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Musique

95 poésies en cours de vérification
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Poésies de la collection musique

    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Autre guitare Comment, disaient-ils, Avec nos nacelles, Fuir les alguazils ? – Ramez, disaient-elles. Comment, disaient-ils, Oublier querelles. Misère et périls ? – Dormez, disaient-elles. Comment, disaient-ils, Enchanter les belles Sans philtres subtils ? – Aimez, disaient-elles.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Guitare Gastibelza, l’homme à la carabine, Chantait ainsi:  » Quelqu’un a-t-il connu doña Sabine ? Quelqu’un d’ici ? Dansez, chantez, villageois ! la nuit gagne Le mont Falù. – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou ! Quelqu’un de vous a-t-il connu Sabine, Ma señora ? Sa mère était la vieille maugrabine D’Antequera Qui chaque nuit criait dans la Tour-Magne Comme un hibou … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou ! Dansez, chantez! Des biens que l’heure envoie Il faut user. Elle était jeune et son oeil plein de joie Faisait penser. – À ce vieillard qu’un enfant accompagne jetez un sou ! … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Vraiment, la reine eût près d’elle été laide Quand, vers le soir, Elle passait sur le pont de Tolède En corset noir. Un chapelet du temps de Charlemagne Ornait son cou … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Le roi disait en la voyant si belle A son neveu : – Pour un baiser, pour un sourire d’elle, Pour un cheveu, Infant don Ruy, je donnerais l’Espagne Et le Pérou ! – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Je ne sais pas si j’aimais cette dame, Mais je sais bien Que pour avoir un regard de son âme, Moi, pauvre chien, J’aurais gaîment passé dix ans au bagne Sous le verrou … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Un jour d’été que tout était lumière, Vie et douceur, Elle s’en vint jouer dans la rivière Avec sa soeur, Je vis le pied de sa jeune compagne Et son genou … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Quand je voyais cette enfant, moi le pâtre De ce canton, Je croyais voir la belle Cléopâtre, Qui, nous dit-on, Menait César, empereur d’Allemagne, Par le licou … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Dansez, chantez, villageois, la nuit tombe ! Sabine, un jour, A tout vendu, sa beauté de colombe, Et son amour, Pour l’anneau d’or du comte de Saldagne, Pour un bijou … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Sur ce vieux banc souffrez que je m’appuie, Car je suis las. Avec ce comte elle s’est donc enfuie ! Enfuie, hélas ! Par le chemin qui va vers la Cerdagne, Je ne sais où … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Je la voyais passer de ma demeure, Et c’était tout. Mais à présent je m’ennuie à toute heure, Plein de dégoût, Rêveur oisif, l’âme dans la campagne, La dague au clou … – Le vent qui vient à travers la montagne M’a rendu fou !

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Il faut que le poète Il faut que le poète, épris d'ombre et d'azur, Esprit doux et splendide, au rayonnement pur, Qui marche devant tous, éclairant ceux qui doutent, Chanteur mystérieux qu'en tressaillant écoutent Les femmes, les songeurs, les sages, les amants, Devienne formidable à de certains moments. Parfois, lorsqu'on se met à rêver sur son livre, Où tout berce, éblouit, calme, caresse, enivre, Où l'âme à chaque pas trouve à faire son miel, Où les coins les plus noirs ont des lueurs du ciel, Au milieu de cette humble et haute poésie, Dans cette paix sacrée où croit la fleur choisie, Où l'on entend couler les sources et les pleurs, Où les strophes, oiseaux peints de mille couleurs, Volent chantant l'amour, l'espérance et la joie, Il faut que par instants on frissonne, et qu'on voie Tout à coup, sombre, grave et terrible au passant, Un vers fauve sortir de l'ombre en rugissant ! Il faut que le poète aux semences fécondes Soit comme ces forêts vertes, fraîches, profondes, Pleines de chants, amour du vent et du rayon, Charmantes, où soudain l'on rencontre un lion. Paris, mai 1842.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Que la musique date du seizième siècle I. Ô vous, mes vieux amis, si jeunes autrefois, Qui comme moi des jours avez porté le poids, Qui de plus d'un regret frappez la tombe sourde, Et qui marchez courbés, car la sagesse est lourde ; Mes amis ! qui de vous, qui de nous n'a souvent, Quand le deuil à l'œil sec, au visage rêvant, Cet ami sérieux qui blesse et qu'on révère, Avait sur notre front posé sa main sévère, Qui de nous n'a cherché le calme dans un chant ! Qui n'a, comme une sœur qui guérit en touchant, Laissé la mélodie entrer dans sa pensée ! Et, sans heurter des morts la mémoire bercée, N'a retrouvé le rire et les pleurs à la fois Parmi les instruments, les flûtes et les voix ! Qui de nous, quand sur lui quelque douleur s'écoule, Ne s'est glissé, vibrant au souffle de la foule, Dans le théâtre empli de confuses rumeurs ! Comme un soupir parfois se perd dans des clameurs, Qui n'a jeté son âme, à ces âmes mêlée, Dans l'orchestre où frissonne une musique ailée, Où la marche guerrière expire en chant d'amour, Où la basse en pleurant apaise le tambour ! II. Écoutez ! écoutez ! du maître qui palpite, Sur tous les violons l'archet se précipite. L'orchestre tressaillant rit dans son antre noir. Tout parle. C'est ainsi qu'on entend sans les voir, Le soir, quand la campagne élève un sourd murmure, Rire les vendangeurs dans une vigne mûre. Comme sur la colonne un frêle chapiteau, La flûte épanouie a monté sur l'alto. Les gammes, chastes sœurs dans la vapeur cachées, Vident et remplissent leurs amphores penchées, Se tiennent par la main et chantent tour à tour. Tandis qu'un vent léger fait flotter alentour, Comme un voile folâtre autour d'un divin groupe, Ces dentelles du son que le fifre découpe. Ciel ! voilà le clairon qui sonne. À cette voix, Tout s'éveille en sursaut, tout bondit à la fois. La caisse aux mille échos, battant ses flancs énormes, Fait hurler le troupeau des instruments difformes, Et l'air s'emplit d'accords furieux et sifflants Que les serpents de cuivre ont tordus dans leurs flancs. Vaste tumulte où passe un hautbois qui soupire ! Soudain du haut en bas le rideau se déchire ; Plus sombre et plus vivante à l'œil qu'une forêt, Toute la symphonie en un hymne apparaît. Puis, comme en un chaos qui reprendrait un monde, Tout se perd dans les plis d'une brume profonde. Chaque forme du chant passe en disant : Assez ! Les sons étincelants s'éteignent dispersés. Une nuit qui répand ses vapeurs agrandies Efface le contour des vagues mélodies, Telles que des esquifs dont l'eau couvre les mâts ; Et la strette, jetant sur leur confus amas Ses tremblantes lueurs largement étalées, Retombe dans cette ombre en grappes étoilées ! Ô concert qui s'envole en flamme à tous les vents ! Gouffre où le crescendo gonfle ses flots mouvants ! Comme l'âme s'émeut ! comme les cœurs écoutent ! Et comme cet archet d'où les notes dégouttent, Tantôt dans le lumière et tantôt dans la nuit, Remue avec fierté cet orage de bruit ! III. Puissant Palestrina, vieux maître, vieux génie, Je vous salue ici, père de l'harmonie, Car, ainsi qu'un grand fleuve où boivent les humains, Toute cette musique a coulé dans vos mains ! Car Gluck et Beethoven, rameaux sous qui l'on rêve, Sont nés de votre souche et faits de votre sève ! Car Mozart, votre fils, a pris sur vos autels Cette nouvelle lyre inconnue aux mortels, Plus tremblante que l'herbe au souffle des aurores, Née au seizième siècle entre vos doigts sonores ! Car, maître, c'est à vous que tous nos soupirs vont, Sitôt qu'une voix chante et qu'une âme répond ! Oh ! ce maître, pareil au créateur qui fonde, Comment dit-il jaillir de sa tête profonde Cet univers de sons, doux et sombre à la fois, Écho du Dieu caché dont le monde est la voix ? Où ce jeune homme, enfant de la blonde Italie, Prit-il cette âme immense et jusqu'aux bords remplie ? Quel souffle, quel travail, quelle intuition, Fit de lui ce géant, dieu de l'émotion, Vers qui se tourne l'œil qui pleure et qui s'essuie, Sur qui tout un côté du cœur humain s'appuie ? D'où lui vient cette voix qu'on écoute à genoux ? Et qui donc verse en lui ce qu'il reverse en nous ? IV. Ô mystère profond des enfances sublimes ! Qui fait naître la fleur au penchant des abîmes, Et le poète au bord des sombres passions ? Quel dieu lui trouble l'œil d'étranges visions ? Quel dieu lui montre l'astre au milieu des ténèbres, Et, comme sous un crêpe aux plis noirs et funèbres On voit d'une beauté le sourire enivrant, L'idéal à travers le réel transparent ? Qui donc prend par la main un enfant dès l'aurore Pour lui dire : – " En ton âme il n'est pas jour encore. Enfant de l'homme ! avant que de son feu vainqueur Le midi de la vie ait desséché ton cœur, Viens, je vais t'entrouvrir des profondeurs sans nombre ! Viens, je vais de clarté remplir tes yeux pleins d'ombre ! Viens, écoute avec moi ce qu'on explique ailleurs, Le bégaiement confus des sphères et des fleurs ; Car, enfant, astre au ciel ou rose dans la haie, Toute chose innocente ainsi que toi bégaie ! Tu seras le poète, un homme qui voit Dieu ! Ne crains pas la science, âpre sentier de feu, Route austère, il est vrai, mais des grands cœurs choisies, Que la religion et que la poésie Bordent des deux côtés de leur buisson fleuri. Quand tu peux en chemin, ô bel enfant chéri, Cueillir l'épine blanche et les clochettes bleues, Ton petit pas se joue avec les grandes lieues. Ne crains donc pas l'ennui ni la fatigue. – Viens ! Écoute la nature aux vagues entretiens. Entends sous chaque objet sourdre la parabole. Sous l'être universel vois l'éternel symbole, Et l'homme et le destin, et l'arbre et la forêt, Les noirs tombeaux, sillons où germe le regret ; Et, comme à nos douleurs des branches attachées, Les consolations sur notre front penchées, Et, pareil à l'esprit du juste radieux, Le soleil, cette gloire épanouie aux cieux ! V. Dieu ! que Palestrina, dans l'homme et dans les choses, Dut entendre de voix joyeuse et moroses ! Comme on sent qu'à cet âge où notre cœur sourit, Où lui déjà pensait, il a dans son esprit Emporté, comme un fleuve à l'onde fugitive, Tout ce que lui jetait la nuée ou la rive ! Comme il s'est promené, tout enfant, tout pensif, Dans les champs, et, dès l'aube, au fond du bois massif, Et près du précipice, épouvante des mères ! Tour à tour noyé d'ombre, ébloui de chimères, Comme il ouvrait son âme alors que le printemps Trempe la berge en fleur dans l'eau des clairs étangs, Que le lierre remonte aux branches favorites, Que l'herbe aux boutons d'or mêle les marguerites ! A cette heure indécise où le jour va mourir, Où tout s'endort, le cœur oubliant de souffrir, Les oiseaux de chanter et les troupeaux de paître, Que de fois sous ses yeux un chariot champêtre, Groupe vivant de bruit, de chevaux et de voix, A gravi sur le flanc du coteau dans les bois Quelque route creusée entre les ocres jaunes, Tandis que, près d'une eau qui fuyait sous les aulnes, Il écoutait gémir dans les brumes du soir Une cloche enrouée au fond d'un vallon noir ! Que de fois, épiant la rumeur des chaumières, Le brin d'herbe moqueur qui siffle entre deux pierres, Le cri plaintif du soc gémissant et traîné, Le nid qui jase au fond du cloître ruiné D'où l'ombre se répand sur les tombes des moines, Le champ doré par l'aube où causent les avoines Qui pour nous voir passer, ainsi qu'un peuple heureux, Se penchent en tumulte au bord du chemin creux, L'abeille qui gaiement chante et parle à la rose, Parmi tous ces objets dont l'être se compose, Que de fois il rêva, scrutateur ténébreux, Cherchant à s'expliquer ce qu'ils disaient entre eux ! Et chaque soir, après ses longues promenades, Laissant sous les balcons rire les sérénades, Quand il s'en revenait content, grave et muet, Quelque chose de plus dans son cœur remuait. Mouche, il avait son miel ; arbuste, sa rosée. Il en vint par degrés à ce qu'en sa pensée Tout vécut. – Saint travail que les poètes font ! – Dans sa tête, pareille à l'univers profond, L'air courait, les oiseaux chantaient, la flamme et l'onde Se courbaient, la moisson dorait la terre blonde, Et les toits et les monts et l'ombre qui descend Se mêlaient, et le soir venait, sombre et chassant La brute vers son antre et l'homme vers son gîte, Et les hautes forêts, qu'un vent du ciel agite, Joyeuses de renaître au départ des hivers, Secouaient follement leurs grands panaches verts ! C'est ainsi qu'esprit, forme, ombre, lumière et flamme, L'urne du monde entier s'épancha dans son âme ! VI. Ni peintre, ni sculpteur ! Il fut musicien. Il vint, nouvel Orphée, après l'Orphée ancien ; Et, comme l'océan n'apporte que sa vague, Il n'apporta que l'art du mystère et du vague ! La lyre qui tout bas pleure en chantant bien haut ! Qui verse à tous un son où chacun trouve un mot ! Le luth où se traduit, plus ineffable encore, Le rêve inexprimé qui s'efface à l'aurore ! Car il ne voyait rien par l'angle étincelant, Car son esprit, du monde immense et fourmillant Qui pour ses yeux nageait dans l'ombre indéfinie, Éteignait la couleur et tirait l'harmonie ! Ainsi toujours son hymne, en descendant des cieux, Pénètre dans l'esprit par le côté pieux, Comme un rayon des nuits par un vitrail d'église ! En écoutant ses chants que l'âme idéalise, Il semble, à ces accords qui, jusqu'au cœur touchant, Font sourire le juste et songer le méchant, Qu'on respire un parfum d'encensoirs et de cierges, Et l'on croit voir passer un de ces anges-vierges Comme en rêvait Giotto, comme Dante en voyait, Êtres sereins posés sur ce monde inquiet, À la prunelle bleue, à la robe d'opale, Qui, tandis qu'au milieu d'un azur déjà pâle Le point d'or d'une étoile éclate à l'orient, Dans un beau champ de trèfle errent en souriant ! VII. Heureux ceux qui vivaient dans ce siècle sublime Où, du génie humain dorant encor la cime, Le vieux soleil gothique à l'horizon mourait ! Où déjà, dans la nuit emportant son secret, La cathédrale morte en un sol infidèle Ne faisait plus jaillir d'églises autour d'elle ! Être immense obstruée encore à tous degrés, Ainsi qu'une Babel aux abords encombrés, De donjons, de beffrois, de flèches élancées, D'édifices construits pour toutes les pensées ; De génie et de pierre énorme entassement ; Vaste amas d'où le jour s'en allait lentement ! Siècle mystérieux où la science sombre De l'antique Dédale agonisait dans l'ombre, Tandis qu'à l'autre bout de l'horizon confus, Entre Tasse et Luther, ces deux chênes touffus, Sereine, et blanchissant de sa lumière pure Ton dôme merveilleux, ô sainte Architecture, Dans ce ciel, qu'Albert Düre admirait à l'écart, La Musique montait, cette lune de l'art ! Le 29 mai 1837.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    À Théophile Gautier Ami, poète, esprit, tu fuis notre nuit noire. Tu sors de nos rumeurs pour entrer dans la gloire; Et désormais ton nom rayonne aux purs sommets. Moi qui t’ai connu jeune et beau, moi qui t’aimais, Moi qui, plus d’une fois, dans nos altiers coups d’aile, Éperdu, m’appuyais sur ton âme fidèle, Moi, blanchi par les jours sur ma tête neigeant, Je me souviens des temps écoulés, et songeant A ce jeune passé qui vit nos deux aurores, A la lutte, à l’orage, aux arènes sonores, A l’art nouveau qui s’offre, au peuple criant oui, J’écoute ce grand vent sublime évanoui. Fils de la Grèce antique et de la jeune France, Ton fier respect des morts fut rempli d’espérance; Jamais tu ne fermas les yeux à l’avenir. Mage à Thèbes, druide au pied du noir menhir, Flamine aux bords du Tibre et brahme aux bords du Gange, Mettant sur l’arc du dieu la flèche de l’archange, D’Achille et de Roland hantant les deux chevets, Forgeur mystérieux et puissant, tu savais Tordre tous les rayons dans une seule flamme; Le couchant rencontrait l’aurore dans ton âme; Hier croisait demain dans ton fécond cerveau; Tu sacrais le vieil art aïeul de l’art nouveau; Tu comprenais qu’il faut, lorsqu’une âme inconnue Parle au peuple, envolée en éclairs dans la nue, L’écouter, l’accepter; l’aimer, ouvrir les coeurs; Calme, tu dédaignais l’effort vil des moqueurs Écumant sur Eschyle et bavant sur Shakspeare; Tu savais que ce siècle a son air qu’il respire, Et que, l’art ne marchant qu’en se transfigurant, C’est embellir le beau que d’y joindre le grand. Et l’on t’a vu pousser d’illustres cris de joie Quand le Drame a saisi Paris comme une proie, Quand l’antique hiver fut chassé par Floréal, Quand l’astre inattendu du moderne idéal Est venu tout à coup, dans le ciel qui s’embrase Luire, et quand l’Hippogriffe a relayé Pégase! Je te salue au seuil sévère du tombeau. Va chercher le vrai, toi qui sus trouver le beau. Monte l’âpre escalier. Du haut des sombres marches, Du noir pont de l’abîme on entrevoit les arches; Va! meurs! la dernière heure est le dernier degré. Pars, aigle, tu vas voir des gouffres à ton gré; Tu vas voir l’absolu, le réel, le sublime. Tu vas sentir le vent sinistre de la cime Et l’éblouissement du prodige éternel. Ton olympe, tu vas le voir du haut du ciel, Tu vas du haut du vrai voir l’humaine chimère, Même celle de Job, même celle d’Homère, Ame, et du haut de Dieu tu vas voir Jéhovah. Monte, esprit! Grandis, plane, ouvre tes ailes, va! Lorsqu’un vivant nous quitte, ému, je le contemple; Car entrer dans la mort, c’est entrer dans le temple Et quand un homme meurt, je vois distinctement Dans son ascension mon propre avènement. Ami, je sens du sort la sombre plénitude; J’ai commencé la mort par de la solitude, Je vois mon profond soir vaguement s’étoiler; Voici l’heure où je vais, aussi moi, m’en aller. Mon fil trop long frissonne et touche presque au glaive; Le vent qui t’emporta doucement me soulève, Et je vais suivre ceux qui m’aimaient, moi, banni. Leur oeil fixe m’attire au fond de l’infini. J’y cours. Ne fermez pas la porte funéraire. Passons; car c’est la loi; nul ne peut s’y soustraire; Tout penche; et ce grand siècle avec tous ses rayons Entre en cette ombre immense où pâles nous fuyons. Oh! quel farouche bruit font dans le crépuscule Les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Hercule! Les chevaux de la mort se mettent à hennir, Et sont joyeux, car l’âge éclatant va finir; Ce siècle altier qui sut dompter le vent contraire, Expire ô Gautier! toi, leur égal et leur frère, Tu pars après Dumas, Lamartine et Musset. L’onde antique est tarie où l’on rajeunissait; Comme il n’est plus de Styx il n’est plus de Jouvence. Le dur faucheur avec sa large lame avance Pensif et pas à pas vers le reste du blé; C’est mon tour; et la nuit emplit mon oeil troublé Qui, devinant, hélas, l’avenir des colombes, Pleure sur des berceaux et sourit à des tombes. Hauteville-house, nov. 1872. Jour des Morts.

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