Argus Tu deviens un argus, lorsque ta nature
en union avec l’énergie pourvoit les sons.
Tu deviens un argus, lorsque ta nature
saisi le nuage des vertus, ta maison.
Tu deviens un argus, lorsque ta nature
cerclée de lumière comprend tes prochains.
Tu deviens un argus, lorsque ta nature
contemple l’Artisan divin, la grande Main.
Tu deviens un argus, dans ton temple de joie,
le jour ou tu nais en Dieu, savoir logique.
Tu deviens un argus, dans ton temple de joie,
parcours chemin dans la céleste musique.
Tu deviens un argus, dans ton temple de joie,
la liqueur des vibrations montant où? En toi.
Tu deviens un argus, dans ton temple de joie
quand tu as choisit la présence de grand Moi.
il y a 10 mois
Arthur Rimbaud
@arthurRimbaud
Le bateau ivre Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J’étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l’oeil niais des falots !
Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sures,
L’eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d’astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l’amour !
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir !
J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !
J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baisers montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !
J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l’assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !
J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux !
J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !
Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !
J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants.
– Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux…
Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ;
Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d’azur ;
Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l’Europe aux anciens parapets !
J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
– Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles,
Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ?
Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer !
Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.
il y a 10 mois
Heinrich Heine
@heinrichHeine
L’amour du poète De mes larmes ont éclos
Nombre de fleurs épanouies
Et mes soupirs forment
Un chœur de rossignols.
Et si tu m’aimes bien, petite,
Je t’offrirai toutes les fleurs,
Et devant ta fenêtre résonnera
Le chant du rossignol.
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La rose, le lis, la colombe, le soleil,
Tous je les aimai jadis d’un amour joyeux.
Je ne les aime plus, je n’aime plus que
La petite, la fine, la pure, l’unique ;
Elle-même, source de tout amour,
Est rose et lis et colombe et soleil.
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Je veux plonger mon âme
Au fond de la corolle du lis,
Le lis devra résonnant murmurer
Un des plus chers de mes chants.
Le chant devra frémir et trembler
Comme le baiser de sa bouche,
Qu’un jour elle m’a donné
À l’heure douce, merveilleuse.
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Je ne gronde pas, et si mon cœur se brise,
Amour éternel perdu ! je ne gronde pas.
Tu peux rayonner de ton éclat de diamant,
Aucun rayon n’entre dans la nuit de ton cœur.
Je l’ai toujours su. Car je t’avais vue en rêve,
Et j’avais vu la nuit dans l’espace de ton cœur,
Et j’avais vu le serpent qui se repaît de ton cœur
J’avais vu, mon amour, l’ampleur de ta misère.
---
Un jeune homme aime une fille,
Elle en a choisi un autre,
Cet autre en aime une autre,
Et s’est marié avec elle.
La fille épouse par colère
Le premier homme décent
Qu’elle rencontre en chemin,
Le jeune homme en a de la peine.
C’est une vieille histoire,
Qui reste toujours neuve ;
Et celui à qui cela arrive,
Son cœur se brise en deux.
Traduit par Claire Placial
il y a 10 mois
J
J.Q. Louison
@jqLouison
Les saisons et l'être Les saisons sont là pour montrer
Qu'à loisir nous pouvons changer,
Nous transformer au fil du temps
Et revoir la direction de nos destins.
Le printemps, le soleil de nos âmes
Qui fait fleurir nos belles pensées.
L'été enflamme de joie nos cœurs.
L'automne: pour enlever les feuilles
Jaunies des temps passés et morts.
L'hiver revient pour nous rappeler
L'utilité de veiller auprès de l'âtre
Pour, en nous lovant en nous-mêmes,
Sentir notre plénitude.
il y a 10 mois
J
Jacques Richard
@jacquesRichard
Passant Et tout ça et tout ça
le tout incandescent
l’espèce d’incendie
d’interdit irradié
éloigné reculé écarté ignoré
c’est la conscience même et de moi et de ce
paysage étendu au long de l’âme nue dans la nuit sans limite
passant
et je contiens tout je
et je contient le tout
l’infini espacé
le seul l’un retiré
éloigné reculé écarté ignoré
la conscience arrêtée au bord du bout du monde
passé
au long de l’âme nue paysage témoin de la nuit sans limite
il y a 10 mois
J
Jo Cassen
@joCassen
Le sourire Le sourire
Pourquoi faut-il toujours s’attacher à sourire ?
Je ne me plierai pas au propos sibyllin,
Tant à vouloir le bien on passe pour vilain,
La fausse complaisance est un mal à proscrire.
Pour m’être fourvoyé, léger mais imprudent,
J’ai appris la réserve, et même s’il m’en coûte,
Je me garde du rire et j’élude le doute,
Car je ne puis risquer un effet impudent.
Notre monde à souhait se sustente d’horrible,
Les crimes et les dols, la souffrance d’enfants,
Alors dans l’anecdote et les on-dit bluffants;
Il semble malvenu le racontar terrible.
Chacun à sa façon reste maître absolu,
Prétend à se gérer, agir en autonome
Expert en tout sujet, l’excellence de l’homme,
Jaloux de son nombril, jamais irrésolu.
Pourquoi faut-il toujours s’attacher à sourire ?
Pour benêt satisfaire au réflexe courtois
Qui désigne plutôt l’hypocrite matois
Jouant l’émerveillé plus qu’on ne sait décrire ?
Les yeux sont ainsi faits, surtout pour ne pas voir
Le charmant, le hideux, mieux vaut faire l’autruche
Et se montrer ravi, se révéler baudruche,
Flatter « l’autre » innocent et ne pas décevoir.
Pourquoi s’illuminer d’un intérêt factice
Au récit d’un exploit médiocre ou banal,
Feindre d’être témoin d’un trait phénoménal,
Quand votre ennui s’installe appelant l’armistice ?
Ce sermon, humble avis, n’engagera que moi,
Ne vous obligez pas, car un discours utile,
Séduit très rarement la démarche infantile,
Il attise l’humeur et réveille l’émoi.
Alors, oui, je me tais et même vous conforte,
L’excès de politesse est un piteux respect,
La fausse déférence enivre le suspect ;
La bêtise commune est une place forte.
il y a 10 mois
S
Serge Langlet
@sergeLanglet
L’humanité L’Humanité
C’est un peuple ancien qui essaima jadis,
Pour qu’en d’autres contrées puisse naître leur fils,
Les années ont passé et les siècles aussi,
Ces contrées aujourd’hui sont devenues pays,
Et voila que, un jour, advint la religion,
Elle-même coupée en diverses moignons,
Ils en prirent un bout pour parler en leurs noms,
Devinrent ennemis sous la foi des sermons,
Et alors ces pays devinrent combattants,
Avec divers drapeaux et de diverses chants,
Tout pour détruire l’autre, et tout cela pourtant,
Alors que dans leurs corps coule le même sang,
Belles histoires venues de ce lointain passé,
Où l’homme et la femme sont créés pour s’aimer,
Dans lequel nous vivions tous en communauté,
Craignons que le futur soit sans humanité
il y a 10 mois
S
Serge Langlet
@sergeLanglet
Ma colline… Ma colline Saint-Jacques, combien je t’ai aimé,
Posée sur cette plaine, comme un îlot sauvage,
Ta flore aux parfums dont j’ai l’âme imprégnée,
Où que j’aille, en mon cœur j’emporte ton image.
Toi ma chère colline qui protège à tes pieds,
La ville où je suis né, où j’ai vécu mon âge,
Sur les bords de Durance, cette douce cité,
Cours vers le Luberon, cette autre île sauvage.
Chère et tendre colline, témoin de nos années,
À ton point le plus haut, tu portes un héritage,
Car naguère, ton calme et ta sérénité,
Étaient appréciés, témoin, ton Ermitage.
Tes chemins escarpés, tes escaliers usés,
À la pierre luisante, par les pèlerinages,
Dont tu as su garder toute la dignité,
Tout en jouant parfois, avec les nuages.
Colline mon amie, confidente éclairée,
J’ai connu en ton sein, la clarté du langage,
Que tu peux murmurer, à qui sait écouter,
Au travers de son cœur, le plus pur des messages.
Rien ici bas ne vaut que de savoir aimer,
Et qu’il est bien futile, pour l’homme de passage,
De montrer de l’orgueil ou de la vanité,
Car il fait lui aussi, partie du paysage…
il y a 10 mois
S
Serge Langlet
@sergeLanglet
Savoir aimer… Savoir aimer…
Et j’écoute le temps, qui passe peu à peu,
Égrenant un refrain que l’on reprend tout bas,
Avec des mots de joie quand l’on se sent heureux,
Ou bien des mots amers quand le cœur n’y est pas.
Et je vois le soleil brillant de ses feux d’ors,
Sur fond de souvenirs et de clarté ciel bleu,
Phare d’une jeunesse que je croyais alors,
Inscrite à jamais dans l’avenir radieux.
Des visages apparaissent, puisés à ma mémoire,
Et semblent me parler, apportant d’autrefois,
Avec leurs sourires, un peu de leurs histoires,
Qui ont croisé la mienne en si mêlant parfois !
Mais les années ont su, accolées une à une,
Ciseler à mon front, comme témoins gravés,
Du passage des jours, en marquer l’infortune,
Rappelant à chacun le joug du sablier.
Ainsi le temps qui fuit et glisse sur mon âge,
Avec son contingent de peine ou de bonheur,
Éclaire que la vie est faite de partage,
Et qu’il faut pour cela, savoir donner son cœur
Alors, il faut oser caresses et tendresse,
Il n’y a pas de honte à mieux vouloir aimer,
Peut-on trouver au monde de plus grande richesse,
Qu’apporte à l’existence cette joie de donner.
il y a 10 mois
S
Serge Langlet
@sergeLanglet
Un petit poème impromptu de ce soir… Un petit poème impromptu de ce soir…
La poésie souvent, sert pour moi d’exutoire,
Et aux travers des mots, j’y écris mon histoire,
Avec les sentiments les forces et les faiblesses,
Qui mènent un enfant, au seuil de la vieillesse,
De toutes ces années, qui ont passé trop vite,
Il reste et restera un sentiment de fuite,
Une fuite en avant, sans s’arrêter pour voir,
Toujours bien trop pressé, du matin jusqu’au soir,
Une fleur, un enfant, un sourire radieux,
La beauté de la mer, la majesté des cieux.
il y a 10 mois
M
Marc Alyn
@marcAlyn
J’ai mis le désert entre moi J’ai mis le désert entre moi
et ce moi autre qui me nomme
qui je fus cherche qui je suis
refusant d’ouvrir à la voix
j’ai mis le silence entre moi
et ce moi dont je suis la somme
il y a 10 mois
Marcel Proust
@marcelProust
Je contemple souvent le ciel de ma mémoire Le temps efface tout comme effacent les vagues
Les travaux des enfants sur le sable aplani
Nous oublierons ces mots si précis et si vagues
Derrière qui chacun nous sentions l’infini.
Le temps efface tout il n’éteint pas les yeux
Qu’ils soient d’opale ou d’étoile ou d’eau claire
Beaux comme dans le ciel ou chez un lapidaire
Ils brûleront pour nous d’un feu triste ou joyeux.
Les uns joyaux volés de leur écrin vivant
Jetteront dans mon coeur leurs durs reflets de pierre
Comme au jour où sertis, scellés dans la paupière
Ils luisaient d’un éclat précieux et décevant.
D’autres doux feux ravis encor par Prométhée
Étincelle d’amour qui brillait dans leurs yeux
Pour notre cher tourment nous l’avons emportée
Clartés trop pures ou bijoux trop précieux.
Constellez à jamais le ciel de ma mémoire
Inextinguibles yeux de celles que j’aimai
Rêvez comme des morts, luisez comme des gloires
Mon coeur sera brillant comme une nuit de Mai.
L’oubli comme une brume efface les visages
Les gestes adorés au divin autrefois,
Par qui nous fûmes fous, par qui nous fûmes sages
Charmes d’égarement et symboles de foi.
Le temps efface tout l’intimité des soirs
Mes deux mains dans son cou vierge comme la neige
Ses regards caressants mes nerfs comme un arpège
Le printemps secouant sur nous ses encensoirs.
D’autres, les yeux pourtant d’une joyeuse femme,
Ainsi que des chagrins étaient vastes et noirs
Épouvante des nuits et mystère des soirs
Entre ces cils charmants tenait toute son âme
Et son coeur était vain comme un regard joyeux.
D’autres comme la mer si changeante et si douce
Nous égaraient vers l’âme enfouie en ses yeux
Comme en ces soirs marins où l’inconnu nous pousse.
Mer des yeux sur tes eaux claires nous naviguâmes
Le désir gonflait nos voiles si rapiécées
Nous partions oublieux des tempêtes passées
Sur les regards à la découverte des âmes.
Tant de regards divers, les âmes si pareilles
Vieux prisonniers des yeux nous sommes bien déçus
Nous aurions dû rester à dormir sous la treille
Mais vous seriez parti même eussiez-vous tout su
Pour avoir dans le coeur ces yeux pleins de promesses
Comme une mer le soir rêveuse de soleil
Vous avez accompli d’inutiles prouesses
Pour atteindre au pays de rêve qui, vermeil,
Se lamentait d’extase au-delà des eaux vraies
Sous l’arche sainte d’un nuage cru prophète
Mais il est doux d’avoir pour un rêve ces plaies
Et votre souvenir brille comme une fête.
il y a 10 mois
Michel Houellebecq
@michelHouellebecq
Puisqu’il faut que les libellules Puisqu’il faut que les libellules
Sectionnent sans fin l’atmosphère
Que sur l’étang crèvent les bulles,
Puisque tout finit en matière.
Puisque la peau du végétal,
Comme une moisissure obscène
Doit gangrener le minéral,
Puisqu’il nous faut sortir de scène
Et nous étendre dans la terre
Comme on rejoint un mauvais rêve
Puisque la vieillesse est amère,
Puisque toute journée s’achève
Dans le dégoût, la lassitude,
De l’indifférente nature
Nous mettrons nos peaux à l’étude,
Nous chercherons le plaisir pur
Nos nuits seront des interludes
Dans le calme affreux de l’azur.
il y a 10 mois
R
Riham Hassan
@rihamHassan
Entrez, je suis tombé ! Mon ami,
Ne te jette pas à l'enfer qui coule
Vert au pied de la colline
Froid il avait enveloppé tout refoulé
Ne te jette pas l'âme dans cette verdure
Sauvage qui n'aura pas de fin
Quel héroïsme cherches-tu
Quelle fuite éphémère
La vie me délaisse et je choisis de la refouler
Quelle honte !
On choisit pas mon ami
Le choix mensonge soit-il
Hein ! Je choisis la Mort
Tu n'avais choisi la Vie pour que tu choisisses la Mort
Laisse-le Ton corps tranquille
J'aspire à la tranquillité de l'âme
À la paix mentale
Laisse ces bêtises
La tranquillité tronc et âme
C'est un don, une Grâce
Je ne crois à rien, le rien je n'y crois plus
C'est un don comme le soleil, l'air
Une Grâce comme l'eau
Comme la femme à l'homme mûr
Qui nous la donne, ça peu importe
On sait qu'on n'est les créateurs
Mais c'est pire, c'est pire
Que personne ne nous ouvre ce secret caché
Quelle vie de secrets cherche-t-on
Et qu'est-ce que tu sais de la mort ?
C'est à la recherche du temps tranquille
À la recherche du temps écrasé perdu
Mais quel bonheur tu me promis
Dans cette vie
Chaîne d'incompréhensifs
Aucun bonheur mais moins de malheur, mon ami.
19/4/2018
il y a 10 mois
R
Roger Milliot
@rogerMilliot
Qui Qui parle en moi, qui me regarde, d’où ?
Qui dit le bien, le mieux, le pire ?
Qui veut l’amour, qui nie l’amour ?
Qui perce des issues, qui ouvre des gouffres ?
Qui se sent étranger ?
Qui habite le vide
Où ce grand cri résonne ?
Qui tient haut les étoiles ?
Qui veut la vie, qui veut la mort ?
il y a 10 mois
S
Salazar Pascal
@salazarPascal
Pronoms en Juin “Je” grince comme un engrenage
“Il” est vert de jade
“Nous” et “Vous” partent seuls en voyage
Mais “Tu” au son de flute s’évade
Et à la régate, “Elle” est un nuage blanc
Lumineuse fontaine de paille et d’opale
Aux mailles d'un chapeau de beau temps
L’instant se dilue comme l’aquarelle
Où les êtres aux pronoms se mêlent
il y a 10 mois
Theodore Roethke
@theodoreRoethke
Dans un sombre moment Dans un sombre moment, mon œil commence à voir,
Je rencontre mon ombre au plus profond de l’ombre;
J’écoute mon écho dans l’écho de ce bois –
Seigneur de la nature pleurant la mort d’un arbre.
Je vis entre le troglodyte et le héron,
Les bêtes des collines et les serpents des grottes.
Qu’est la folie sinon la noblesse de l’âme
Brouillée avec les circonstances? Le jour brûle!
Je sais la pureté du plus pur désespoir,
Mon ombre épinglée sur un mur tout suintant.
Ce lieu dans les rochers – est-ce bien une grotte?
Un sentier sinueux? La marge est mon domaine.
Tenace une tempête de correspondances !
Un flot d’oiseaux la nuit, une lune en lambeaux,
Et dans le vaste jour le retour de minuit !
Un homme s’en va loin découvrir ce qu’il est –
Le moi qui meurt au fond d’une longue nuit sans larmes,
La nature s’embrasant d’un feu non-naturel.
Sombre, sombre mon jour, plus sombre mon désir.
Mouche d’été qu’affole la chaleur, mon âme
Bourdonne sur le seuil. Lequel de mes moi suis-je ?
Homme tombé, je me redresse hors de ma peur.
L’esprit entre en lui-même, et Dieu entre en l’esprit,
Alors un devient l’Un, libre au vent qui déchire.
il y a 10 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Parfois, lorsque tout dort Parfois, lorsque tout dort, je m'assieds plein de joie
Sous le dôme étoilé qui sur nos fronts flamboie ;
J'écoute si d'en haut il tombe quelque bruit ;
Et l'heure vainement me frappe de son aile
Quand je contemple, ému, cette fête éternelle
Que le ciel rayonnant donne au monde la nuit.
Souvent alors j'ai cru que ces soleils de flamme
Dans ce monde endormi n'échauffaient que mon âme ;
Qu'à les comprendre seul j'étais prédestiné ;
Que j'étais, moi, vaine ombre obscure et taciturne,
Le roi mystérieux de la pompe nocturne ;
Que le ciel pour moi seul s'était illuminé !
Novembre 1829
il y a 10 mois
Walt Whitman
@waltWhitman
Comme je méditais en silence Comme je méditais en silence,
Que je revenais à mes poèmes, réfléchissais, m’attardais,
Un Fantôme se dressa devant moi, la mine méfiante,
Effrayant de beauté, d’âge, de force,
Le génie poétique des terres anciennes,
Qui dirigea vers moi ses yeux enflammés,
Et, désignant du doigt une foule de chants intemporels,
Me menaça de sa voix, Que chantes-tu là, me dit-il
Ne sais-tu pas qu’il n’existe qu’un seul thème pour les bardes appelés à
durer?
C’est le thème de la guerre, la fortune des combats,
L’éducation de guerriers parfaits.
Alors je répondis, si c’est ainsi
Ombre hautaine, moi aussi je chante une guerre, plus longue plus grande
qu’aucune du passé,
Une guerre que je livre dans mon livre avec des fortunes diverses, fuite,
avancées, retraites, victoires différées ou précaires
(Et cependant toutes sûres ou presque, à la fin), mon champ de bataille le
monde,
Ma guerre pour la vie la mort, le corps l’Âme éternelle,
Regarde, moi aussi je suis venu chante le chant des batailles,
Et plus que tout l’éloge des guerriers courageux.
il y a 10 mois
Wislawa Szymborska
@wislawaSzymborska
Ca va sans titre On en est arrivé là : je suis assise sous un arbre,
au bord d’une rivière,
un matin de soleil.
C’est un évènement anodin
que ne retiendra pas l’histoire.
Ni une bataille, ni un pacte
dont on sonde les motivations,
ni le meurtre mémorable d’un tyran.
Et pourtant me voilà assise, c’est un fait.
Et puisque je suis ici, près de la rivière,
je serai bien venue ici de quelque part,
sans dire qu’auparavant
j’aurai séjourné dans pas mal d’autres endroits.
Tout comme les grands conquérants
avant de monter à bord.
Le plus éphémère des instants possède un illustre passé,
son d’avant le samedi – vendredi,
son d’avant le mois de juin - mois de mai.
Ses horizons aussi vrais
que dans les jumelles du commandant en chef.
L’arbre est un peuplier enraciné depuis des lustres.
La rivière s’appelle Raba et ne coule pas d’hier.
Le sentier qui traverse les buissons,
ne fut pas frayé aujourd’hui.
Le vent qui chasse les nuages,
les aura amenés par ici.
Et bien que rien d’important ne se passe tout autour
le monde n’en est pas tout autant plus pauvre en détails,
ou privé de fondements, ou plus mal défini,
qu’à l’époque où l’emportaient les grandes migrations.
Les mystérieux complots n’ont pas l’exclusivité du silence.
On voit le cortège des raisons ailleurs qu’aux couronnements.
Les dates anniversaires peuvent être elles aussi bien rondes
mais pas davantage que ce défilé des cailloux sur le bord du fleuve.
Complexe et dense est la broderie des circonstances.
Le point de croix de la fourmi dans l’herbe.
L’herbe cousue dans la terre.
Le motif de la vague tissé par la branche.
Ainsi donc, par hasard, je suis et je regarde.
Au-dessus, un papillon blanc agite dans les airs,
ses ailes qui ne sont et ne seront qu’à lui,
et l’ombre qui soudain traverse mes deux mains
n’est pas une autre, ni quelconque, mais bien la sienne.
Voyant cela, je ne suis jamais sûre
que ce qui est important
l’est vraiment davantage que ce qui ne l’est pas.
il y a 10 mois
Y
Yves Renaud
@yvesRenaud
Essence ciel poésie Humains, quand vous ne serez plus là
me resteront la calligraphie des ailes
la mémoire des oiseaux
dans le regard des pierres
Les arbres fuyant les hommes
et cherchant l'azur
la dentelle des rocs
caressant les anges
La tendresse des nids
réanimant le futur
la valse des jours d'or et des nuits bleues
dans l'indifférence de la lune
Le poudroiement des arcs-en-ciel
noces de l'onde et de l'astre roi
le vent divulguant
l'innocence des fleurs
Le cristal des ruisseaux
échos argentins de la lumière
le chant des cigales
dans la mémoire des écorces
Les crépuscules pourpres
et les aubes vermeilles
les brumes bleues
des monts et des vaux
Les virgules d'or
dans les chevelures d'ombre
le mystère amoureux des fleurs
lèvres de la terre
Le reflet des étangs
repos des nuages
l'éploration des saulaies
écoutant le cœur de la Terre
Tous participent
à ma poésie
comme le sont aussi mes fruits -
vous délecter était me lire
Mais l'équilibre du monde
n'en sera pas changé
et même vos tombes ne seront plus,
dans les gravures de mes plaies
Ni vos musiques
ni vos amours ni vos victoires
ni même les ponts arqués
enjambant les nymphéas
Mais les fêlures ambres des galets
secrètes féminités minérales
mais les formes des îles
inspiratrices de celles des femmes
Et pour l'éternité
l'essentielle
inutilité
des poètes.
* De l’indispensable inutilité de la poésie (juillet 2015)