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Musique

95 poésies en cours de vérification
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Poésies de la collection musique

    D

    Didier Venturini

    @didierVenturini

    Femmes musiciennes Rives du lac Sebu des femmes musiciennes le chant de leurs luths une musique ancienne un imaginaire d’arbres et d’oiseaux de fées forestières sur Mindanao elles forgent le bronze inventent des colliers des brac’lets qui comblent leurs bras leurs poignets les journées d’averses en après midi leurs chansons s’adressent à l’esprit des pluies récolte du riz une célébration rythmes, mélodies aux coups des pilons s’agitent les parures le souffle des tambours tournent les ceintures les grelots autour Didier Venturini, Memento mori, 2017

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le salon La poussière s’étend sur tout le mobilier, Les miroirs de Venise ont défleuri leur charme; Il y rôde comme un très vieux parfum de Parme, La funèbre douceur d’un sachet familier. Plus jamais ne résonne à travers le silence Le chant du piano dans les rythmes berceurs, Mendelssohn et Mozart, mariant leurs douceurs, Ne s’entendent qu’en rêve aux soirs de somnolence. Mais le poète, errant sous son massif ennui, Ouvrant chaque fenêtre aux clartés de la nuit, Et se crispant les mains, hagard et solitaire, Imagine soudain, hanté par des remords, Un grand bal solennel tournant dans le mystère, Où ses yeux ont cru voir danser les parents morts.

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le violon brisé Aux soupirs de l’archet béni, Il s’est brisé, plein de tristesse, Le soir que vous jouiez, comtesse, Un thème de Paganini. Comme tout choit avec prestesse ! J’avais un amour infini, Ce soir que vous jouiez, comtesse, Un thème de Paganini. L’instrument dort sous l’étroitesse De son étui de bois verni, Depuis le soir où, blonde hôtesse, Vous jouâtes Paganini. Mon cœur repose avec tristesse Au trou de notre amour fini. Il s’est brisé le soir, comtesse, Que vous jouiez Paganini.

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    E

    Esther Granek

    @estherGranek

    J’ai attrapé un chant d’oiseau J’ai attrapé un chant d’oiseau Et je l’ai mis dans ma guitare. Il en sort un refrain de paix Qui fait trêve de mes regrets. J’ai rapporté des verts coteaux Un peu de leurs parfums sauvages. J’ai rapporté couleurs de mai Et les ai mises en un bouquet. J’ai emporté dans mes voyages Et ta présence et ton visage. Et c’est comme un cadeau des cieux Car étant seul je suis à deux.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Adagio La rue était déserte et donnait sur les champs. Quand j’allais voir l’été les beaux soleils couchants Avec le rêve aimé qui partout m’accompagne, Je la suivais toujours pour gagner la campagne, Et j’avais remarqué que, dans une maison Qui fait l’angle et qui tient, ainsi qu’une prison, Fermée au vent du soir son étroite persienne, Toujours à la même heure, une musicienne Mystérieuse, et qui sans doute habitait là, Jouait l’adagio de la sonate en la. Le ciel se nuançait de vert tendre et de rose. La rue était déserte ; et le flâneur morose Et triste, comme sont souvent les amoureux, Qui passait, l’oeil fixé sur les gazons poudreux, Toujours à la même heure, avait pris l’habitude D’entendre ce vieil air dans cette solitude. Le piano chantait sourd, doux, attendrissant, Rempli du souvenir douloureux de l’absent Et reprochant tout bas les anciennes extases. Et moi, je devinais des fleurs dans de grands vases, Des parfums, un profond et funèbre miroir, Un portrait d’homme à l’oeil fier, magnétique et noir, Des plis majestueux dans les tentures sombres, Une lampe d’argent, discrète, sous les ombres, Le vieux clavier s’offrant dans sa froide pâleur, Et, dans cette atmosphère émue, une douleur Épanouie au charme ineffable et physique Du silence, de la fraîcheur, de la musique. Le piano chantait toujours plus bas, plus bas. Puis, un certain soir d’août, je ne l’entendis pas. Depuis, je mène ailleurs mes promenades lentes. Moi qui hais et qui fuis les foules turbulentes, Je regrette parfois ce vieux coin négligé. Mais la vieille ruelle a, dit-on, bien changé : Les enfants d’alentour y vont jouer aux billes, Et d’autres pianos l’emplissent de quadrilles.

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    F

    Françoise Urban-Menninger

    @francoiseUrbanMenninger

    Sous la musique de la pluie Sous la musique de la pluie la rime coule de source s’égoutte mot à mot dans la bouche du poème nous y buvons le verbe dans le calice du jour nous y noyons nos larmes dans les draps de la nuit nous avons pour la pluie cette douce tendresse qui nous berce depuis l’enfance nous avons pour la pluie ces regrets de l’ombre qui déjà nous ramènent au bord de nous-mêmes

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    Georges Rodenbach

    Georges Rodenbach

    @georgesRodenbach

    Dans l'angle obscur de la chambre, le piano Dans l'angle obscur de la chambre, le piano Songe, attendant des mains pâles de fiancée De qui les doigts sont sans reproche et sans anneau, Des mains douces par qui sa douleur soit pansée Et qui rompent un peu son abandon de veuf, Car il refrémirait sous des mains élargies Puisqu'en lui dort encor l'espoir d'un bonheur neuf. Après tant de silence, après tant d'élégies Que le deuil de l'ébène enferma si longtemps, Quelle ivresse si, par un soir doux de printemps, Quelque vierge attirée à sa mélancolie Ressuscitait de lui tous les rythmes latents : Gerbe de lis blessés que son jeu lent délie ; Eau pâle du clavier où son geste amusé - Rafraîchi comme ayant joué dans une eau claire - Ferait surgir un blanc cortège apprivoisé, Cygnes vêtus de clair de lune en scapulaire,

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    Germain Nouveau

    Germain Nouveau

    @germainNouveau

    Un peu de musique Une musique amoureuse Sous les doigts d'un guitariste S'est éveillée, un peu triste, Avec la brise peureuse ; Et sous la feuillée ombreuse Où le jour mourant résiste, Tourne, se lasse, et persiste Une valse langoureuse. On sent, dans l'air qui s'effondre, Son âme en extase fondre ; — Et parmi la vapeur rose De la nuit délicieuse Monte cette blonde chose, La lune silencieuse.

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Crépuscule À Mademoiselle Marie Laurencin. Frôlée par les ombres des morts Sur l’herbe où le jour s’exténue L’arlequine s’est mise nue Et dans l’étang mire son corps Un charlatan crépusculaire Vante les tours que l’on va faire Le ciel sans teinte est constellé D’astres pâles comme du lait Sur les tréteaux l’arlequin blême Salue d’abord les spectateurs Des sorciers venus de Bohême Quelques fées et les enchanteurs Ayant décroché une étoile Il la manie à bras tendu Tandis que des pieds un pendu Sonne en mesure les cymbales L’aveugle berce un bel enfant La biche passe avec ses faons Le nain regarde d’un air triste Grandir l’arlequin trismégiste

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Fête Feu d'artifice en acier Qu'il est charmant cet éclairage Artifice d'artificier Mêler quelque grâce au courage Deux fusants Rose éclatement Comme deux seins que l'on dégrafe Tendent leurs bouts insolemment IL SUT AIMER quelle épitaphe Un poète dans la forêt Regarde avec indifférence Son revolver au cran d'arrêt Des roses mourir d'espérance Il songe aux roses de Saadi Et soudain sa tête se penche Car une rose lui redit La molle courbe d'une hanche L'air est plein d'un terrible alcool Filtré des étoiles mi-closes Les obus caressent le mol Parfum nocturne où tu reposes Mortification des roses

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Le musicien de Saint-Merry J’ai enfin le droit de saluer des êtres que je ne connais pas Ils passent devant moi et s’accumulent au loin Tandis que tout ce que j’en vois m’est inconnu Et leur espoir n’est pas moins fort que le mien Je ne chante pas ce monde ni les autres astres Je chante toutes les possibilités de moi-même hors de ce monde et des astres Je chante le joie d’errer et le plaisir d’en mourir Le 21 du mois de mai 1913 Passeur des morts et les mordonnantes mériennes Des millions de mouches éventaient une splendeur Quand un homme sans yeux sans nez et sans oreilles Quittant le Sébasto entra dans la rue Aubry-le-Boucher Jeune l’homme était brun et de couleur de fraise sur les joues Homme Ah! Ariane Il jouait de la flûte et la musique dirigeait ses pas Il s’arrêta au coin de la rue Saint-Martin Jouant l’air que je chante et que j’ai inventé Les femmes qui passaient s’arrêtaient près de lui Il en venait de toutes parts Lorsque tout à coup les cloches de Saint-Merry se mirent à sonner Le musicien cessa de jouer et but à la fontaine Qui se trouve au coin de la rue Simon-Le-Franc Puis saint-Merry se tut L’inconnu reprit son air de flûte Et revenant sur ses pas marcha jusqu’à la rue de la Verrerie Où il entra suivi par la troupe des femmes Qui sortaient des maisons Qui venaient par les rues traversières les yeux fous Les mains tendues vers le mélodieux ravisseur Il s’en allait indifférent jouant son air Il s’en allait terriblement Puis ailleurs À quelle heure un train partira-t-il pour Paris À ce moment Les pigeons des Moluques fientaient des noix muscades En même temps Mission catholique de Bôma qu’as-tu fait du sculpteur Ailleurs Elle traverse un pont qui relie Bonn à Beuel et disparait à travers Pützchen Au même instant Une jeune fille amoureuse du maire Dans un autre quartier Rivalise donc poète avec les étiquettes des parfumeurs En somme ô rieurs vous n’avez pas tiré grand-chose des hommes Et à peine avez-vous extrait un peu de graisse de leur misère Mais nous qui mourons de vivre loin l’un de l’autre Tendons nos bras et sur ces rails roule un long train de marchandises Tu pleurais assise près de moi au fond d’un fiacre Et maintenant Tu me ressembles tu me ressembles malheureusement Nous nous ressemblons comme dans l’architecture du siècle dernier Ces hautes cheminées pareilles à des tours Nous allons plus haut maintenant et ne touchons plus le sol Et tandis que le monde vivait et variait Le cortège des femmes long comme un jour sans pain Suivait dans la rue de la Verrerie l’heureux musicien Cortèges ô cortèges C’est quand jadis le roi s’en allait à Vincennes Quand les ambassadeurs arrivaient à Paris Quand le maigre Suger se hâtait vers la Seine Quand l’émeute mourait autour de Saint-Merry Cortèges ô cortèges Les femmes débordaient tant leur nombres était grand Dans toutes les rues avoisinantes Et se hâtaient raides comme balle Afin de suivre le musicien Ah! Ariane et toi Pâquette et toi Amine Et toi Mia et toi Simone et toi Mavise Et toi Colette et toi la belle Geneviève Elles ont passé tremblantes et vaines Et leurs pas légers et prestes se mouvaient selon la cadence De la musique pastorale qui guidait Leurs oreilles avides L’inconnu s’arrêta un moment devant une maison à vendre Maison abandonnée Aux vitres brisées C’est un logis du seizième siècle La cour sert de remise à des voitures de livraisons C’est là qu’entra le musicien Sa musique qui s’éloignait devint langoureuse Les femmes le suivirent dans la maison abandonnée Et toutes y entrèrent confondues en bande Toutes toutes y entrèrent sans regarder derrière elles Sans regretter ce qu’elles ont laissé Ce qu’elles ont abandonné Sans regretter le jour la vie et la mémoire Il ne resta bientôt plus personne dans la rue de la Verrerie Sinon moi-même et un prêtre de saint-Merry Nous entrâmes dans la vieille maison Mais nous n’y trouvâmes personne Voici le soir À Saint-Merry c’est l’Angélus qui sonne Cortèges ô cortèges C’est quand jadis le roi revenait de Vincennes Il vint une troupe de casquettiers Il vint des marchands de bananes Il vint des soldats de la garde républicaine O nuit Troupeau de regards langoureux des femmes O nuit Toi ma douleur et mon attente vaine J’entends mourir le son d’une flûte lointaine

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Mai Le mai le joli mai en barque sur le Rhin Des dames regardaient du haut de la montagne Vous êtes si jolies mais la barque s’éloigne Qui donc a fait pleurer les saules riverains ? Or des vergers fleuris se figeaient en arrière Les pétales tombés des cerisiers de mai Sont les ongles de celle que j’ai tant aimée Les pétales flétris sont comme ses paupières Sur le chemin du bord du fleuve lentement Un ours un singe un chien menés par des tziganes Suivaient une roulotte traînée par un âne Tandis que s’éloignait dans les vignes rhénanes Sur un fifre lointain un air de régiment Le mai le joli mai a paré les ruines De lierre de vigne vierge et de rosiers Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    Épitaphe Il a vécu tantôt gai comme un sansonnet, Tour à tour amoureux insoucieux et tendre, Tantôt sombre et rêveur comme un triste Clitandre. Un jour il entendit qu'à sa porte on sonnait. C'était la Mort ! Alors il la pria d'attendre Qu'il eût posé le point à son dernier sonnet ; Et puis sans s'émouvoir, il s'en alla s'étendre Au fond du coffre froid où son corps frissonnait. Il était paresseux, à ce que dit l'histoire, Il laissait trop sécher l'encre dans l'écritoire. Il voulait tout savoir mais il n'a rien connu. Et quand vint le moment où, las de cette vie, Un soir d'hiver, enfin l'âme lui fut ravie, Il s'en alla disant : "Pourquoi suis-je venu ?"

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    Fantaisie Il est un air pour qui je donnerais Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber, Un air très-vieux, languissant et funèbre, Qui pour moi seul a des charmes secrets. Or, chaque fois que je viens à l'entendre, De deux cents ans mon âme rajeunit : C'est sous Louis treize; et je crois voir s'étendre Un coteau vert, que le couchant jaunit, Puis un château de brique à coins de pierre, Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs, Ceint de grands parcs, avec une rivière Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ; Puis une dame, à sa haute fenêtre, Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens, Que dans une autre existence peut-être, J'ai déjà vue… et dont je me souviens !

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    Le point noir Quiconque a regardé le soleil fixement Croit voir devant ses yeux voler obstinément Autour de lui, dans l’air, une tache livide. Ainsi, tout jeune encore et plus audacieux, Sur la gloire un instant j’osai fixer les yeux : Un point noir est resté dans mon regard avide. Depuis, mêlée à tout comme un signe de deuil, Partout, sur quelque endroit que s’arrête mon oeil, Je la vois se poser aussi, la tache noire ! Quoi, toujours ? Entre moi sans cesse et le bonheur ! Oh ! c’est que l’aigle seul – malheur à nous, malheur ! Contemple impunément le Soleil et la Gloire.

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    H

    Hubert-Tadéo Félizé

    @hubertTadeoFelize

    A la pénombre du bonheur Lorsque la nuit tombe et enveloppe, Toute vie encore embrasée dans l’ombre Tiède, d’un jour qui se meurt et qui nous dope, J’aime, sur les coussins, me poser à la pénombre Du bonheur, comme l’archet sur le violon, Et me laisser flotter au gré des pianos épanouis Ressentir le spasme, le silence et tous ces sons. A la pénombre du bonheur, je m’évanouis. Dans les parfums extatiques des arpèges, Comme une ritournelle sans cesse de manège, Ou d’une boîte à musique perdue sur l’étagère, Mon cœur s’enflamme dans ce vibrant air, Où un Saint-Saëns, un Wagner effeuille Mes sens aiguisés dans des partitions qui cueillent Toute l’émotion et la profondeur d’une note inouïe. A la pénombre du bonheur, je m’évanouis. Et dans les pays d’un Brahms, d’un maître-à-danser En suivant la route d’un Tchaïkovski à la folie, L’âme s’extasie d’une esthétique musique de beauté, Conquise marquise que je me glisse à votre exquis Minois, d’un baiser, me perdre en votre pays, L’extase n’est jamais loin de nos heures devenues, Laissant bercer notre âme aux heures si ténues, Et dans les parfums d’encens qui encense la vie, M’endormir à la pénombre d’un bonheur, je m’assoupis !

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    J

    Jacques Izoard

    @jacquesIzoard

    Fêter chaque parole Morceaux de dents, grains, déchets d'ongle ou de tabac, je ne sais quels fragments d'objets, je ne sais quels haillons, quels couteaux, quels sifflets, quels cris de buis... Ainsi, les mots se suivent sur la page, font bonne parole, bonne mesure. Mais il suffit d'ouvrir les yeux: le regard, glu sans veines, ne déchire sans doute que la nappe noire du sommeil, n'arrache que la coque légère du vent, ne détruit que l'apparence du chemin. Suffit-il donc de lire? Peut-être. Alors, chaque possible, autre et semblable, affleure. De toutes les directions affluent des lieux, des aires, des espaces. Histoires coloriées, récits inachevés, on-dit, liturgies, bleues anecdotes, enfantillages, contes de ressasseurs. Une activité multiple naît : prononcés, les mots meurent, s'effritent; aurons-nous la longue patience de les ressusciter ? (Les dire, malgré tout, les écrire sans cesse, à satiété, jusqu'à les vider de leur sang, de leur sens...) Ainsi, nous épierons le mot «maison» dit dans l'arbre et le mot «arbre» dit dans la maison. Et je voudrais que nous soyons nombreux à fêter -travestir, dénuder, trahir - chaque parole. Où dorment les séismes, dorment les aphasies, et ce que je disais tel hiver sans ambages («Les femmes assourdissent les traquenards, les commerces de jambes et de pluies»). N'importe-t-il pas de contrefaire notre écriture, de nous glisser entre l'encre et le papier? En cet écart, tout existe souverainement: contrées de haute lucidité où les mots sont ce qu'ils sont, signes purs, dessins sans ombre. Sans l'écriture gauche sous la main (sans la main elle-même), nos conversations ne perdraient-elles pas crêtes et sabots, incendies ou ronronnements? J'apprenais à écrire, à être. J'apprenais à lire, à être. Le poème conduit, confusément, vers ce que l'on est. Mais que d'échecs, que de chemins battus sans issue! Nos mots les plus simples bougent, pourtant: vois le geste de l'a, le geste du b. Ainsi court la phrase, ainsi s'accroche-t-elle au papier. Pour tous, la poésie regorge de mots. À travers elle, nous sommes sains et saufs. Mais vit toujours la ville et ceux qui vivent ici, ceux qui disent «muscat», «coups pleuvent», «courants d'air». Voix du papier déchire l'ouïe, quand le glas casse le sang, quand le langage natal avoue.

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    Jacques Prévert

    Jacques Prévert

    @jacquesPrevert

    Fête a Mennecy À Paris autrefois, c'est-à-dire il y a seulement quelque temps les fêtes foraines avaient droit de cité. La fête ça existait. La musique de carton des manèges à vapeur vous appelait de très loin, et la rumeur heureuse des tours de chevaux de bois et des tours de cochons mêlée au rugissement des lions de chez Pezon, c'était beau, tendre et violent et comme toute fête un petit peu triste en même temps. Les gens allaient à la fête comme ils allaient au bois, au muguet, à Luna-Park ou à Robinson. Aujourd'hui, on dirait que les fêtes, c'est seulement les fantômes des fêtes d'autrefois. Et puis il y avait les fêtes « rituelles », les fêtes des autres âges. Au mardi-gras, à la mi-carême défilaient des chars, des rêves de reines, des rois de cirque, des déguisés, enrubannés de serpentins et bombardés de confetti. Aujourd'hui le peuple ne fait plus la fête comme avant, il n'a plus la place, il n'a plus le temps... il ne fait plus la fête mais les savants font la Bombe. Aujourd'hui, c'est la foire roulante, les feux follets rouges, les feux follets verts, les clignotants. C'est le grand Pardon de saint Parking, l'exode hebdomadaire, et défilent seulement les déesses, les jaguars, les idées, les deux chevaux : en s'engueulant. Les mots les plus grossiers, les gens bien élevés les ont piqués au peuple et en font un bien pauvre usage. Pourtant, un peu partout, de temps en temps, de joyeux drilles font encore la fête. C'est pourquoi à deux coups d'aile de Paris, vous pouvez voir « comme si vous y étiez » ou en garder le souvenir, comme si vous y étiez allés, le carnaval de Men-necy: une petite ville aux volets fermés. Sur la neige à peine balayée l'homme invisible, tcharlie chapline, et une femme du monde de « la belle époque» s'en vont retrouver leurs amis. Mennecy en Seine-et-Oise. Pays trop près, pays trop loin, c'est un dit-on des environs. 30 kilomètres, trop près pour faire un vrai voyage et loin, trop loin pour y aller souvent. À Mennecy une fois l'an, les carnavaliers se réunissent, se déguisent, se maquillent et en avant la musique. L'unique char c'est un tracteur, un bœuf gras déguisé en robot. Parfois dans la petite foule, sur la grand'place, des voix regrettent l'ardeur, l'intensité des fêtes du passé. Mais chaque année, cette fête recommence, elle est comme elle est, les joyeux drilles de Mennecy se refusent à demander l'aide de la municipalité. Ils chantent, ils boivent le coup, ils font la quête, ils dressent une croix et cette croix, quand la nuit tombe tout à fait, ils la font flamber. Et tous dansent autour de ce tout petit feu de joie. Carnaval de Mennecy fête d'aujourd'hui et d'autrefois.

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    Épilogue Bornons ici cette carrière. Les longs ouvrages me font peur. Loin d’épuiser une matière, On n’en doit prendre que la fleur. Il s’en va temps que je reprenne Un peu de forces et d’haleine, Pour fournir à d’autres projets. Amour, ce tyran de ma vie, Veut que je change de sujets ; Il faut contenter son envie. Retournons à Psyché ; Damon, vous m’exhortez À peindre ses malheurs et ses félicités. J’y consens ; peut-être ma veine En sa faveur s’échauffera. Heureux si ce travail est la dernière peine Que son époux me causera !

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Au fleuve de Loire Ô de qui la vive course Prend sa bienheureuse source, D'une argentine fontaine, Qui d'une fuite lointaine, Te rends au sein fluctueux De l'Océan monstrueux, Loire, hausse ton chef ores Bien haut, et bien haut encores, Et jette ton œil divin Sur ce pays Angevin, Le plus heureux et fertile, Qu'autre où ton onde distille. Bien d'autres Dieux que toi, Père, Daignent aimer ce repaire, A qui le Ciel fut donneur De toute grâce et bonheur. Cérès, lorsque vagabonde Allait quérant par le monde Sa fille, dont possesseur Fut l'infernal ravisseur, De ses pas sacrés toucha Cette terre, et se coucha Lasse sur ton vert rivage, Qui lui donna doux breuvage. Et celui-là, qui pour mère Eut la cuisse de son père, Le Dieu des Indes vainqueur Arrosa de sa liqueur Les monts, les vaux et campaignes De ce terroir que tu baignes. Regarde, mon Fleuve, aussi Dedans ces forêts ici, Qui leurs chevelures vives Haussent autour de tes rives, Les faunes aux pieds soudains, Qui après biches et daims, Et cerfs aux têtes ramées Ont leurs forces animées. Regarde tes Nymphes belles A ces Demi-dieux rebelles, Qui à grand'course les suivent, Et si près d'elles arrivent, Qu'elles sentent bien souvent De leurs haleines le vent. Je vois déjà hors d'haleine Les pauvrettes, qui à peine Pourront atteindre ton cours, Si tu ne leur fais secours. Combien (pour les secourir) De fois t'a-t-on vu courir Tout furieux en la plaine ? Trompant l'espoir et la peine De l'avare laboureur, Hélas ! qui n'eut point d'horreur Blesser du soc sacrilège De tes Nymphes le collège, Collège qui se récrée Dessus ta rive sacrée. Qui voudra donc loue et chante Tout ce dont l'Inde se vante, Sicile la fabuleuse, Ou bien l'Arabie Heureuse. Quant à moi, tant que ma Lyre Voudra les chansons élire Que je lui commanderai, Mon Anjou je chanterai. Ô mon Fleuve paternel, Quand le dormir éternel Fera tomber à l'envers Celui qui chante ces vers, Et que par les bras amis Mon corps bien près sera mis De quelque fontaine vive, Non guère loin de ta rive, Au moins sur ma froide cendre Fais quelques larmes descendre, Et sonne mon bruit fameux A ton rivage écumeux. N'oublie le nom de celle Qui toutes beautés excelle, Et ce qu'ai pour elle aussi Chanté sur ce bord ici.

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Heureux, de qui la mort de sa gloire est suivie Heureux, de qui la mort de sa gloire est suivie, Et plus heureux celui dont l'immortalité Ne prend commencement de la postérité, Mais devant que la mort ait son âme ravie. Tu jouis (mon Ronsard), même durant ta vie, De l'immortel honneur que tu as mérité : Et devant que mourir (rare félicité) Ton heureuse vertu triomphe de l'envie. Courage donc, Ronsard, la victoire est à toi, Puisque de ton côté est la faveur du Roi : Là du laurier vainqueur tes tempes se couronnent, Et là la tourbe épaisse à l'entour de ton flanc Ressemble ces esprits, qui là-bas environnent Le grand prêtre de Thrace au long sourpelis blanc.

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Las où est maintenant ce mépris de Fortune Las où est maintenant ce mépris de Fortune Où est ce coeur vainqueur de toute adversité, Cet honnête désir de l'immortalité, Et cette honnête flamme au peuple non commune ?

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Maintenant je pardonne à la douce fureur Maintenant je pardonne à la douce fureur Qui m'a fait consumer le meilleur de mon âge, Sans tirer autre fruit de mon ingrat ouvrage Que le vain passe-temps d'une si longue erreur. Maintenant je pardonne à ce plaisant labeur, Puisque seul il endort le souci qui m'outrage, Et puisque seul il fait qu'au milieu de l'orage, Ainsi qu'auparavant, je ne tremble de peur. Si les vers ont été l'abus de ma jeunesse, Les vers seront aussi l'appui de ma vieillesse, S'ils furent ma folie, ils seront ma raison, S'ils furent ma blessure, ils seront mon Achille, S'ils furent mon venin, le scorpion utile Qui sera de mon mal la seule guérison.

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    J

    Jules Delavigne

    @julesDelavigne

    Le vent d’autrefois Il est minuit et demi Le vinyle tourne Toujours Ce vent d’autrefois Café, et encore du café Ses yeux diamants Inconscients Ne se cachent jamais L’encre des idées A peine séchée Et tout est repris Tout est réécrit à nouveau Le rythme de la basse Coule à travers son corps Comme du chocolat fondant Dans la bouche veloutée De celle qu’il aime

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    Jules Laforgue

    Jules Laforgue

    @julesLaforgue

    Complainte des pianos qu'on entend dans les quartiers aisés Menez l'âme que les Lettres ont bien nourrie, Les pianos, les pianos, dans les quartiers aisés ! Premiers soirs, sans pardessus, chaste flânerie, Aux complaintes des nerfs incompris ou brisés. Ces enfants, à quoi rêvent-elles, Dans les ennuis des ritournelles ? — « Préaux des soirs, Christ des dortoirs ! « Tu t'en vas et tu nous laisses, Tu nous laiss's et tu t'en vas, Défaire et refaire ses tresses. Broder d'étemel canevas. » Jolie ou vague ? triste ou sage ? encore pure ? Ô jours, tout m'est égal ? ou, monde, moi je veux ? Et si vierge, du moins, de la bonne blessure. Sachant quels gras couchants ont les plus blancs aveux ? Mon Dieu, à quoi donc rêvent-elles ? A des Roland, à des dentelles ? — « Cœurs en prisons. Lentes saisons ! « Tu t'en vas et tu nous quittes. Tu nous quitt's et tu t'en vas ! Couvents gris, chœurs de Sulamites, Sur nos seins nuls croisons nos bras. » Fatales clés de l'être un beau jour apparues ; Psitt ! aux hérédités en ponctuels ferments. Dans le bal incessant de nos étranges rues ; Ah ! pensionnats, théâtres, journaux, romans ! Allez, stériles ritournelles, La vie est vraie et criminelle. — « Rideaux tirés, Peut-on entrer ? « Tu t'en vas et tu nous laisses. Tu nous laiss's et tu t'en vas, La source des frais rosiers baisse, Vraiment ! Et lui qui ne vient pas... » Il viendra ! Vous serez les pauvres cœurs en faute. Fiancés au remords comme aux essais sans fond. Et les suffisants cœurs cossus, n'ayant d'autre hôte Qu'un train-train pavoisé d'estime et de chiffons. Mourir ? peut-être brodent-elles, Pour un oncle à dot des bretelles ? — « Jamais ! Jamais ! Si tu savais ! « Tu t'en vas et tu nous quittes, Tu nous quitt's et tu t'en vas. Mais tu nous reviendras bien vite Guérir mon beau mal, n'est-ce pas ? » Et c'est vrai ! l'Idéal les faits divaguer toutes. Vigne bohème, même en ces quartiers aisés. La vie est là ; le pur flacon des vives gouttes Sera, comme il convient, d'eau propre baptisé. Aussi, bientôt, se joueront-elles De plus exactes ritournelles. « — Seul oreiller ! Mur familier ! « Tu t'en vas et tu nous laisses. Tu nous laiss's et tu t'en vas. Que ne suis-je morte à la messe ! Ô mois, ô linges, ô repas ! »

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    K

    Kamal Zerdoumi

    @kamalZerdoumi

    Chopin Le moulage original de ta main gauche d’une bouleversante blancheur dans sa prison de verre relique de ton passage parmi nous Assieds-toi au piano et joue ces étranges Nocturnes qui nous font quitter la Terre chacun de tes doigts traduisant les nuances de l’âme Compositeur de la désincarnation venu de Pologne qui mit son exil en musique nous laissant le frisson de son génie étoilé

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    K

    Kamal Zerdoumi

    @kamalZerdoumi

    Rocker La mer des Caraïbes berce de sa voix bleue ton absence irréelle Là-bas les larmes des êtres que ton départ a brisés sont ici essuyées par la rumeur des vagues grandes sœurs éternelles gardiennes de ton sommeil Johnny tes chansons te regrettent Elles émanaient de toi comme le parfum d’une fleur cette incommensurable fleur de la douleur qui pousse dans le labyrinthe du chagrin de tes semblables Quelque chose de toi inextinguible en nous demeure Et le bleu de ton regard irradie nos mémoires

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    K

    Kamal Zerdoumi

    @kamalZerdoumi

    Une musicienne Dans son jeu maladroit s’était logée mon âme de père Son violon n’était pas un diamant vert un simple instrument de pauvre cadeau d’un raté ployant sous tant d’hivers Aujourd’hui elle abandonne la musique Tel est son désir pour moi une nouvelle tragique Je croyais en cette chance qui ne me fut pas donnée d’avoir une enfant musicienne maintenant rêve mort-né Tes pizzicatos résonneront longtemps encore dans ma mémoire Ce soir je me sens en parfait accord avec mon désespoir

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    Laetitia Sioen

    @laetitiaSioen

    Le pianiste Clé de sol au matin, La première note résonne dans un silence. Ses longs doigts effleurent les touches, Le do crescendo confond le noir et le blanc. D’accroche coeur en croche à tête, La corde raide vibre au fur et à mesure. Son visage charge la mélodie, Les lignes de partition vide se courbent. Ses mains courent et s’arrêtent, Le son du ventre de la baleine résonne encore. Dans un dernier soupir, Il se dresse et s’incline pour une dernière révérence.

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    Louise Labé

    Louise Labé

    @louiseLabe

    Tant que mes yeux pourront larmes épandre Tant que mes yeux pourront larmes épandre A l'heur passé avec toi regretter, Et qu'aux sanglots et soupirs résister Pourra ma voix, et un peu faire entendre ; Tant que ma main pourra les cordes tendre Du mignard luth, pour tes grâces chanter ; Tant que l'esprit se voudra contenter De ne vouloir rien fors que toi comprendre,

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