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Voyages

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Voyages

Poésies de la collection voyages

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le vaisseau d’or Ce fut un grand Vaisseau taillé dans l’or massif: Ses mâts touchaient l’azur, sur des mers inconnues; La Cyprine d’amour, cheveux épars, chairs nues S’étalait à sa proue, au soleil excessif. Mais il vint une nuit frapper le grand écueil Dans l’Océan trompeur où chantait la Sirène, Et le naufrage horrible inclina sa carène Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil. Ce fut un Vaisseau d’Or, dont les flancs diaphanes Révélaient des trésors que les marins profanes, Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputés. Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ? Qu’est devenu mon coeur, navire déserté ? Hélas! Il a sombré dans l’abîme du Rêve !

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le voyageur À mon père Las d’avoir visité mondes, continents, villes, Et vu de tout pays, ciel, palais, monuments, Le voyageur enfin revient vers les charmilles Et les vallons rieurs qu’aimaient ses premiers ans. Alors sur les vieux bancs au sein des soirs tranquilles, Sous les chênes vieillis, quelques bons paysans, Graves, fumant la pipe, auprès de leurs familles Ecoutaient les récits du docte aux cheveux blancs. Le printemps refleurit. Le rossignol volage Dans son palais rustique a de nouveau chanté, Mais les bancs sont déserts car l’homme est en voyage. On ne le revoit plus dans ses plaines natales. Fantôme, il disparut dans la nuit, emporté Par le souffle mortel des brises hivernales.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Le voyage Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages. Le soir se fait, un soir ami du paysage, Où les bateaux, sur le sable du port, En attendant le flux prochain, dorment encor. Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées, Au fouet soudain des montantes marées ! Oh ce regonflement de vie immense et lourd Et ces grands flots, oiseaux d’écume, Qui s’abattent du large, en un effroi de plumes, Et reviennent sans cesse et repartent toujours ! La mer est belle et claire et pleine de voyages. A quoi bon s’attarder près des phares du soir Et regarder le jeu tournant de leurs miroirs Réverbérer au loin des lumières trop sages ? La mer est belle et claire et pleine de voyages Et les flammes des horizons, comme des dents, Mordent le désir fou, dans chaque coeur ardent : L’inconnu est seul roi des volontés sauvages. Partez, partez, sans regarder qui vous regarde, Sans nuls adieux tristes et doux, Partez, avec le seul amour en vous De l’étendue éclatante et hagarde. Oh voir ce que personne, avec ses yeux humains, Avant vos yeux à vous, dardés et volontaires, N’a vu ! voir et surprendre et dompter un mystère Et le résoudre et tout à coup s’en revenir, Du bout des mers de la terre, Vers l’avenir, Avec les dépouilles de ce mystère Triomphales, entre les mains ! Ou bien là-bas, se frayer des chemins, A travers des forêts que la peur accapare Dieu sait vers quels tourbillonnants essaims De peuples nains, défiants et bizarres. Et pénétrer leurs moeurs, leur race et leur esprit Et surprendre leur culte et ses tortures, Pour éclairer, dans ses recoins et dans sa nuit, Toute la sournoise étrangeté de la nature ! Oh ! les torridités du Sud – ou bien encor La pâle et lucide splendeur des pôles Que le monde retient, sur ses épaules, Depuis combien de milliers d’ans, au Nord ? Dites, l’errance au loin en des ténèbres claires, Et les minuits monumentaux des gels polaires, Et l’hivernage, au fond d’un large bateau blanc, Et les étaux du froid qui font craquer ses flancs, Et la neige qui choit, comme une somnolence, Des jours, des jours, des jours, dans le total silence. Dites, agoniser là-bas, mais néanmoins, Avec son seul orgueil têtu, comme témoin, Vivre pour s’en aller – dès que le printemps rouge Aura cassé l’hiver compact qui déjà bouge – Trouer toujours plus loin ces blocs de gel uni Et rencontrer, malgré les volontés adverses, Quand même, un jour, ce chemin qui traverse, De part en part, le coeur glacé de l’infini. Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages. Le soir se fait, un soir ami du paysage Où les bateaux, sur le sable du port, En attendant le flux prochain dorment encor… Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées Aux coups de fouet soudains des montantes marées !

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Un matin Dès le matin, par mes grand’routes coutumières Qui traversent champs et vergers, Je suis parti clair et léger, Le corps enveloppé de vent et de lumière. Je vais, je ne sais où. Je vais, je suis heureux ; C’est fête et joie en ma poitrine ; Que m’importent droits et doctrines, Le caillou sonne et luit sous mes talons poudreux ; Je marche avec l’orgueil d’aimer l’air et la terre, D’être immense et d’être fou Et de mêler le monde et tout A cet enivrement de vie élémentaire. Oh ! les pas voyageurs et clairs des anciens dieux ! Je m’enfouis dans l’herbe sombre Où les chênes versent leurs ombres Et je baise les fleurs sur leurs bouches de feu. Les bras fluides et doux des rivières m’accueillent ; Je me repose et je repars, Avec mon guide : le hasard, Par des sentiers sous bois dont je mâche les feuilles. Il me semble jusqu’à ce jour n’avoir vécu Que pour mourir et non pour vivre : Oh ! quels tombeaux creusent les livres Et que de fronts armés y descendent vaincus ! Dites, est-il vrai qu’hier il existât des choses, Et que des yeux quotidiens Aient regardé, avant les miens, Se pavoiser les fruits et s’exalter les roses ! Pour la première fois, je vois les vents vermeils Briller dans la mer des branchages, Mon âme humaine n’a point d’âge ; Tout est jeune, tout est nouveau sous le soleil. J’aime mes yeux, mes bras, mes mains, ma chair, mon torse Et mes cheveux amples et blonds Et je voudrais, par mes poumons, Boire l’espace entier pour en gonfler ma force. Oh ! ces marches à travers bois, plaines, fossés, Où l’être chante et pleure et crie Et se dépense avec furie Et s’enivre de soi ainsi qu’un insensé !

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Une heure de soir En ces heures de soirs et de brumes ployés Sur des fleuves partis vers des fleuves sans bornes, Si mornement tristes contre les quais si mornes, Luisent encor des flots comme des yeux broyés. Comme des yeux broyés luisent des flots encor, Tandis qu’aux poteaux noirs des ponts, barrant les hâvres, Quels heurts mous et pourris d’abandonnés cadavres Et de sabords de bateaux morts au Nord ? La brume est fauve et pleut dans l’air rayé, La brume en drapeaux morts pend sur la cité morte ; Quelque chose s’en va du ciel, que l’on emporte, Lamentable, comme un soleil noyé. Des tours, immensément des tours, avec des voix de glas, Pour ceux du lendemain qui s’en iront en terre, Lèvent leur vieux grand deuil de granit solitaire, Nocturnement, par au-dessus des toits en tas. Et des vaisseaux s’en vont, sans même, un paraphe d’éclair, Tels des cercueils, par ces vides de brouillard rouge, Sans même un cri de gouvernail qui bouge Et tourne, au long des chemins d’eau, qu’ils tracent vers la mer. Et si vers leurs départs, les vieux môles tendent des bras, Avec au bout des croix emblématiques, Par à travers l’embu des quais hiératiques, Les christs implorateurs et doux ne se voient pas : La brume en drapeaux morts plombe la cité morte, En cette fin de jour et de soir reployé, Et du ciel noir, comme un soleil noyé, Lamentable, c’est tout mon cœur que l’on emporte.

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    E

    Esther Granek

    @estherGranek

    Ne te retourne pas Sur le chemin où tu chemines jour après jour, face au levant, musardant ou ployant l’échine, et parfois aux heures divines cueillant la fleur et contemplant, l’oeil attendri, dans l’écrin de tes paumes unies des étamines et des corolles aux lignes rares, ou sages, ou folles, sur ce chemin de tous les temps, pour qu’en tes mains ouvertes en bol où tu regardes en t’émouvant ne se faufile, s’interposant, l’image aux traits si dégrisants des lendemains de fleurs d’antan, ne te retourne pas Sur le chemin qui se déroule de par ton pas poussant ton pas flanqué d’écarts un peu mabouls dont tu te soûles dès qu’ils sont parés d’une aura, sur ce chemin où tu louvoies à ton gré ou contre la houle entre deux murs longeant ta voie, sortes d’invisibles parois tel un couloir à ciel ouvert (bâbord, tribord semblant offerts) sur ce chemin qui se déploie, toi qui te crois libre et le clames, fier d’un zigzag baptisé « choix » et que tu choies comme on se came, si tu ne te veux peine en l’âme, ne te retourne pas.

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    E

    Eustache Deschamps

    @eustacheDeschamps

    Ballade de Paris Quand j’ai la terre et mer avironnée Et visité en chacune partie Jérusalem, Egypte et Galilée, Alexandrie, Damas et la Syrie, Babylone, le Caire et Tartarie, Et tous les ports qui y sont, Les épices et sucres qui s’y font, Les fins draps d’or et soies du pays Valent trop mieux ce que les Français ont : Rien ne se peut comparer à Paris. C’est la cité sur toutes couronnée, Fontaine et puits de science et de clergie, Sur le fleuve de Seine située : Vignes, bois a, terres et prairies, De tous les biens de cette mortel(le) vie A plus qu’autres cités n’ont; Tout étranger l’aiment et aimeront, Car, pour plaisirs et pour sites jolis, Jamais cité telle ne trouveront : Rien ne se peut comparer à Paris. Mais elle est bien mieux que ville fermée, Et de châteaux de grande ancestrerie, De gens d’honneur et de marchands peuplée, De tous ouvriers d’armes, d’orfèvrerie ; De tous les arts c’est la fleur, quoi qu’on die : Tous ouvrages adroits font ; Subtil engin, entendement profond Verrez avoir aux habitants toudis, Et loyauté aux œuvres qu’ils feront : Rien ne se peut comparer à Paris.

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    Fernando Pessoa

    Fernando Pessoa

    @fernandoPessoa

    À la veille de ne jamais partir À la veille de ne jamais partir du moins n’est-il besoin de faire sa valise ou de jeter des plans sur le papier, avec tout le cortège involontaire des oublis pour le départ encore disponible du lendemain. Le seul travail, c’est de ne rien faire à la veille de ne jamais partir. Quel grand repos de n’avoir même pas de quoi avoir à se reposer ! Grande tranquillité, pour qui ne sait même pas hausser les épaules devant tout cela, d’avoir pensé le tout et d’avoir de propos délibéré atteint le rien. Grande joie de n’avoir pas besoin d’être joyeux, ainsi qu’une occasion retournée à l’envers. Que de fois il m’advient de vivre de la vie végétative de la pensée ! Tous les jours, sine linea, repos, oui, repos… Grande tranquillité… Quelle paix, après tant de voyages, physiques et psychiques ! Quel plaisir de regarder les bagages comme si l’on fixait le néant ! Sommeille, âme, sommeille ! Profite, sommeille ! Sommeille ! Il est court, le temps qui te reste ! Sommeille ! C’est la veille de ne jamais partir!

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    F

    Francine Caron

    @francineCaron

    Egypte Dans la tranquillité des dieux dans l'oubli du passage crépite une fontaine Sphinx des routes c'est le silence intensifié Le paysage a confondu ses ailes - Trouver en soi la pyramide - II La grande tente marie la flèche et le rayon Dans l'abstraction du monde courbe tout se désigne III Millions d'années et le sang pétrifié du scribe - Dedans l'adoration des mains -

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    F

    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Orientales Perle ivoire et vermeil, dragée et draperie, Maculent le palais de mes plus riches rêves De leurs ombres gorgées d’une suave sève Dont les palmiers brutaux nourrissent mes envies. Lascives et vaincues des sultanes se plient Aux regards de mes mains, et sans aucune trêve, Dansent, nues et voilées, le long de lentes grèves Où pavanent des paons dont elles boivent les cris. D’immenses éventails chassent de leurs étoiles Les eunuques attisés par des désirs de chair Qu’un flamboyant démon envoute de son voile. L’orient se couche alors comme un fauve de marbre Dont les griffes damnées déchirent d’un éclair Les rires d’un berger allongé sous un arbre.

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    A

    Alexis-Félix Arvers

    @alexisFelixArvers

    Ce qui peut arriver à tout le monde I J’ai toujours voulu voir du pays, et la vie Que mène un voyageur m’a toujours fait envie. Je me suis dit cent fois qu’un demi-siècle entier Dans le même logis, dans le même quartier ; Que dix ans de travail, dix ans de patience A lire les docteurs et creuser leur science, Ne valent pas six mois par voie et par chemin, Six mois de vie errante, un bâton à la main. — Eh bien ! me voici prêt, ma valise est remplie ; Où vais-je ! — En Italie. — Ah, fi donc ! l’Italie ! Voyage de badauds, de beaux fils à gants blancs. Qui vont là par ennui, par ton, comme à Coblentz, En poste, au grand galop, traversant Rome entière, Et regardent ton ciel, Naples, par la portière. — Mais ce que je veux, moi, voir avant de mourir, Où je veux à souhait rêver, chanter, courir. C’est l’Espagne, ô mon cœur ! c’est l’hôtesse des Maures, Avec ses orangers et ses frais sycomores, Ses fleuves, ses rochers à pic, et ses sentiers Où s’entendent, la nuit, les chants des muletiers ; L’Espagne d’autrefois, seul débris qui surnage Du colosse englouti qui fut le moyen âge ; L’Espagne et ses couvents, et ses vieilles cités Toutes ceintes de murs que l’âge a respectés ; Madrid. Léon, Burgos, Grenade et cette ville Si belle, qu’il n’en est qu’une au monde. Séville ! La ville des amants, la ville des jaloux, Fière du beau printemps de son ciel andalou, Qui, sous ses longs arceaux de blanches colonnades, S’endort comme une vierge, au bruit des sérénades. Jusqu’à tant que pour moi le jour se soit levé Où je pourrai te voir et baiser ton pavé, Séville ! c’est au sein de cette autre patrie Que je veux, mes amis, mettre, ma rêverie ; C’est là que j’enverrai mon âme et chercherai De doux récits d’amour que je vous redirai. II A Séville autrefois (pour la date il n’importe), Près du Guadalquivir, la chronique rapporte Qu’une dame vivait, qui passait saintement Ses jours dans la prière et le recueillement : Ses charmes avaient su captiver la tendresse De l’alcade, et c’était, comme on dit, sa maîtresse ; Ce qui n’empêchait pas que son nom fût cité Comme un exemple à tous d’austère piété. Car elle méditait souvent les évangiles, Jeûnait exactement quatre-temps et vigiles. Communiait à Pâque, et croyait fermement Que c’est péché mortel d’avoir plus d’un amant A la fois. Ainsi donc, en personne discrète. Elle vivait au fond d’une obscure retraite, Toute seule et n’ayant de gens dans sa maison Qu’une duègne au-delà de l’arrière-saison, Qu’on disait avoir eu, quand elle était jolie. Ses erreurs de jeunesse, et ses jours de folie. Voyant venir les ans, et les amans partir, En femme raisonnable elle avait cru sentir Qu’en son âme, un beau jour, était soudain venue Une vocation jusqu’alors inconnue ; Au monde, qui fuyait, elle avait dit adieu, Et pour ses vieux péchés s’était vouée à Dieu. Une fois, au milieu d’une de ces soirées Que prodigue le ciel à ces douces contrées, Le bras nonchalamment jeté sur son chevet, Paquita (c’est le nom de la dame) rêvait : Son œil s’était voilé, silencieux et triste ; Et tout près d’elle, au pied du lit, sa camariste Disait dévotement, un rosaire à la main, Ses prières du soir dans le rite romain. Voici que dans la rue, au pied de la fenêtre, Un bruit se fit entendre ; elle crut reconnaître Un pas d’homme, prêta l’oreille ; en ce moment Une voix s’éleva qui chantait doucement : « Merveille de l’Andalousie. Étoile qu’un ange a choisie Entre celles du firmament, Ne me fuis pas ainsi ; demeure, Si tu ne veux pas que je meure De désespoir, en te nommant ! J’ai visité les Asturies, Aguilar aux plaines fleuries, Tordesillas aux vieux manoirs : J’ai parcouru les deux Castilles. Et j’ai bien vu sous les mantilles De grands yeux et des sourcils noirs : Mais, ô lumière de ma vie, Dans Barcelone ou Ségovie, Dans Girone au ciel embaumé, Dans la Navarre ou la Galice, Je n’ai rien vu qui ne pâlisse Devant les yeux qui m’ont charmé ! » Quand la nuit est bien noire, et que toute la terre, Comme de son manteau, se voile de mystère, Vous est-il arrivé parfois, tout en rêvant, D’ouïr des sons lointains apportés par le vent ? Comme alors la musique est plus douce ! Il vous semble Que le ciel a des voix qui se parlent ensemble, Et que ce sont les saints qui commencent en chœur Des chants qu’une autre voix achève dans le cœur. — A ces sons imprévus, tout émue et saisie, La dame osa lever un coin de jalousie Avec précaution, et juste pour pouvoir Découvrir qui c’était, mais sans se laisser voir. En ce moment la lune éclatante et sereine Parut au front des cieux comme une souveraine ; A ses pâles rayons un regard avait lui, Elle le reconnut, et dit : « C’est encor lui ! » C’était don Gabriel, que par toute la ville On disait le plus beau cavalier de Séville ; Bien fait, de belle taille et de bonne façon ; Intrépide écuyer et ferme sur l’arçon, Guidant son andalou avec grâce et souplesse, Et de plus gentilhomme et de haute noblesse ; Ce que sachant très bien, et comme, en s’en allant, Son bonhomme de père avait eu le talent De lui laisser comptant ce qu’il faut de richesses Pour payer la vertu de plus de cent duchesses, Il allait tête haute, en homme intelligent Du prix de la noblesse unie avec l’argent. Mais quand le temps d’aimer, car enfin, quoi qu’on dit, Il faut tous en passer par cette maladie, Qui plus tôt, qui plus tard ; quand ce temps fut venu, Et qu’un trouble arriva jusqu’alors inconnu, Soudain il devint sombre : au fond de sa pensée Une image de femme un jour était passée ; Il la cherchait partout. Seul, il venait s’asseoir Sous les arbres touffus d’Alaméda, le soir. A cette heure d’amour où la terre embrasée Voit son sein rafraîchir sous des pleurs de rosée. Un jour qu’il était là, triste, allant sans savoir Où se portaient ses pas, et regardant sans voir, Une femme passa : vision imprévue. Qu’il reconnut soudain sans l’avoir jamais vue ! C’était la Paquita : c’était elle ! elle avait Ces yeux qu’il lui voyait, la nuit, quand il rêvait. Le souris, la démarche et la taille inclinée De l’apparition qu’il avait devinée. Il est de ces moments qui décident des jours D’un homme ! Depuis lors il la suivait toujours, Partout, et c’était lui dont la voix douce et tendre Avait trouvé les chants qu’elle venait d’entendre. III Comment don Gabriel se fit aimer, comment Il entra dans ce cœur tout plein d’un autre amant, Je n’en parlerai pas, lecteur, ne sachant guère, Depuis qu’on fait l’amour, de chose plus vulgaire ; Donc, je vous en fais grâce, et dirai seulement, Pour vous faire arriver plus vite au dénouement. Que la dame à son tour. — car il n’est pas possible Que femme à tant d’amour garde une âme insensible, — Après avoir en vain rappelé sa vertu. Avoir prié longtemps, et longtemps combattu. N’y pouvant plus tenir, sans doute, et dominée Par ce pouvoir secret qu’on nomme destinée, Ne se contraignit plus, et cessa d’écouter Un reste de remords qui voulait l’arrêter : Si bien qu’un beau matin, au détour d’une allée, Gabriel vit venir une duègne voilée, D’un air mystérieux l’aborder en chemin, Regarder autour d’elle, et lui prendre la main En disant : « Une sage et discrète personne, Que l’on ne peut nommer ici, mais qu’on soupçonne Vous être bien connue et vous toucher de près, Mon noble cavalier, me charge tout exprès De vous faire savoir que toute la soirée Elle reste au logis, et serait honorée De pouvoir vous apprendre, elle-même, combien A votre seigneurie elle voudrait de bien. » Banquiers, agents de change, épiciers et notaires, Percepteurs, contrôleurs, sous-chefs de ministères Boutiquiers, électeurs, vous tous, grands et petits. Dans les soins d’ici-bas lourdement abrutis, N’est-il pas vrai pourtant que, dans cette matière, Où s’agite en tous sens votre existence entière. Vous n’avez pu flétrir votre âme, et la fermer Si bien, qu’il n’y demeure un souvenir d’aimer ? Oh ! qui ne s’est, au moins une fois dans sa vie, D’une extase d’amour senti l’âme ravie ! Quel cœur, si desséché qu’il soit, et si glacé, Vers un monde nouveau ne s’est point élancé ? Quel homme n’a pas vu s’élever dans les nues Des chœurs mystérieux de vierges demi-nues ; Et lorsqu’il a senti tressaillir une main, Et qu’une voix aimée a dit tout bas : « Demain », Oh ! qui n’a pas connu cette fièvre brûlante, Ces imprécations à l’aiguille trop lente, Et cette impatience à ne pouvoir tenir En place, et comme un jour a de mal à finir ! — Hélas ! pourquoi faut-il que le ciel nous envie Ces instants de bonheur, si rares dans la vie, Et qu’une heure d’amour, trop prompte à s’effacer, Soit si longue à venir, et si courte à passer ! Après un jour, après un siècle entier d’attente, Gabriel, l’œil en feu, la gorge haletante, Arrive ; on l’attendait. Il la vit, — et pensa Mourir dans le baiser dont elle l’embrassa. IV La nature parfois a d’étranges mystères ! V Derrière le satin des rideaux solitaires Que s’est-il donc passé d’inouï ? Je ne sais : On entend des soupirs péniblement poussés. Et soudain Paquita s’écriant : « Honte et rage ! Sainte mère de Dieu ! c’est ainsi qu’on m’outrage ! Quoi ! ces yeux, cette bouche et cette gorge-là, N’ont de ce beau seigneur obtenu que cela ! Il vient dire qu’il m’aime ! et quand je m’abandonne Aux serments qu’il me fait, grand Dieu ! que je me donne, Que je risque pour lui mon âme, et je la mets En passe d’être un jour damnée à tout jamais, ‘Voilà ma récompense ! Ah ! pour que tu réveilles Ce corps tout épuisé de luxure et de veilles, Ma pauvre Paquita, tu n’es pas belle assez ! Car, ne m’abusez pas, maintenant je le sais. Sorti d’un autre lit, vous venez dans le nôtre Porter des bras meurtris sous les baisers d’une autre : Elle doit s’estimer heureuse, Dieu merci. De vous avoir pu mettre en l’état que voici. Celle-là ! car sans doute elle est belle, et je pense Qu’elle est femme à valoir qu’on se mette en dépense ! Je voudrais la connaître, et lui demanderais De m’enseigner un peu ses merveilleux secrets. Au moins, vous n’avez pas si peu d’intelligence De croire que ceci restera sans vengeance. Mon illustre seigneur ! Ah ! l’aimable roué ! Vous apprendrez à qui vous vous êtes joué ! Çà, vite en bas du lit, qu’on s’habille, et qu’on sorte ! Certes, j’espère bien vous traiter de la sorte Que vous me connaissiez, et de quel châtiment La Paquita punit l’outrage d’un amant ! » Elle parlait ainsi lorsque, tout effarée, La suivante accourut : « A la porte d’entrée, L’alcade et trois amis, qu’il amenait souper, Dit-elle, sont en bas qui viennent de frapper ! — Bien ! dit la Paquita ; c’est le ciel qui l’envoie ! — Ah ! señora ! pour vous, gardez que l’on me voie ! — Au contraire, dit l’autre. Allez ouvrir ! merci. Mon Dieu ; je t’appelais, Vengeance ; te voici ! » Et sitôt que la duègne en bas fut descendue, La dame de crier : « A moi ! je suis perdue ! Au viol ! je me meurs ! au secours ! au secours ! Au meurtre ! à l’assassin ! Ah ! mon seigneur, accours ! » Tout en disant cela, furieuse, éperdue, Au cou de Gabriel elle s’était pendue. Le serrait avec rage, et semblait repousser Ses deux bras qu’elle avait contraints à l’embrasser ; Et lui, troublé, la tête encor tout étourdie, Se prêtait à ce jeu d’horrible comédie, Sans deviner, hélas ! que, pour son châtiment, C’était faire un prétexte et servir d’instrument ! L’alcade cependant, à ces cris de détresse, Accourt en toute hâte auprès de sa maîtresse : « Seigneur ! c’est le bon Dieu qui vous amène ici ; Vengez-vous, vengez-moi ! Cet homme que voici, Pour me déshonorer, ce soir, dans ma demeure… — Femme, n’achevez pas, dit l’alcade ; qu’il meure ! — Qu’il meure ; reprit-elle. — Oui ; mais je ne veux pas Lui taire de ma main un si noble trépas ; Çà, messieurs, qu’on l’emmène, et que chacun pâlisse En sachant à la fois le crime et le supplice ! » Gabriel, cependant, s’étant un peu remis. Tenta de résister ; mais pour quatre ennemis, Hélas ! il était seul, et sa valeur trompée Demanda vainement secours à son épée ; Elle s’était brisée en sa main : il fallut Se rendre, et se soumettre à tout ce qu’on voulut. Devant la haute cour on instruisit l’affaire ; Le procès alla vite, et quoi que pussent faire Ses amis, ses parents et leur vaste crédit. Qu’au promoteur fiscal don Gabriel eût dit : « C’est un horrible piège où l’on veut me surprendre. Un crime ! je suis noble, et je dois vous apprendre, Seigneur, qu’on n’a jamais trouvé dans ma maison De rouille sur l’épée ou de tache au blason ! Seigneur, c’est cette femme elle-même, j’en jure Par ce Christ qui m’entend et punit le parjure. Qui m’avait introduit dans son appartement ; Et comment voulez-vous qu’à pareille heure ?… — Il ment ! Disait la Paquita ; d’ailleurs la chose est claire. J’ai mes témoins : il faut une peine exemplaire. Car je vous l’ai promis, et qu’un juste trépas Me venge d’un affront que vous n’ignorez pas ! » VI Or, s’il faut maintenant, lecteur, qu’on vous apprenne — La fin de tout ceci, par la cour souveraine Il fut jugé coupable à l’unanimité ; Et comme il était noble, il fut décapité.

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Arbre A Frédéric Boutet. Tu chantes avec les autres tandis que les phonographes galopent Où sont les aveugles où sont-ils allés La seule feuille que j’aie cueillie s’est changé en plusieurs mirage Ne m’abandonnez pas parmi cette foule de femmes au marché Ispahan s’est fait un ciel de carreaux émaillés de bleu Et je remonte avec vous une route aux environs de Lyon Je n’ai pas oublié le son de la clochette d’un marchand de coco d’autrefois J’entends déjà le son aigre de cette voix à venir Du camarade qui se promène avec toi en Europe Tout en restant en Amérique Un enfant Un veau dépouillé pendu à l’étal Un enfant Et cette banlieue de sable autour d’une pauvre ville au fond de l’est Un douanier se tenait là comme un ange À la porte d’un misérable paradis Et ce voyageur épileptique écumait dans la salle d’attente des premières Engoulevent Blaireau Et la Taupe-Ariane Nous avions loué deux coupés dans le transsibérien Tour à tour nous dormions le voyageur en bijouterie et moi Mais celui qui veillait ne cachait point un revolver armé Tu t’es promené à Leipzig avec une femme mince déguisé en homme Intelligence car voilà ce que c’est qu’une femme intelligente Et il ne faudrait pas oublier les légendes Dame-Abonde dans un tramway la nuit au fond d’un quartier désert Je voyais une chasse tandis que je montais Et l’ascenseur s’arrêtait à chaque étage Entre les pierres Entre les vêtements multicolores de la vitrine Entre les charbons ardents du marchand de marrons Entre deux vaisseaux norvégiens amarrés à Rouen Il y a ton image Elle pousse entre les bouleaux de la Finlande Ce beau nègre en acier La plus grande tristesse C’est quand tu reçus une carte postale de La Corogne Le vent vient du couchant Le métal des caroubiers Tout est plus triste qu’autrefois Tous les dieux terrestres vieillissent L’univers se plaint par ta voix Et des êtres nouveaux surgissent Trois par trois

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Dans un café à Nîmes Vous partez ? — Oui ! c’est pour ce soir — Où allez-vous ? Reims ou Belgique ! Mon voyage est un grand [trou] noir À travers notre République C’est tout ce que j’en peux savoir — Y fûtes-vous ? — Dans la Lorraine J’ai fait campagne tout d’abord ; J’ai vu la Marne et j’ai vu l’Aisne, J’ai frôlé quatre fois la mort Qui du Nord est la souveraine. J’ai reçu deux éclats d’obus Et la médaille militaire. Blessé, c’est dans un autobus Que je m’en revins en arrière Près d’un espion en gibus. Il voulait fuir. Mes mains crispées L’étranglèrent. Ce vilain mort Me servit de lit. Les Napées Et toutes les Nymphes du Nord Sur le chemin s’étaient groupées — Et disaient d’une douce voix, Tandis que couleur d’espérance Bruissait le feuillage du bois « Bravo ! petit soldat de France. » Puis je fis un signe de croix… — Caporal qui vas aux tranchées Heureux est ton sort glorieux ! La-bas, aux lignes piochées, À vos fusils impérieux Les victoires sont accrochées ! Dans un dépôt, nous, canonniers Attendons notre tour de gloire, Vous êtes partis les premiers ; Nous remporterons la victoire Qui se jette au cou des derniers. — Canonnier ayez patience ! Adieu donc ! — Adieu, caporal ! — Votre nom ? — Mon nom ? l’Espérance ! Je suis un canon, un cheval Je suis l’Espoir… Vive la France !… Nîmes, le 5 février 1915

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Fusée-signal Des villages flambaient dans la nuit intérieure Une fermière conduit son auto sur une route vers Galveston Qui a lancé cette fusée-signal Néanmoins tu feras bien de tenir la porte ouverte Et puis le vent scieur de long Suscitera en toi la terreur des fantômes Ta langue Le poisson rouge dans le bocal De ta voix Mais ce regret A peine une infirmière plus blanche que l’hiver Éblouissant tandis qu’à l’horizon décroît Un régiment de jours plus bleus que les collines lointaines et plus doux que ne sont les coussins de l’auto.

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    L’émigrant de Landor Road À André Billy Le chapeau à la main il entra du pied droit Chez un tailleur très chic et fournisseur du roi Ce commerçant venait de couper quelques têtes De mannequins vêtus comme il faut qu’on se vête La foule en tous les sens remuait en mêlant Des ombres sans amour qui se traînaient par terre Et des mains vers le ciel plein de lacs de lumière S’envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs Mon bateau partira demain pour l’Amérique Et je ne reviendrai jamais Avec l’argent gagné dans les prairies lyriques Guider mon ombre aveugle en ces rues que j’aimais Car revenir c’est bon pour un soldat des Indes Les boursiers ont vendu tous mes crachats d’or fin Mais habillé de neuf je veux dormir enfin Sous des arbres pleins d’oiseaux muets et de singes Les mannequins pour lui s’étant déshabillés Battirent leurs habits puis les lui essayèrent Le vêtement d’un lord mort sans avoir payé Au rabais l’habilla comme un millionnaire Au dehors les années Regardaient la vitrine Les mannequins victimes Et passaient enchaînées Intercalées dans l’an c’étaient les journées veuves Les vendredis sanglants et lents d’enterrements De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent Quand la femme du diable a battu son amant Puis dans un port d’automne aux feuilles indécises Quand les mains de la foule y feuillolaient aussi Sur le pont du vaisseau il posa sa valise Et s’assit Les vents de l’Océan en soufflant leurs menaces Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouillés Des émigrants tendaient vers le port leurs mains lasses Et d’autres en pleurant s’étaient agenouillés Il regarda longtemps les rives qui moururent Seuls des bateaux d’enfant tremblaient à l’horizon Un tout petit bouquet flottant à l’aventure Couvrit l’Océan d’une immense floraison Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire Jouer dans d’autres mers parmi tous les dauphins Et l’on tissait dans sa mémoire Une tapisserie sans fin Qui figurait son histoire Mais pour noyer changées en poux Ces tisseuses têtues qui sans cesse interrogent Il se maria comme un doge Aux cris d’une sirène moderne sans époux Gonfle-toi vers la nuit Ô Mer Les yeux des squales Jusqu’à l’aube ont guetté de loin avidement Des cadavres de jours rongés par les étoiles Parmi le bruit des flots et les derniers serments

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    À travers l’Europe A M. Ch Rotsoge Ton visage écarlate ton biplan transformable en hydroplan Ta maison ronde où il nage un hareng saur Il me faut la clef des paupières Heureusement que nous avons vu M Panado Et nous somme tranquille de ce côté-là Qu’est-ce que tu vois mon vieux M.D… 90 ou 324 un homme en l’air un veau qui regarde à travers le ventre de sa mère J’ai cherché longtemps sur les routes Tant d’yeux sont clos au bord des routes Le vent fait pleurer les saussaies Ouvre ouvre ouvre ouvre ouvre Regarde mais regarde donc Le vieux se lave les pieds dans la cuvette Una volta ho inteso dire chè vuoi je me mis à pleurer en me souvenant de vos enfances Et toi tu me montres un violet épouvantable Ce petit tableau où il y a une voiture m’a rappelé le jour Un jour fait de morceaux mauves jaunes bleus verts et rouges Où je m’en allais à la campagne avec une charmante cheminée tenant sa chienne en laisse Il n’y en a plus tu n’as plus ton petit mirliton La cheminée fume loin de moi des cigarettes russes La chienne aboie contre les lilas La veilleuse est consumée Sur la robe on chu des pétales Deux anneaux près des sandales Au soleil se sont allumés Mais tes cheveux sont le trolley À travers l’Europe vêtue de petits feux multicolores

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    Les oies sauvages Tout est muet, l’oiseau ne jette plus ses cris. La morne plaine est blanche au loin sous le ciel gris. Seuls, les grands corbeaux noirs, qui vont cherchant leurs proies, Fouillent du bec la neige et tachent sa pâleur. Voilà qu’à l’horizon s’élève une clameur ; Elle approche, elle vient, c’est la tribu des oies. Ainsi qu’un trait lancé, toutes, le cou tendu, Allant toujours plus vite, en leur vol éperdu, Passent, fouettant le vent de leur aile sifflante. Le guide qui conduit ces pèlerins des airs Delà les océans, les bois et les déserts, Comme pour exciter leur allure trop lente, De moment en moment jette son cri perçant. Comme un double ruban la caravane ondoie, Bruit étrangement, et par le ciel déploie Son grand triangle ailé qui va s’élargissant. Mais leurs frères captifs répandus dans la plaine, Engourdis par le froid, cheminent gravement. Un enfant en haillons en sifflant les promène, Comme de lourds vaisseaux balancés lentement. Ils entendent le cri de la tribu qui passe, Ils érigent leur tête ; et regardant s’enfuir Les libres voyageurs au travers de l’espace, Les captifs tout à coup se lèvent pour partir. Ils agitent en vain leurs ailes impuissantes, Et, dressés sur leurs pieds, sentent confusément, A cet appel errant se lever grandissantes La liberté première au fond du coeur dormant, La fièvre de l’espace et des tièdes rivages. Dans les champs pleins de neige ils courent effarés, Et jetant par le ciel des cris désespérés Ils répondent longtemps à leurs frères sauvages.

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    Le relais En voyage, on s’arrête, on descend de voiture ; Puis entre deux maisons on passe à l’aventure, Des chevaux, de la route et des fouets étourdi, L’œil fatigué de voir et le corps engourdi. Et voici tout à coup, silencieuse et verte, Une vallée humide et de lilas couverte, Un ruisseau qui murmure entre les peupliers, – Et la route et le bruit sont bien vite oubliés !

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    Henri-Frédéric Amiel

    Henri-Frédéric Amiel

    @henriFredericAmiel

    Bon voyage Ainsi, déjà lassées De mon toit familier, Ô mes douces pensées, Vous quittez, insensées. L'asile hospitalier ? Ainsi, graines légères, Vous désirez partir, Et, folles passagères, Aux rives étrangères, Fuir avec le zéphyr ? Mes filles, bonne chance ! Et là-bas, puissiez-vous, Dans ce monde où s'élance Déjà votre espérance, Ne pas manquer l'époux ! Sur ce lointain rivage Que le ciel vous soit doux ! Mes filles, bon voyage ! Mais il serait plus sage De demeurer chez nous. Graines moins dégourdies Courent moins de danger ; Craignez, mes étourdies, Les critiques hardies Et l'œil de l'étranger. L'étranger n'est point père, Et, juge indifférent, Où celui-ci tempère, Ménage, excuse, espère, Lui, voit juste et dit franc. Le père, âme charmée, Voit rose aussi le brun, Croit le feu sans fumée, Il te trouve embaumée, Ô graine sans parfum. Ce qu'on voit à la ronde Aux filles arriver, Que l'on présente au monde, Comment, ô graine blonde, Pourras-tu l'esquiver ? — « Sous l'aigrette mobile Son front pur est d'argent ; Une âme de sibylle Vit dans ce corps débile ! » Dit le père indulgent. — « Non, l'aigrette inutile Pare un front indigent : Pas d'âme, esprit futile, Fond nul, langue subtile ! » Dit le juge exigeant. Pareilles destinées Vous menacent au port. Par l'espoir dominées, Voulez-vous, obstinées, Toujours tenter le sort ? N'êtes-vous point troublées ? Non ? Vous voulez partir ? Adieu, chansons ailées, Mes graines envolées, Je vous livre au zéphyr.

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    Hermann Hesse

    Hermann Hesse

    @hermannHesse

    L'art du voyage Voyager sans but plait à la jeunesse, Mais l’âge en venant m’affadit ce goût Et je ne pars plus sans savoir par où, Sans qu’un but précis, un désir me presse. Hélas, pour celui qui suit un dessein, Voyager n’a plus la douceur première Dont l’étincelait forêt ou rivière A chaque nouveau détour du chemin. Pour rendre à l’instant la fraîche innocence Que n’occulte plus quelque astre rêvé, Voyager doit être un art retrouvé : Du vaste univers partager al danse Et vers un lointain longtemps cultivé, Même sans bouger, rester en partance.

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    I

    Isaac Lerutan

    @isaacLerutan

    L’ombre des anges Je traverserai les villes J’emporterai ta voix J’irai chercher le feu dans le ciel Et le vent dans nos voiles Quand l’ombre des nuages Démasquera nos souffles Nous volerons sereins Par les chemins du sort Et nos songes en fuite Eviteront les gouffres Pour balayer ensuite Les traces de nos morts Je traverserai les villes J’emporterai ta voix J’irai chercher le feu dans le ciel Et le vent dans nos voiles Une étoile se repose Dès qu’un ange s’endort…

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    Les deux pigeons Deux Pigeons s'aimaient d'amour tendre. L'un d'eux s'ennuyant au logis Fut assez fou pour entreprendre Un voyage en lointain pays. L'autre lui dit : Qu'allez-vous faire ? Voulez-vous quitter votre frère ? L'absence est le plus grand des maux : Non pas pour vous, cruel. Au moins, que les travaux, Les dangers, les soins du voyage, Changent un peu votre courage. Encor si la saison s'avançait davantage ! Attendez les zéphyrs. Qui vous presse ? Un corbeau Tout à l'heure annonçait malheur à quelque oiseau. Je ne songerai plus que rencontre funeste, Que Faucons, que réseaux. Hélas, dirai-je, il pleut : Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut, Bon soupé, bon gîte, et le reste ? Ce discours ébranla le cœur De notre imprudent voyageur ; Mais le désir de voir et l'humeur inquiète L'emportèrent enfin. Il dit : Ne pleurez point : Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite ; Je reviendrai dans peu conter de point en point Mes aventures à mon frère. Je le désennuierai : quiconque ne voit guère N'a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint Vous sera d'un plaisir extrême. Je dirai : J'étais là ; telle chose m'avint ; Vous y croirez être vous-même. À ces mots en pleurant ils se dirent adieu. Le voyageur s'éloigne ; et voilà qu'un nuage L'oblige de chercher retraite en quelque lieu. Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage Maltraita le Pigeon en dépit du feuillage. L'air devenu serein, il part tout morfondu, Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie, Dans un champ à l'écart voit du blé répandu, Voit un pigeon auprès ; cela lui donne envie : Il y vole, il est pris : ce blé couvrait d'un las, Les menteurs et traîtres appas. Le las était usé ! si bien que de son aile, De ses pieds, de son bec, l'oiseau le rompt enfin. Quelque plume y périt ; et le pis du destin Fut qu'un certain Vautour à la serre cruelle Vit notre malheureux, qui, traînant la ficelle Et les morceaux du las qui l'avait attrapé, Semblait un forçat échappé. Le vautour s'en allait le lier, quand des nues Fond à son tour un Aigle aux ailes étendues. Le Pigeon profita du conflit des voleurs, S'envola, s'abattit auprès d'une masure, Crut, pour ce coup, que ses malheurs Finiraient par cette aventure ; Mais un fripon d'enfant, cet âge est sans pitié, Prit sa fronde et, du coup, tua plus d'à moitié La volatile malheureuse, Qui, maudissant sa curiosité, Traînant l'aile et tirant le pié, Demi-morte et demi-boiteuse, Droit au logis s'en retourna. Que bien, que mal, elle arriva Sans autre aventure fâcheuse. Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines. Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ? Que ce soit aux rives prochaines ; Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau, Toujours divers, toujours nouveau ; Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste ; J'ai quelquefois aimé ! je n'aurais pas alors Contre le Louvre et ses trésors, Contre le firmament et sa voûte céleste, Changé les bois, changé les lieux Honorés par les pas, éclairés par les yeux De l'aimable et jeune Bergère Pour qui, sous le fils de Cythère, Je servis, engagé par mes premiers serments. Hélas ! quand reviendront de semblables moments ? Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète ? Ah ! si mon cœur osait encor se renflammer ! Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête ? Ai-je passé le temps d'aimer ?

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    Jean Orizet

    Jean Orizet

    @jeanOrizet

    L'arbre du voyageur On les rencontre un peu partout dans les îles. L'avenue qui entre à Fort-de-France est bordée de ces curieux arbres, sortes de palmiers aplatis, à l'apparence exagérément décorative. Leurs feuilles palmifides — nervures d'émeraude sur limbe d'azur — avec pétioles d'humeur égale, partent d'une tige centrale qui a gonflé dans le prolongement du tronc, ou stipe, avant de s'incurver gracieusement, sur un plan vertical, de part et d'autre de cette tige, évoquant la forme d'une plume de paon à son extrémité, ou celle d'un éventail ouvert dont les lames, à leur pointe, seraient ornées d'une matière ondoyante et touffue: plumes d'autruche, par exemple. Il suffit, avec le coupe-coupe, de trancher l'une de ces palmes pour recueillir l'eau dont elle est gorgée, ce que faisaient jadis, afin d'étancher leur soif, les Antillais se déplaçant à pied. Aussi nommèrent-ils ce palmier l'« arbre du voyageur ».

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    Jean-Pierre Claris de Florian

    @jeanPierreClarisDeFlorian

    Le voyage Partir avant le jour, à tâtons, sans voir goutte, Sans songer seulement à demander sa route ; Aller de chute en chute, et, se traînant ainsi, Faire un tiers du chemin jusqu'à près de midi ; Voir sur sa tête alors s'amasser les nuages, Dans un sable mouvant précipiter ses pas, Courir, en essuyant orages sur orages, Vers un but incertain où l'on n'arrive pas ; Détrempé vers le soir, chercher une retraite, Arriver haletant, se coucher, s'endormir : On appelle cela naître, vivre et mourir. La volonté de Dieu soit faite !

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    Jean-Charles Dorge

    @jeanCharlesDorge

    L’ami du voyage Nous avons d’un seul cœur entrepris un voyage ; C’était encore hier, à peine rencontrés. Une voix nous souffla : « Tous deux, vous partirez Ensemble partager la joie d’un seul sillage… ». L’amitié nous porta vers d’inconnus rivages Sur des flots incertains maintes fois chavirés. Si nous voguions parfois, opposant nos beauprés, Au port se retrouvaient nos mats au fil de l’âge. Nos vies s’entrecroisaient aux sources de l’humain S’attendant l’une l’autre à l’angle d’un chemin Pour s’offrir tour à tour le miroir de soi-même. Puis un funeste jour il ne resta qu’un seul… Mais la voix de jadis lui dit : « Ton ami t’aime Aujourd’hui comme hier. Ignore le linceul ! »

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    Jean-Pierre Villebramar

    @jeanPierreVillebramar

    Fleuve bleu « l’acte poétique, comme l’acte de chair, tant qu’il dure, défend toute échappée sur la misère du monde » André Breton un jour, le téléphone sonne dans le vide et c’est le cœur qui serre si fort qu’il a aimé je vous souhaite d’avoir immensément aimé je vous souhaite d’avoir vu les ciels de feu et les orages sur le Fleuve Bleu de les avoir vécus intensément je vous souhaite d’avoir vécu immensément je vous souhaite de voir un ciel d’étoiles dans la nuit un soir où on se dit : l’amie ne répond plus et le ciel d’août brûle de larmes je vous souhaite de vous souvenir la longue terre et les couleurs des digues à Wuhan, où coule le Chang Jiang. Bouddha sourit Fleuve Bleu, Haut Aragon, Mali, Bandiagara, tant de falaises dans le monde où jamais tu n’iras. Je vous souhaite d’avoir vécu immensément intensément pour que serre le cœur si fort oui, qu’il vous serre encore très fort, très fort trop fort

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    Jean-Pierre Villebramar

    @jeanPierreVillebramar

    Nouveau monde Elles étaient trois Caravelles quittaient Cadix au couchant droit devant. Ils étaient quatre jeunes gens le portant. Arrivés à l’Océan doucement l’ont mis à terre sans l’éveiller, doucement doucement. Étrange, étrange navire Amiral en route vers le Ponant. Elles étaient trois Caravelles ils étaient quatre jeunes gens sur l’épaule le portant Nouveau Monde droit devant. Pour Vie Nouvelle revivre droit devant. Nouveau Monde droit devant ! A crié le Commandant.

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    Jean-Pierre Villebramar

    @jeanPierreVillebramar

    Sur la route d’Elizondo A M… « queda la palabra « Yo » para esa, por triste, por su atroz soledad, decreto la peor de las penas : vivir conmigo hasta el final » « Reste le « Je ».Pour ce mot-là, pour sa tristesse, pour son atroce solitude, je décrète la pire des peines : il vivra avec moi jusqu’à la fin » María Mercedes Carranza je t’ai demandé de me suivre sur la route d’Elizondo aux croisements étaient des noms que nous ne comprenions pas sinon par la langue du coeur j’ai voulu t’apprendre la langue du coeur je t’ai dit que plus jamais ne serions tristes sur la route d’Elizondo suivant les sentiers de fougères rouges et les cols descendaient vers un pays autrefois nôtre cheminant vers l’Est, nous avons croisé des pèlerins aux pieds nus ; dans leur regard, d’autres mondes je t’ai dit qu’existaient d’autres mondes j’ai espéré pour nous un pays de silence sur la route d’Elizondo les vautours étaient ce silence tournant dans un ciel de lumière je t’ai dit que le soleil ne se couchait jamais sur la route d’Elizondo qu’ici s’arrêtait le monde, cessaient de déclamer les messagers de mort ici s’écoutait le silence de dieu ; sous les hêtres d’anciennes neiges parfois nous perdant par jeu sur la route d’Elizondo je t’ai demandé de rester pousser une porte sur laquelle jamais il n’y eut de clé seulement un loquet lever le loquet, pousser la porte, poser le sac sur le bat-flanc et s’étendre et la chanson si monotone de la pluie sur la route d’Elizondo un feu de bois pour écarter la mort. J’ai voulu t’épargner la tristesse de la nuit que nos jours se lèvent sur d’autres ciels bleus d’autres sentiers d’autres cols vers des pays étranges sur la route d’Elizondo «escribo en la oscuridad, entre cosas sin forma, como el humo que no vuelve… … palabras que no tienen destino y que es muy probable que nadie lea igual que una carta devuelta. Así escribo» « j’écris dans l’obscurité, parmi des choses sans forme, comme la fumée qui ne revient pas… …des mots sans destination et que très probablement personne ne lira. Comme une lettre renvoyée. Ainsi j’écris » María Mercedes Carranza

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Bérécynthienne Telle que dans son char la Bérécynthienne Couronnée de tours, et joyeuse d'avoir Enfanté tant de dieux, telle se faisait voir En ses jours plus heureux cette ville ancienne : Cette ville, qui fut plus que la Phrygienne Foisonnante en enfants, et de qui le pouvoir Fut le pouvoir du monde, et ne se peut revoir Pareille à sa grandeur, grandeur sinon la sienne.

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    La nef qui longuement a voyagé, Dillier La nef qui longuement a voyagé, Dillier, Dedans le sein du port à la fin on la serre : Et le boeuf, qui longtemps a renversé la terre, Le bouvier à la fin lui ôte le collier : Le vieux cheval se voit à la fin délier, Pour ne perdre l'haleine ou quelque honte acquerre : Et pour se reposer du travail de la guerre, Se retire à la fin le vieillard chevalier : Mais moi, qui jusqu'ici n'ai prouvé que la peine, La peine et le malheur d'une espérance vaine, La douleur, le souci, les regrets, les ennuis, Je vieillis peu à peu sur l'onde ausonienne, Et si n'espère point, quelque bien qui m'advienne, De sortir jamais hors des travaux où je suis.

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