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Voyages

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Poésies de la collection voyages

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Chemins du Sud Chemins du Sud avec un nom qui vous fait mal certains jours à force de creuser des nostalgies… Inscrits en rouge ou bleu sur le cristal de vos grandes agences de voyage, inscrits sur les navires au mouillage, sur l’avion postal ou sur l’oiseau qui craint le froid des jours plus courts, certains jours – certains jours comme se fait insidieuse leur magie ! Chemins du Sud – l’odeur du pamplemousse ou du désert sans oasis ou de la forêt vierge aux dangereuses nuits. Pistes de bêtes dans la brousse ou dans ces mers pleines d’étoiles rousses dont parlent entre eux les marins. Soleil du Sud qui fait la peau d’huile et d’ébène, soirs de villages indigènes, tam-tam…Plus loin que vous, au Sud, Bolero de Ravel qui pourtant faites mal comme ces noms aux tristesses étranges, bord astral de ces routes sans ange où sombre lentement la Croix du Sud…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Le chemin des chevaux N’as-tu pas un cheval blanc Là-bas dans ton île ? Une herbe sauvage Croît-elle pour lui ? Ah ! Comme ses crins flottants Flottent dans les bras du vent Quand il se réveille ! Il dort comme un oiseau blanc Quelque part dans l’île. J’ai beau marcher dans la rue Comme tout le monde, C’est l’herbe, l’herbe inconnue, Et le cheval chevelu Couleur de la lune, Qui sont de chez moi, là-bas, Dans une île ronde. Caparaçonnés, au pas, au galop, Je ne connais pas tes quatre chevaux. Tu vas à Paris, La chanson le dit, Sur ton cheval gris. Tu vas à La Haye Sur la jument baie. Tu vas au manoir Sur le cheval noir. Et je ne sais où Sur le poulain roux. Mais mon cheval blanc Nuit et jour m’attend Au seuil de mon île.

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    Samuel Beckett

    Samuel Beckett

    @samuelBeckett

    Bon bon il est un pays Bon bon il est un pays où l’oubli où pèse l’oubli doucement sur les mondes innommés là la tête on la tait la tête est muette et on sait non on ne sait rien le chant des bouches mortes meurt sur la grève il a fait le voyage il n’y a rien à pleurer ma solitude je la connais allez je la connais mal j’ai le temps c’est ce que je me dis j’ai le temps mais quel temps os affamé le temps du chien du ciel pâlissant sans cesse mon grain de ciel du rayon qui grimpe ocellé tremblant des microns des années ténèbres Vous voulez que j’aille d’A à B je ne peux pas je ne peux pas sortir je suis dans un pays sans traces oui oui c’est une belle chose que vous avez là une bien belle chose qu’est-ce que c’est ne me posez plus de questions spirale poussière d’instants qu’est-ce que c’est le même le calme l’amour la haine le calme le calme.

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Au seul souci de voyager Au seul souci de voyager Outre une Inde splendide et trouble — Ce salut soit le messager Du temps, cap que ta poupe double Comme sur quelque vergue bas Plongeante avec la caravelle Ecumait toujours en ébats Un oiseau d'annonce nouvelle Qui criait monotonement Sans que la barre ne varie Un inutile gisement Nuit, désespoir et pierrerie Par son chant reflété jusqu'au Sourire du pâle Vasco.

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Brise marine La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres. Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres D’être parmi l’écume inconnue et les cieux ! Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe Sur le vide papier que la blancheur défend Et ni la jeune femme allaitant son enfant. Je partirai ! Steamer balançant ta mâture, Lève l’ancre pour une exotique nature ! Un Ennui, désolé par les cruels espoirs, Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs ! Et, peut-être, les mâts, invitant les orages, Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots … Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Prose Hyperbole ! de ma mémoire Triomphalement ne sais-tu Te lever, aujourd’hui grimoire Dans un livre de fer vêtu : Car j’installe, par la science, L’hymne des cœurs spirituels En l’œuvre de ma patience, Atlas, herbiers et rituels. Nous promenions notre visage (Nous fûmes deux, je le maintiens) Sur maints charmes de paysage, Ô sœur, y comparant les tiens. L’ère d’autorité se trouble Lorsque, sans nul motif, on dit De ce midi que notre double Inconscience approfondit Que, sol des cent iris, son site, Ils savent s’il a bien été, Ne porte pas de nom que cite L’or de la trompette d’Été. Oui, dans une île que l’air charge De vue et non de visions Toute fleur s’étalait plus large Sans que nous en devisions. Telles, immenses, que chacune Ordinairement se para D’un lucide contour, lacune Qui des jardins la sépara.

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    Susy Desrosiers

    @susyDesrosiers

    Indicible Colombes et papillons se sont envolés paysages plaines et rivières que tu égares au fond de ta poche comme seuls bagages tes origines une peluche des comptines d’enfant derrière toi ta mère ton père sang et cendres te hantent le cri des sirènes les flammes l’éphémère tes petits pas pèsent lourd déjà trop de corbeaux sur tes jeunes épaules au bout de ton horizon une terre une langue inconnues tu te perds dans de nouveaux visages des mains se tendent vers toi de nouvelles racines poussent sous tes pieds

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Errance captive Ciel rouge nuages hagards Le migrant perdu cherche une main le regard ébouriffé de solitude Aucune humanité dans ce pays de rêve du bateau meurtrier à la famine de la ville Écarté par les hommes il feuillette un destin qui n’est pas le sien Oiseau meurtri par la (in)civilisation il avale les silences aux visages multiples son espoir enterré dans le labyrinthe La frontière est prête sa vie en boomerang volée

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    Thibault Desbordes

    @thibaultDesbordes

    Les pierres saillantes (IV) « Et souviens-toi ; le monde est à toi, le monde est à nous ! » — Seb, un alcoolique de Charleville-Mézières, 2 juillet 2016   J’étais parti libre et sauvage, vers un pays Qui me semble être un mirage, aujourd’hui Mais non non Je n’avais pas peur Sous le ciel entre les routes J’y avais fait ma pénitence D’adolescent bourgeois Encore lycéen Je m’étais trouvé, là En n’étant rien Mais non non Je n’avais pas peur Et je sentais glisser les heures Rouler les pierres des sentiers Qui n’existent pas que sur les poèmes Vous saviez ? J’étais tout seul J’étais là-bas J’étais parti sans fil À dix-sept ans Loin de chez moi Mais non non Je n’avais pas peur Parce que j’avais au cœur De n’être né de rien Dans l’ouest embourgeoisé Hypocrite et chrétien J’avais au cœur d’avoir Tout renversé : Ma pépite, ma faillite et mon blé J’avais au cœur Rimbaud Entre Charleville et Givet Sans retour ni papiers Et criais dans le mois de juillet Que c’était saoul Que d’être libre Oui je criais Dans l’air qui vibre Si différent de cette fille Jeune fille de mon âge Ou plutôt à côté Qui promenait son chien sur la Meuse Qui m’a regardé Encore à côté Obtuse, effrayée Mais non non Je n’avais pas peur

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Aimer Paris Artiste, désormais tu veux peindre la Vie Moderne, frémissante, avide, inassouvie, Belle de douleur calme et de sévérité; Car ton esprit sincère a soif de vérité. Vois, comme une forêt d’arbres, la ville immense Murmure sous l’orage et le vent en démence; Ses entassements noirs de toits et de maisons Ont le charme effrayant des larges frondaisons. Aime ses bruits, ses voix, ses rires, son tumulte, Ses monuments qu’en vain le Temps railleur insulte, Ses marchés, ses jardins; aime ses pauvres cieux Toujours mornes, d’un gris terne et délicieux. Surtout, n’imite pas Hamlet; sans épigramme Et d’un coeur chaleureux, aime l’Homme et la Femme. La Femme surtout! Suis de l’oeil ces bataillons De gamines qui vont, blanches sous les haillons, Et qui, montrant leurs dents, croquent de jaunes pommes De terre frites, sous l’oeil allumé des hommes! Peins la svelte maigreur aux méplats séduisants Et la gracilité des filles de seize ans; Va, ne dédaigne rien, ni la bourgeoise obèse Ni la duchesse au front d’or que le zéphyr baise, Ni la pierreuse, proie offerte au noir filou, Qui peigne ses cheveux lourds avec un vieux clou, Ni la bonne admirant, parmi la transparence Des bassins, le reflet d’un pantalon garance, Ni la vieille qui, pour implorer un secours, Se coiffe d’un madras et chante dans les cours, Ni ces filles de joie aux tragiques allures Offrant au vent furtif leurs roses chevelures, Et poursuivant, les soirs, leur patient calcul Devant les Nouveautés et le café Méhul, Catins dont les satins, sans jamais faire halte, Comme des serpents noirs se traînent sur l’asphalte! Regarde l’Homme aussi! Peins tous les noirs troupeaux Des hommes, sénateurs on bien marchands de peaux De lapins; droit, bossu, formidable ou bancroche, Vois l’Homme, vois-le bien, de d’Arthez à Gavroche! L’homme actuel, sublime à la fois et mesquin, Est vêtu d’un complet, comme un Américain; Mais tel qu’il est, ce pitre, épris de Navarette, Qui dans ses doigts pâlis roule une cigarette, Lit dans les astres noirs d’un oeil terrible et sûr, Voleur divin, saisit Isis en plein azur, Pose un baiser brutal sur ses yeux pleins d’étoiles, D’un ongle furieux déchire tous ses voiles, Comme un fer rouge met la lèvre sur son col Et la contemple, et pâle encor de son viol, A ses pieds gémissant une plainte ingénue Regarde la Nature échevelée et nue. Oui, l’Homme, vois-le bien, tire parti de tout! Il est beau, l’orateur farouche, qui debout, Du Progrès fugitif embrassant la chimère, Parle et courbe les fronts sous sa parole amère; Mais le vieux chiffonnier, qui sous le ciel changeant Montre son crochet noir et sa barbe d’argent, Près de la verte Seine a des beautés de Fleuve. Et c’est un beau modèle, avec sa blouse neuve, Que l’Alphonse blêmi, fashionable et vainqueur, Dont la cravate rose et les accroche-coeur Font fanatisme, et qui, doux jeune homme de joie, Tortille crânement sa casquette de soie. Oh! ne dédaigne rien dans ta ville! Chéris Les parcs éblouissants, ces jardins de Paris Où pour nous réjouir, en leurs apothéoses Brillent les coeurs sanglants et fulgurants des roses; Mais, artiste, aime aussi les pauvres talus des Fortifications, où sous le triste dais Du ciel gris, l’herbe jaune et sèche qui se pèle Semble un front dévoré par un érésipèle; Car c’est là que, toujours las de voir empirer Son destin, l’ouvrier captif vient respirer Et que la jeune fille heureuse, en mince robe, Laissant errer son clair sourire, où se dérobe Quelque rêve secret de ménage et d’amour, Avec ses yeux brûlants vient boire un peu de jour! 10 avril 1879.

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Premier soleil Italie, Italie, ô terre où toutes choses Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins ! Paradis où l’on trouve avec des lauriers-roses Des sorbets à la neige et des ballets divins ! Terre où le doux langage est rempli de diphthongues ! Voici qu’on pense à toi, car voici venir mai, Et nous ne verrons plus les redingotes longues Où tout parfait dandy se tenait enfermé. Sourire du printemps, je t’offre en holocauste Les manchons, les albums et le pesant castor. Hurrah ! gais postillons, que les chaises de poste Volent, en agitant une poussière d’or ! Les lilas vont fleurir, et Ninon me querelle, Et ce matin j’ai vu mademoiselle Ozy Près des Panoramas déployer son ombrelle : C’est que le triste hiver est bien mort, songez-y ! Voici dans le gazon les corolles ouvertes, Le parfum de la sève embaumera les soirs, Et devant les cafés, des rangs de tables vertes Ont par enchantement poussé sur les trottoirs. Adieu donc, nuits en flamme où le bal s’extasie ! Adieu, concerts, scotishs, glaces à l’ananas ; Fleurissez maintenant, fleurs de la fantaisie, Sur la toile imprimée et sur le jaconas ! Et vous, pour qui naîtra la saison des pervenches, Rendez à ces zéphyrs que voilà revenus, Les légers mantelets avec les robes blanches, Et dans un mois d’ici vous sortirez bras nus ! Bientôt, sous les forêts qu’argentera la lune, S’envolera gaîment la nouvelle chanson ; Nous y verrons courir la rousse avec la brune, Et Musette et Nichette avec Mimi Pinson ! Bientôt tu t’enfuiras, ange Mélancolie, Et dans le Bas-Meudon les bosquets seront verts. Débouchez de ce vin que j’aime à la folie, Et donnez-moi Ronsard, je veux lire des vers. Par ces premiers beaux jours la campagne est en fête Ainsi qu’une épousée, et Paris est charmant. Chantez, petits oiseaux du ciel, et toi, poëte, Parle ! nous t’écoutons avec ravissement. C’est le temps où l’on mène une jeune maîtresse Cueillir la violette avec ses petits doigts, Et toute créature a le coeur plein d’ivresse, Excepté les pervers et les marchands de bois !

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    Théophile de Viau

    @theophileDeViau

    Lettre à son frère Je verrai ces bois verdissants Où nos îles et l'herbe fraîche Servent aux troupeaux mugissants Et de promenoir et de crèche. L'aurore y trouve à son retour L'herbe qu'ils ont mangée le jour, Je verrai l'eau qui les abreuve, Et j'orrai plaindre les graviers Et repartir l'écho du fleuve Aux injures des mariniers. ... Je verrai sur nos grenadiers Leurs rouges pommes entrouvertes, Où le Ciel, comme à ses lauriers, Garde toujours des feuilles vertes. Je verrai ce touffu jasmin Qui fait ombre à tout le chemin D'une assez spacieuse allée, Et la parfume d'une fleur Qui conserve dans la gelée Son odorat et sa couleur. Je reverrai fleurir nos prés ; Je leur verrai couper les herbes ; Je verrai quelque temps après Le paysan couché sur les gerbes ; Et, comme ce climat divin Nous est très libéral de vin, Après avoir rempli la grange, Je verrai du matin au soir, Comme les flots de la vendange Écumeront dans le pressoir...

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Ce que disent les hirondelles Déjà plus d'une feuille sèche Parsème les gazons jaunis ; Soir et matin, la brise est fraîche, Hélas ! les beaux jours sont finis ! On voit s'ouvrir les fleurs que garde Le jardin, pour dernier trésor : Le dahlia met sa cocarde Et le souci sa toque d'or. La pluie au bassin fait des bulles ; Les hirondelles sur le toit Tiennent des conciliabules : Voici l'hiver, voici le froid ! Elles s'assemblent par centaines, Se concertant pour le départ. L'une dit : « Oh ! que dans Athènes Il fait bon sur le vieux rempart ! « Tous les ans j'y vais et je niche Aux métopes du Parthénon. Mon nid bouche dans la corniche Le trou d'un boulet de canon. » L'autre : « J'ai ma petite chambre A Smyrne, au plafond d'un café. Les Hadjis comptent leurs grains d'ambre Sur le seuil d'un rayon chauffé.

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    Tristan Corbière

    Tristan Corbière

    @tristanCorbiere

    La rapsode foraine Bénite est l'infertile plage Où, comme la mer, tout est nud. Sainte est la chapelle sauvage De Sainte-Anne-de-la-Palud... De la Bonne Femme Sainte Anne Grand'tante du petit Jésus, En bois pourri dans sa soutane Riche... plus riche que Crésus !

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Tristesse d'Olympio Les champs n'étaient point noirs, les cieux n'étaient pas mornes. Non, le jour rayonnait dans un azur sans bornes Sur la terre étendu, L'air était plein d'encens et les prés de verdures Quand il revit ces lieux où par tant de blessures Son cœur s'est répandu ! L'automne souriait ; les coteaux vers la plaine Penchaient leurs bois charmants qui jaunissaient à peine ; Le ciel était doré ; Et les oiseaux, tournés vers celui que tout nomme, Disant peut-être à Dieu quelque chose de l'homme, Chantaient leur chant sacré ! Il voulut tout revoir, l'étang près de la source, La masure où l'aumône avait vidé leur bourse, Le vieux frêne plié, Les retraites d'amour au fond des bois perdues, L'arbre où dans les baisers leurs âmes confondues Avaient tout oublié ! Il chercha le jardin, la maison isolée, La grille d'où l'œil plonge en une oblique allée, Les vergers en talus. Pâle, il marchait. – Au bruit de son pas grave et sombre, Il voyait à chaque arbre, hélas ! se dresser l'ombre Des jours qui ne sont plus ! Il entendait frémir dans la forêt qu'il aime Ce doux vent qui, faisant tout vibrer en nous-même, Y réveille l'amour, Et, remuant le chêne ou balançant la rose, Semble l'âme de tout qui va sur chaque chose Se poser tour à tour ! Les feuilles qui gisaient dans le bois solitaire, S'efforçant sous ses pas de s'élever de terre, Couraient dans le jardin ; Ainsi, parfois, quand l'âme est triste, nos pensées S'envolent un moment sur leurs ailes blessées, Puis retombent soudain. Il contempla longtemps les formes magnifiques Que la nature prend dans les champs pacifiques ; Il rêva jusqu'au soir ; Tout le jour il erra le long de la ravine, Admirant tour à tour le ciel, face divine, Le lac, divin miroir ! Hélas ! se rappelant ses douces aventures, Regardant, sans entrer, par-dessus les clôtures, Ainsi qu'un paria, Il erra tout le jour. Vers l'heure où la nuit tombe, Il se sentit le cœur triste comme une tombe, Alors il s'écria : « Ô douleur ! j'ai voulu, moi dont l'âme est troublée, Savoir si l'urne encor conservait la liqueur, Et voir ce qu'avait fait cette heureuse vallée De tout ce que j'avais laissé là de mon cœur ! « Que peu de temps suffit pour changer toutes choses ! Nature au front serein, comme vous oubliez ! Et comme vous brisez dans vos métamorphoses Les fils mystérieux où nos cœurs sont liés ! « Nos chambres de feuillage en halliers sont changées ! L'arbre où fut notre chiffre est mort ou renversé ; Nos roses dans l'enclos ont été ravagées Par les petits enfants qui sautent le fossé ! « Un mur clôt la fontaine où, par l'heure échauffée, Folâtre, elle buvait en descendant des bois ; Elle prenait de l'eau dans sa main, douce fée, Et laissait retomber des perles de ses doigts ! « On a pavé la route âpre et mal aplanie, Où, dans le sable pur se dessinant si bien, Et de sa petitesse étalant l'ironie, Son pied charmant semblait rire à côté du mien ! « La borne du chemin, qui vit des jours sans nombre, Où jadis pour m'attendre elle aimait à s'asseoir, S'est usée en heurtant, lorsque la route est sombre, Les grands chars gémissants qui reviennent le soir. « La forêt ici manque et là s'est agrandie. De tout ce qui fut nous presque rien n'est vivant ; Et, comme un tas de cendre éteinte et refroidie, L'amas des souvenirs se disperse à tout vent ! « N'existons-nous donc plus ? Avons-nous eu notre heure ? Rien ne la rendra-t-il à nos cris superflus ? L'air joue avec la branche au moment où je pleure ; Ma maison me regarde et ne me connaît plus. « D'autres vont maintenant passer où nous passâmes. Nous y sommes venus, d'autres vont y venir ; Et le songe qu'avaient ébauché nos deux âmes, Ils le continueront sans pouvoir le finir ! « Car personne ici-bas ne termine et n'achève ; Les pires des humains sont comme les meilleurs ; Nous nous réveillons tous au même endroit du rêve. Tout commence en ce monde et tout finit ailleurs. « Oui, d'autres à leur tour viendront, couples sans tache, Puiser dans cet asile heureux, calme, enchanté, Tout ce que la nature à l'amour qui se cache Mêle de rêverie et de solennité ! « D'autres auront nos champs, nos sentiers, nos retraites ; Ton bois, ma bien-aimée, est à des inconnus. D'autres femmes viendront, baigneuses indiscrètes, Troubler le flot sacré qu'ont touché tes pieds nus ! « Quoi donc ! c'est vainement qu'ici nous nous aimâmes ! Rien ne nous restera de ces coteaux fleuris Où nous fondions notre être en y mêlant nos flammes ! L'impassible nature a déjà tout repris. « Oh ! dites-moi, ravins, frais ruisseaux, treilles mûres, Rameaux chargés de nids, grottes, forêts, buissons, Est-ce que vous ferez pour d'autres vos murmures ? Est-ce que vous direz à d'autres vos chansons ? « Nous vous comprenions tant ! doux, attentifs, austères, Tous nos échos s'ouvraient si bien à votre voix ! Et nous prêtions si bien, sans troubler vos mystères, L'oreille aux mots profonds que vous dites parfois ! « Répondez, vallon pur, répondez, solitude, Ô nature abritée en ce désert si beau, Lorsque nous dormirons tous deux dans l'attitude Que donne aux morts pensifs la forme du tombeau ; « Est-ce que vous serez à ce point insensible De nous savoir couchés, morts avec nos amours, Et de continuer votre fête paisible, Et de toujours sourire et de chanter toujours ? « Est-ce que, nous sentant errer dans vos retraites, Fantômes reconnus par vos monts et vos bois, Vous ne nous direz pas de ces choses secrètes Qu'on dit en revoyant des amis d'autrefois ? « Est-ce que vous pourriez, sans tristesse et sans plainte, Voir nos ombres flotter où marchèrent nos pas, Et la voir m'entraîner, dans une morne étreinte, Vers quelque source en pleurs qui sanglote tout bas ? « Et s'il est quelque part, dans l'ombre où rien ne veille, Deux amants sous vos fleurs abritant leurs transports, Ne leur irez-vous pas murmurer à l'oreille : – Vous qui vivez, donnez une pensée aux morts ! « Dieu nous prête un moment les prés et les fontaines, Les grands bois frissonnants, les rocs profonds et sourds Et les cieux azurés et les lacs et les plaines, Pour y mettre nos cœurs, nos rêves, nos amours ! « Puis il nous les retire. Il souffle notre flamme ; Il plonge dans la nuit l'antre où nous rayonnons ; Et dit à la vallée, où s'imprima notre âme, D'effacer notre trace et d'oublier nos noms. « Eh bien ! oubliez-nous, maison, jardin, ombrages ! Herbe, use notre seuil ! ronce, cache nos pas ! Chantez, oiseaux ! ruisseaux, coulez ! croissez, feuillages ! Ceux que vous oubliez ne vous oublieront pas. « Car vous êtes pour nous l'ombre de l'amour même ! Vous êtes l'oasis qu'on rencontre en chemin ! Vous êtes, ô vallon, la retraite suprême Où nous avons pleuré nous tenant par la main ! « Toutes les passions s'éloignent avec l'âge, L'une emportant son masque et l'autre son couteau, Comme un essaim chantant d'histrions en voyage Dont le groupe décroît derrière le coteau. « Mais toi, rien ne t'efface, amour ! toi qui nous charmes, Toi qui, torche ou flambeau, luis dans notre brouillard ! Tu nous tiens par la joie, et surtout par les larmes ; Jeune homme on te maudit, on t'adore vieillard. « Dans ces jours où la tête au poids des ans s'incline, Où l'homme, sans projets, sans but, sans visions, Sent qu'il n'est déjà plus qu'une tombe en ruine Où gisent ses vertus et ses illusions ; « Quand notre âme en rêvant descend dans nos entrailles, Comptant dans notre cœur, qu'enfin la glace atteint, Comme on compte les morts sur un champ de batailles, Chaque douleur tombée et chaque songe éteint, « Comme quelqu'un qui cherche en tenant une lampe, Loin des objets réels, loin du monde rieur, Elle arrive à pas lents par une obscure rampe Jusqu'au fond désolé du gouffre intérieur ; « Et là, dans cette nuit qu'aucun rayon n'étoile, L'âme, en un repli sombre où tout semble finir, Sent quelque chose encor palpiter sous un voile... C'est toi qui dors dans l'ombre, ô sacré souvenir ! » Le 21 octobre 1837.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    À un voyageur Ami, vous revenez d'un de ces longs voyages Qui nous font vieillir vite, et nous changent en sages Au sortir du berceau. De tous les océans votre course a vu l'onde, Hélas ! et vous feriez une ceinture au monde Du sillon du vaisseau. Le soleil de vingt cieux a mûri votre vie. Partout où vous mena votre inconstante envie, Jetant et ramassant, Pareil au laboureur qui récolte et qui sème, Vous avez pris des lieux et laissé de vous-même Quelque chose en passant ! Tandis que votre ami, moins heureux et moins sage, Attendait des saisons l'uniforme passage Dans le même horizon, Et comme l'arbre vert qui de loin la dessine, A sa porte effeuillant ses jours, prenait racine Au seuil de sa maison. Vous êtes fatigué, tant vous avez vu d'hommes ! Enfin vous revenez, las de ce que nous sommes, Vous reposer en Dieu. Triste, vous me contez vos courses infécondes, Et vos pieds ont mêlé la poudre de trois mondes Aux cendres de mon feu. Or, maintenant, le cœur plein de choses profondes, Des enfants dans vos mains tenant les têtes blondes, Vous me parlez ici, Et vous me demandez, sollicitude amère ! - Où donc ton père ? où donc ton fils ? où donc ta mère ? - Ils voyagent aussi ! Le voyage qu'ils font n'a ni soleil, ni lune ; Nul homme n'y peut rien porter de sa fortune, Tant le maître est jaloux ! Le voyage qu'ils font est profond et sans bornes, On le fait à pas lents, parmi des faces mornes, Et nous le ferons tous ! J'étais à leur départ comme j'étais au vôtre. En diverses saisons, tous trois, l'un après l'autre, Ils ont pris leur essor. Hélas ! j'ai mis en terre, à cette heure suprême, Ces têtes que j'aimais. Avare, j'ai moi-même Enfoui mon trésor. Je les ai vus partir. J'ai, faible et plein d'alarmes, Vu trois fois un drap noir semé de blanches larmes Tendre ce corridor ; J'ai sur leurs froides mains pleuré comme une femme. Mais, le cercueil fermé, mon âme a vu leur âme Ouvrir deux ailes d'or ! Je les ai vus partir comme trois hirondelles Qui vont chercher bien loin des printemps plus fidèles Et des étés meilleurs. Ma mère vit le ciel, et partit la première, Et son œil en mourant fut plein d'une lumière Qu'on n'a point vue ailleurs. Et puis mon premier-né la suivit ; puis mon père, Fier vétéran âgé de quarante ans de guerre, Tout chargé de chevrons. Maintenant ils sont là, tous trois dorment dans l'ombre, Tandis que leurs esprits font le voyage sombre, Et vont où nous irons ! Si vous voulez, à l'heure où la lune décline, Nous monterons tous deux la nuit sur la colline Où gisent nos aïeux. Je vous dirai, montrant à votre vue amie La ville morte auprès de la ville endormie : Laquelle dort le mieux ? Venez ; muets tous deux et couchés contre terre, Nous entendrons, tandis que Paris fera taire Son vivant tourbillon, Ces millions de morts, moisson du fils de l'homme, Sourdre confusément dans leurs sépulcres, comme Le grain dans le sillon ! Combien vivent joyeux qui devaient, sœurs ou frères, Faire un pleur éternel de quelques ombres chères ! Pouvoir des ans vainqueurs ! Les morts durent bien peu. Laissons-les sous la pierre ! Hélas ! dans le cercueil ils tombent en poussière Moins vite qu'en nos cœurs ! Voyageur ! voyageur ! Quelle est notre folie ! Qui sait combien de morts à chaque heure on oublie ? Des plus chers, des plus beaux ? Qui peut savoir combien toute douleur s'émousse, Et combien sur la terre un jour d'herbe qui pousse Efface de tombeaux ? Le 6 juillet 1829.

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    Victor Segalen

    Victor Segalen

    @victorSegalen

    Conseils au bon voyageur Ville au bout de la route et route prolongeant la ville : ne choisis donc pas l'une ou l'autre, mais l'une et l'autre bien alternées. Montagne encerclant ton regard le rabat et le contient que la : plaine ronde libère. Aime à sauter roches et marches ; mais caresse les dalles où le pied pose bien à plat. Repose-toi du son dans le silence, et, du silence, daigne revenir au son. Seul si tu peux, si tu sais être seul, déverse-toi parfois jusqu'à la foule. Garde bien d'élire un asile. Ne crois pas à la, vertu d’une vertu durable : romps-la de quelque forte épice qui brûle et morde et donne un goût même à la fadeur. Ainsi, sans arrêt ni faux pas, sans licol et sans étable, sans mérites ni peines, tu parviendras, non point, ami, au marais des joies immortelles, Mais aux remous pleins d'ivresses du grand fleuve Diversité.

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    Voltaire

    Voltaire

    @voltaire

    À Monsieur le comte Algarotti Lorsque ce grand courrier de la philosophie, Condamine l’observateur, De l’Afrique au Pérou conduit par Uranie, Par la gloire, et par la manie, S’en va griller sous l’équateur, Maupertuis et Clairaut, dans leur docte fureur, Vont geler au pôle du monde. Je les vois d’un degré mesurer la longueur, Pour ôter au peuple rimeur Ce beau nom de machine ronde, Que nos flasques auteurs, en chevillant leurs vers, Donnaient à l’aventure à ce plat univers. Les astres étonnés, dans leur oblique course, Le grand, le petit Chien, et le Cheval, et l’Ourse, Se disent l’un à l’autre, en langage des cieux :  » Certes, ces gens sont fous, ou ces gens sont les dieux. «  Et vous, Algarotti, vous, cygne de Padoue, Élève harmonieux du cygne de Mantoue, Vous allez donc aussi, sous le ciel des frimas, Porter, en grelottant, la lyre et le compas, Et, sur des monts glacés traçant des parallèles, Faire entendre aux Lapons vos chansons immortelles ? Allez donc, et du pôle observé, mesuré, Revenez aux Français apporter des nouvelles. Cependant je vous attendrai, Tranquille admirateur de votre astronomie, Sous mon méridien, dans les champs de Cirey, N’observant désormais que l’astre d’Émilie. Échauffé par le feu de son puissant génie, Et par sa lumière éclairé, Sur ma lyre je chanterai Son âme universelle autant qu’elle est unique ; Et j’atteste les cieux, mesurés par vos mains, Que j’abandonnerais pour ses charmes divins L’équateur et le pôle arctique.

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    Walt Whitman

    Walt Whitman

    @waltWhitman

    En voyage par les Etats En voyage par les Etats, nous sommes sur le départ (Ce sont nos chants qui nous poussent par le monde, mais oui, Qui nous font embarquer vers les pays, les mers du globe entier), Volontiers élèves de tous, professeurs de tous, amants de tous. Nous avons regardé s’éloigner les saisons dispensatrices d’elles-mêmes, Nous avons dit, pourquoi un homme une femme ne produiraient-ils pas autant que les saisons, ne diffuseraient-ils pas autant ? Nous posons un peu dans chaque cité chaque ville, Nous traversons le Kanada, le Nord-Est, la vaste vallée du Mississippi, les Etats du Sud, Nous conférons d’égal à égal avec chacun des Etats, Nous sommes nos propres juges, invitons les femmes les hommes à écouter, Nous nous disons à nous-mêmes : Souviens-toi, ne crains rien, sois droit, promulgue le corps et l’âme, Pose un instant passe ta route, sois copieux, tempéré, chaste, magnétique, Ce que tu diffuseras reviendra comme les saisons reviennent, Aura peut-être un jour l’importance des saisons.

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    Winston Perez

    @winstonPerez

    Expériences Je marchais seul par dessus les étoiles et crachais le feu que les hommes pleurent encore Je vivais comme un Etre démuni d’espérance et soufflait dans le vide jusqu’à ne plus souffrir J’éprouvais tous les maux comme on aime les autres et soulevait l’Ordalie sur un Géant d’Acier Je dormais sans dormir dans les limbes d’antan et voyageait sans vivre au firmament d’un corps Je parlais mille langues inconnues et immondes et me réveillait nu au milieu de l’Aurore J’avais encore espoir que le temps m’abandonne et voulais terminer avec l’infiniment perdu

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    Winston Perez

    @winstonPerez

    Fuite Et Je me suis enfui Je suis devenu Sphinx Et mille ans sont passés au doux son de Syrinx Et Je me suis enfui J’ai accosté à Tyr Et quand le soleil fût je ressortis ma Lyre Et je me suis enfui Et coupait au silex Je m’enivrai la nuit des horizons convexes Et je me suis enfui Pour ne jamais revoir l’Aube

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    Winston Perez

    @winstonPerez

    L’aventure est d’abord humaine L’aventure est d’abord humaine Océan de vie, océan de paix L’aventure est d’abord humaine Cris de temps passé aux lisières des prés L’aventure est d’abord humaine Comme tous les solstices qui ont précédé L’aventure est d’abord humaine Fleuve d’harmonie, fleuve d’éternité L’aventure est d’abord humaine Alchimie d’amour, désirs d’Absolu L’aventure est d’abord humaine Désespoirs palpables, vifs, jaunes, crus L’aventure est d’abord humaine Désirs d’Olympe paraissant fanés L’aventure est d’abord humaine Riches, pourpres, exilés L’aventure est d’abord humaine Des anciens temps aux nouveaux essors L’aventure est d’abord humaine D’absurde éclipses de sommeils morts L’aventure est d’abord humaine C’est la réalité qu’un jour les Dieux ont convoité L’aventure est d’abord humaine Absence de funambule, de rythmes sots, brusques, ancrés L’aventure est d’abord humaine Dans une église ou bien un Mausolée L’aventure est d’abord humaine Symbôle d’obélisques qui arrachent le ciel L’aventure est d’abord humaine Lames coupantes et dures, face à l’Eternel L’aventure est d’abord humaine Comme si un jour nous obtenions le Feu L’aventure est d’abord humaine Ne restera qu’un chiffre pur, ce sera Deux

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    Winston Perez

    @winstonPerez

    Surexpositions dans le désert de Namib Vitesse 250 Perte d’essentiel Trafic d’absurde Je sème mes sonates Et je m’acquitte de la perte De ce luxe De ces trottoirs de républiques tristes Ces entonnoirs livides et perplexes je suis sûr de moi, d’eux, d’elle Et, J’ai brûlé, j’ai senti, j’ai parlé avec la myrrhe, l’oliban, le benjoin Les vagues m’ont vaincu ont englouti mon âme Quand j’ai traversé les dunes du désert de Namib

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