Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
Et rien de Rome en Rome n'aperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois,
Et ces vieux murs, c'est ce que Rome on nomme.
Vois quel orgueil, quelle ruine : et comme
Celle qui mit le monde sous ses lois,
Pour dompter tout, se dompta quelquefois,
Et devint proie au temps, qui tout consomme.
Rome de Rome est le seul monument,
Et Rome Rome a vaincu seulement.
Le Tibre seul, qui vers la mer s'enfuit,
Reste de Rome. O mondaine inconstance !
Ce qui est ferme, est par le temps détruit,
Et ce qui fuit, au temps fait résistance.
il y a 9 mois
Johann Wolfgang von Goethe
@johannWolfgangVonGoethe
Chant de tempête du voyageur Celui que tu n’abandonnes pas, Génie,
Ni la pluie ni la tempête
Ne souffleront la frayeur en ton cœur.
Celui que tu n’abandonnes pas, Génie,
A la nuée d’averse,
A la bourrasque de grêle
Opposera sa chanson,
Comme l’alouette,
Ô toi, tout là-haut.
Celui que tu n’abandonnes pas, Génie,
Tu le soulèveras au-dessus du sentier fangeux
Avec les ailes de feu.
Il passera
Comme, marchant sur des fleurs
Sur le déluge boueux de Deucalion
Et tuant Python, léger, grand,
Pythius Apollo.
Celui que tu n’abandonnes pas, Génie,
Tu déplieras sous lui tes laines neigeuses
Quand il dormira sur la roche,
Tu le couvriras d’une laine protectrice
Dans la minuit du bois.
Celui que tu n’abandonnes pas, Génie,
Dans les tourbillons de neige,
Tu l’envelopperas de chaleur,
C’est vers la chaleur que vont les Muses,
Vers la chaleur que vont les Charites*.
Ô Muses, entourez-moi,
Ô Charites !
Voici l’eau, voici la terre,
Et voici le fils de l’eau et de la terre
Sur laquelle je vais
Pareil aux Dieux.
Vous êtes pures comme le cœur des eaux,
Vous êtes pures comme la moelle de la terre,
Vous volez autour de moi et je vole moi-même
Au-dessus de l’eau, au-dessus de la terre,
Pareil aux Dieux
* Charites : Nom grec des Grâces
il y a 9 mois
J
José Maria de Heredia
@joseMariaDeHeredia
La trebbia L'aube d'un jour sinistre a blanchi les hauteurs.
Le camp s'éveille. En bas roule et gronde le fleuve
Où l'escadron léger des Numides s'abreuve.
Partout sonne l'appel clair des buccinateurs.
Car malgré Scipion, les augures menteurs,
La Trebbia débordée, et qu'il vente et qu'il pleuve,
Sempronius Consul, fier de sa gloire neuve,
A fait lever la hache et marcher les licteurs.
Rougissant le ciel noir de flamboîments lugubres,
A l'horizon, brûlaient les villages Insubres ;
On entendait au loin barrir un éléphant.
Et là-bas, sous le pont, adossé contre une arche,
Hannibal écoutait, pensif et triomphant,
Le piétinement sourd des légions en marche.
il y a 9 mois
J
José Maria de Heredia
@joseMariaDeHeredia
Les conquérants Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;
Ou penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.
il y a 9 mois
Jules Laforgue
@julesLaforgue
Complainte de la lune en province Ah! la belle pleine Lune,
Grosse comme une fortune !
La retraite sonne au loin,
Un passant, monsieur l’adjoint ;
Un clavecin joue en face,
Un chat traverse la place :
La province qui s’endort !
Plaquant un dernier accord,
Le piano clôt sa fenêtre.
Quelle heure peut-il bien être ?
Calme Lune, quel exil !
Faut-il dire : ainsi soit-il ?
Lune, ô dilettante Lune,
À tous les climats commune,
Tu vis hier le Missouri,
Et les remparts de Paris,
Les fiords bleus de la Norvège,
Les pôles, les mers, que sais-je ?
il y a 9 mois
Julien Gracq
@julienGracq
La vie de Voyage Nous quittions la ville vers trois heures du matin, quand les maisons ténébreuses des avenues se relancent de façade en façade les oiseaux de nuit, comme un tir aux pigeons
de coussins de soie. L'aube se levait en ruban de lumière bleue sur les rails d'un tramway des faubourgs, — mais, dès avant la terre promise, le ciel change ! c'est la pluie sur
les vitrages d'un hôtel désaffecté de la plage, le déjeuner de pain gris sur lequel la mer fait le bruit des larmes.
A qui s'en prendre ? tout désorientés, perplexes, nous faisons les cent pas sur l'estacade, en jetant nos morceaux de pain dans la mer. Voici : maintenant j'ai jeté sur mes
épaules la pèlerine des pauvres, rattaché mes chaussures au coin amer d'une borne, et, tout seul maintenant sous la gargoulette des gouttières, j'attends l'heure de
l'ouverture des épiceries.
il y a 9 mois
J
Juteau Monique
@juteauMonique
Comme dans un yaourtière Note d’existence : Paris / Lyon, je mets de l'ordre dans mes idées. J'essaie de rester poète sans faire d'histoire. Pas facile. Le train porte à la narration.
Dans un TGV. Bien fermé. À température contrôlée. Entre deux vitesses au carré. Je mélange rues, musées, adieux et souvenirs. Longuement sans réfléchir. Comme lorsqu'on brasse un yogourt. Pour ramener les fruits à la surface.
Arrivent les tunnels. Leurs noirceurs et traînées d’égarements. Suivent les rectangles de ciel. Les confettis de lumière. Volent dans les airs les panneaux réclames. Les machines à laver. À découdre le temps.
La ville meurt dans les banlieues. Où l'on parle verlan dans des appartements avec ou sans balcons. Où faire pousser la menthe. Où ranger les vieux principes. Les théières qui ne servent plus. Les bonheurs qui fuient.
Le train me yaourte. Caille mes dires. Un autre rempart. Coupe le son. Plus rien. Qu'un lot d’absurdes détresses. À cause du béton.
Le paysage revient. Plante des siècles. Des clochers. Des dates à retenir. Avant la guerre de Cent Ans. Après Louis XVI. Sous le cycle de Robespierre.
Je me sens devenir poire. Plus encore. Pulpe de matière grise. Moments d’oubli. Que je brasse pour ramener à la mémoire les chronologies si compliquées de la liberté.
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Hospitalité Ne soyez pas trop sévères
avec vos frères
Ils arrivent sur des bateaux de fortune
quelque part sur notre Terre
ne demandent pas la lune
juste le gîte
et le couvert
Nous sommes tous issus
du même père
et devons rendre des comptes
à la même messagère
qui nous rappelle
que nous sommes éphémères
Alors ce mépris et cette colère
de la part de ceux qui seront
la proie du feu ou des vers
demeurent un mystère
Ne soyez pas trop sévères
Demain peut-être
la misère et la mer
à la langue amère
vous parleront
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Jour d’été Gravir la dune
les bronches emplies
d’air marin
puis découvrir là-bas
le miroir bleu aux rides
crêtées d’écume
et son argent éblouissant
Descendre vers la plage
s’asseoir sur le sable
être cet infime témoin
de l’harmonie des couleurs
et de la matière
Regarder l’horizon
et rêver de partir
seulement rêver
Rien ne vaut
le voyage immobile
déchiré du cri soudain
de la mouette
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Les clandestins Des hommes pour la plupart
martyrs du hasard
par une nuit sans lune
sur des esquifs de fortune
commencent leur fuite incertaine
organisée par le passeur
alliance d’argent et de haine
On raconte qu’il est une terre
remède à leur malheur
où la satiété est reine
Femme, enfant, père et mère
laissés dans leur contrée lointaine
attendront
que par ces héros
l’abondance advienne
A vous qui faites ripaille
sourds aux damnés de la faim
à vous qui livrez
une inégale bataille
à ceux qui vous tendent la main
accueillez dans vos forteresses
un peu de leur grande détresse
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Migrant Avant de partir
il a enterré les sentiments
et les rires
les bons souvenirs aussi
Il ne peut songer au pays natal
sans frémir
de dégoût
La misère l’a poussé à bout
Il est aujourd’hui debout
sur ce promontoire
son désespoir
qui surplombe
la Méditerranée
cette mer où ont sombré
tous ses frères
inconnus
ces damnés qui ont préféré
le tombeau d’un ventre vorace
à la faim et au désoeuvrement
sous leur létal soleil
et aux jours pareils
d’infernal tourment
Avant de partir
il a vomi son présent
et s’est offert en sacrifice
à l’avenir
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Voyage A Paris
mon pas décroît
dans le crépuscule
de vivre
Sous la cruauté d’un ciel
gris
malgré l’indifférence
et l’odyssée souterraine
mon corps vieux navire
traverse l’année
en fendant les flots
de l’espérance
pour atteindre l’autre rive
son soleil ami
et baigner l’âme
dans le bleu de ses cieux
il y a 9 mois
K
Kieran Wall
@kieranWall
Métro Assise, jambes encollantées
Repliées sous elle, elle médite.
Ses yeux noirs médusants évitent
Soigneusement de me hanter.
Elle fait en fait semblant de lire,
Son regard a perdu la trace
Des mots ; le rêve a pris leur place
Pendant que Londres nous aspire.
Après que sauve déposée,
Dans un sourire à peine osé,
Elle me fait son au revoir,
Les rails reprennent mouvement.
Et Londres inéluctablement
Approche, luisant dans le soir.
il y a 9 mois
L
Laetitia Sioen
@laetitiaSioen
Clando destin Sombre tristesse à l’aube de la décadence
Un bout de trottoir comme terre d’asile,
Seul refuge d’un espoir.
Dans cette jungle de marchandage on abat des humains.
Les frontières se dressent comme les murs d’une prison.
Après avoir parcouru les mers, les montagnes, les campagnes, les villes,
Mon ami de passage est un ennemi sans papiers.
On a arraché ses racines et violé son innocence,
Coupable de vivre en recherche d’une terre d’accueil.
Regarde l’ami Clandestin,
C’est un enfant du monde,
Pour une seule nation.
il y a 9 mois
L
Laetitia Sioen
@laetitiaSioen
Entre les eaux Je me suis endormie
Sur le parquet flottant
La houle de mon radeau
A fait lever les flots
Mon bateau de papier
Au sommet de mes voiles
Flotte vers l’arrimage
Le rivage en écho
Une vague qui déferle
Me réveille brusquement
Entre les eaux
Je suis un être libre
Qui avance
Contre vents et marrées
Les fragments de ma vie
Dans l’ascenseur céleste
Vogue et m’emporte
Là où le vent me guide
Dans la candeur vagabonde
Là où je m’abandonne
Dans l’inconnue beauté
Dans un monde en suspend
il y a 9 mois
L
Louise Ackermann
@louiseAckermann
Bel astre voyageur À La Comète de 1861
Bel astre voyageur, hôte qui nous arrives
Des profondeurs du ciel et qu’on n’attendait pas,
Où vas-tu ? Quel dessein pousse vers nous tes pas ?
Toi qui vogues au large en cette mer sans rives,
Sur ta route, aussi loin que ton regard atteint,
N’as-tu vu comme ici que douleurs et misères ?
Dans ces mondes épars, dis ! avons-nous des frères ?
T’ont-ils chargé pour nous de leur salut lointain ?
Ah ! quand tu reviendras, peut-être de la terre
L’homme aura disparu. Du fond de ce séjour
Si son œil ne doit pas contempler ton retour,
Si ce globe épuisé s’est éteint solitaire,
Dans l’espace infini poursuivant ton chemin,
Du moins jette au passage, astre errant et rapide,
Un regard de pitié sur le théâtre vide
De tant de maux soufferts et du labeur humain.
il y a 9 mois
M
Maëlle Ranoux
@maelleRanoux
Se pétrir d’un voyage Je me souviens de l’océan
Chaud et doux,
S’entêtant à me séduire,
S’allongeant sur mes rêves.
Face aux torrents agités, crissants, d’ici,
Je me souviens de la vie là-bas,
Légère,
Fluide comme une rivière,
Traversante,
Dans un horizon sans barrière.
Je me souviens aussi,
Du souvenir de vous,
Mes êtres demeures,
Comme des arbres absents,
Dont l’ombre fraîche manquait sur mes rives.
Je me souviens de l’océan.
Je me souviens de vous absents.
Je me souviens encore de ceux,
Là-bas,
Restés sous le soleil ardent,
Sur les rives de ma rivière absente.
*
Mais, quelle est cette mélodie ?
Oui, je la reconnais,
C’est la triste mélodie du départ
C’est la joyeuse mélodie de l’ailleurs
Elle me pose, elle m’apaise, elle m’étreint, elle m’appelle,
Elle porte mon chagrin, elle transporte mon espoir.
*
Vos lignes monotones
M’animent !
Vos chemins chauds
M’envolent !
Votre hiver glaçant
M’échauffe !
Votre été bouillant
M’exalte
Vos grises mines
M’amusent !
Vos âmes,
à moi me lient,
à moi m’attachent,
à vous m’attachent.
*
il y a 9 mois
M
Mohammed Dib
@mohammedDib
A un voyageur 1. lieu de mémoire
entre les maisons du jour
et les feux de dernière main
ressac de splendeurs sur les collines
dont la cendre colporte le souvenir
la saison a flambé derrière toi
le soleil s’écaille à te chercher
c’est le temps opaque de la terre
c’est le temps de la suie étalée
un archipel noir et perdu
de doutes se hâte de souffler
la dernière lampe allumée
qui délire dans les dunes du nord
2. pour vivre
l’or de la fatigue peut-être
l’arme candide muette plus loin
l’entre-temps d’une neige
annoncée à cris dévorants
ce songe de vérité peut-être
son aurore aux mains de louve
tu vas avec d’autres gestes
recevoir ton exil d’une blancheur
habitée par quelques oiseaux
il y a 9 mois
N
Nadia Ben Slima
@nadiaBenSlima
Conversation masquée Si La nuit rime avec la mort
l’oubli prouvera que tu as tort
Si la mort défie ton ennui
Ne lui cède pas ton âme et ta vie
À l’ennui, à la mort
À la vie, à l’envie
schizophrénique
hypothétique
Lorsque le masque tombera
Seule la ferveur restera
C’est impétueux, cette cérémonieuse envie de partir
Une illusion pour tes sourires,
Languir
Puis sourire
Le masque ne sied à ravir
Qu’à ceux capables de s’en démunir
il y a 9 mois
O
Okba Naji
@okbaNaji
Estran La falaise est muette au mouvement de l’eau,
Les vagues soufflent le sable de tout leur corps,
Vers un cortège de voiliers
Qui pendule au repos,
Les phares sont éteints
Et la lumière diffuse
Le sable est marqué
Par le pas du promeneur,
Et la vague inscrit son œuvre
Sur ces clartés océanes
Que dispense le ciel...
Estran
Bretagne
il y a 9 mois
Oscar Wilde
@oscarWilde
Impression de voyage La mer avait la couleur du saphir, et le ciel, dans
l’air, brûlait comme une opale chauffée : nous
hissâmes la voile ; le vent soufflait avec force du
côté des pays bleus qui s’étendent vers l’Orient.
De la proue escarpée, je remarquai, avec, une attention
plus vive, Zacynthos, et chaque bois d’olivier,
et chaque baie, les falaises d’Ithaque, et le
pic neigeux de Lycaon, et toutes les collines de
l’Arcadie avec leur parure de fleurs.
Le battement de la voile contre le mât, et les
ondulations qui se faisaient dans l’eau sur les côtés,
et les ondulations dans le rire des jeunes filles, à
l’avant,
pas d’autres bruits. Quand l’Occident s’embrasa
et un rouge soleil se balança sur les mers, j’étais,
enfin, sur le sol de la Grèce.
il y a 9 mois
Oscar Wilde
@oscarWilde
Italia Italie ! tu es déchue, bien que toutes hérissées de
lances brillantes, tes armées marchent à grand fracas
des Alpes du Nord jusqu’aux flots siciliens !
Oui, déchue, bien que les nations te saluent reine,
parce que l’on voit l’or faire briller ta richesse
dans toutes les villes, et que sur ton lac de saphir,
d’un air allier, sous le vent qui enfle leurs voiles,
naviguent par milliers tes galères, sous l’unique
drapeau rouge, blanc et vert.
Belle et forte ! Mais belle et forte en vain ! Porte
ton regard vers le Sud, où Rome, ville profanée,
attend en vêtement de deuil un roi oint par Dieu.
Lève ton regard au ciel ; Dieu permettra-t-il une
telle chose ? Non, mais quelque Raphaël ceint de
flamme va descendre, et frapper le Profanateur
avec l’épée du châtiment.
il y a 9 mois
Pablo Neruda
@pabloNeruda
Il meurt lentement Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
grâce à ses yeux.Il meurt lentement
celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider.
Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l’habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
de ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnuIl meurt lentement
celui qui évite la passion
et son tourbillon d’émotions
celles qui redonnent la lumière dans les yeux
et réparent les coeurs blessés
Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap
lorsqu’il est malheureux
au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
n’a fui les conseils sensés.
Vis maintenant!
Risque-toi aujourd’hui!
Agis tout de suite!
Ne te laisse pas mourir lentement!
Ne te prive pas d’être heureux!
il y a 9 mois
Paul-Jean Toulet
@paulJeanToulet
Vous qui retournez du Cathai Vous qui retournez du Cathai
Par les Messageries,
Quand vous berçaient à leurs féeries
L'opium ou le thé,
Dans un palais d'aventurine
Où se mourait le jour,
Avez-vous vu Boudroulboudour,
Princesse de la Chine,
il y a 9 mois
Paul Verlaine
@paulVerlaine
En bateau L’étoile du berger tremblote
Dans l’eau plus noire et le pilote
Cherche un briquet dans sa culotte.
C’est l’instant, Messieurs, ou jamais,
D’être audacieux, et je mets
Mes deux mains partout désormais !
Le chevalier Atys, qui gratte
Sa guitare, à Chloris l’ingrate
Lance une oeillade scélérate.
L’abbé confesse bas Eglé,
Et ce vicomte déréglé
Des champs donne à son coeur la clé.
Cependant la lune se lève
Et l’esquif en sa course brève
File gaîment sur l’eau qui rêve.
il y a 9 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
En voyage Je partais pour un long voyage.
En wagon, tapi dans mon coin,
J'écoutais fuir l'aigu sillage
Du sifflet dans la nuit, au loin ;
Je goûtais la vague indolence,
L'état obscur et somnolent,
Où fait tomber sans qu'on y pense
Le train qui bourdonne en roulant ;
Et je ne m'apercevais guère,
Indifférent de bonne foi,
Qu'une jeune fille et sa mère
Faisaient route à côté de moi.
Elles se parlaient à voix basse :
C'était comme un bruit de frisson,
Le bruit qu'on entend quand on passe
Près d'un nid le long d'un buisson ;
Et bientôt elles se blottirent,
Leurs fronts l'un vers l'autre penchés,
Comme deux gouttes d'eau s'attirent
Dès que les bords se sont touchés ;
Puis, joue à joue, avec tendresse,
Elles se firent toutes deux
Un oreiller de leur caresse,
Sous la lampe aux rayons laiteux.
L'enfant, sur le bras de ma stalle,
Avait laissé poser sa main
Qui reflétait, comme une opale,
La moiteur d'un jour incertain ;
Une main de seize ans à peine :
La manchette l'ombrait un peu ;
L'azur, d'une petite veine,
La nuançait comme un fil bleu ;
Elle pendait, molle et dormante,
Et je ne sais si mon regard
Pressentit qu'elle était charmante
Ou la rencontra par hasard,
Mais je m'étais tourné vers elle,
Sollicité sans le savoir :
On dirait que la grâce appelle
Avant même qu'on l'ait pu voir.
« Heureux, me dis-je, le touriste
Que cette main-là guiderait ! »
Et ce songe me rendait triste :
Un vœu n'éclôt que d'un regret.
Cependant glissaient les campagnes
Sous les fougueux rouleaux de fer,
Et le profil noir des montagnes
Ondulait ainsi qu'une mer.
Force étrange de la rencontre !
Le cœur le moins prime-sautier,
D'un lambeau d'azur qui se montre,
Improvise un ciel tout entier :
Une enfant dort, une étrangère,
Dont la main paraît à demi,
Et ce peu d'elle me suggère
Un vœu d'un bonheur infini !
Je la rêve, inconnue encore,
Sur ce peu de réalité,
Belle de tout ce que j'ignore
Et du possible illimité...
Je rêve qu'une main si blanche,
D'un si confiant abandon,
Ne peut-être que sûre et franche,
Et se donnerait tout de bon.
Bienheureux l'homme qu'au passage
Cette main fine enchaînerait !
Calme à jamais, à jamais sage...
— Vitry ! Cinq minutes d'arrêt !
À ces mots criés sur la voie,
Le couple d'anges s'éveilla,
Battit des ailes avec joie,
Et disparut. Je restai là.
Cette enfant, qu'un autre eût suivie,
Je me la laissais enlever.
Un voyage ! Telle est la vie
Pour ceux qui n'osent que rêver.
il y a 9 mois
R
Renee Vivien
@reneeVivien
En débarquant à Mytilène Du fond de mon passé, je retourne vers toi,
Mytilène, à travers les siècles disparates,
T’apportant ma ferveur, ma jeunesse et ma foi,
Et mon amour, ainsi qu’un présent d’aromates,
Mytilène, à travers les siècles disparates,
Du fond de mon passé, je retourne vers toi.
Je retrouve tes flots, tes oliviers, tes vignes,
Et ton azur où je me fonds et me dissous,
Tes barques, et tes monts avec leurs nobles lignes,
Tes cigales aux cris exaspérés et fous,
Sous ton azur, où je me fonds et me dissous,
Je retrouve tes flots, tes oliviers, tes vignes.
Reçois dans tes vergers un couple féminin,
Île mélodieuse et propice aux caresses,
Parmi l’asiatique odeur du lourd jasmin,
Tu n’as point oublié Psappha ni ses maîtresses,
Ile mélodieuse et propice aux caresses,
Reçois dans tes vergers un couple féminin.
Lesbos aux flancs dorés, rends-nous notre âme antique,
Ressuscite pour nous les lyres et les voix,
Et les rires anciens, et l’ancienne musique
Qui rendit si poignants les baisers d’autrefois,
Toi qui gardes l’écho des lyres et des voix,
Lesbos aux flancs dorés, rends-nous notre âme antique,
Évoque les péplos ondoyant dans le soir,
Les lueurs blondes et rousses des chevelures,
La coupe d’or et les colliers et le miroir,
Et la fleur d’hyacinthe et les faibles murmures,
Évoque la clarté des belles chevelures
Et les légers péplos qui passaient, dans le soir,
Quand, disposant leurs corps sur tes lits d’algues sèches,
Les amantes jetaient des mots las et brisés,
Tu mêlais tes odeurs de roses et de pêches
Aux longs chuchotements qui suivent les baisers,
À notre tour, jetant des mots las et brisés,
Nous disposons nos corps sur tes lits d’algues sèches,
Mythilène, parure et splendeur de la mer,
Comme elle versatile et comme elle éternelle,
Sois l’autel aujourd’hui des ivresses d’hier,
Puisque Psappha couchait avec une immortelle,
Accueille-nous avec bonté, pour l’amour d’elle,
Mytilène, parure et splendeur de la mer !
il y a 9 mois
R
Régis Boury
@regisBoury
La camargue et le hoggar Pays de vents, d'eaux vives
Où courent chevaux et taureaux ivres :
Vaste plaine aimée, oubliée des dieux
Endormie entre ses deux rives...
(Pour faire un château,
Prends ta pelle et ton seau.)
... Pays de sable, grand désert brûlant
Où le cri s'entend, résonne, se perd
De montagne en dune
Au rebond du mauvais gré d'Echo,
Caprice d'humeur à la dame Fortune.
regarde !
Ecoute !
26 janvier 1998
zadig 92000
il y a 9 mois
S
Sabine Sicaud
@sabineSicaud
Chemins de l’Ouest Pour qui vous a-t-on faits, grands chemins de l’Ouest ?
chemins de liberté que l’on suppose tels
et qui mentez sans doute…
Espaces où surgit le Popocatepelt,
où le noir séquoïa cerne d’étranges routes,
où la faune et la flore ont de si vastes ciels
que l’homme ne sait plus à quel étage vivre.
Chemins de liberté que nous supposons libres.
À travers les Pampas court mon cheval sans bride,
mais la ville géante a ses réseaux de feu,
et les jeunes mortels faits de toutes les races
ont leurs lassos, leurs murs, leur pères et leurs dieux.
Des » Trois Puntas » à la mer des Sargasses,
Amériques du Sud, du Nord,
pays des toisons d’or, des mines d’or, de l’or
qui fait l’homme libre et l’esclave,
le Pampero peut-être ignore les entraves
et l’aigle boréal, les pièges du chasseur…
Mais, ô ma liberté, plus chère qu’une soeur,
c’est en moi que tu vis, sereine et sédentaire,
pendant que les chemins font le tour de la terre.
il y a 9 mois
S
Sabine Sicaud
@sabineSicaud
Chemins du Nord Lorsque « je pâlissais au nom de Vancouver »
et que j’étais du Nord
trop de froid traversait ma pelisse d’hiver
et mon bonnet de bêtes mortes.
Mes frères chassaient les oursons
jusqu’au fond des grottes de fées ;
du sang parlait sous leurs trophées,
les Tomtes se cachaient, le vent hurlait aux portes
et la glace barrait les fjords
lorsque j’étais du Nord.
Murs blancs du froid, prison.
Je ne voyais jamais passer Nils Holgersson.
Selma, Selma, pourquoi m’aviez-vous oubliée ?
Il fallait naître à Morbacka, le jour de Pâques.
Je savais bien pourtant que j’étais conviée…