splash screen icon Lenndi
splash screen name leendi

Musique

95 poésies en cours de vérification
Musique

Poésies de la collection musique

    Léopold Sédar Senghor

    Léopold Sédar Senghor

    @leopoldSedarSenghor

    A New York (pour un orchestre de jazz : solo de trompette) - I - New York ! D’abord j’ai été confondu par ta beauté, ces grandes filles d’or aux jambes longues. Si timide d’abord devant tes yeux de métal bleu, ton sourire de givre Si timide. Et l’angoisse au fond des rues à gratte-ciel Levant des yeux de chouette parmi l’éclipse du soleil. Sulfureuse ta lumière et les fûts livides, dont les têtes foudroient le ciel Les gratte-ciel qui défient les cyclones sur leurs muscles d’acier et leur peau patinée de pierres. Mais quinze jours sur les trottoirs chauves de Manhattan - C’est au bout de la troisième semaine que vous saisit la fièvre en un bond de jaguar Quinze jours sans un puits ni pâturage, tous les oiseaux de l’air Tombant soudain et morts sous les hautes cendres des terrasses. Pas un rire d’enfant en fleur, sa main dans ma main fraîche Pas un sein maternel, des jambes de nylon. Des jambes et des seins sans sueur ni odeur. Pas un mot tendre en l’absence de lèvres, rien que des cœurs artificiels payés en monnaie forte Et pas un livre où lire la sagesse. La palette du peintre fleurit des cristaux de corail. Nuits d’insomnie ô nuits de Manhattan ! si agitées de feux follets, tandis que les klaxons hurlent des heures vides Et que les eaux obscures charrient des amours hygiéniques, tels des fleuves en crue des cadavres d’enfants. - II - Voici le temps des signes et des comptes New York ! or voici le temps de la manne et de l’hysope. Il n’est que d’écouter les trombones de Dieu, ton cœur battre au rythme du sang ton sang. J’ai vu dans Harlem bourdonnant de bruits de couleurs solennelles et d’odeurs flamboyantes - C’est l’heure du thé chez le livreur-en-produits-pharmaceutiques J’ai vu se préparer la fête de la Nuit à la fuite du jour. C’est l’heure pure où dans les rues, Dieu fait germer la vie d’avant mémoire Tous les éléments amphibies rayonnants comme des soleils. Harlem Harlem ! voici ce que j’ai vu Harlem Harlem ! Une brise verte de blés sourdre des pavés labourés par les pieds nus de danseurs Dans Croupes de soie et seins de fers de lance, ballets de nénuphars et de masques fabuleux Aux pieds des chevaux de police, les mangues de l’amour rouler des maisons basses. Et j’ai vu le long des trottoirs, des ruisseaux de rhum blanc des ruisseaux de lait noir dans le brouillard bleu des cigares. J’ai vu le ciel neiger au soir des fleurs de coton et des ailes de séraphins et des panaches de sorciers. Écoute New York ! ô écoute ta voix mâle de cuivre ta voix vibrante de hautbois, l’angoisse bouchée de tes larmes tomber en gros caillots de sang Écoute au loin battre ton cœur nocturne, rythme et sang du tam-tam, tam-tam sang et tam-tam. - III - New York! je dis New York, laisse affluer le sang noir dans ton sang Qu’il dérouille tes articulations d’acier, comme une huile de vie Qu’il donne à tes ponts la courbe des croupes et la souplesse des lianes. Voici revenir les temps très anciens, l’unité retrouvée la réconciliation du Lion du Taureau et de l’Arbre L’idée liée à l’acte l’oreille au cœur le signe au sens. Voilà tes fleuves bruissants de caïmans musqués et de lamantins aux yeux de mirages. Et nul besoin d’inventer les Sirènes. Mais il suffit d’ouvrir les yeux à l’arc-en-ciel d’Avril Et les oreilles, surtout les oreilles à Dieu qui d’un rire de saxophone créa le ciel et la terre en six jours. Et le septième jour, il dormit du grand sommeil nègre.

    en cours de vérification

    Marcel Proust

    Marcel Proust

    @marcelProust

    Chopin Chopin, mer de soupirs, de larmes, de sanglots Q’un vol de papillons sans se poser traverse Jouant sur la tristesse ou dansant sur les flots. Reve, aime, souffre, crie, apaise, charme ou berce, Toujours tu fais courir entre chaque douleur L’oubli vertigineux et doux de ton caprice Comme les papillons volent de fleur en fleur; De ton chagrin alors ta joie est la complice: L’ardeur du tourbillon accroit la soif des pleurs. De la lune et des eaux pale et doux camarade, Prince du desespoir ou grand seigneur trahi, Tu t’exaltes encore, plus beau d’etre pali, Du soleil inondant ta chambre de malade Qui pleure a lui sourire et souffre de le voir… Sourire du regret et larmes de l’Espoir!

    en cours de vérification

    Marguerite Yourcenar

    Marguerite Yourcenar

    @margueriteYourcenar

    Cantilène pour un joueur de flûte aveugle Flûte dans la nuit solitaire, Présence liquide d'un pleur, Tous les silences de la terre Sont les pétales de ta fleur. Disperse ton pollen dans l'ombre, Âme pleurant, presque sans bruit, Miel coulant d'une bouche sombre, Et, puisque tes lentes cadences Rythment le pouls des soirs d'été, Fais-nous croire que les cieux dansent Parce qu'un aveugle a chanté.

    en cours de vérification

    Mathurin Régnier

    Mathurin Régnier

    @mathurinRegnier

    Satire à M.Rapin Cependant leur savoir ne s'étend seulement Qu'à regratter un mot douteux au jugement, Prendre garde qu'un qui ne heurte une diphtongue, Epier si des vers la rime est brève ou longue, Ou bien si la voyelle à l'autre s'unissant Ne rend point à l'oreille un son trop languissant, Et laissent sur le vert le noble de l'ouvrage. Nul aiguillon divin n'élève leur courage; Ils rampent bassement, faibles d'inventions, Et n'osent, peu hardis, tenter les fictions, Froids à l'imaginer : car s'ils font quelque chose, C'est proser de la rime et rimer de la prose, Que l'art lime et relime, et polit de façon Qu'elle rend à l'oreille un agréable son; Et voyant qu'un beau feu leur cervelle n'embrase, Ils attifent leurs mots, enjolivent leur phrase, Affectent leur discours tout si relevé d'art, Et peignent leurs défauts de couleur et de fard. Aussi je les compare à ces femmes jolies Qui par les affiquets se rendent embellies… Et toute leur beauté ne gît qu'en l'ornement… Où ces divins esprits, hautains et relevés, Qui des eaux d'Hélicon ont les sens abreuvés, De verve et de fureur leur ouvrage étincelle, De leurs vers tout divins la grâce est naturelle, Et sont, comme l'on voit, la parfaite beauté, Qui, contente de soi, laisse la nouveauté Que l'art trouve au Palais ou dans le blanc d'Espagne. Rien que le naturel sa grâce n'accompagne; Son front, lavé d'eau claire, éclate d'un beau teint; De roses et de lys la nature la peint; Et, laissant là Mercure et toutes ses malices, Les nonchalances sont ses plus grands artifices…

    en cours de vérification

    Max Jacob

    Max Jacob

    @maxJacob

    Fête de la tres Sainte Vierge J'aime ces chansons que vous faites sur Moi et Ma Lignée Écrivez-les, celles qui vous passent en la tête. Le matin du jour de sa fête, Marie, née au-dessus des hommes et des filles, dit à sa mère quand Elle se lève : « Sainte Anne, écoutez mon rêve ! « Plus qu'il n'y a grains dans la grange « je voyais prophètes et anges, « ma mère ! je tremble en en parlant ! » — Allons ! Marie ! le pot-au-feu ! et raccommodez-moi vos bas ! Si vous êtes bonne fille ici-bas, on vous aidera lors du trépas ! — Ma mère ! honteuses sont mes joues ! « Vous serez sainte comme mère et Vierge. « Demain vous aurez une visite « je ne peux pas en dire plus « ce sera l'heure de l'Angélus. « Ma mère ! je vis un homme ensuite « c'était un fils à moi et vous voilà "grand'mère « Ne lavez pas ce mouchoir « dit-Il, gardez-le bien dans votre armoire « car c'est de mon sang qu'il est rouge. « Paix à qui sait ce qu'il en coûte « Mystère et fête le quinze août « pour ceux du ciel et de la terre. »

    en cours de vérification

    M

    Maëlle Ranoux

    @maelleRanoux

    Une mélodie déchirante Mouvements bleus et brumes mortes, Ces violons me transportent. Ils sont Deux lunes rousses Qui transforment la nuit, Se raisonnent, Contournent la folie, Etincellent de sons francs, Duo forte lumineux et blanc. Il enlace son violoncelle et ses mains ne sont pas des mains Ce sont des branches qui appellent le vent. Ses yeux ne sont pas des yeux Mais deux planètes Qui tournent Dans un océan. Musicien cosmique Il laboure son instrument Fouisse sous la terre et de ses larges mains saisissantes Il broie les particules, les racines, les artères. Sa femme étire son archet, Déchire un nuage, Plante son regard dans ses convulsions Caresse un cadavre au casque de guerre Et donne à son cœur un souffle rouge et long. Ils sont tout le paysage humain Fait de chaos et d’harmonies. Ils sont toute la guerre humaine Faite d’amour et de violence réunies.

    en cours de vérification

    Nicolas Boileau

    Nicolas Boileau

    @nicolasBoileau

    À M. Racine Que tu sais bien, Racine, à l'aide d'un acteur, Emouvoir, étonner, ravir un spectateur ! Jamais Iphigénie en Aulide immolée N'a coûté tant de pleurs à la Grèce assemblée, Que dans l'heureux spectacle à nos yeux étalé En a fait sous son nom verser la Champmeslé. Ne crois pas toutefois, par tes savants ouvrages, Entraînant tous les cœurs, gagner tous les suffrages. Sitôt que d'Apollon un génie inspiré Trouve loin du vulgaire un chemin ignoré, En cent lieux contre lui les cabales s'amassent ; Ses rivaux obscurcis autour de lui croassent ; Et son trop de lumière, importunant les yeux, De ses propres amis lui fait des envieux ; La mort seule ici-bas, en terminant sa vie, Peut calmer sur son nom l'injustice et l'envie ; Faire au poids du bon sens peser tous ses écrits, Et donner à ses vers leur légitime prix. Avant qu'un peu de terre, obtenu par prière, Pour jamais sous la tombe eût enfermé Molière, ille de ces beaux traits, aujourd'hui si vantés, Furent des sots esprits à nos yeux rebutés. L'ignorance et l'erreur, à ses naissantes pièces, En habits de marquis, en robes de comtesses, Venaient pour diffamer son chef-d'œuvre nouveau, Et secouaient la tête à l'endroit le plus beau. Le commandeur voulait la scène plus exacte ; Le vicomte, indigné, sortait au second acte. L'un, défenseur zélé des bigots mis en jeu, Pour prix de ses bons mots le condamnait au feu ; L'autre, fougueux marquis, lui déclarant la guerre, Voulait venger la cour immolée au parterre. ais, sitôt que d'un trait de ses fatales mains, La Parque l'eut rayé du nombre des humains, On reconnut le prix de sa Muse éclipsée. L'aimable Comédie, avec lui terrassée, En vain d'un coup si rude espéra revenir, Et sur ses brodequins ne put plus se tenir. Tel fut chez nous le sort du théâtre comique. Toi donc qui, t'élevant sur la scène tragique, Suis les pas de Sophocle, et, seul de tant d'esprits, De Corneille vieilli sais consoler Paris, Cesse de t'étonner, si l'envie animée, Attachant à ton nom sa rouille envenimée, La calomnie en main quelquefois te poursuit. En cela, comme en tout, le Ciel qui nous conduit, Racine, fait briller sa profonde sagesse. Le mérite en repos s'endort dans la paresse ; ais par les envieux un génie excité Au comble de son art est mille fois monté ; Plus on veut l'affaiblir, plus il croît et s'élance. Au Cid persécuté Cinna doit sa naissance, Et peut-être ta plume aux censeurs de Pyrrhus Doit les plus nobles traits dont tu peignis Burrhus...

    en cours de vérification

    Nicolas Boileau

    Nicolas Boileau

    @nicolasBoileau

    À mon jardinier Laborieux valet du plus commode maître Qui pour te rendre heureux ici-bas pouvait naître, Antoine, gouverneur de mon jardin d’Auteuil, Qui diriges chez moi l’if et le chèvrefeuil, Et sur mes espaliers, industrieux génie, Sais si bien exercer l’art de La Quintinie ; Ô ! que de mon esprit triste et mal ordonné, Ainsi que de ce champ par toi si bien orné. Ne puis-je faire ôter les ronces, les épines, Et des défauts sans nombre arracher les racines ! Mais parle : raisonnons. Quand, du matin au soir, Chez moi poussant la bêche, ou portant l’arrosoir, Tu fais d’un sable aride une terre fertile, Et rends tout mon jardin à tes lois si docile ; Que dis-tu de m’y voir rêveur, capricieux, Tantôt baissant le front, tantôt levant les yeux, De paroles dans l’air par élans envolées, Effrayer les oiseaux perchés dans mes allées ? Ne soupçonnes-tu point qu’agité du démon, Ainsi que ce cousin des quatre fils Aimon, Dont tu lis quelquefois la merveilleuse histoire, Je rumine en marchant quelque endroit du grimoire ? Mais non : tu te souviens qu’au village on t’a dit Que ton maître est nommé pour coucher par écrit Les faits d’un roi plus grand en sagesse, en vaillance, Que Charlemagne aidé des douze pairs de France. Tu crois qu’il y travaille, et qu’au long de ce mur Peut-être en ce moment il prend Mons et Namur. Que penserais-tu donc, si l’on t’allait apprendre Que ce grand chroniqueur des gestes d’Alexandre, Aujourd’hui méditant un projet tout nouveau, S’agite, se démène, et s’use le cerveau, Pour te faire à toi-même en rimes insensées Un bizarre portrait de ses folles pensées ? Mon maître, dirais-tu, passe pour un docteur, Et parle quelquefois mieux qu’un prédicateur. Sous ces arbres pourtant, de si vaines sornettes Il n’irait point troubler la paix de ces fauvettes, S’il lui fallait toujours, comme moi, s’exercer, Labourer, couper, tondre, aplanir, palisser, Et, dans l’eau de ces puits sans relâche tirée, De ce sable étancher la soif démesurée. Antoine, de nous deux, tu crois donc, je le vois Que le plus occupé dans ce jardin, c’est toi ? O ! que tu changerais d’avis et de langage, Si deux jours seulement, libre du jardinage, Tout à coup devenu poète et bel esprit, Tu t’allais engager à polir un écrit Qui dît, sans s’avilir, les plus petites choses ; Fît des plus secs chardons des oeillets et des roses ; Et sût même au discours de la rusticité Donner de l’élégance et de la dignité ; Lin ouvrage, en un mot, qui, juste en tous ses termes, Sût plaire à d’Aguesseau, sût satisfaire Termes, Sût, dis-je, contenter, en paraissant au jour, Ce qu’ont d’esprits plus fins et la ville et la cour ! Bientôt de ce travail revenu sec et pâle, Et le teint plus jauni que de vingt ans de hâle, Tu dirais, reprenant ta pelle et ton râteau : J’aime mieux mettre encor cent arpents au niveau, Que d’aller follement, égaré dans les nues, Me lasser à chercher des visions cornues ; Et, pour lier des mots si mal s’entr’accordants, Prendre dans ce jardin la lune avec les dents. Approche donc, et viens : qu’un paresseux t’apprenne, Antoine, ce que c’est que fatigue et que peine. L’homme ici-bas, toujours inquiet et gêné, Est, dans le repos même, au travail condamné. La fatigue l’y suit. C’est en vain qu’aux poètes Les neuf trompeuses soeurs dans leurs douces retraites Promettent du repos sous leurs ombrages frais : Dans ces tranquilles bois pour eux plantés exprès, La cadence aussitôt, la rime, la césure, La riche expression, la nombreuse mesure, Sorcières dont l’amour sait d’abord les charmer, De fatigues sans fin viennent les consumer. Sans cesse poursuivant ces fugitives fées, On voit sous les lauriers haleter les Orphées. Leur esprit toutefois se plaît dans son tourment, Et se fait de sa peine un noble amusement. Mais je ne trouve point de fatigue si rude Que l’ennuyeux loisir d’un mortel sans étude, Qui, jamais ne sortant de sa stupidité, Soutient, dans les langueurs de son oisiveté, D’une lâche indolence esclave volontaire, Le pénible fardeau de n’avoir rien à faire. Vainement offusqué de ses pensers épais, Loin du trouble et du bruit il croit trouver la paix : Dans le calme odieux de sa sombre paresse, Tous les honteux plaisirs, enfants de la mollesse, Usurpant sur son âme un absolu pouvoir, De monstrueux désirs le viennent émouvoir, Irritent de ses sens la fureur endormie, Et le font le jouet de leur triste infamie. Puis sur leurs pas soudain arrivent les remords, Et bientôt avec eux tous les fléaux du corps, La pierre, la colique et les gouttes cruelles ; Guénaud, Rainssant, Brayer, presque aussi tristes qu’elles, Chez l’indigne mortel courent tous s’assembler, De travaux douloureux le viennent accabler ; Sur le duvet d’un lit, théâtre de ses gênes, Lui font scier des rocs, lui font fendre des chênes, Et le mettent au point d’envier ton emploi. Reconnais donc, Antoine, et conclus avec moi, Que la pauvreté mâle, active et vigilante, Est, parmi les travaux, moins lasse et plus contente Que la richesse oisive au sein des voluptés. Je te vais sur cela prouver deux vérités : L’une, que le travail, aux hommes nécessaire, Fait leur félicité plutôt que leur misère ; Et l’autre, qu’il n’est point de coupable en repos. C’est ce qu’il faut ici montrer en peu de mots. Suis-moi donc. Mais je vois, sur ce début de prône, Que ta bouche déjà s’ouvre large d’une aune, Et que, les yeux fermés, tu baisses le menton. Ma foi, le plus sûr est de finir ce sermon. Aussi bien j’aperçois ces melons qui t’attendent, Et ces fleurs qui là-bas entre elles se demandent, S’il est fête au village, et pour quel saint nouveau, On les laisse aujourd’hui si longtemps manquer d’eau. (Epître XI)

    en cours de vérification

    Paul-Jean Toulet

    Paul-Jean Toulet

    @paulJeanToulet

    Dans le silencieux automne Dans le silencieux automne D'un jour mol et soyeux, Je t'écoute en fermant les yeux, Voisine monotone. Ces gammes de tes doigts hardis, C'était déjà des gammes Quand n'étaient pas encor des dames Mes cousines, jadis ; Et qu'aux toits noirs de la Rafette, Où grince un fer changeant, Les abeilles d'or et d'argent Mettaient l'aurore en fête.

    en cours de vérification

    P

    Paul Neuhuys

    @paulNeuhuys

    Au bal des fleurs Au bal des fleurs, des fleurs masquées le sabot de Vénus et la barbe de bouc dansaient le zapateo au son d'une sveglia-vaïna, instrument charivarique à souhait. Le bal dégénéra en orgie à cause de certaines fleurs qui faisaient la mijaurée. Partout les fausses idées venaient de leurs fausses pudeurs. Ainsi la fausse giroflée reprochait au bégonia d'être une affiche publicitaire pour les insectes, la fausse épervière reprochait à la cuscute d'être trop popote, et la fausse vipérine en voulait au dahlia de faire du [théâtre de s'être produit, à Syracuse, dans la Médée [d'Euripide, et d'avoir joué ce rôle comme une fleur.

    en cours de vérification

    P

    Paul Neuhuys

    @paulNeuhuys

    Fête On pavoise les rues pour le roi d'Italie et la ville est comme une maîtresse jolie Le matin frais luit sur les trottoirs arrosés et le haut des maisons ruisselle de soleil Les servantes agitent leur chiffon à poussière comme les voyageurs au départ des wagons Les tramways sont plus jaunes et les arbres plus verts On arbore un drapeau neuf à l'hôtel du Square Guirlande, mirliton, cocarde, et ton amant, est-il d'humeur entreprenante? Étonnamment. Un enfant se promène avec un ballon rouge léger comme l'amour qui ne tient qu'à un fil Des notes d'opéra tombent du carillon comme les citrons d'or des jardins de Sorrente On pavoise les rues pour le roi d'Italie Ce soir, on allumera les lanternes vénitiennes Farandole, mandoline, mon cœur, mon cœur est gai comme un poisson d'avril dans un arbre de mai

    en cours de vérification

    Paul Valéry

    Paul Valéry

    @paulValery

    Le sylphe Ni vu ni connu Je suis le parfum Vivant et défunt Dans le vent venu ! Ni vu ni connu Hasard ou génie? A peine venu La tâche est finie!

    en cours de vérification

    Paul Valéry

    Paul Valéry

    @paulValery

    Les pas Tes pas, enfants de mon silence, Saintement, lentement placés, Vers le lit de ma vigilance Procèdent muets et glacés. Personne pure, ombre divine, Qu'ils sont doux, tes pas retenus ! Dieux !… tous les dons que je devine Viennent à moi sur ces pieds nus ! Si, de tes lèvres avancées, Tu prépares pour l'apaiser, A l'habitant de mes pensées La nourriture d'un baiser, Ne hâte pas cet acte tendre, Douceur d'être et de n'être pas, Car j'ai vécu de vous attendre, Et mon cœur n'était que vos pas.

    en cours de vérification

    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Art poétique De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l’Impair Plus vague et plus soluble dans l’air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. Il faut aussi que tu n’ailles point Choisir tes mots sans quelque méprise : Rien de plus cher que la chanson grise Où l’Indécis au Précis se joint. C’est des beaux yeux derrière des voiles, C’est le grand jour tremblant de midi, C’est, par un ciel d’automne attiédi, Le bleu fouillis des claires étoiles ! Car nous voulons la Nuance encor, Pas la Couleur, rien que la nuance ! Oh ! la nuance seule fiance Le rêve au rêve et la flûte au cor ! Fuis du plus loin la Pointe assassine, L’Esprit cruel et le Rire impur, Qui font pleurer les yeux de l’Azur, Et tout cet ail de basse cuisine ! Prends l’éloquence et tords-lui son cou ! Tu feras bien, en train d’énergie, De rendre un peu la Rime assagie. Si l’on n’y veille, elle ira jusqu’où ? Ô qui dira les torts de la Rime ? Quel enfant sourd ou quel nègre fou Nous a forgé ce bijou d’un sou Qui sonne creux et faux sous la lime ? De la musique encore et toujours ! Que ton vers soit la chose envolée Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée Vers d’autres cieux à d’autres amours. Que ton vers soit la bonne aventure Éparse au vent crispé du matin Qui va fleurant la menthe et le thym… Et tout le reste est littérature.

    en cours de vérification

    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Au bal Un rêve de cuisses de femmes Ayant pour ciel et pour plafond Les culs et les cons de ces dames Très beaux, qui viennent et qui vont. Dans un ballon de jupes gaies Sur des airs gentils et cochons ; Et les culs vous ont de ces raies, Et les cons vous ont des manchons ! Des bas blancs sur quels mollets fermes Si rieurs et si bandatifs Avec, en haut, sans fins, ni termes Ce train d’appâts en pendentifs, Et des bottines bien cambrées Moulant des pieds grands juste assez Mènent des danses mesurées En pas vifs, comme un peu lassés Une sueur particulière Sentant à la fois bon et pas, Foutre et mouille, et trouduculière, Et haut de cuisse, et bas de bas, Flotte et vire, joyeuse et molle, Mêlée à des parfums de peau A nous rendre la tête folle Que les youtres ont sans chapeau. Notez combien bonne ma place Se trouve dans ce bal charmant : Je suis par terre, et ma surface Semble propice apparemment Aux appétissantes danseuses Qui veulent bien, on dirait pour Telles intentions farceuses, Tournoyer sur moi quand mon tour, Ce, par un extraordinaire Privilège en elles ou moi, Sans me faire mal, au contraire, Car l’aimable, le doux émoi Que ces cinq cent mille chatouilles De petons vous caracolant A même les jambes, les couilles, Le ventre, la queue et le gland ! Les chants se taisent et les danses Cessent. Aussitôt les fessiers De mettre au pas leurs charmes denses, Ô ciel ! l’un d’entre eux, tu t’assieds Juste sur ma face, de sorte Que ma langue entre les deux trous Divins vague de porte en porte Au pourchas de riches ragoûts. Tous les derrières à la file S’en viennent généreusement M’apporter, chacun en son style, Ce vrai banquet d’un vrai gourmand. Je me réveille, je me touche ; C’est bien moi, le pouls au galop… Le nom de Dieu de fausse couche ! Le nom de Dieu de vrai salop !

    en cours de vérification

    Pierre de Ronsard

    Pierre de Ronsard

    @pierreDeRonsard

    À sa guiterre Ma guiterre, je te chante, Par qui seule je deçoy, Je deçoy, je romps, j'enchante Les amours que je reçoy. Nulle chose, tant soit douce, Ne te sçauroit esgaler, Toi qui mes ennuis repousse Si tost qu'ils t'oyent parler. Au son de ton harmonie Je refreschy ma chaleur ; Ardante en flamme infinie, Naissant d'infini malheur. Plus chèrement je te garde Que je ne garde mes yeux, Et ton fust que je regarde Peint dessus en mille lieux, Où le nom de ma déesse En maint amoureux lien, En mains laz d'amour se laisse, Joindre en chiffre avec le mien ; Où le beau Phebus, qui baigne Dans le Loir son poil doré, Du luth aux Muses enseigne Dont elles m'ont honoré, Son laurier preste l'oreille, Si qu'au premier vent qui vient, De reciter s'apareille Ce que par cœur il retient. Icy les forests compagnes Orphée attire, et les vents, Et les voisines campagnes, Ombrage de bois suivants. Là est Ide la branchue, Où l'oiseau de Jupiter Dedans sa griffe crochue Vient Ganymede empieter, Ganymede délectable, Chasserot délicieux, Qui ores sert à la table D'un bel échanson aux Dieux. Ses chiens après l'aigle aboient, Et ses gouverneurs aussi, En vain étonnez, le voient Par l'air emporter ainsi. Tu es des dames pensives L'instrument approprié, Et des jeunesses lascives Pour les amours dédié. Les amours, c'est ton office, Non pas les assaus cruels, Mais le joyeux exercice De souspirs continuels. Encore qu'au temps d'Horace Les armes de tous costez Sonnassent par la menace Des Cantabres indomtez, Et que le Romain empire Foullé des Parthes fust tant, Si n'a-il point à sa lyre Bellonne accordé pourtant, Mais bien Venus la riante, Ou son fils plein de rigueur, Ou bien Lalagé fuyante Davant avecques son cœur. Quand sur toy je chanteroye D'Hector les combas divers, Et ce qui fut fait à Troye Par les Grecs en dix hyvers, Cela ne peut satisfaire A l'amour qui tant me mord : Que peut Hector pour moy faire ? Que peut Ajax, qui est mort ? Mieux vaut donc de ma maistresse Chanter les beautez, afin Qu'à la douleur qui me presse Daigne mettre heureuse fin ; Ces yeux autour desquels semble Qu'amour vole, ou que dedans II se cache, ou qu'il assemble Cent traits pour les regardants. Chantons donc sa chevelure, De laquelle Amour vainqueur Noua mille rets à l'heure Qu'il m'encordela le cœur, Et son sein, rose naïve, Qui va et vient tout ainsi Que font deux flots à leur rive Poussez d'un vent adoucy.

    en cours de vérification

    Pierre Reverdy

    Pierre Reverdy

    @pierreReverdy

    Apres le Bal J'ai peut-être mis au vestiaire plus que mes vêtements. Je m'avance, allégé, avec trop d'assurance et quelqu'un dans la salle a remarqué mes pas. Les rayons sont pleins de danseuses. Je tourne, je tourne sans rien voir dans les flots de rayons des lampes électriques et je marche sur tant de pieds et tant d'autres meurtrissent les miens. Quel bal, quelle fête! J'ai trouvé toutes les femmes belles, tous mes désirs volent vers tous ces yeux. Tant qu'a duré l'orchestre j'ai tourné des talons sur un parquet ciré, plein d'émotion, et mes bras sont rompus d'avoir supporté tant de proies qu'il a fallu lâcher. Mais l'orchestre s'est tu, les lampes éteintes ont laissé s'alourdir la fatigue. Au vestiaire, on m'a rendu un chaud manteau contre le gel, mais le reste? Il me manque pourtant quelque chose. Je suis seul et je ne puis lutter contre ce froid.

    en cours de vérification

    P

    Pierre-Jean-Baptiste Chaussard

    @pierreJeanBaptisteChaussard

    Dithyrambe sur la fête Républicaine du 10 Août Liberté ! Liberté ! Reconnaissez le Peuple et sur sa majesté, Profanes, abaissez un œil épouvanté ! Soleil ! verse à flots d'or une clarté nouvelle. D'un azur enflammé que l'éther étincelle ! Jette un regard d'amour sur ce jour fortuné ! D'un spectacle sacré la pompe solennelle Doit retenir ton char dans l'Olympe étonné ! Qu'as-tu vu dans ta course, œil éclatant du monde ? Une chaîne éternelle embrassait l'univers ; De l'homme enseveli dans une nuit profonde Le vautour de l'erreur ensanglantait les fers. Disparaissez, tables antiques, Croulez, marbres religieux ; Renversez-vous, autels iniques. Tombeaux des droits de nos aïeux ! D'un code impie et parricide Éteignons le flambeau livide ! Il fut, sous la main des pervers, Semblable à l'étoile orageuse. Dont la clarté fallacieuse Brille sur des gouffres ouverrs. Vous avez tressailli, sous votre tombe émue, O mânes saints! Lycurgue, et toi divin Platon! Vous revivez : un sage a pris votre crayon. Et de l'homme agrandi le front touche la nue. Le peuple est tout : lui seul féconde Ce globe, en l'espace emporté ; Il est le créateur du monde ; II fait sa force et sa beauté. Lui seul sur la terre embellie Attise les regards des deux ; De ces sillons laborieux Lui seul a fait jaillir la vie. Ainsi que la nue embrasée Sur les monts sourcilleux lance tous ses éclairs, Mais sur l'humble vallon épanche la rosée, Lesgermes créateurs et le présent des airs, O liberté ! ta foudre étincelante Brise le front des oppresseurs, Tandis que ta main bienfaisante Verse sur l'opprimé l'espérance et les fleurs. Soleil ! reprends ta course et va redire aux trônes Qu'un ronnerre prochain menace les couronnes : Qu au seul récit de nos vertus, Sur leurs fronts pâlissants, tous ces rois éperdus, Agités par les Tisiphones, Cherchent le diadème et ne le trouvent plus.

    en cours de vérification

    Prosper Mérimée

    Prosper Mérimée

    @prosperMerimee

    Carmen danse... Toute la société était dans le patio, et, malgré la foule, je voyais à peu près tout ce qui se passait, à travers la grille. J'entendais les castagnettes, le tambour, les rires et les bravos ; parfois j'apercevais sa tête quand elle sautait avec son tambour. Puis j'entendais encore des officiers qui lui disaient bien des choses qui me faisaient monter le rouge à la figure. Ce qu'elle répondait, je n'en savais rien. C'est de ce jour-là, je pense, que je me mis à l'aimer pour tout de bon ; car l'idée me vint trois ou quatre fois d'entrer dans le patio, et de donner de mon sabre dans le ventre à tous ces freluquets qui lui contaient fleurettes. Mon supplice dura une bonne heure ; puis les bohémiens sortirent, et la voiture les ramena. Carmen, en passant, me regarda encore avec les yeux que vous savez, et me dit très bas : — Pays, quand on aime la bonne friture, on en va manger à Triana, chez Lillas Pastia. Légère comme un cabri, elle s'élança dans la voiture, le cocher fouetta ses mules, et toute la bande joyeuse s'en alla je ne sais où.

    en cours de vérification

    Robert Desnos

    Robert Desnos

    @robertDesnos

    Danses Vous avez faim, vous avez soif, Rosemonde, c'est le vent d'est Qui vous décoiffe. Que ce vent emporte la peste Au fond du ciel et qu'elle y reste. Hyppolite, l'oiseau du nord Qui passa sur la plaine L'oiseau qui chante, rêve et mord, L'avez-vous vu à la fontaine? Il chante, il rêve, il mord, Il dort. Andromède, face à l'ouest, Figure de proue, Pas un sourire, pas un geste, L'écume jaillit sur vos joues Et rouille le fer qui vous cloue. Un géant viendra du sud — Sabine as-tu donné ton cœur — • Porteur de fruits et de liqueurs, Sonneur de la solitude. Rosemonde, aimez-vous l'été? Bagatelle, bagatelle, J'aime mieux l'hiver, dit-elle, Et les rosiers désenchantés. Andromède, aimez-vous l'automne? Il vente, il pleut, il tonne, J'aime l'automne et le printemps Et la fleur de mes jeunes ans. Hyppolite, aimez-vous l'hiver? Je ne sais pas, dit-elle, Le seul été, j'ai découvert, Mon esprit suit les hirondelles. Sabine, aimez-vous le printemps ? J'aimais le printemps, je le pleure, J'aime, je pleure avec le temps Je ris avec les heures. Je danse, je ris dans le feu, Je flambe, je suis Andromède, Je me consume et c'est un jeu Qui me délivre et qui m'obsède. Rosemonde, écoutez la terre Qui peine sur son chemin. Je l'entends, mais il faut se taire, Nous chanterons demain. Hyppolite, fille de l'air Parcourt à cheval le désert, Cheval de nuage et de vent, Air de jadis et d'à présent. Au point du jour et au point d'eau, Sabine se désaltère Avec les lions et les panthères. La nuit dépose son fardeau.

    en cours de vérification

    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Les trois chansons Entends la chanson de l’eau… Comme il pleut, comme il pleut vite ! Il semble que des grelots Dans la gouttière s’agitent. À l’abri dans ton dodo Entends la chanson de l’eau ! Entends la chanson du vent… Comme les branches s’agitent ! Les nids d’oiseaux, bien souvent, Sont bercés, bercés trop vite. À l’abri des rideaux blancs Entends la chanson du vent. Entends la chanson du feu… Comme les flammes s’agitent ! Le feu jaune, rouge et bleu Pour te chauffer brûle vite. Quand tes yeux clignent un peu, Entends la chanson du feu. Écoute les trois chansons Qui se font toutes petites Et douces comme un ronron Pour que tu dormes plus vite. Si tu veux, bébé, dormons Au bruit léger des chansons.

    en cours de vérification

    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    N’oublie pas la chanson du soleil, Vassili N’oublie pas la chanson du soleil, Vassili. Elle est dans les chemins craquelés de l’été, dans la paille des meules, dans le bois sec de ton armoire, …si tu sais bien l’entendre. Elle est aussi dans le cri du criquet. Vassili, Vassili, parce que tu as froid, ce soir, Ne nie pas le soleil.

    en cours de vérification

    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Don du poème Je t’apporte l’enfant d’une nuit d’Idumée ! Noire, à l’aile saignante et pâle, déplumée, Par le verre brûlé d’aromates et d’or, Par les carreaux glacés, hélas ! mornes encor L’aurore se jeta sur la lampe angélique, Palmes ! et quand elle a montré cette relique À ce père essayant un sourire ennemi, La solitude bleue et stérile a frémi. Ô la berceuse avec ta fille et l’innocence De vos pieds froids, accueille une horrible naissance Et, ta voix rappelant viole et clavecin, Avec le doigt fané presseras-tu le sein Par qui coule en blancheur sybilline la femme Pour des lèvres que l’air du vierge azur affame ?

    en cours de vérification

    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    L'azur De l'éternel Azur la sereine ironie Accable, belle indolemment comme les fleurs, Le poète impuissant qui maudit son génie À travers un désert stérile de Douleurs. Fuyant, les yeux fermés, je le sens qui regarde Avec l'intensité d'un remords atterrant, Mon âme vide. Où fuir ? Et quelle nuit hagarde Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant ? Brouillards, montez ! versez vos cendres monotones Avec de longs haillons de brume dans les cieux Que noiera le marais livide des automnes, Et bâtissez un grand plafond silencieux ! Et toi, sors des étangs léthéens et ramasse En t'en venant la vase et les pâles roseaux, Cher Ennui, pour boucher d'une main jamais lasse Les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux.

    en cours de vérification

    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Les fenêtres Las du triste hôpital et de l’encens fétide Qui monte en la blancheur banale des rideaux Vers le grand crucifix ennuyé du mur vide, Le moribond, parfois, redresse son vieux dos, Se traîne et va, moins pour chauffer sa pourriture Que pour voir du soleil sur les pierres, coller Les poils blancs et les os de sa maigre figure Aux fenêtres qu’un beau rayon clair veut hâler, Et sa bouche, fiévreuse et d’azur bleu vorace, Telle, jeune, elle alla respirer son trésor, Une peau virginale et de jadis ! encrasse D’un long baiser amer les tièdes carreaux d’or. Ivre, il vit, oubliant l’horreur des saintes huiles, Les tisanes, l’horloge et le lit infligé, La toux ; et quand le soir saigne parmi les tuiles, Son œil, à l’horizon de lumière gorgé, Voit des galères d’or, belles comme des cygnes, Sur un fleuve de pourpre et de parfums dormir En berçant l’éclair fauve et riche de leurs lignes Dans un grand nonchaloir chargé de souvenir ! Ainsi, pris du dégoût de l’homme à l’âme dure Vautré dans le bonheur, où ses seuls appétits Mangent, et qui s’entête à chercher cette ordure Pour l’offrir à la femme allaitant ses petits, Je fuis et je m’accroche à toutes les croisées D’où l’on tourne le dos à la vie, et, béni, Dans leur verre, lavé d’éternelles rosées, Que dore la main chaste de l’Infini Je me mire et me vois ange ! et je meurs, et j’aime — Que la vitre soit l’art, soit la mysticité — À renaître, portant mon rêve en diadème, Au ciel antérieur où fleurit la Beauté ! Mais, hélas ! Ici-bas est maître : sa hantise Vient m’écœurer parfois jusqu’en cet abri sûr, Et le vomissement impur de la Bêtise Me force à me boucher le nez devant l’azur. Est-il moyen, ô Moi qui connais l’amertume, D’enfoncer le cristal par le monstre insulté, Et de m’enfuir, avec mes deux ailes sans plume — Au risque de tomber pendant l’éternité ?

    en cours de vérification

    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Prose Hyperbole ! de ma mémoire Triomphalement ne sais-tu Te lever, aujourd’hui grimoire Dans un livre de fer vêtu : Car j’installe, par la science, L’hymne des cœurs spirituels En l’œuvre de ma patience, Atlas, herbiers et rituels. Nous promenions notre visage (Nous fûmes deux, je le maintiens) Sur maints charmes de paysage, Ô sœur, y comparant les tiens. L’ère d’autorité se trouble Lorsque, sans nul motif, on dit De ce midi que notre double Inconscience approfondit Que, sol des cent iris, son site, Ils savent s’il a bien été, Ne porte pas de nom que cite L’or de la trompette d’Été. Oui, dans une île que l’air charge De vue et non de visions Toute fleur s’étalait plus large Sans que nous en devisions. Telles, immenses, que chacune Ordinairement se para D’un lucide contour, lacune Qui des jardins la sépara.

    en cours de vérification

    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Le musicien Tintement assoiffé de vie s’atomisant à l’aurore de l’année La prison s’est ouverte Le bécotement solitaire est terminé Ton flanc bleu respire la liberté Quelques clochettes bourdonnent Le carillon grelotte Le miroir te cherche Le sol t’accueille figé glacial Marcel Le trou est creusé La loge est vide Sous une douleur marmoréenne la musique ruisselle éloignée

    en cours de vérification

    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    À Vénus de milo Ô Vénus de Milo, guerrière au flanc nerveux, Dont le front irrité sous vos divins cheveux Songe, et dont une flamme embrase la paupière, Calme éblouissement, grand poème de pierre, Débordement de vie avec art compensé, Vous qui depuis mille ans avez toujours pensé, J’adore votre bouche où le courroux flamboie Et vos seins frémissants d’une tranquille joie. Et vous savez si bien ces amours éperdus Que si vous retrouviez un jour vos bras perdus Et qu’à vos pieds tombât votre blanche tunique, Nos froideurs pâmeraient dans un combat unique, Et vous m’étaleriez votre ventre indompté, Pour y dormir un soir comme un amant sculpté !

    en cours de vérification

    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Musique Dans un coin de la ville ancienne disparue, Depuis douze ans bientôt passés, j’habite, rue De l’Éperon, au rez-de-chaussée, un très vieil Hôtel, hanté par les oiseaux et le soleil. Du côté du jardin, les ailes familières Emplissent de frissons les feuillages des lierres; Mais, hélas! on entend, dès que revient le jour, De bien autres chanteurs du côté de la cour, Où force malheureux, affligés d’un catarrhe, Miaulent avec rage en pinçant la guitare, Bande qui fait la joie et l’ornement des cours. Là sont des béquillards, des aveugles, des sourds. Blêmes comme Pierrot, verts comme des pistaches Des gens à chapeaux mous, des masques à moustaches Chantent des airs, hélas! — car tels sont leurs talents, Qu’ils ne sauront jamais, quand ils vivraient mille ans. Tel, pareil à ces morts échoués à la Morgue, Tourne la manivelle indécente de l’orgue Ou, triste comme un vieil acteur de l’Odéon, Tourmente le soufflet du faible accordéon, Et tel, car c’est encore une façon plus nette, De sa bouche sans dents mord une clarinette. Celui-là fait pleurer l’âme du violon En jouant du Lecocq ou du Bach, c’est selon, Et tous chantent! — Déesse adorable, ô Musique! Ces types accomplis de la hideur physique Chantent d’un coeur tranquille. Oh! comme ils chantent faux Et de leurs pantalons soulignant les défauts Toutes les fanges, par les balais reculées, Baisent avec amour leurs bottes éculées. Cependant, tels qu’ils sont, déguenillés, maudits, Je les aime, ces noirs mendiants, ces bandits Que l’âpre faim déchire et sur qui les cieux pleuvent, Parce que sous la nue ils chantent comme ils peuvent, Oiseaux boiteux qu’en vain sollicite l’azur, Parce que je ne sais quel souvenir obscur De la Lyre frémit dans leur voix étouffée Et qu’ils sont, comme moi, de la race d’Orphée. Ces gueux, plus enroués qu’une meute aux abois, Ressemblent à des loups qui pleurent dans les bois Et, parmi ces faiseurs de trilles et de gammes, Du matin jusqu’au soir grouillent des tas de femmes. Des fillettes à l’oeil déjà noyé d’amour Sur un rhythme dansant font sonner leur tambour, Et des vieilles sans nombre aux allures fossiles Convulsent en chantant leurs faces imbéciles, Gémissent avec des sanglots et des hoquets Et portent leurs petits roulés en des paquets. C’est la procession de tous les monstres. L’une Montre sur son visage une pâleur de lune Et, comme un lac, s’argente, et l’autre, au nez camard, A sur sa joue en feu des rougeurs de homard. Rien n’est plus effrayant à voir que les structures Et les corps abolis de ces caricatures; Et pourtant, quand leurs voix font leur bruit énervant Comme les grincements de l’orage et du vent, Avec leurs fronts hideux que les bises meurtrissent, Dans leur misère ces chanteuses m’attendrissent Et sans être offensé de leurs chants criminels, Je les contemple avec des regards fraternels. Une surtout, pareille à quelque étrange fée, Pâle, jaune, recuite et d’un mouchoir coiffée. Au fond de ses yeux bleus tout petits, dont le tour Est bistré, se lamente un long passé d’amour, Et sur sa bouche en coup de sabre, le génie De la femme a gravé sa tranquille ironie. Sans nul doute elle fut, parmi l’or et les fleurs, Une Parisienne aux yeux ensorceleurs; Car le reflet des vieux souvenirs la décore Et le songeur ému voit trembloter encore Le triomphe et l’orgueil en son regard terni. Je la nomme souvent: la vieille Gavarni, Car je crois la revoir parmi ces aquarelles Que le maître peuplait d’âmes surnaturelles, Et sur le châle où court un frisson d’air subtil, Je vois distinctement les hachures dont il Avivait sa peinture avec de l’encre rouge. Et ce mince lambeau qui grelotte et qui bouge, Où parfois le soleil jette un fuyant éclair, Étoffe tristement décolorée, a l’air Des drapeaux devenus haillons, que la Victoire Avait jadis enflés dans la bataille noire, Alors que les clairons sonnaient dans l’air fumant, Et que les vieux soldats gardent pieusement. Jeudi, 6 janvier 1887.

    en cours de vérification

    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Sérénade Sur le balcon où tu te penches Je veux monter… efforts perdus ! Il est trop haut, et tes mains blanches N’atteignent pas mes bras tendus. Pour déjouer ta duègne avare, Jette un collier, un ruban d’or ; Ou des cordes de ta guitare Tresse une échelle, ou bien encor… Ôte tes fleurs, défais ton peigne, Penche sur moi tes cheveux longs, Torrent de jais dont le flot baigne Ta jambe ronde et tes talons. Aidé par cette échelle étrange, Légèrement je gravirai, Et jusqu’au ciel, sans être un ange, Dans les parfums je monterai !

    en cours de vérification