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Poésies de la collection lieux

    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Automne Le vent tourbillonnant, qui rabat les volets, Là-bas tord la forêt comme une chevelure. Des troncs entrechoqués monte un puissant murmure Pareil au bruit des mers, rouleuses de galets. L’Automne qui descend les collines voilées Fait, sous ses pas profonds, tressaillir notre coeur ; Et voici que s’afflige avec plus de ferveur Le tendre désespoir des roses envolées. Le vol des guêpes d’or qui vibrait sans repos S’est tu ; le pêne grince à la grille rouillée ; La tonnelle grelotte et la terre est mouillée, Et le linge blanc claque, éperdu, dans l’enclos. Le jardin nu sourit comme une face aimée Qui vous dit longuement adieu, quand la mort vient ; Seul, le son d’une enclume ou l’aboiement d’un chien Monte, mélancolique, à la vitre fermée. Suscitant des pensers d’immortelle et de buis, La cloche sonne, grave, au coeur de la paroisse ; Et la lumière, avec un long frisson d’angoisse, Ecoute au fond du ciel venir des longues nuits… Les longues nuits demain remplaceront, lugubres, Les limpides matins, les matins frais et fous, Pleins de papillons blancs chavirant dans les choux Et de voix sonnant clair dans les brises salubres. Qu’importe, la maison, sans se plaindre de toi, T’accueille avec son lierre et ses nids d’hirondelle, Et, fêtant le retour du prodigue près d’elle, Fait sortir la fumée à longs flots bleus du toit. Lorsque la vie éclate et ruisselle et flamboie, Ivre du vin trop fort de la terre, et laissant Pendre ses cheveux lourds sur la coupe du sang, L’âme impure est pareille à la fille de joie. Mais les corbeaux au ciel s’assemblent par milliers, Et déjà, reniant sa folie orageuse, L’âme pousse un soupir joyeux de voyageuse Qui retrouve, en rentrant, ses meubles familiers. L’étendard de l’été pend noirci sur sa hampe. Remonte dans ta chambre, accroche ton manteau ; Et que ton rêve, ainsi qu’une rose dans l’eau, S’entr’ouvre au doux soleil intime de la lampe. Dans l’horloge pensive, au timbre avertisseur, Mystérieusement bat le coeur du Silence. La Solitude au seuil étend sa vigilance, Et baise, en se penchant, ton front comme une soeur. C’est le refuge élu, c’est la bonne demeure, La cellule aux murs chauds, l’âtre au subtil loisir, Où s’élabore, ainsi qu’un très rare élixir, L’essence fine de la vie intérieure. Là, tu peux déposer le masque et les fardeaux, Loin de la foule et libre, enfin, des simagrées, Afin que le parfum des choses préférées Flotte, seul, pour ton coeur dans les plis des rideaux. C’est la bonne saison, entre toutes féconde, D’adorer tes vrais dieux, sans honte, à ta façon, Et de descendre en toi jusqu’au divin frisson De te découvrir jeune et vierge comme un monde ! Tout est calme ; le vent pleure au fond du couloir ; Ton esprit a rompu ses chaînes imbéciles, Et, nu, penché sur l’eau des heures immobiles, Se mire au pur cristal de son propre miroir : Et, près du feu qui meurt, ce sont des Grâces nues, Des départs de vaisseaux haut voilés dans l’air vif, L’âpre suc d’un baiser sensuel et pensif, Et des soleils couchants sur des eaux inconnues… Magny-les-Hameaux, octobre 1894.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Dans le parc… Dans le parc aux lointains voilés de brume, sous Les grands arbres d’où tombe avec un bruit très doux L’adieu des feuilles d’or parmi la solitude, Sous le ciel pâlissant comme de lassitude, Nous irons, si tu veux, jusqu’au soir, à pas lents, Bercer l’été qui meurt dans nos coeurs indolents. Nous marcherons parmi les muettes allées ; Et cet amer parfum qu’ont les herbes foulées, Et ce silence, et ce grand charme langoureux Que verse en nous l’automne exquis et douloureux Et qui sort des jardins, des bois, des eaux, des arbres Et des parterres nus où grelottent les marbres, Baignera doucement notre âme tout un jour, Comme un mouchoir ancien qui sent encor l’amour.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Extrême-Orient Le fleuve au vent du soir fait chanter ses roseaux. Seul je m’en suis allé. – J’ai dénoué l’amarre, Puis je me suis couché dans ma jonque bizarre, Sans bruit, de peur de faire envoler les oiseaux. Et nous sommes partis, tous deux, au fil de l’eau, Sans savoir où, très lentement. – O charme rare, Que donne un inconnu fluide où l’on s’égare !… Par instants, j’arrêtais quelque frêle rameau. Et je restais, bercé sur un flot d’indolence, A respirer ton âme, ô beau soir de silence… Car j’ai l’amour subtil du crépuscule fin ; L’eau musicale et triste est la soeur de mon rêve Ma tasse est diaphane, et je porte, sans fin, Un coeur mélancolique où la lune se lève. II La vie est une fleur que je respire à peine, Car tout parfum terrestre est douloureux au fond. J’ignore l’heure vaine, et les hommes qui vont, Et dans 1’Ile d’Émail ma fantaisie est reine. Mes bonheurs délicats sont faits de porcelaine, Je n’y touche jamais qu’avec un soin profond ; Et l’azur fin, qu’exhale en fumant mon thé blond, En sa fuite odorante emporte au loin ma peine. J’habite un kiosque rose au fond du merveilleux. J’y passe tout le jour à voir de ma fenêtre Les fleuves d’or parmi les paysages bleus ; Et, poète royal en robe vermillon, Autour de l’éventail fleuri qui l’a fait naître, Je regarde voler mon rêve, papillon.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    La cuisine Dans la cuisine où flotte une senteur de thym, Au retour du marché, comme un soir de butin, S’entassent pêle-mêle avec les lourdes viandes Les poireaux, les radis, les oignons en guirlandes, Les grands choux violets, le rouge potiron, La tomate vernie et le pâle citron. Comme un grand cerf-volant la raie énorme et plate Gît fouillée au couteau, d’une plaie écarlate. Un lièvre au poil rougi traîne sur les pavés Avec des yeux pareils à des raisins crevés. D’un tas d’huîtres vidé d’un panier couvert d’algues Monte l’odeur du large et la fraîcheur des vagues. Les cailles, les perdreaux au doux ventre ardoisé Laissent, du sang au bec, pendre leur cou brisé ; C’est un étal vibrant de fruits verts, de légumes, De nacre, d’argent clair, d’écailles et de plumes. Un tronçon de saumon saigne et, vivant encor, Un grand homard de bronze, acheté sur le port, Parmi la victuaille au hasard entassée, Agite, agonisant, une antenne cassée.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Le marché Sur la petite place, au lever de l’aurore, Le marché rit joyeux, bruyant, multicolore, Pêle-mêle étalant sur ses tréteaux boiteux Ses fromages, ses fruits, son miel, ses paniers d’oeufs, Et, sur la dalle où coule une eau toujours nouvelle, Ses poissons d’argent clair, qu’une âpre odeur révèle. Mylène, sa petite Alidé par la main, Dans la foule se fraie avec peine un chemin, S’attarde à chaque étal, va, vient, revient, s’arrête, Aux appels trop pressants parfois tourne la tête, Soupèse quelque fruit, marchande les primeurs Ou s’éloigne au milieu d’insolentes clameurs. L’enfant la suit, heureuse ; elle adore la foule, Les cris, les grognements, le vent frais, l’eau qui coule, L’auberge au seuil bruyant, les petits ânes gris, Et le pavé jonché partout de verts débris. Mylène a fait son choix de fruits et de légumes ; Elle ajoute un canard vivant aux belles plumes ! Alidé bat des mains, quand, pour la contenter, La mère donne enfin son panier à porter. La charge fait plier son bras, mais déjà fière, L’enfant part sans rien dire et se cambre en arrière, Pendant que le canard, discordant prisonnier, Crie et passe un bec jaune aux treilles du panier.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Le repas préparé Ma fille, laisse là ton aiguille et ta laine ; Le maître va rentrer ; sur la table de chêne Avec la nappe neuve aux plis étincelants Mets la faïence claire et les verres brillants. Dans la coupe arrondie à l’anse en col de cygne Pose les fruits choisis sur des feuilles de vigne : Les pêches que recouvre un velours vierge encor, Et les lourds raisins bleus mêlés aux raisins d’or. Que le pain bien coupé remplisse les corbeilles, Et puis ferme la porte et chasse les abeilles… Dehors le soleil brûle, et la muraille cuit. Rapprochons les volets, faisons presque la nuit, Afin qu’ainsi la salle, aux ténèbres plongée, S’embaume toute aux fruits dont la table est chargée. Maintenant, va puiser l’eau fraîche dans la cour ; Et veille que surtout la cruche, à ton retour, Garde longtemps glacée et lentement fondue, Une vapeur légère à ses flancs suspendue.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Matin sur le port Le soleil, par degrés, de la brume émergeant, Dore la vieille tour et le haut des mâtures ; Et, jetant son filet sur les vagues obscures, Fait scintiller la mer dans ses mailles d’argent. Voici surgir, touchés par un rayon lointain, Des portiques de marbre et des architectures ; Et le vent épicé fait rêver d’aventures Dans la clarté limpide et fine du matin. L’étendard déployé sur l’arsenal palpite ; Et de petits enfants, qu’un jeu frivole excite, Font sonner en courant les anneaux du vieux mur. Pendant qu’un beau vaisseau, peint de pourpre et d’azur Bondissant et léger sur l’écume sonore, S’en va, tout frissonnant de voiles, dans l’aurore.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    À mon Frère, revenant d'Italie Ainsi, mon cher, tu t'en reviens Du pays dont je me souviens Comme d'un rêve, De ces beaux lieux où l'oranger Naquit pour nous dédommager Du péché d'Ève. Tu l'as vu, ce ciel enchanté Qui montre avec tant de clarté Le grand mystère ; Si pur, qu'un soupir monte à Dieu Plus librement qu'en aucun lieu Qui soit sur terre. Tu les as vus, les vieux manoirs De cette ville aux palais noirs Qui fut Florence, Plus ennuyeuse que Milan Où, du moins, quatre ou cinq fois l'an, Cerrito danse. Tu l'as vue, assise dans l'eau, Portant gaiement son mezzaro, La belle Gênes, Le visage peint, l'oeil brillant, Qui babille et joue en riant Avec ses chaînes.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Le Rhin Ô Rhin, sais-tu pourquoi les amants insensés, Abandonnant leur âme aux tendres rêveries, Par tes bois verdoyants, par tes larges prairies S’en vont par leur folie incessamment poussés ? Sais-tu pourquoi jamais les tristes railleries, Les exemples d’hier, ni ceux des temps passés, De tes monts adorés, de tes rives chéries, Ne les ont fait descendre et ne les ont chassés ? C’est que, dans tous les temps, ceux que l’homme sépare Et que Dieu réunit iront chercher les bois, Et des vastes torrents écouteront les voix. L’homme libre viendra, loin d’un monde barbare, Sur les rocs et les monts, comme au pied d’un autel, Protester contre l’homme en regardant le ciel.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Le Rhin allemand Réponse à la chanson de Becker Nous l’avons eu, votre Rhin allemand, Il a tenu dans notre verre. Un couplet qu’on s’en va chantant Efface-t-il la trace altière Du pied de nos chevaux marqué dans votre sang ? Nous l’avons eu, votre Rhin allemand. Son sein porte une plaie ouverte, Du jour où Condé triomphant A déchiré sa robe verte. Où le père a passé, passera bien l’enfant. Nous l’avons eu, votre Rhin allemand. Que faisaient vos vertus germaines, Quand notre César tout-puissant De son ombre couvrait vos plaines ? Où donc est-il tombé, ce dernier ossement ? Nous l’avons eu, votre Rhin allemand. Si vous oubliez votre histoire, Vos jeunes filles, sûrement, Ont mieux gardé notre mémoire ; Elles nous ont versé votre petit vin blanc. S’il est à vous, votre Rhin allemand, Lavez-y donc votre livrée ; Mais parlez-en moins fièrement. Combien, au jour de la curée, Etiez-vous de corbeaux contre l’aigle expirant ? Qu’il coule en paix, votre Rhin allemand ; Que vos cathédrales gothiques S’y reflètent modestement ; Mais craignez que vos airs bachiques Ne réveillent les morts de leur repos sanglant.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    L’esprit Parisien Esprit parisien ! démon du Bas-Empire ! Vieux sophiste épuisé qui bois, toutes les nuits, Comme un vin dont l’ivresse engourdit tes ennuis, Les gloires du matin, la meilleure et la pire ; Froid niveleur, moulant, aussitôt qu’il expire, Le plâtre d’un grand homme ou bien d’un assassin, Leur mesurant le crâne, et, dans leur vaste sein, Poussant jusques au cœur ta lèvre de vampire ; Tu ris ! — Ce mois joyeux t’a jeté trois par trois Les fronts guillotinés sur la place publique. — Ce soir, fais le chrétien, dis bien haut que tu crois. À genoux ! roi du mal, comme les autres rois ! Pour que la Charité, de son doigt angélique, Sur ton front de damné fasse un signe de croix.

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    Alfred Jarry

    Alfred Jarry

    @alfredJarry

    Bardes et cordes Le roi mort, les vingt et un coups de la bombarde Tonnent, signal de deuil, place de la Concorde. Silence, joyeux luth, et viole et guimbarde : Tendons sur le cercueil la plus macabre corde Pour accompagner l’hymne éructé par le barde : Le ciel veut l’oraison funèbre pour exorde. L’encens vainc le fumet des ortolans que barde La maritorne, enfant butorde non moins qu’orde. Aux barrières du Louvre elle dormait, la garde : Les palais sont de grands ports où la nuit aborde ; Corse, kamoulcke, kurde, iroquoise et lombarde Le catafalque est ceint de la jobarde horde. Sa veille n’eût point fait camuse la camarde : Il faut qu’un rictus torde et qu’une bouche morde. La lame ou la dent tranche autant que le plomb arde : Poudre aux moineaux, canons place de la Concorde. Arme blême, le dail ne craint point l’espingarde : Tonne, signal de deuil ; vibre, macabre corde. Les Suisses du pavé heurtent la hallebarde : Seigneur, prends le défunt en ta miséricorde.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    A la grande chartreuse Jéhova de la terre a consacré les cimes ; Elles sont de ses pas le divin marchepied, C’est là qu’environné de ses foudres sublimes Il vole, il descend, il s’assied. Sina, l’Olympe même, en conservent la trace ; L’Oreb, en tressaillant, s’inclina sous ses pas ; Thor entendit sa voix, Gelboé vit sa face; Golgotha pleura son trépas. Dieu que l’Hébron connait, Dieu que Cédar adore, Ta gloire à ces rochers jadis se dévoila; Sur le sommet des monts nous te cherchons encore; Seigneur, réponds-nous ! es-tu là ? Paisibles habitants de ces saintes retraites, Comme l’ont entendu les guides d’Israël, Dans le calme des nuits, des hauteurs où vous êtes N’entendez-vous donc rien du ciel ? Ne voyez-vous jamais les divines phalanges Sur vos dômes sacrés descendre et se pencher ? N’entendez-vous jamais des doux concerts des anges Retentir l’écho du rocher ? Quoi ! l’âme en vain regarde, aspire, implore, écoute ; Entre le ciel et nous, est-il un mur d’airain ? Vos yeux, toujours levés vers la céleste voûte, Vos yeux sont-ils levés en vain ? Pour s’élancer, Seigneur, où ta voix les appelle, Les astres de la nuit ont des chars de saphirs, Pour s’élever à toi, l’aigle au moins a son aile; Nous n’avons rien que nos soupirs ! Que la voix de tes saints s’élève et te désarme, La prière du juste est l’encens des mortels ; Et nous, pêcheurs, passons: nous n’avons qu’une larme A répandre sur tes autels.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Ferrare Que l’on soit homme ou Dieu, tout génie est martyre : Du supplice plus tard on baise l’instrument ; L’homme adore la croix où sa victime expire, Et du cachot du Tasse enchâsse le ciment. Prison du Tasse ici, de Galilée à Rome, Échafaud de Sidney, bûchers, croix ou tombeaux, Ah ! vous donnez le droit de bien mépriser l’homme, Qui veut que Dieu l’éclaire, et qui hait ses flambeaux ! Grand parmi les petits, libre chez les serviles, Si le génie expire, il l’a bien mérité ; Car nous dressons partout aux portes de nos villes Ces gibets de la gloire et de la vérité. Loin de nous amollir, que ce sort nous retrempe ! Sachons le prix du don, mais ouvrons notre main. Nos pleurs et notre sang sont l’huile de la lampe Que Dieu nous fait porter devant le genre humain ! (Trentième Méditation, improvisée en sortant du cachot de Tasse.)

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Ischia Le soleil va porter le jour à d’autres mondes; Dans l’horizon désert Phébé monte sans bruit, Et jette, en pénétrant les ténèbres profondes, Un voile transparent sur le front de la nuit. Voyez du haut des monts ses clartés ondoyantes Comme un fleuve de flamme inonder les coteaux, Dormir dans les vallons, ou glisser sur les pentes, Ou rejaillir au loin du sein brillant des eaux. La douteuse lueur, dans l’ombre répandue, Teint d’un jour azuré la pâle obscurité, Et fait nager au loin dans la vague étendue Les horizons baignés par sa molle clarté! L’Océan amoureux de ces rives tranquilles Calme, en baisant leurs pieds, ses orageux transports, Et pressant dans ses bras ces golfes et ces îles, De son humide haleine en rafraîchit les bords. Du flot qui tour à tour s’avance et se retire L’oeil aime à suivre au loin le flexible contour : On dirait un amant qui presse en son délire La vierge qui résiste, et cède tour à tour! Doux comme le soupir de l’enfant qui sommeille, Un son vague et plaintif se répand dans les airs : Est-ce un écho du ciel qui charme notre oreille? Est-ce un soupir d’amour de la terre et des mers? Il s’élève, il retombe, il renaît, il expire, Comme un coeur oppressé d’un poids de volupté, Il semble qu’en ces nuits la nature respire, Et se plaint comme nous de sa félicité! Mortel, ouvre ton âme à ces torrents de vie! Reçois par tous les sens les charmes de la nuit, A t’enivrer d’amour son ombre te convie; Son astre dans le ciel se lève, et te conduit. Vois-tu ce feu lointain trembler sur la colline? Par la main de l’Amour c’est un phare allumé; Là, comme un lis penché, l’amante qui s’incline Prête une oreille avide aux pas du bien-aimé! La vierge, dans le songe où son âme s’égare, Soulève un oeil d’azur qui réfléchit les cieux, Et ses doigts au hasard errant sur sa guitare Jettent aux vents du soir des sons mystérieux!  » Viens ! l’amoureux silence occupe au loin l’espace; Viens du soir près de moi respirer la fraîcheur! C’est l’heure; à peine au loin la voile qui s’efface Blanchit en ramenant le paisible pêcheur!  » Depuis l’heure où ta barque a fui loin de la rive, J’ai suivi tout le jour ta voile sur les mers, Ainsi que de son nid la colombe craintive Suit l’aile du ramier qui blanchit dans les airs!  » Tandis qu’elle glissait sous l’ombre du rivage, J’ai reconnu ta voix dans la voix des échos; Et la brise du soir, en mourant sur la plage, Me rapportait tes chants prolongés sur les flots.  » Quand la vague a grondé sur la côte écumante, À l’étoile des mers j’ai murmuré ton nom, J’ai rallumé sa lampe, et de ta seule amante L’amoureuse prière a fait fuir l’aquilonl  » Maintenant sous le ciel tout repose, ou tout aime : La vague en ondulant vient dormir sur le bord; La fleur dort sur sa tige, et la nature même Sous le dais de la nuit se recueille et s’endort.  » Voisl la mousse a pour nous tapissé la vallée, Le pampre s’y recourbe en replis tortueux, Et l’haleine de l’onde, à l’oranger mêlée, De ses fleurs qu’elle effeuille embaume mes cheveux.  » A la molle clarté de la voûte sereine Nous chanterons ensemble assis sous le jasmin, Jusqu’à l’heure où la lune, en glissant vers Misène, Se perd en pâlissant dans les feux du matin. «  Elle chante; et sa voix par intervalle expire, Et, des accords du luth plus faiblement frappés, Les échos assoupis ne livrent au zéphire Que des soupirs mourants, de silence coupésl Celui qui, le coeur plein de délire et de flamme, A cette heure d’amour, sous cet astre enchanté, Sentirait tout à coup le rêve de son âme S’animer sous les traits d’une chaste beauté; Celui qui, sur la mousse, au pied du sycomore, Au murmure des eaux, sous un dais de saphirs, Assis à ses genoux, de l’une à l’autre aurore, N’aurait pour lui parler que l’accent des soupirs; Celui qui, respirant son haleine adorée, Sentirait ses cheveux, soulevés par les vents, Caresser en passant sa paupière effleurée, Ou rouler sur son front leurs anneaux ondoyants; Celui qui, suspendant les heures fugitives, Fixant avec l’amour son âme en ce beau lieu, Oublierait que le temps coule encor sur ces rives, Serait-il un mortel, ou serait-il un dieu?… Et nous, aux doux penchants de ces verts Elysées, Sur ces bords où l’amour eût caché son Eden, Au murmure plaintif des vagues apaisées, Aux rayons endormis de l’astre élysien, Sous ce ciel où la vie, où le bonheur abonde, Sur ces rives que l’oeil se plaît à parcourir, Nous avons respiré cet air d’un autre monde, Elyse!,.. et cependant on dit qu’il faut mourir !

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    La liberté, ou une nuit à Rome Comme l’astre adouci de l’antique Elysée, Sur les murs dentelés du sacré Colysée, L’astre des nuits, perçant des nuages épars, Laisse dormir en paix ses longs et doux regards, Le rayon qui blanchit ses vastes flancs de pierre, En glissant à travers les pans fIottants du lierre, Dessine dans l’enceinte un lumineux sentier ; On dirait le tombeau d’un peuple tout entier, Où la mémoire, errante après des jours sans nombre, Dans la nuit du passé viendrait chercher une ombre, Ici, de voûte en voûte élevé dans les cieux, Le monument debout défie encor les yeux ; Le regard égaré dans ce dédale oblique, De degrés en degrés, de portique en portique, Parcourt en serpentant ce lugubre désert, Fuit, monte, redescend, se retrouve et se perd. Là, comme un front penché sous le poids des années, La ruine, abaissant ses voûtes inclinées, Tout à coup se déchire en immenses lambeaux, Pend comme un noir rocher sur l’abîme des eaux ; Ou des vastes hauteurs de son faîte superbe Descendant par degrés jusqu’au niveau de l’herbe, Comme un coteau qui meurt sous les fleurs du vallon, Vient mourir à nos pieds sur des lits de gazon. Sur les flancs décharnés de ces sombres collines, Des forêts dans les airs ont jeté leurs racines : Là, le lierre jaloux de l’immortalité, Triomphe en possédant ce que l’homme a quitté ; Et pareil à l’oubli, sur ces murs qu’il enlace, Monte de siècle en siècle aux sommets qu’il efface. Le buis, l’if immobile, et l’arbre des tombeaux, Dressent en frissonnant leurs funèbres rameaux, Et l’humble giroflée, aux lambris suspendue, Attachant ses pieds d’or dans la pierre fendue, Et balançant dans l’air ses longs rameaux flétris, Comme un doux souvenir fleurit sur des débris. Aux sommets escarpés du fronton solitaire, L’aigle à la frise étroite a suspendu son aire : Au bruit sourd de mes pas, qui troublent son repos, Il jette un cri d’effroi, grossi par mille échos, S’élance dans le ciel, en redescend, s’arrête, Et d’un vol menaçant plane autour de ma tête. Du creux des monuments, de l’ombre des arceaux, Sortent en gémissant de sinistres oiseaux : Ouvrant en vain dans l’ombre une ardente prunelle, L’aveugle amant des nuits bat les murs de son aile ; La colombe, inquiète à mes pas indiscrets, Descend, vole et s’abat de cyprès en cyprès, Et sur les bords brisés de quelque urne isolée, Se pose en soupirant comme une âme exilée. Les vents, en s’engouffrant sous ces vastes débris, En tirent des soupirs, des hurlements, des cris : On dirait qu’on entend le torrent des années Rouler sous ces arceaux ses vagues déchaînées, Renversant, emportant, minant de jours en jours Tout ce que les mortels ont bâti sur son cours. Les nuages flottants dans un ciel clair et sombre, En passant sur l’enceinte y font courir leur ombre, Et tantôt, nous cachant le rayon qui nous luit, Couvrent le monument d’une profonde nuit, Tantôt, se déchirant sous un souffle rapide, Laissent sur le gazon tomber un jour livide, Qui, semblable à l’éclair, montre à l’oeil ébloui Ce fantôme debout du siècle évanoui ; Dessine en serpentant ses formes mutilées, Les cintres verdoyants des arches écroulées, Ses larges fondements sous nos pas entrouverts, Et l’éternelle croix qui, surmontant le faîte, Incline comme un mât battu par la tempête. Rome ! te voilà donc ! Ô mère des Césars ! J’aime à fouler aux pieds tes monuments épars ; J’aime à sentir le temps, plus fort que ta mémoire, Effacer pas à pas les traces de ta gloire ! L’homme serait-il donc de ses oeuvres jaloux ? Nos monuments sont-ils plus immortels que nous ? Egaux devant le temps, non, ta ruine immense Nous console du moins de notre décadence. J’aime, j’aime à venir rêver sur ce tombeau, A l’heure où de la nuit le lugubre flambeau Comme l’oeil du passé, flottant sur des ruines, D’un pâle demi-deuil revêt tes sept collines, Et, d’un ciel toujours jeune éclaircissant l’azur, Fait briller les torrents sur les flancs de Tibur. Ma harpe, qu’en passant l’oiseau des nuits effleure, Sur tes propres débris te rappelle et te pleure, Et jette aux flots du Tibre un cri de liberté, Hélas ! par l’écho même à peine répété.  » Liberté ! nom sacré, profané par cet âge, J’ai toujours dans mon coeur adoré ton image, Telle qu’aux jours d’Emile et de Léonidas, T’adorèrent jadis le Tibre et l’Eurotas ; Quand tes fils se levant contre la tyrannie, Tu teignais leurs drapeaux du sang de Virginie, Ou qu’à tes saintes lois glorieux d’obéir, Tes trois cents immortels s’embrassaient pour mourir ; Telle enfin que d’Uri prenant ton vol sublime, Comme un rapide éclair qui court de cime en cime, Des rives du Léman aux rochers d’Appenzell, Volant avec la mort sur la flèche de Tell, Tu rassembles tes fils errants sur les montagnes, Et, semblable au torrent qui fond sur leurs campagnes Tu purges à jamais d’un peuple d’oppresseurs Ces champs où tu fondas ton règne sur les moeurs !  » Alors !… mais aujourd’hui, pardonne à mon silence ; Quand ton nom, profané par l’infâme licence, Du Tage à l’Éridan épouvantant les rois, Fait crouler dans le sang les trônes et les Iris ; Détournant leurs regards de ce culte adultère, Tes purs adorateurs, étrangers sur la terre, Voyant dans ces excès ton saint nom se flétrir, Ne le prononcent plus… de peur de l’avilir. Il fallait t’invoquer, quand un tyran superbe Sous ses pieds teints de sang nous fouler comme l’herbe, En pressant sur son coeur le poignard de Caton. Alors il était beau de confesser ton nom : La palme des martyrs couronnait tes victimes, Et jusqu’à leurs soupirs, tout leur était des crimes. L’univers cependant, prosterné devant lui, Adorait, ou tremblait !… L’univers, aujourd’hui, Au bruit des fers brisés en sursaut se réveille. Mais, qu’entends-je ? et quels cris ont frappé mon oreille ? Esclaves et tyrans, opprimés, oppresseurs, Quand tes droits ont vaincu, s’offrent pour tes vengeurs ; Insultant sans péril la tyrannie absente, Ils poursuivent partout son ombre renaissante ; Et, de la vérité couvrant la faible voix, Quand le peuple est tyran, ils insultent aux rois. Tu règnes cependant sur un siècle qui t’aime, Liberté ; tu n’as rien à craindre que toi-même. Sur la pente rapide où roule en paix ton char, Je vois mille Brutus… mais où donc est César ?

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Le golfe de Baya Vois-tu comme le flot paisible Sur le rivage vient mourir ! Vois-tu le volage zéphyr Rider, d’une haleine insensible, L’onde qu’il aime à parcourir ! Montons sur la barque légère Que ma main guide sans efforts, Et de ce golfe solitaire Rasons timidement les bords. Loin de nous déjà fuit la rive. Tandis que d’une main craintive Tu tiens le docile aviron, Courbé sur la rame bruyante Au sein de l’onde frémissante Je trace un rapide sillon. Dieu ! quelle fraîcheur on respire ! Plongé dans le sein de Thétis, Le soleil a cédé l’empire A la pâle reine des nuits. Le sein des fleurs demi-fermées S’ouvre, et de vapeurs embaumées En ce moment remplit les airs ; Et du soir la brise légère Des plus doux parfums de la terre A son tour embaume les mers. Quels chants sur ces flots retentissent ? Quels chants éclatent sur ces bords ? De ces deux concerts qui s’unissent L’écho prolonge les accords. N’osant se fier aux étoiles, Le pêcheur, repliant ses voiles, Salue, en chantant, son séjour. Tandis qu’une folle jeunesse Pousse au ciel des cris d’allégresse, Et fête son heureux retour. Mais déjà l’ombre plus épaisse Tombe, et brunit les vastes mers ; Le bord s’efface, le bruit cesse, Le silence occupe les airs. C’est l’heure où la mélancolie S’assoit pensive et recueillie Aux bords silencieux des mers, Et, méditant sur les ruines, Contemple au penchant des collines Ce palais, ces temples déserts. O de la liberté vieille et sainte patrie ! Terre autrefois féconde en sublimes vertus ! Sous d’indignes Césars maintenant asservie, Ton empire est tombé ! tes héros ne sont plus ! Mais dans ton sein l’âme agrandie Croit sur leurs monuments respirer leur génie, Comme on respire encor dans un temple aboli La majesté du dieu dont il était rempli. Mais n’interrogeons pas vos cendres généreuses, Vieux Romains ! fiers Catons ! mânes des deux Brutus ! Allons redemander à ces murs abattus Des souvenirs plus doux, des ombres plus heureuses, Horace, dans ce frais séjour, Dans une retraite embellie Par le plaisir et le génie, Fuyait les pompes de la cour ; Properce y visitait Cinthie, Et sous les regards de Délie Tibulle y modulait les soupirs de l’amour. Plus loin, voici l’asile où vint chanter le Tasse, Quand, victime à la fois du génie et du sort, Errant dans l’univers, sans refuge et sans port, La pitié recueillit son illustre disgrâce. Non loin des mêmes bords, plus tard il vint mourir ; La gloire l’appelait, il arrive, il succombe : La palme qui l’attend devant lui semble fuir, Et son laurier tardif n’ombrage que sa tombe. Colline de Baya ! poétique séjour ! Voluptueux vallon qu’habita tour à tour Tout ce qui fut grand dans le monde, Tu ne retentis plus de gloire ni d’amour. Pas une voix qui me réponde, Que le bruit plaintif de cette onde, Ou l’écho réveillé des débris d’alentour ! Ainsi tout change, ainsi tout passe ; Ainsi nous-mêmes nous passons, Hélas ! sans laisser plus de trace Que cette barque où nous glissons Sur cette mer où tout s’efface. Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques

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    A

    Amable Tastu

    @amableTastu

    Le printemps Viens, charmante saison, jeunesse de l’année, Viens animer encore le luth des Troubadours, Des fleurs que tu fais naître accours environnée, Elles seront le prix de nos chansons d’amours. Voici venir le jour où la Reine des anges, Seule, au pied de la croix, répandit tant de pleurs, Qu’elle entende aujourd’hui l’hymne de nos louanges Redire aux saints autels ses sublimes douleurs. Cité de mes aïeux, Toulouse tant chérie, Sois à jamais l’orgueil, l’amour de tes enfants ; Qu’ils trouvent dans les murs de leur belle patrie Le sujet et le prix de leurs nobles accents ! Poètes orgueilleux, caressez l’espérance De laisser après vous un renom immortel ; Le mien s’éteindra vite ; et le nom de Clémence Ne sera point connu du jeune Ménestrel. La rose du matin le soir jonche la terre ; Avec indifférence on la voit se flétrir ; Et le vent de la nuit, de son aile légère, Disperse dans les airs son dernier souvenir.

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    Byzance, mon berceau Byzance, mon berceau, jamais tes janissaires Du Musulman paisible ont-ils forcé le seuil ? Vont-ils jusqu’en son lit, nocturnes émissaires, Porter l’épouvante et le deuil ? Son harem ne connaît, invisible retraite, Le choix, ni les projets, ni le nom des visirs. Là, sûr du lendemain, il repose sa tête, Sans craindre au sein de ses plaisirs, Que cent nouvelles lois qu’une nuit a fait naître, De juges assassins un tribunal pervers, Lancent sur son réveil, avec le nom de traître, La mort, la ruine, ou les fers. Tes mœurs et ton Coran sur ton sultan farouche Veillent, le glaive nu, s’il croyait tout pouvoir ; S’il osait tout braver ; et dérober sa bouche Au frein de l’antique devoir. Voilà donc une digue où la toute-puissance Voit briser le torrent de ses vastes progrès ! Liberté qui nous fuis, tu ne fuis point Byzance ; Tu planes sur ses minarets !

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    Des monts du Beaujolais Des monts du Beaujolais aspect délicieux Quabd l’Azergue limpide, enfant de ces beaux lieux, Descendant sur les prés et la côte vineuse, Vient grossir de ses eaux la Saune limoneuse. Peindre Nice… cette ville où les étrangers… les oranges… etc. Finir en imitant légèrement le sonnet de Pétrarque umoresi il vecchiarel… et dire : J’examine avec soin tous les visages pour voir si je trouverai sur quelqu’un d’eux quelqu’un de vos traits.

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    La seine en sortant de Paris La Seine en sortant de Paris, Voit près du Champ de Mars les fils de nos guerriers Étudier l’art…………… Et près d’eux vivre sous un dôme Tous nos braves soldats sous les armes vieillis, De blessures et d’âge et d’honneurs affaiblis : Saints temples où repose une mâle vieillesse, Près des murs d’où s’élance une mâle jeunesse. Ô bois de Vincennes !… bois de Boulogne !… ne tressaillez-vous point d’allégresse, lorsque, sous vos ombrages fleuris, une belle, la tête couverte d’un chapeau de plumes galope sur un cheval ?

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    L’Amérique Fragments Magellan, fils du Tage, et Drake et Bougainville Et l’Anglais dont Neptune aux plus lointains climats Reconnaissait la voile et respectait les pas. Le Cancer sous les feux de son brûlant tropique L’attire entre l’Asie et la vaste Amérique, En des ports où jadis il entra le premier. Là l’insulaire ardent, jadis hospitalier, L’environne : il périt. Sa grande âme indignée, Sur les flots, son domaine, à jamais promenée, D’ouragans ténébreux bat le sinistre bord Où son nom, ses vertus, n’ont point fléchi la mort. J’accuserai les vents et cette mer jalouse Qui retient, qui peut-être a ravi La Peyrouse. Il partit. L’amitié, les sciences, l’amour Et la gloire française imploraient son retour. Six ans sont écoulés sans que la renommée De son trépas au moins soit encore informée. Malheureux ! un rocher inconnu sous les eaux A-t-il, brisant les flancs de tes hardis vaisseaux, Dispersé ta dépouille au sein du gouffre immense ? Ou, le nombre et la fraude opprimant ta vaillance, Nu, captif, désarmé, du sauvage inhumain As-tu vu s’apprêter l’exécrable festin ? Ou plutôt dans une île, assis sur le rivage, Attends-tu ton ami voguant de plage en plage ; Ton ami qui partout, jusqu’aux bornes des mers Où d’éternelles nuits et d’éternels hivers Fout plier notre globe entre deux monts de glace, Aux flots de l’Océan court demander ta trace ? Malheureux ! tes amis, souvent dans leurs banquets, Disent en soupirant :  » Reviendra-t-il jamais ? «  Ta femme à son espoir, à ses voeux enchaînée, Doutant de son veuvage ou de son hyménée, N’entend, ne voit que toi dans ses chastes douleurs, Se reproche un sourire, et, tout entière aux pleurs, Cherche en son lit désert, peuplé de ton image, Un pénible sommeil que trouble ton naufrage.

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    Marseille Ô beautés de Marseille… vous avez une tournure vive et attrayante… vos cheveux… vos yeux noirs et… ont des regards bien doux. Heureux qui peut vivre près de vous… Marseille est une ville… dans son port tout hérissé d’une forêt de mâts, on trouve le Musulman, l’Indien, etc… Marseille est tout l’univers… elle a toujours été florissante… unissant le commerce aux sciences et à la guerre… Pythéas… depuis l’Ibérie jusqu’à la Ligurie, plusieurs opulentes cités la reconnaissent pour mère… fille des Phocéens, amie de Rome, rivale de Carthage, elle a été l’Athènes gauloise… Tel est le destin que lui promit le vieux Protée lorsque… les Phocéens sortant de leur pays… ils mettent à la voile… leur serment… Protée s’élève sur la mer et leur prédit… (c’est ici qu’il faut mettre ce que dessus), ils arrivent pendant que le roi de cette côte préparait le festin nuptial pour sa fille… Cette belle les avait vus arriver ;… elle avait dit à sa nourrice : Ô que cet étranger est beau !… Il n’a point l’air sauvage de nos Gaulois… La douceur et la fierté sont sur son visage… Le héros grec est invité au festin… Elle entre, la belle barbare. Suivant l’usage on lui donne la coupe… Celui à qui elle la présentera sera son époux… Elle tourne… et rougissant et baissant les yeux, elle présente au héros grec la coupe nuptiale… Et malgré les fureurs de la horde rivale, Le héros… boit la coupe nuptiale. Salut, ô ville grecque, honneur du nom français Toi par qui, dans l’horreur de nos vieilles forêts, Du cruel Teutates le prêtre sanguinaire Entendit les doux sons de la langue d’Homère ; Qui, disciple à la fois de Minerve et de Mars, Fis couler sur nos bords l’opulence et les arts. Et, de nos durs aïeux polissant la rudesse, Sur des rochers gaulois sus transplanter la Grèce.

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    À un chanteur Italien Bonne étoile et bon vent, fortuné voyageur, Qui t'en vas sous le ciel des îles Borromées, Où de grands orangers, aux bords du lac Majeur, Se mirent dans le bleu profond des eaux charmées. Tu reviendras joyeux dans ta fraîche villa, Qui, de rosiers grimpants coquettement parée, N'attend que ton retour. — Ta jeune femme est là, La chanteuse au coeur pur, des pauvres adorée ; La chanteuse à voix d'or, svelte prima donna, Attaquant Cimarose à belles dents rieuses, Et gravement émue avec Palestrina, Écho divin pleurant aux larmes des prieuses. Adieu. Puisse ta vie être calme, au retour, Comme le bleu miroir de ces eaux fortunées Baisant le pied des fleurs dans votre île d'amour, Et puisse ton bonheur prolonger tes années !

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    À une chanteuse des rues Petite zingarelle à voix d'or, tu nous charmes, Et nous ouvrons l'oreille à tes enchantements. Ton accent pur va droit à la source des larmes Et réveille en nos cœurs de longs échos dormants. Sous tes grands cheveux noirs, mince, pâle, amaigrie, Errante par le monde en fille d'Israël, Si tu nous vins à pied des steppes de Hongrie, Nous voyons dans tes yeux resplendir tout un ciel. Comme les rossignols, ignorant ton génie, Tu chantes... les heureux s'enivrent de ta voix, Et les infortunés te disent : « Sois bénie, » En évoquant pour nous les bonheurs d'autrefois !

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    Andrée Chedid

    Andrée Chedid

    @andreeChedid

    Le chant des villes Je m’attache aux pulsations des villes A leur existence mouvementée Je respire dans leurs espaces verts Je me glisse dans leurs ruelles J’écoute leurs peuples de partout J’ai aimé les cités Le Caire ou bien Paris Elles retentissent dans mes veines Me collent à la peau Je ne pourrai me passer D’être foncièrement : Urbaine. Andrée Chedid

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    Anna de Noailles

    Anna de Noailles

    @annaDeNoailles

    La cité natale Heureux qui dans sa ville, hôte de sa maison, Dès le matin joyeux et doré de la vie Goûte aux mêmes endroits le retour des saisons Et voit ses matinées d’un calme soir suivies. Fidèles et naïfs comme de beaux pigeons La lune et le soleil viennent sur sa demeure, Et, pareille au rosier qui s’accroît de bourgeons, Sa vie douce fleurit aux rayons de chaque heure. Il va, nouant entre eux les surgeons du destin, Mêlant l’âpre ramure et les plus tôt venues, Et son coeur ordonné est comme son jardin Plein de nouvelles fleurs sur l’écorce chenue. Heureux celui qui sait goûter l’ombre et l’amour, De l’ardente cité à ses coteaux fertiles, Et qui peut, dans la suite innombrable des jours, Désaltérer son rêve au fleuve de sa ville.

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    Antonin Artaud

    Antonin Artaud

    @antoninArtaud

    La rue La rue sexuelle s’anime le long de faces mal venues, les cafés pepiant de crimes deracinent les avenues. Des mains de sexe brûlent les poches et les ventres bouent par-dessous; toutes les pensees s’entrechoquent, et les tetes moins que les trous.

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    Arsène Houssaye

    Arsène Houssaye

    @arseneHoussaye

    Adieu à Paris Adieu, Paris, adieu, ville où le cœur oublie ! Je reconnais le chemin vert Où j'ai quitté trop tôt ma plus douce folie ; Salut, vieux mont de bois couvert ! J'ai perdu dans ces bois les ennuis de la veille ; J'ai vu refleurir mon printemps ; Après un mauvais rêve enfin je me réveille Sous ma couronne de vingt ans ! C'est au milieu des bois, c'est au fond des vallées, Qu'autrefois mon âme a fleuri, C'est à travers les champs que se sont envolées Les heures qui m'ont trop souri ! Les heures d'espérance ! adorables guirlandes Qui se déchirent dans nos mains Quand nous touchons du pied le noir pays des landes Familier à tous les humains. Ne trouverai-je pas le secret de la vie, Seul, libre, errant au fond des bois, À la fête suprême où le ciel me convie, À la source vive où je bois ? Ignorant ! Je lisais gravement dans leur livre ; Maintenant que je vais rêvant, Dans la verte forêt mon cœur rapprend à vivre Et mon cœur redevient savant. Approchez, approchez, Visions tant aimées ; Comme la biche au son du cor, Vous fuyez à ma voix sous les fraîches ramées, Et pourtant je suis jeune encor. Vous fuyez ! Et pourtant vous n'êtes pas flétries, Sous ce beau ciel rien n'est changé : J'entends chanter encor le pâtre en ses prairies, Et dans les bois siffler le geai. Ah ! ne vous cachez pas, ô Nymphes virginales ! Sous les fleurs et sous les roseaux. Suspendez, suspendez vos courses matinales, Sirènes, montez sur les eaux ! Amour, Illusion, Chimère, Rêverie, Sans moi vous allez voyager. Arrêtez ! Vous fuyez ? Adieu ! Dans ma patrie Je ne suis plus qu'un étranger. Il ne s'arrête pas, blondes enchanteresses, Votre cortège éblouissant. Heureux sont les amants, heureuses les maîtresses, Que vous caressez en passant.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    À Theodore de Banville À Monsieur Théodore de Banville. Cher Maître, Charleville (Ardennes), le 24 mai 1870. À Monsieur Théodore de Banville. Cher Maître, Nous sommes aux mois d'amour ; j'ai dix-sept ans. L'âge des espérances et des chimères, comme on dit, — et voici que je me suis mis, enfant touché par le doigt de la Muse —, pardon si c'est banal, — à dire mes bonnes croyances, mes espérances, mes sensations, toutes ces choses des poètes, — moi j'appelle cela du printemps. Que si je vous envoie quelques-uns de ces vers, — et cela en passant par Alph. Lemerre, le bon éditeur, — c'est que j'aime tous les poètes, tous les bons Parnassiens, — puisque le poète est un Parnassien, — épris de la beauté idéale ; c'est que j'aime en vous, bien naïvement, un descendant de Ronsard, un frère de nos maîtres de 1830, un vrai romantique, un vrai poète. Voilà pourquoi. — C'est bête, n'est-ce pas, mais enfin ?... Dans deux ans, dans un an peut-être, je serai à Paris. — Anch'io, messieurs du journal, je serai Parnassien ! — Je ne sais ce que j'ai là... qui veut monter... — Je jure, cher maître, d'adorer toujours les deux déesses, Muse et Liberté. Ne faites pas trop la moue en lisant ces vers... Vous me rendriez fou de joie et d'espérance, si vous vouliez, cher Maître, faire faire à la pièce Credo in unam une petite place entre les Parnassiens... Je viendrais à la dernière série du Parnasse : cela ferait le Credo des poètes !... — Ambition ! ô Folle ! ARTHUR RIMBAUD Par les beaux soirs d'été, j'irai dans les sentiers, Picoté par les blés, fouler l'herbe menue : Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds. Je laisserai ie vent baigner ma tête nue. Je ne parlerai pas, je ne penserai rien : Mais un amour immense entrera dans mon âme, Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, Par la Nature, — heureux comme avec une femme. 20 avril 1870 A.R. OPHÉLIE Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles La blanche Ophélia flotte comme un grand lys, 15 mai 1870 ARTHUR RIMBAUD.

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