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Guerre

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Guerre

Poésies de la collection guerre

    L

    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    Le positivisme Il s’ouvre par-delà toute science humaine Un vide dont la Foi fut prompte à s’emparer. De cet abîme obscur elle a fait son domaine ; En s’y précipitant elle a cru l’éclairer. Eh bien ! nous t’expulsons de tes divins royaumes, Dominatrice ardente, et l’instant est venu Tu ne vas plus savoir où loger tes fantômes ; Nous fermons l’Inconnu. Mais ton triomphateur expiera ta défaite. L’homme déjà se trouble, et, vainqueur éperdu, Il se sent ruiné par sa propre conquête En te dépossédant nous avons tout perdu. Nous restons sans espoir, sans recours, sans asile, Tandis qu’obstinément le Désir qu’on exile Revient errer autour du gouffre défendu.

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    L

    Léopold Partisan

    @leopoldPartisan

    Août 14 De la rouille Tant et tant de traces de rouille Sur ces croix de bois flotté Blanchies à la chaux et à la craie naturelle Combien de dimanche vers de gris À la prunelle de leurs yeux Au petit vin blanc Qu’on désossera sous les ombrelles Eparses Éparges Et sanglots longs D’oiseaux moqueurs Têtes blondes Aux blés fauchés Comme hier encore à Gaza, Racca, Sinjar, Lougansk, Donetsk…

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    M

    Marianne Cohn

    @marianneCohn

    Je trahirai demain Je trahirai demain pas aujourd’hui. Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles, Je ne trahirai pas. Vous ne savez pas le bout de mon courage. Moi je sais. Vous êtes cinq mains dures avec des bagues. Vous avez aux pieds des chaussures Avec des clous. Je trahirai demain, pas aujourd’hui, Demain. Il me faut la nuit pour me résoudre, Il ne faut pas moins d’une nuit Pour renier, pour abjurer, pour trahir. Pour renier mes amis, Pour abjurer le pain et le vin, Pour trahir la vie, Pour mourir. Je trahirai demain, pas aujourd’hui. La lime est sous le carreau, La lime n’est pas pour le barreau, La lime n’est pas pour le bourreau, La lime est pour mon poignet. Aujourd’hui je n’ai rien à dire, Je trahirai demain.

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    Nicolas Boileau

    Nicolas Boileau

    @nicolasBoileau

    Au roy Grand roy, c’est vainement qu’abjurant la satire, Pour toy seul desormais j’avois fait voeu d’écrire. Dès que je prens la plume, Apollon éperdu Semble me dire: arreste, insensé, que fais-tu? Sçais-tu dans quels perils aujourd’ huy tu t’ engages? Cette mer où tu cours est celebre en naufrages. Ce n’ est pas qu’ aisément, comme un autre, à ton char Je ne pûsse attacher Alexandre et César; Qu’aisément je ne pûsse en quelque ode insipide, T’exalter aux dépens et de Mars et d’ Alcide: Te livrer le bosphore, et d’ un vers incivil Proposer au sultan de te ceder le Nil. Mais pour te bien loüer, une raison severe Me dit, qu’ il faut sortir de la route vulgaire: Qu’ après avoir joüé tant d’ auteurs differens, Phébus mesme auroit peur, s’ il entroit sur les rangs; Que par des vers tout neufs, avoüez du Parnasse, Il faut de mes dégousts justifier l’ audace; Et, si ma muse enfin n’ est égale à mon roi, Que je preste aux cotins des armes contre moi. Est-ce là cet auteur, l’effroy de la pucelle; Qui devoit des bons vers nous tracer le modèle; Ce censeur, diront-ils, qui nous reformoit tous? Quoi? Ce critique affreux n’en sçait pas plus que nous. N’ avons-nous pas cent fois, en faveur de la France, Comme lui, dans nos vers, pris Memphis et Byzance; Sur les bords de l’Euphrate abbattu le turban, Et coupé, pour rimer, les cedres du Liban? De quel front aujourd’ hui vient-il sur nos brisées, Se revestir encor de nos phrases usées? Que repondrois-je alors? Honteux et rebuté, J’ aurois beau me complaire en ma propre beauté, Et de mes tristes vers admirateur unique, Plaindre en les relisant l’ignorance publique. Quelque orgeuil en secret dont s’aveugle un auteur, Il est fâcheux, grand roi, de se voir sans lecteur; Et d’aller du recit de ta gloire immortelle, Habiller chez Francoeur le sucre et la canelle. Ainsi, craignant toûjours un funeste accident, J’imite de Conrart le silence prudent: Je laisse aux plus hardis l honneur de la carriere, Et regarde le champ, assis sur la barriere. Malgré moy toutefois, un mouvement secret Vient flatter mon esprit qui se tait à regret. Quoi? Dis-je, tout chagrin, dans ma verve infertile, Des vertus de mon roy spectateur inutile, Faudra-t-il sur sa gloire attendre à m’exercer, Que ma tremblante voix commence à se glacer? Dans un si beau projet, si ma muse rebelle N’ose le suivre aux champs de l’ Isle et de Bruxelle, Sans le chercher aux bords de l’ Escaut et du Rhein, La paix l’offre à mes yeux plus calme et plus serein. Oui, grand roi, laissons là les sieges, les batailles. Qu’un autre aille en rimant renverser des murailles, Et souvent sur tes pas marchant sans ton aveu, S’aille couvrir de sang, de poussiere et de feu. À quoy bon d’ une muse au carnage animée, Échauffer ta valeur, déja trop allumée? Joüissons à loisir du fruit de tes bien-faits, Et ne nous lassons point des douceurs de la paix. Pourquoi ces elephans, ces armes, ce bagage, Et ces vaisseaux tout prests à quitter le rivage? Disoit au roi Phyrrus un sage confident, Conseiller tres sensé d’ un roi tres imprudent. Je vais, lui dit ce prince, à Rome où l’ on m’ ppelle. Quoi faire? -l’ assieger, -l’ entreprise est fort belle, Et digne seulement d’ Alexandre ou de vous; Mais, Rome prise enfin, seigneur, où courons-nous? Du reste des latins la conqueste est facile. Sans doute on les peut vaincre: est-ce tout? -la Sicile De là nous tend les bras, et bien-tost sans effort Syracuse reçoit nos vaisseaux dans son port. Bornés-vous là vos pas? -dès que nous l’ aurons prise, Il ne faut qu’ un bon vent et Carthage est conquise. Les chemins sont ouverts: qui peut nous arrester? -Je vous entens, seigneur, nous allons tout domter. Nous allons traverser les sables de Libye, Asservir en passant l’ égypte, l’ Arabie, Courir delà le Gange en de nouveaux païs, Faire trembler le scythe aux bords du Tanaïs; Et ranger sous nos lois tout ce vaste hemisphere. Mais de retour enfin, que pretendez-vous faire? -Alors, cher Cineas, victorieux, contens, Nous pourons rire à l’ aise, et prendre du bon temps. -Hé, seigneur, dés ce jour, sans sortir de l’ Epire, Du matin jusqu’ au soir qui vous défend de rire? Le conseil estoit sage et facile à gouster. Pyrrhus vivoit heureux, s’ il eust pû l’ écouter: Mais à l’ ambition d’ opposer la prudence, C’ est aux prelats de cour prescher la residence. Ce n’ est pas que mon coeur, du travail ennemi, Approuve un faineant sur le thrône endormi. Mais quelques vains lauriers que promette la guerre, On peut estre heros sans ravager la terre. Il est plus d’ une gloire. Envain aux conquerans L’ erreur parmi les rois donne les premiers rangs. Entre les grands heros ce sont les plus vulgaires. Chaque siecle est fecond en heureux temeraires. Chaque climat produit des favoris de Mars. La Seine a des Bourbons, le Tibre a des Césars. On a veu mille fois des fanges moestides Sortir des conquerans, goths, vandales, gepides. Mais un roi vraiment roi, qui sage en ses projets, Sçache en un calme heureux maintenir ses sujets; Qui du bonheur public ayt cimenté sa gloire, Il faut, pour le trouver, courir toute l’ histoire. La terre conte peu de ces rois bien-faisans. Le ciel à les former se prépare long-temps. Tel fut cet empereur, sous qui Rome adorée Vit renaistre les jours de Saturne et de Rhée: Qui rendit de son joug l’ univers amoureux: Qu’ on n’ alla jamais voir sans revenir heureux: Qui soûpirait le soir, si sa main fortunée N’ avoit par ses bienfaits signalé la journée. Le cours ne fut pas long d’ un empire si doux. Mais, où cherchay-je ailleurs ce qu’ on trouve chez nous? Grand roi, sans recourir aux histoires antiques, Ne t’ avons-nous pas vû dans les plaines belgiques, Quand l’ ennemi vaincu desertant ses remparts, Au-devant de ton joug couroit de toutes parts, Toi-mesme te borner au fort de ta victoire, Et chercher dans la paix une plus juste gloire? Ce sont là les exploits que tu dois avoüer; Et c’ est par là, grand roi, que je te veux loüer. Assez d’ autres, sans moy, d’ un stile moins timide, Suivront aux champs de Mars ton courage rapide; Iront de ta valeur effrayer l’ univers, Et camper devant Dôle au milieu des hyvers. Pour moy, loin des combats, sur un ton moins terrible, Je diray les exploits de ton regne paisible. Je peindray les plaisirs en foule renaissans: Les oppresseurs du peuple à leur tour gemissans. On verra par quels soins ta sage prévoyance Au fort de la famine entretint l’ abondance. On verra les abus par ta main reformez, La licence et l’ orgueil en tous lieux reprimez, Du débris des traitans ton épargne grossie; Des subsides affreux la rigueur adoucie, Le soldat dans la paix sage et laborieux, Nos artisans grossiers rendus industrieux; Et nos voisins frustrez de ces tributs serviles, Que payoit à leur art le luxe de nos villes. Tantost je traceray tes pompeux bâtimens, Du loisir d’ un heros nobles amusemens. J’ entens déjà frémir les deux mers étonnées De voir leurs flots unis au pié des Pyrenées. Déja de tous costez la chicane aux abois S’ enfuit au seul aspect de tes nouvelles lois. Ô que ta main par là va sauver de pupilles! Que de sçavans plaideurs desormais inutiles! Qui ne sent point l’ effet de tes soins genereux? L’ univers sous ton regne a-t-il des malheureux? Est-il quelque vertu dans les glaces de l’ ourse, Ni dans ces lieux brûlez où le jour prend sa source, Dont la triste indigence ose encore approcher, Et qu’ en foule tes dons d’ abord n’ aillent chercher? C’ est par toy qu’ on va voir les muses enrichies, De leur longue disette à jamais affranchies. Grand roi, poursuy toûjours, asseure leur repos. Sans elles un heros n’ est pas long-temps heros. Bien-tost, quoy qu’ il ayt fait, la mort d’ une ombre noire, Enveloppe avec lui son nom et son histoire. Envain pour s’ exemter de l’ oubli du cercueil, Achille mit vingt fois tout Ilion en deuil. Envain malgré les vents aux bords de l’ Hesperie Enée enfin porta ses dieux et sa patrie. Sans le secours des vers, leurs noms tant publiez Seroient depuis mille ans avec eux oubliez. Non à quelques hauts faits que ton destin t’ appelle, Sans le secours soigneux d’ une muse fidelle, Pour t’ immortaliser tu fais de vains efforts. Apollon te la doit: ouvre luy tes tresors. En poëtes fameux rens nos climats fertiles. Un auguste aisément peut faire des virgiles. Que d’ illustres témoins de ta vaste bonté Vont pour toy déposer à la posterité! Pour moy, qui sur ton nom déja brûlant d’ écrire Sens au bout de ma plume expirer la satire, Je n’ ose de mes vers vanter ici le prix. Toutefois, si quelqu’ un de mes foibles écrits Des ans injurieux peut éviter l’ outrage, Peut-estre pour ta gloire aura-t-il son usage: Et comme tes exploits étonnant les lecteurs, Seront à peine creus sur la foy des auteurs; Si quelque esprit malin les veut traiter de fables, On dira quelque jour, pour les rendre croyables Boileau qui dans ses vers pleins de sincerité Jadis à tout son siecle a dit la verité; Qui mit à tout blâmer son étude et sa gloire, A pourtant de ce roy parlé comme l’ histoire. (Epître I)

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    Nicolas Boileau

    Nicolas Boileau

    @nicolasBoileau

    Odesur un bruit qui courut en 1656 Ode Sur Un Bruit Qui Courut, En 1656, Que Cromwell Et Les Anglais Allaient Faire La Guerre A La France. Quoi! ce peuple aveugle en son crime, Qui, prenant son roi pour victime, Fit du trône un théâtre affreux, Pense-t-il que le ciel, complice D’un si funeste sacrifice, N’a pour lui ni foudres ni feux? Déjà sa flotte à pleines voiles, Malgré les vents et les étoiles, Veut maîtriser tout l’univers, Et croit que l’Europe étonnée A son audace forcenée Va céder l’empire des mers. Arme-toi, France; prends la foudre. C’est à toi de réduire en poudre Ces sanglants ennemis des lois. Suis la victoire qui t’appelle, Et va sur ce peuple rebelle Venger la querelle des rois. Jadis on vit ces parricides, Aidés de nos soldats perfides, Chez nous, au comble de l’orgueil, (1) Briser tes plus fortes murailles; Et par le gain de vingt batailles, Mettre tous tes peuples en deuil. Mais bientôt le ciel en colère, Par la main d’une humble bergère, (2) Renversant tous leurs bataillons, Borna leurs succès et nos peines: Et leurs corps pourris, dans nos plaines, N’ont fait qu’engraisser nos sillons. (3) (1) Pendant le règne de l’infortuné Charles VI. (2) Jeanne d’Arc. (3) Je n’avais que dix-huit ans quand je fit cette ode; mais je l’ai raccommodée. Boileau.

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    N

    Nicolas Grenier

    @nicolasGrenier

    Cité de la muette Dans les murs de la cité de la Muette, Des Français, des Juifs, des foules honnêtes. Les uns rêvent de lointains paysages, Les autres traînent devant le grillage. Dans les bras, des enfants à l’agonie. Les corps faméliques meurent d’ennui. Au-delà du mur, la fraternité, L’hiver, l’été, la vie, la liberté. À la lumière d’un mirador, Un cortège d’hommes à demi-morts. L’étoile jaune greffée dans le cœur, Ils s’éclipsent ni vaincu ni vainqueur. Nuit et jour, sous les cieux sang et or, Les convois roulent jusqu’à Sobibor.

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    N

    Noël Garnier

    @noelGarnier

    Dans la tranchée La vieille vient, la vieille va… la vieille eût pu s’arrêter là… Elle a roulé toute la nuit folle de sang, saoûle de bruit… Baisé des bouches ci et là… (la vieille vient, la vieille va) Tapis derrière un pare-éclat nous étions trois serrés en tas. (La vieille eût pu s’arrêter là) Elle est allée jusque…là-bas; elle a tué d’autres soldats!… Dans le boyau le plus profond maintenant s’est couchée en rond. (Pendant ce temps nous dormirons) La vieille ronfle… un soldat mort entre les bras (fait froid dehors…) Guetteur au créneau, officier qui veilles, n’aie pas peur-la vieille dort le cul dans l’eau! Grince un fil de fer… une souris pince dans un sac ouvert une tranche mince de fromage (à vers)… La vieille dort… les hommes rêvent, tout le ciel crève en pluie et suie sur leur ennui… Dormez! la vieille trop tôt s’éveille… dormez! la Mort éreintée, dort! Des fusées paraphent lumineusement le ciel de bourrasques et la pluie d’argent… Dormez les morts entre les lignes… L’Homme se signe, la vieille dort! Dans le boyau le plus profond s’éveille et frotte son œil rond. Guetteur au créneau, officier qui veilles, prends garde…S’éveille la vieille au coeur chaud, frotte son oeil louche -trop froid est le Mort pour chauffer sa couche (fait trop froid dehors)- étire ses membres et grince des dents… Les os des vivants -fait froid en décembre…- claquent dans le vent. Allez, la gueuse! saute, putain… vieille amoureuse de bon matin- Le désir rôde les reins tordus, la bouche chaude (l’heure du jus!) Allez! c’est l’heure en mal d’amour. La chair meilleure au petit jour… Maintenant la pluie se fond en lumière sale, sur la terre encore endormie… Et de chaque trou il monte une plainte et de chaque cœur il tremble une crainte. C’est un bruit de pierres… un corps qu’on descend sans linceul, ni bière dans un trou de sang… c’est un bruit de larmes… « Ah! m… » ou « maman, » des mains tombent l’arme, la pipe des dents… C’est elle la vieille qui râle qui court… s’affale d’amour! Maintenant le jour se dissout en pluie sur des yeux de nuit… À chacun son tour!

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Avis La nuit qui précéda sa mort Fut la plus courte de sa vie L’idée qu’il existait encore Lui brûlait le sang aux poignets Le poids de son corps l’écœurait Sa force le faisait gémir C’est tout au fond de cette horreur Qu’il a commencé à sourire Il n’avait pas UN camarade Mais des millions et des millions Pour le venger il le savait Et le jour se leva pour lui.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Bêtes et méchants Venant du dedans Venant du dehors C’est nos ennemis Ils viennent d’en haut Ils viennent d’en bas De près et de loin De droite et de gauche Habillés de vert Habillés de gris La veste trop courte Le manteau trop long La croix de travers Grands de leurs fusils Courts de leurs couteaux Fiers de leurs espions Forts de leurs bourreaux Et gros de chagrin Armés jusqu’à terre Armés jusqu’en terre Raides de saluts Et raides de peur Devant leurs bergers Imbibés de bière Imbibés de lune Chantant gravement La chanson des bottes Ils ont oublié La joie d’être aimé Quand ils disent oui Tout leur répond non Quand ils parlent d’or Tout se fait de plomb Mais contre leur ombre Tout se fera d’or Qu’ils partent qu’ils meurent Leur mort nous suffit. Nous aimons les hommes Ils s’évaderont Nous en prendrons soin Au matin de gloire D’un monde nouveau D’un monde à l’endroit

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Chant nazi Le vol fou d’un papillon La fenêtre l’évasion Le soleil interminable La promesse inépuisable Et qui se joue bien des balles Cerne les yeux d’un frisson L’arbre est neuf l’arbre est saignant Mes enfants c’est le printemps La dernière des saisons Hâtez-vous profitez-en C’est le bagne ou la prison La fusillade ou le front Dernière fête des mères Le cœur cède saluons Partout la mort la misère Et l’Allemagne asservie Et l’Allemagne accroupie Dans le sang et la sanie Dans les plaies qu’elle a creusées Notre tâche est terminée Ainsi chantent chantent bien Les bons maîtres assassins.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Courage Paris a froid Paris a faim Paris ne mange plus de marrons dans la rue Paris a mis de vieux vêtements de vieille Paris dort tout debout sans air dans le métro Plus de malheur encore est imposé aux pauvres Et la sagesse et la folie De Paris malheureux C’est l’air pur c’est le feu C’est la beauté c’est la bonté De ses travailleurs affamés Ne crie pas au secours Paris Tu es vivant d’une vie sans égale Et derrière la nudité De ta pâleur de ta maigreur Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux Paris ma belle ville Fine comme une aiguille forte comme une épée Ingénue et savante Tu ne supportes pas l’injustice Pour toi c’est le seul désordre Tu vas te libérer Paris Paris tremblant comme une étoile Notre espoir survivant Tu vas te libérer de la fatigue et de la boue Frères ayons du courage Nous qui ne sommes pas casqués Ni bottés ni gantés ni bien élevés Un rayon s’allume en nos veines Notre lumière nous revient Les meilleurs d’entre nous sont morts pour nous Et voici que leur sang retrouve notre cœur Et c’est de nouveau le matin un matin de Paris La pointe de la délivrance L’espace du printemps naissant La force idiote a le dessous Ces esclaves nos ennemis S’ils ont compris S’ils sont capables de comprendre Vont se lever. 1942

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Les armes de la douleur A la mémoire de Lucien Legros fusillé pour ses dix-huit ans. I Daddy des Ruines Hommes au chapeau trouvé Homme aux orbites creuses Homme au feu noir Homme au ciel vide Corbeau fait pour vivre vieux Tu avais rêvé d’être heureux Daddy des Ruines Ton fils est mort Assassiné Daddy la Haine Ô victime cruelle Mon camarade des deux guerres Notre vie est tailladée Saignante et laide Mais nous jurons De tenir bientôt le couteau Daddy l’Espoir L’espoir des autres Tu es partout. II J’avais dans mes serments bâti trois châteaux Un pour la vie un pour la mort un pour l’amour Je cachais comme un trésor Les pauvres petites peines De ma vie heureuse et bonne J’avais dans la douceur tissé trois manteaux Un pour nous deux et deux pour notre enfant Nous avions les mêmes mains Et nous pensions l’un pour l’autre Nous embellissions la terre J’avais dans la nuit compté trois lumières Le temps de dormir tout se confondait Fils d’espoir et fleur miroir oeil et lune Homme sans saveur mais clair de langage Femme sans éclat mais fluide aux doigts Brusquement c’est le désert Et je me perds dans le noir L’ennemi s’est révélé Je suis seule dans ma chair Je suis seule pour aimer. III Cet enfant aurait pu mentir Et se sauver La molle plaine infranchissable Cet enfant n’aimait pas mentir Il cria très fort ses forfaits Il opposa sa vérité La vérité Comme une épée à ses bourreaux Comme une épée sa loi suprême Et ses bourreaux se sont vengés Ils ont fait défiler la mort L’espoir la mort l’espoir la mort Ils l’ont gracié puis ils l’ont tué On l’avait durement traité Ses pieds ses mains étaient brisés Dit le gardien du cimetière. IV Une seule pensée une seule passion Et les armes de la douleur. V Des combattants saignant le feu Ceux qui feront la paix sur terre Des ouvriers des paysans Des guerriers mêlés à la foule Et quels prodiges de raison Pour mieux frapper Des guerriers comme des ruisseaux Partout sur les champs desséchés Ou battant d’ailes acharnées Le ciel boueux pour effacer La morale de fin du monde Des oppresseurs Et selon l’amour la haine Des guerriers selon l’espoir Selon le sens de la vie Et la commune parole Selon la passion de vaindre Et de réparer le mal Qu’on nous a fait Des guerriers selon mon coeur Celui-ci pense à la mort Celui-là n’y pense pas L’un dort l’autre ne dort pas Mais tous font le même rêve Se libérer Chacun est l’ombre de tous. VI Les uns sombres les autres nus Chantant leur bien mâchant leur mal Mâchant le poids de leur corps Ou chantant comme on s’envole Par mille rêves humains Par mille voies de nature Ils sortent de leur pays Et leur pays entre en eux De l’air passe dans leur sang Leur pays peut devenir Le vrai pays des merveilles Le pays de l’innocence. VII Des réfractaires selon l’homme Sous le ciel de tous les hommes Sur la terre unie et pleine Au-dedans de ce fruit mûr Le soleil comme un coeur pur Tous le soleil pour les hommes Tous les hommes pour les hommes La terre entière et le temps Le bonheur dans un seul corps. Je dis ce que je vois Ce que je sais Ce qui est vrai.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Les belles balances de l’ennemi Des saluts font justice de la dignité Des bottes font justice de nos promenades Des imbéciles font justice de nos rêves Des goujats font justice de la liberté Des privations ont fait justice des enfants Ô mon frère on a fait justice de ton frère Du plomb a fait justice du plus beau visage La haine a fait justice de notre souffrance Et nos forces nous sont rendues Nous ferons justice du mal.

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Mort ! Les Armes ont tu leurs ordres en attendant De vibrer à nouveau dans des mains admirables Ou scélérates, et, tristes, le bras pendant, Nous allons, mal rêveurs, dans le vague des Fables. Les Armes ont tu leurs ordres qu’on attendait Même chez les rêveurs mensongers que nous sommes, Honteux de notre bras qui pendait et tardait, Et nous allons, désappointés, parmi les hommes. Armes, vibrez ! mains admirables, prenez-les, Mains scélérates à défaut des admirables ! Prenez-les donc et faites signe aux En-allés Dans les fables plus incertaines que les sables. Tirez du rêve notre exode, voulez-vous ? Nous mourons d’être ainsi languides, presque infâmes ! Armes, parlez ! Vos ordres vont être pour nous La vie enfin fleurie au bout, s’il faut, des lames. La mort que nous aimons, que nous eûmes toujours Pour but de ce chemin où prospèrent la ronce Et l’ortie, ô la mort sans plus ces émois lourds, Délicieuse et dont la victoire est l’annonce !

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Liberté Liberté de Paul Éluard est une œuvre marquante de la poésie engagée de la résistance. Écrit en 1942 pour protester contre l'occupation, il est composé de 21 quatrains suivis du mot Liberté. Des milliers de copies furent parachutées en France par des avions britanniques pour encourager les résistants. Sur mes cahiers d'écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige J'écris ton nom

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    Paul-Jean Toulet

    Paul-Jean Toulet

    @paulJeanToulet

    C'etait longtemps avant la guerre Sur la banquette en moleskine Du sombre corridor, Aux flonflons d'Offenbach s'endort Une blanche Arlequine. ... Zo' qui saute entre deux MMrs, Nul falzar ne dérobe Le double trésor sous sa robe Qu'ont mûri d'autres cieux. On soupe... on sort... Bauby pérore... Dans ton regard couvert, Faustine, rit un matin vert... ... Amour, divine aurore.

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    Pierre Corneille

    Pierre Corneille

    @pierreCorneille

    Les imprécations de Camille Rome, l'unique objet de mon ressentiment ! Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant ! Rome qui t'a vu naître, et que ton cœur adore ! Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore ! Puissent tous ses voisins ensemble conjurés Saper ses fondements encor mal assurés ! Et si ce n'est assez de toute l'Italie, Que l'Orient contre elle à l'Occident s'allie ; Que cent peuples unis des bouts de l'univers Passent pour la détruire et les monts et les mers ! Qu'elle même sur soi renverse ses murailles, Et de ses propres mains déchire ses entrailles ! Que le courroux du Ciel allumé par mes vœux Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux ! Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre, Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre, Voir le dernier Romain à son dernier soupir, Moi seule en être cause et mourir de plaisir !

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    Pierre Corneille

    Pierre Corneille

    @pierreCorneille

    Récit de Rodrigue Sous moi donc cette troupe s'avance, Et porte sur le front une mâle assurance. Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port, Tant, à nous voir marcher avec un tel visage, Les plus épouvantés reprenaient de courage ! J'en cache les deux tiers, aussitôt qu'arrivés, Dans le fond des vaisseaux qui lors furent trouvés ; Le reste, dont le nombre augmentait à toute heure, Brûlant d'impatience, autour de moi demeure, Se couche contre terre, et sans faire aucun bruit Passe une bonne part d'une si belle nuit. Par mon commandement la garde en fait de même, Et se tenant cachée, aide à mon stratagème ; Et je feins hardiment d'avoir reçu de vous L'ordre qu'on me voit suivre et que je donne à tous. Cette obscure clarté qui tombe des étoiles Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ; L'onde s'enfle dessous, et d'un commun effort Les Maures et la mer montent jusques au port. On les laisse passer ; tout leur parait tranquille ; Point de soldats au port, point aux murs de la ville. Notre profond silence abusant leurs esprits, Ils n'osent plus douter de nous avoir surpris ; Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent, Et courent se livrer aux mains qui les attendent. Nous nous levons alors, et tous en même temps Poussons jusques au ciel mille cris éclatants. Les nôtres, à ces cris, de nos vaisseaux répondent ; Ils paraissent armés, les Maures se confondent, L'épouvante les prend à demi descendus ; Avant que de combattre ils s'estiment perdus. Ils couraient au pillage, et rencontrent la guerre ; Nous les pressons sur l'eau, nous les pressons sur terre, Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang, Avant qu'aucun résiste ou reprenne son rang. Mais bientôt, malgré nous, leurs princes les rallient, Leur courage renait, et leurs terreurs s'oublient : La honte de mourir sans avoir combattu Arrête leur désordre, et leur rend leur vertu. Contre nous de pied ferme ils tirent leurs alfanges ; De notre sang au leur font d'horribles mélanges. Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port, Sont des champs de carnage où triomphe la mort. Ô combien d'actions, combien d'exploits célèbres Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres, Où chacun, seul témoin des grands coups qu'il donnait, Ne pouvait discerner où le sort inclinait ! J'allais de tous côtés encourager les nôtres, Faire avancer les uns et soutenir les autres, Ranger ceux qui venaient, les pousser à leur tour, Et ne l'ai pu savoir jusques au point du jour. Mais enfin sa clarté montre notre avantage ; Le Maure voit sa perte, et perd soudain courage : Et voyant un renfort qui nous vient secourir, L'ardeur de vaincre cède à la peur de mourir. Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les câbles, Poussent jusques aux cieux des cris épouvantables, Font retraite en tumulte, et sans considérer Si leurs rois avec eux peuvent se retirer. Pour souffrir ce devoir leur frayeur est trop forte ; Le flux les apporta, le reflux les remporte ; Cependant que leurs rois, engagés parmi nous, Et quelque peu des leurs, tous percés de nos coups, Disputent vaillamment et vendent bien leur vie. À se rendre moi-même en vain je les convie : Le cimeterre au poing ils ne m'écoutent pas ; Mais voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats, Et que seuls désormais en vain ils se défendent, Ils demandent le chef ; je me nomme, ils se rendent. Je vous les envoyai tous deux en même temps ; Et le combat cessa faute de combattants.

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    Pierre de Ronsard

    Pierre de Ronsard

    @pierreDeRonsard

    Jamais hector aux guerres n'était lâche Jamais Hector aux guerres n'était lâche Lorsqu'il allait combattre les Grégeois : Toujours sa femme attachait son harnois, Et sur l'armet (1) lui plantait son panache. Il ne craignait la Péléenne (2) hache Du grand Achille, ayant deux ou trois fois Baisé sa femme, et tenant en ses doigts Une faveur de sa belle Andromache. Heureux cent fois, toi chevalier errant, Que ma déesse allait hier parant, Et qu'en armant baisait, comme je pense. De sa vertu procède ton honneur : Que plût à Dieu, pour avoir ce bonheur Avoir changé mes plumes à ta lance. 1. L'armet est un casque. 2. La hache d'Achille, fils de Pélée.

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    René Ghil

    @reneGhil

    Hymne de guerre Menez-les, les Chevaux du vent du Sud, à la rivière Menez-les !... Dans l'entame de leurs plaies Pareilles au sexe des vierges, les Guerriers sanglants éteignent des tisons Et mettent les aromates pilés : Lui qui de tout tient le Milieu - L'Homme-des-Sorts sait le Mot-dieu Qui dompte le sang noir et les Esprits aigus dans les poisons :... Menez-les, les Chevaux du vent du Sud, à la rivière Menez-les... Dans les grains aux grains mêlés - Dans les grains de nuit point la verte pointe ! De verts pointements d'épaule et de torse Noir ! liant les ventres, la ronde étreinte De nos genoux - en avant et derrière Ouvre et noue le temps du temps d'en-Haut : L'Homme-des-Sorts a dit le Mot Qui nous délie aussi loin qu'il est terre Du serpent souple de l'entorse !... Menez-les, les Chevaux du vent du Sud, à la rivière Menez-les... Il est ! qu'ils ont sous les pieds L'eau verte et la prairie : il est le temps - L'araignée entre les piques de guerre Ne tisse pas sa toile ! il est le temps De voir s'il est de l'eau ou de la moelle Aux os des Hommes-loups - et dans les dents Leur tuer les vieux mots qu'ils ont hurlés ! De même temps que durera Ma lutte, sans nuit où le saut Des Hommes-loups se perde en trot de rat Que le Dieu-Haut se tienne haut !...

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    Robert Desnos

    Robert Desnos

    @robertDesnos

    Ce cœur qui haïssait la guerre… Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu'il bat pour le combat et la bataille ! Ce cœur qui ne battait qu'au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit, Voilà qu'il se gonfle et qu'il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine. Et qu'il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent Et qu'il n'est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne Comme le son d'une cloche appelant à l'émeute et au combat. Écoutez, je l'entends qui me revient renvoyé par les échos. Mais non, c'est le bruit d'autres cœurs, de millions d'autres cœurs battant comme le mien à travers la France. Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs, Leur bruit est celui de la mer à l'assaut des falaises Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d'ordre : Révolte contre Hitler et mort à ses partisans ! Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons, Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères Et des millions de Français se préparent dans l'ombre à la besogne que l'aube proche leur imposera. Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la nuit.

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    Robert Desnos

    Robert Desnos

    @robertDesnos

    Demain Âgé de cent mille ans, j'aurais encor la force De t'attendre, ô demain pressenti par l'espoir. Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses, Peut gémir : Le matin est neuf, neuf est le soir. Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille, Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu, Nous parlons à voix basse et nous tendons l'oreille À maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu. Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore De la splendeur du jour et de tous ses présents. Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent.

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    Robert Tirvaudey

    @robertTirvaudey

    L’éffroi de l’oubli Ils s’assemblent souvent, pour combattre Les affres de l’oubli tenace Sur leur canne, dans un regard fugace Nos vieillards se souviennent sans se battre Elle est loin la bataille de Verdun Nos poilus sans barbe viennent de loin Et pourtant tout est là sans entrain Ils auraient voulu battre le foin Le frère n’est plus, le cousin non plus Les Anciens ne peuvent tout raconter Ils chuchotent des chansons qui leur ont plu Les belles années défilent sans compter Ils pleurent, ils savent, les morts sans mémoire Qui se souviendra du capitaine Fusillé, mutin, refus de gloire Sur la croix blanche, son nom, sans haine

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Le chemin du guerrier Et tous invoquaient Dieu Mon Dieu est grand Dit le guerrier qui va-t-en guerre. Je gagnerai la guerre. Mon Dieu est juste Dit le guerrier qui va-t-en guerre Contre l’autre guerrier. Le bon combat je gagnerai. Mon Dieu est le plus fort Dit le guerrier du Nord, Il m’a promis la gloire. Mon Dieu est tout-puissant Dit le guerrier du Sud. La victoire est à moi. Vos dieux ? Mais il n’y a – Dit le petit oiseau qui vole d’arbre en arbre – Il n’y a qu’un seul Dieu, Un seul Dieu dans les Cieux. Et vous a-t-il promis, guerriers victorieux, Qu’était gagné par le fer et le feu Le salut de votre âme ?

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    Sandrine Davin

    @sandrineDavin

    Champ de bataille L’herbe foulée Par trop de va-et-vient Se teinte de foncé. Le bruit des grenades Dégoupillées Résonne dans la plaine. Des habits rongés Par les mites Froissent la peau De ces hommes. … Des douilles caressent Le sol Où dorment des buissons En fil barbelé.

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    Sandrine Davin

    @sandrineDavin

    En ruine Au milieu des ruines Des morts jonchent Un sol terreux. De fines gouttes Poussiéreuses Flottent dans l’air Légèrement humide. … Pendus à un mur : Des fils de lierre Reliant des trous D’obus.

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    Sandrine Davin

    @sandrineDavin

    Frontière de peau Trottoir gris Bruit des bombes En sourdine Il est là seul Ridé par les ans Le froid Les jours qui se répètent Sans fin Une seule idée Fuir S’exiler d’un pays De son pays De sa terre, sa patrie Fuir Il est là Lui et sa valise Pour unique compagne Regard à droite Regard à gauche Ne pas savoir où aller Ne plus savoir où regarder Et attendre encore Attendre … attendre

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    Susy Desrosiers

    @susyDesrosiers

    Indicible Colombes et papillons se sont envolés paysages plaines et rivières que tu égares au fond de ta poche comme seuls bagages tes origines une peluche des comptines d’enfant derrière toi ta mère ton père sang et cendres te hantent le cri des sirènes les flammes l’éphémère tes petits pas pèsent lourd déjà trop de corbeaux sur tes jeunes épaules au bout de ton horizon une terre une langue inconnues tu te perds dans de nouveaux visages des mains se tendent vers toi de nouvelles racines poussent sous tes pieds

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Arrêt sur images Civilisation scarifiée Géographie de l’intolérable Impression de mort Notre société sidérée bafouille sa vérité Nos lèvres tremblantes parlent de dignité les visages flottent se noient se ressemblent notre monde se partage quotas de vivants quotas de morts les anges gardiens sont en fuite trébuchent sur la frontière de l’inconcevable les rossignols ne chantent plus figés à la bifurcation de la destinée

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Exécution La balle laboura son âme Son regard transperçant ses bourreaux Une rivière de sang abreuvant ses paroles réveillées par la surprise soudaine révélation médiocrité humaine. C’était au mois de mai, un jour de printemps Un oiseau se baigna dans la mare érubescente l’œil mouillé, il regarda les hommes ivres La beauté les avait quittés Ils n’étaient que des marionnettes de guerre

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