Chassant devant lui les démons ! Jersey, le 13 novembre 1852.

    en cours de vérification

    Voltaire

    Voltaire

    @voltaire

    À M. le duc de La Feuillade Conservez précieusement L’imagination fleurie Et la bonne plaisanterie, Dont vous possédez l’agrément, Au défaut du tempérament, Dont vous vous vantez hardiment Et que tout le monde vous nie. La dame qui depuis longtemps Connaît à fond votre personne, A dit : hélas ! je lui pardonne D’en vouloir imposer aux gens ; Son esprit est dans son printemps, Mais son corps est dans son automne. Adieu, monsieur le gouverneur, Non plus de province frontière, Mais d’une beauté singulière, Qui, par son esprit, par son cœur, Et par son humeur libertine, De jour en jour fait grand honneur Au gouverneur qui l’endoctrine. Priez le Seigneur seulement Qu’il empêche que Cythérée Ne substitue incessamment Quelque jeune et frais lieutenant Qui ferait sans vous son entrée Dans un si beau gouvernement.

    en cours de vérification