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Voyages

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Poésies de la collection voyages

    Aimé Césaire

    Aimé Césaire

    @aimeCesaire

    Blanc a remplir sur la carte voyageuse du pollen N'y eût-il dans le désert qu'une seule goutte d'eau qui rêve tout bas, dans le désert n'y eût-il qu'une graine volante qui rêve tout haut, c'est assez, rouillure des armes, fissure des pierres, vrac des ténèbres désert, désert, j'endure ton défi blanc à remplir sur la carte voyageuse du pollen.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    À mon Frère, revenant d'Italie Ainsi, mon cher, tu t'en reviens Du pays dont je me souviens Comme d'un rêve, De ces beaux lieux où l'oranger Naquit pour nous dédommager Du péché d'Ève. Tu l'as vu, ce ciel enchanté Qui montre avec tant de clarté Le grand mystère ; Si pur, qu'un soupir monte à Dieu Plus librement qu'en aucun lieu Qui soit sur terre. Tu les as vus, les vieux manoirs De cette ville aux palais noirs Qui fut Florence, Plus ennuyeuse que Milan Où, du moins, quatre ou cinq fois l'an, Cerrito danse. Tu l'as vue, assise dans l'eau, Portant gaiement son mezzaro, La belle Gênes, Le visage peint, l'oeil brillant, Qui babille et joue en riant Avec ses chaînes.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Madrid Madrid, princesse des Espagnes, Il court par tes mille campagnes Bien des yeux bleus, bien des yeux noirs. La blanche ville aux sérénades, Il passe par tes promenades Bien des petits pieds tous les soirs. Madrid, quand tes taureaux bondissent, Bien des mains blanches applaudissent, Bien des écharpes sont en jeux. Par tes belles nuits étoilées, Bien des senoras long voilées Descendent tes escaliers bleus. Madrid, Madrid, moi, je me raille De tes dames à fine taille Qui chaussent l’escarpin étroit ; Car j’en sais une par le monde Que jamais ni brune ni blonde N’ont valu le bout de son doigt ! J’en sais une, et certes la duègne Qui la surveille et qui la peigne N’ouvre sa fenêtre qu’à moi ; Certes, qui veut qu’on le redresse, N’a qu’à l’approcher à la messe, Fût-ce l’archevêque ou le roi. Car c’est ma princesse andalouse ! Mon amoureuse ! ma jalouse ! Ma belle veuve au long réseau ! C’est un vrai démon ! c’est un ange ! Elle est jaune, comme une orange, Elle est vive comme un oiseau ! Oh ! quand sur ma bouche idolâtre Elle se pâme, la folâtre, Il faut voir, dans nos grands combats, Ce corps si souple et si fragile, Ainsi qu’une couleuvre agile, Fuir et glisser entre mes bras ! Or si d’aventure on s’enquête Qui m’a valu telle conquête, C’est l’allure de mon cheval, Un compliment sur sa mantille, Puis des bonbons à la vanille Par un beau soir de carnaval

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Retour Heureux le voyageur que sa ville chérie Voit rentrer dans le port, aux premiers feux du jour ! Qui salue à la fois le ciel et la patrie, La vie et le bonheur, le soleil et l’amour ! — Regardez, compagnons, un navire s’avance. La mer, qui l’emporta, le rapporte en cadence, En écumant sous lui, comme un hardi coursier, Qui, tout en se cabrant, sent son vieux cavalier. Salut ! qui que tu sois, toi dont la blanche voile De ce large horizon accourt en palpitant ! Heureux ! quand tu reviens, si ton errante étoile T’a fait aimer la rive ! heureux si l’on t’attend ! D’où viens-tu, beau navire ? à quel lointain rivage, Léviathan superbe, as-tu lavé tes flancs ? Est-tu blessé, guerrier ? Viens-tu d’un long voyage ? C’est une chose à voir, quand tout un équipage, Monté jeune à la mer, revient en cheveux blancs. Es-tu riche ? viens-tu de l’Inde ou du Mexique ? Ta quille est-elle lourde, ou si les vents du nord T’ont pris, pour ta rançon, le poids de ton trésor ? As-tu bravé la foudre et passé le tropique ? T’es-tu, pendant deux ans, promené sur la mort, Couvrant d’un œil hagard ta boussole tremblante, Pour qu’une Européenne, une pâle indolente, Puisse embaumer son bain des parfums du sérail Et froisser dans la valse un collier de corail ? Comme le cœur bondit quand la terre natale, Au moment du retour, commence à s’approcher, Et du vaste Océan sort avec son clocher ! Et quel tourment divin dans ce court intervalle, Où l’on sent qu’elle arrive et qu’on va la toucher ! Ô patrie ! ô patrie ! ineffable mystère ! Mot sublime et terrible ! inconcevable amour ! L’homme n’est-il donc né que pour un coin de terre, Pour y bâtir son nid, et pour y vivre un jour ? Le Havre, septembre 1855.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    Le déluge La Terre était riante et dans sa fleur première ; Le jour avait encor cette même lumière Qui du Ciel embelli couronna les hauteurs Quand Dieu la fit tomber de ses doigts créateurs. Rien n’avait dans sa forme altéré la nature, Et des monts réguliers l’immense architecture S’élevait jusqu’aux Cieux par ses degrés égaux, Sans que rien de leur chaîne eût brisé les anneaux. La forêt, plus féconde, ombrageait, sous ses dômes, Des plaines et des fleurs les gracieux royaumes Et des fleuves aux mers le cours était réglé Dans un ordre parfait qui n’était pas troublé. Jamais un voyageur n’aurait, sous le feuillage, Rencontré, loin des flots, l’émail du coquillage, Et la perle habitait son palais de cristal : Chaque trésor restait dans l’élément natal, Sans enfreindre jamais la céleste défense ; Et la beauté du monde attestait son enfance ; Tout suivait sa loi douce et son premier penchant, Tout était pur encor. Mais l’homme était méchant. Les peuples déjà vieux, les races déjà mûres, Avaient vu jusqu’au fond des sciences obscures ; Les mortels savaient tout, et tout les affligeait ; Le prince était sans joie ainsi que le sujet ; Trente religions avaient eu leurs prophètes, Leurs martyrs, leurs combats, leurs gloires, leurs défaites, Leur temps d’indifférence et leur siècle d’oubli ; Chaque peuple, à son tour dans l’ombre enseveli, Chantait languissamment ses grandeurs effacées : La mort régnait déjà dans les âmes glacées. Même plus haut que l’homme atteignaient ses malheurs : D’autres êtres cherchaient ses plaisirs et ses pleurs. Souvent, fruit inconnu d’un orgueilleux mélange, Au sein d’une mortelle on vit le fils d’un Ange. Le crime universel s’élevait jusqu’aux cieux. Dieu s’attrista lui-même et détourna les yeux. Et cependant, un jour, au sommet solitaire Du mont sacré d’Arar, le plus haut de la Terre, Apparut une vierge et près d’elle un pasteur : Tous deux nés dans les champs, loin d’un peuple imposteur, Leur langage était doux, leurs mains étaient unies Comme au jour fortuné des unions bénies ; Ils semblaient, en passant sur ces monts inconnus, Retourner vers le Ciel dont ils étaient venus ; Et, sans l’air de douleur, signe que Dieu nous laisse, Rien n’eût de leur nature indiqué la faiblesse, Tant les traits primitifs et leur simple beauté Avaient sur leur visage empreint de majesté. Quand du mont orageux ils touchèrent la cime, La campagne à leurs pieds s’ouvrit comme un abîme. C’était l’heure où la nuit laisse le Ciel au jour : Les constellations palissaient tour à tour ; Et, jetant à la Terre un regard triste encore, Couraient vers l’Orient se perdre dans l’aurore, Comme si pour toujours elles quittaient les yeux Qui lisaient leur destin sur elles dans les Cieux. Le Soleil, dévoilant sa figure agrandie, S’éleva sur les bois comme un vaste incendie, Et la Terre aussitôt, s’agitant longuement, Salua son retour par un gémissement. Réunis sur les monts, d’immobiles nuages Semblaient y préparer l’arsenal des orages ; Et sur leurs fronts noircis qui partageaient les Cieux Luisait incessamment l’éclair silencieux. Tous les oiseaux, poussés par quelque instinct funeste, S’unissaient dans leur vol en un cercle céleste ; Comme des exilés qui se plaignent entre eux, Ils poussaient dans les airs de longs cris douloureux. La Terre cependant montrait ses lignes sombres Au jour pâle et sanglant qui faisait fuir les ombres ; Mais, si l’homme y passait, on ne pouvait le voir : Chaque cité semblait comme un point vague et noir, Tant le mont s’élevait à des hauteurs immenses ! Et des fleuves lointains les faibles apparences Ressemblaient au dessin par le vent effacé Que le doigt d’un enfant sur le sable a tracé. Ce fut là que deux voix, dans le désert perdues, Dans les hauteurs de l’air avec peine entendues, Osèrent un moment prononcer tour à tour Ce dernier entretien d’innocence et d’amour : — « Comme la Terre est belle en sa rondeur immense ! La vois-tu qui s’étend jusqu’où le ciel commence ? La vois-tu s’embellir de toutes ses couleurs ? Respire un jour encor le parfum de ses fleurs, Que le vent matinal apporte à nos montagnes. On dirait aujourd’hui que les vastes campagnes Elèvent leur encens, étalent leur beauté, Pour toucher, s’il se peut, le seigneur irrité. Mais les vapeurs du ciel, comme de noirs fantômes, Amènent tous ces bruits, ces lugubres symptômes Qui devaient, sans manquer au moment attendu, Annoncer l’agonie à l’univers perdu. Viens, tandis que l’horreur partout nous environne, Et qu’une vaste nuit lentement nous couronne, Viens, ô ma bien-aimée ! Et, fermant tes beaux yeux, Qu’épouvante l’aspect du désordre des cieux, Sur mon sein, sous mes bras repose encor ta tête, Comme l’oiseau qui dort au sein de la tempête ; Je te dirai l’instant où le ciel sourira, Et durant le péril ma voix te parlera. » La vierge sur son cœur pencha sa tête blonde ; Un bruit régnait au loin, pareil au bruit de l’onde : Mais tout était paisible et tout dormait dans l’air ; Rien ne semblait vivant, rien, excepté l’éclair. Le pasteur poursuivit d’une voix solennelle : « Adieu, monde sans borne, ô terre maternelle ! Formes de l’horizon, ombrages des forêts, Antres de la montagne, embaumés et secrets ; Gazons verts, belles fleurs de l’oasis chérie, Arbres, rochers connus, aspects de la patrie ! Adieu ! Tout va finir, tout doit être effacé, Le temps qu’a reçu l’homme est aujourd’hui passé, Demain rien ne sera. Ce n’est point par l’épée, Postérité d’Adam, que tu seras frappée, Ni par les maux du corps ou les chagrins du cœur ; Non, c’est un élément qui sera ton vainqueur. La terre va mourir sous des eaux éternelles, Et l’ange en la cherchant fatiguera ses ailes. Toujours succédera, dans l’univers sans bruits, Au silence des jours le silence des nuits. L’inutile soleil, si le matin l’amène, N’entendra plus la voix et la parole humaine ; Et quand sur un flot mort sa flamme aura relui, Le stérile rayon remontera vers lui. Oh ! pourquoi de mes yeux a-t-on levé les voiles ? Comment ai-je connu le secret des étoiles ? Science du désert, annales des pasteurs ! Cette nuit, parcourant vos divines hauteurs Dont l’Egypte et Dieu seul connaissent le mystère, Je cherchais dans le ciel l’avenir de la terre ; Ma houlette savante, orgueil de nos bergers, Traçait l’ordre éternel sur les sables légers, Comparant, pour fixer l’heure où l’étoile passe, Les cailloux de la plaine aux lueurs de l’espace. Mais un ange a paru dans la nuit sans sommeil ; Il avait de son front quitté l’éclat vermeil, Il pleurait, et disait dans sa douleur amère : « Que n’ai-je pu mourir lorsque mourut ta mère ! J’ai failli, je l’aimais, Dieu punit cet amour, Elle fut enlevée en te laissant au jour. Le nom d’Emmanuel que la terre te donne, C’est mon nom. J’ai prié pour que Dieu te pardonne ; Va seul au mont Arar, prends ses rocs pour autels, Prie, et seul, sans songer au destin des mortels, Tiens toujours tes regards plus hauts que sur la terre ; La mort de l’innocence est pour l’homme un mystère ; Ne t’en étonne pas, n’y porte pas tes yeux ; La pitié du mortel n’est point celle des cieux. Dieu ne fait point de pacte avec la race humaine ; Qui créa sans amour fera périr sans haine. Sois seul, si Dieu m’entend, je viens. » Il m’a quitté ; Avec combien de pleurs, hélas ! l’ai-je écouté ! J’ai monté sur l’Arar, mais avec une femme. » Sara lui dit : « Ton âme est semblable à mon âme, Car un mortel m’a dit : « Venez sur Gelboë, Je me nomme Japhet, et mon père est Noë. Devenez mon épouse, et vous serez sa fille ; Tout va périr demain, si ce n’est ma famille. » Et moi je l’ai quitté sans avoir répondu, De peur qu’Emmanuel n’eût longtemps attendu. » Puis tous deux embrassés, ils se dirent ensemble : « Ah ! louons l’éternel, il punit, mais rassemble ! » Le tonnerre grondait ; et tous deux à genoux S’écrièrent alors : « O Seigneur, jugez-nous ! » II Tous les vents mugissaient, les montagnes tremblèrent, Des fleuves arrêtés les vagues reculèrent, Et du sombre horizon dépassant la hauteur, Des vengeances de Dieu l’immense exécuteur, L’océan apparut. Bouillonnant et superbe, Entraînant les forêts comme le sable et l’herbe, De la plaine inondée envahissant le fond, Il se couche en vainqueur dans le désert profond, Apportant avec lui comme de grands trophées Les débris inconnus des villes étouffées, Et là bientôt plus calme en son accroissement, Semble, dans ses travaux, s’arrêter un moment, Et se plaire à mêler, à briser sur son onde Les membres arrachés au cadavre du Monde. Ce fut alors qu’on vit des hôtes inconnus Sur des bords étrangers tout à coup survenus ; Le cèdre jusqu’au nord vint écraser le saule ; Les ours noyés, flottants sur les glaçons du pôle, Heurtèrent l’éléphant près du Nil endormi, Et le monstre, que l’eau soulevait à demi, S’étonna d’écraser, dans sa lutte contre elle, Une vague où nageaient le tigre et la gazelle. En vain des larges flots repoussant les premiers, Sa trompe tournoyante arracha les palmiers ; Il fut roulé comme eux dans les plaines torrides, Regrettant ses roseaux et ses sables arides, Et de ses hauts bambous le lit flexible et vert, Et jusqu’au vent de flamme exilé du désert. Dans l’effroi général de toute créature, La plus féroce même oubliait sa nature ; Les animaux n’osaient ni ramper ni courir, Chacun d’eux résigné se coucha pour mourir. En vain fuyant aux cieux l’eau sur ses rocs venue, L’aigle tomba des airs, repoussé par la nue. Le péril confondit tous les êtres tremblants. L’homme seul se livrait à des projets sanglants. Quelques rares vaisseaux qui se faisaient la guerre, Se disputaient longtemps les restes de la terre : Mais, pendant leurs combats, les flots non ralentis Effaçaient à leurs yeux ces restes engloutis. Alors un ennemi plus terrible que l’onde Vint achever partout la défaite du monde ; La faim de tous les cœurs chassa les passions : Les malheureux, vivants après leurs nations, N’avaient qu’une pensée, effroyable torture, L’approche de la mort, la mort sans sépulture. On vit sur un esquif, de mers en mers jeté, L’oeil affamé du fort sur le faible arrêté ; Des femmes, à grands cris insultant la nature, Y réclamaient du sort leur humaine pâture ; L’athée, épouvanté de voir Dieu triomphant, Puisait un jour de vie aux veines d’un enfant ; Des derniers réprouvés telle fut l’agonie. L’amour survivait seul à la bonté bannie ; Ceux qu’unissaient entre eux des serments mutuels, Et que persécutait la haine des mortels, S’offraient ensemble à l’onde avec un front tranquille, Et contre leurs douleurs trouvaient un même asile. Mais sur le mont Arar, encor loin du trépas, Pour sauver ses enfants l’ange ne venait pas ; En vain le cherchaient-ils, les vents et les orages N’apportaient sur leurs fronts que de sombres nuages. Cependant sous les flots montés également Tout avait par degrés disparu lentement : Les cités n’étaient plus, rien ne vivait, et l’onde Ne donnait qu’un aspect à la face du monde. Seulement quelquefois sur l’élément profond Un palais englouti montrait l’or de son front ; Quelques dômes, pareils à de magiques îles, Restaient pour attester la splendeur de leurs villes. Là parurent encore un moment deux mortels : L’un la honte d’un trône, et l’autre des autels ; L’un se tenant au bras de sa propre statue, L’autre au temple élevé d’une idole abattue. Tous deux jusqu’à la mort s’accusèrent en vain De l’avoir attirée avec le flot divin. Plus loin, et contemplant la solitude humide, Mourait un autre roi, seul sur sa pyramide. Dans l’immense tombeau, s’était d’abord sauvé Tout son peuple ouvrier qui l’avait élevé : Mais la mer implacable, en fouillant dans les tombes, Avait tout arraché du fond des catacombes : Les mourants et leurs Dieux, les spectres immortels, Et la race embaumée, et le sphinx des autels, Et ce roi fut jeté sur les sombres momies Qui dans leurs lits flottants se heurtaient endormies. Expirant, il gémit de voir à son côté Passer ces demi-dieux sans immortalité, Dérobés à la mort, mais reconquis par elle Sous les palais profonds de leur tombe éternelle ; Il eut le temps encor de penser une fois Que nul ne saurait plus le nom de tant de rois, Qu’un seul jour désormais comprendrait leur histoire, Car la postérité mourait avec leur gloire. L’arche de Dieu passa comme un palais errant. Le voyant assiégé par les flots du courant, Le dernier des enfants de la famille élue Lui tendit en secret sa main irrésolue, Mais d’un dernier effort : « Va-t’en, lui cria-t-il, De ton lâche salut je refuse l’exil ; Va, sur quelques rochers qu’aura dédaignés l’onde, Construire tes cités sur le tombeau du monde ; Mon peuple mort est là, sous la mer je suis roi. Moins coupables que ceux qui descendront de toi, Pour étonner tes fils sous ces plaines humides, Mes géants glorieux laissent les pyramides ; Et sur le haut des monts leurs vastes ossements, De ces rivaux du ciel terribles monuments, Trouvés dans les débris de la terre inondée, Viendront humilier ta race dégradée. » Il disait, s’essayant par le geste et la voix A l’air impérieux des hommes qui sont rois, Quand, roulé sur la pierre et touché par la foudre, Sur sa tombe immobile, il fut réduit en poudre. Mais sur le mont Arar l’Ange ne venait pas ; L’eau faisait sur les rocs de gigantesques pas, Et ses flots rugissants vers le mont solitaire Apportaient avec eux tous les bruits du tonnerre. Enfin le fléau lent qui frappait les humains Couvrit le dernier point des œuvres de leurs mains ; Les montagnes, bientôt par l’onde escaladées, Cachèrent dans son sein leurs têtes inondées. Le volcan s’éteignit, et le feu périssant Voulut en vain y rendre un combat impuissant ; A l’élément vainqueur il céda le cratère, Et sortit en fumant des veines de la terre. III Rien ne se voyait plus, pas même des débris ; L’univers écrasé ne jetait plus ses cris. Quand la mer eut des monts chassé tous les nuages, On vit se disperser l’épaisseur des orages ; Et les rayons du jour, dévoilant leur trésor, Lançaient jusqu’à la mer des jets d’opale et d’or ; La vague était paisible, et molle et cadencée, En berceaux de cristal mollement balancée ; Les vents, sans résistance, étaient silencieux ; La foudre, sans échos, expirait dans les cieux ; Les cieux devenaient purs, et, réfléchis dans l’onde, Teignaient d’un azur clair l’immensité profonde. Tout s’était englouti sous les flots triomphants, Déplorable spectacle ! Excepté deux enfants. Sur le sommet d’Arar tous deux étaient encore, Mais par l’onde et les vents battus depuis l’aurore. Sous les lambeaux mouillés des tuniques de lin, La vierge était tombée aux bras de l’orphelin ; Et lui, gardant toujours sa tête évanouie, Mêlait ses pleurs sur elle aux gouttes de la pluie. Cependant, lorsqu’enfin le soleil renaissant Fit tomber un rayon sur son front innocent, Par la beauté du jour un moment abusée, Comme un lis abattu, secouant la rosée, Elle entr’ouvrit les yeux et dit : « Emmanuel ! Avons-nous obtenu la clémence du ciel ? J’aperçois dans l’azur la colombe qui passe, Elle porte un rameau ; Dieu nous a-t-il fait grâce ? — La colombe est passée et ne vient pas à nous. — Emmanuel, la mer a touché mes genoux. — Dieu nous attend ailleurs à l’abri des tempêtes. — Vois-tu l’eau sur nos pieds ? — Vois le ciel sur nos têtes. — Ton père ne vient pas ; nous serons donc punis ? — Sans doute après la mort nous serons réunis. — Venez, Ange du ciel, et prêtez-lui vos ailes ! — Recevez-la, mon père, aux voûtes éternelles ! » Ce fut le dernier cri du dernier des humains. Longtemps, sur l’eau croissante élevant ses deux mains, Il soutenait Sara par les flots poursuivie ; Mais, quand il eut perdu sa force avec la vie, Par le ciel et la mer le monde fut rempli, Et l’arc-en-ciel brilla, tout étant accompli. Écrit à Oloron, dans les Pyrénées, en 1823.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    Symétha À Pichald « Navire aux larges flancs de guirlandes ornés, Aux Dieux d’ivoire, aux mâts de roses couronnés ! Oh ! qu’Eole, du moins, soit facile à tes voiles ! Montrez vos feux amis, fraternelles étoiles ! Jusqu’au port de Lesbos guidez le nautonier, Et de mes vœux pour elle exaucez le dernier : Je vais mourir, hélas ! Symétha s’est fiée Aux flots profonds ; l’Attique est par elle oubliée. Insensée ! elle fuit nos bords mélodieux, Et les bois odorants, berceaux des demi-Dieux, Et les chœurs cadencés dans les molles prairies, Et, sous les marbres frais, les saintes Théories. Nous ne la verrons plus, au pied du Parthénon, Invoquer Athénée en répétant son nom ; Et, d’une main timide, à nos rites fidèle, Ses longs cheveux dorés couronnés d’asphodèle, Consacrer ou le voile, ou le vase d’argent, Ou la pourpre attachée au fuseau diligent. O vierge de Lesbos ! que ton île abhorrée S’engloutisse dans l’onde à jamais ignorée, Avant que ton navire ait pu toucher ses bords ! Qu’y vas-tu faire ? Hélas ! quel palais, quels trésors Te vaudront notre amour ? Vierge, qu’y vas-tu faire ? N’es-tu pas, Lesbienne, à Lesbos étrangère ? Athène a vu longtemps s’accroître ta beauté, Et, depuis que trois fois t’éclaira son été, Ton front s’est élevé jusqu’au front de ta mère ; Ici, loin des chagrins de ton enfance amère, Les Muses t’ont souri. Les doux chants de ta voix Sont nés Athéniens ; c’est ici, sous nos bois, Que l’amour t’enseigna le joug que tu m’imposes ; Pour toi mon seuil joyeux s’est revêtu de roses. « Tu pars ; et cependant m’as-tu toujours haï, Symétha ? Non, ton cœur quelquefois s’est trahi ; Car, lorsqu’un mot flatteur abordait ton oreille, La pudeur souriait sur ta lèvre vermeille : Je l’ai vu, ton sourire aussi beau que le jour ; Et l’heure du sourire est l’heure de l’amour. Mais le flot sur le flot en mugissant s’élève, Et voile à ma douleur le vaisseau qui t’enlève. C’en est fait, et mes pieds déjà sont chez les morts ; Va, que Vénus du moins t’épargne le remords ! Lie un nouvel hymen ! va ; pour moi, je succombe ; Un jour, d’un pied ingrat tu fouleras ma tombe, Si le destin vengeur te ramène eu ces lieux Ornés du monument de tes cruels adieux. » — Dans le port du Pirée, un jour fut entendue Cette plainte innocente, et cependant perdue ; Car la vierge enfantine, auprès des matelots, Admirait et la rame, et l’écume des flots ; Puis, sur la haute poupe accourue et couchée, Saluait, dans la mer, son image penchée, Et lui jetait des fleurs et des rameaux flottants, Et riait de leur chute et les suivait longtemps ; Ou, tout à coup rêveuse, écoutait le Zéphire, Qui, d’une aile invisible, avait ému sa lyre. Écrit en 1815.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Les voiles Quand j’étais jeune et fier et que j’ouvrais mes ailes, Les ailes de mon âme à tous les vents des mers, Les voiles emportaient ma pensée avec elles, Et mes rêves flottaient sur tous les flots amers. Je voyais dans ce vague où l’horizon se noie Surgir tout verdoyants de pampre et de jasmin Des continents de vie et des îles de joie Où la gloire et l’amour m’appelaient de la main. J’enviais chaque nef qui blanchissait l’écume, Heureuse d’aspirer au rivage inconnu, Et maintenant, assis au bord du cap qui fume, J’ai traversé ces flots et j’en suis revenu. Et j’aime encor ces mers autrefois tant aimées, Non plus comme le champ de mes rêves chéris, Mais comme un champ de mort où mes ailes semées De moi-même partout me montrent les débris. Cet écueil me brisa, ce bord surgit funeste, Ma fortune sombra dans ce calme trompeur ; La foudre ici sur moi tomba de l’arc céleste Et chacun de ces flots roule un peu de mon coeur.

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    L’Amérique Fragments Magellan, fils du Tage, et Drake et Bougainville Et l’Anglais dont Neptune aux plus lointains climats Reconnaissait la voile et respectait les pas. Le Cancer sous les feux de son brûlant tropique L’attire entre l’Asie et la vaste Amérique, En des ports où jadis il entra le premier. Là l’insulaire ardent, jadis hospitalier, L’environne : il périt. Sa grande âme indignée, Sur les flots, son domaine, à jamais promenée, D’ouragans ténébreux bat le sinistre bord Où son nom, ses vertus, n’ont point fléchi la mort. J’accuserai les vents et cette mer jalouse Qui retient, qui peut-être a ravi La Peyrouse. Il partit. L’amitié, les sciences, l’amour Et la gloire française imploraient son retour. Six ans sont écoulés sans que la renommée De son trépas au moins soit encore informée. Malheureux ! un rocher inconnu sous les eaux A-t-il, brisant les flancs de tes hardis vaisseaux, Dispersé ta dépouille au sein du gouffre immense ? Ou, le nombre et la fraude opprimant ta vaillance, Nu, captif, désarmé, du sauvage inhumain As-tu vu s’apprêter l’exécrable festin ? Ou plutôt dans une île, assis sur le rivage, Attends-tu ton ami voguant de plage en plage ; Ton ami qui partout, jusqu’aux bornes des mers Où d’éternelles nuits et d’éternels hivers Fout plier notre globe entre deux monts de glace, Aux flots de l’Océan court demander ta trace ? Malheureux ! tes amis, souvent dans leurs banquets, Disent en soupirant :  » Reviendra-t-il jamais ? «  Ta femme à son espoir, à ses voeux enchaînée, Doutant de son veuvage ou de son hyménée, N’entend, ne voit que toi dans ses chastes douleurs, Se reproche un sourire, et, tout entière aux pleurs, Cherche en son lit désert, peuplé de ton image, Un pénible sommeil que trouble ton naufrage.

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    Andrée Chedid

    Andrée Chedid

    @andreeChedid

    La vie voyage Aucune marche Aucune navigation N'égalent celles de la vie S'actionnant dans tes vaisseaux Se centrant dans l'îlot du cœur Se déplaçant d'âge en âge Aucune exploration Aucune géologie Ne se comparent aux circuits du sang Aux alluvions du corps Aux éruptions de l'âme Aucune ascension Aucun sommet Ne dominent l'instant Où t'octroyant forme La vie te prêta vie Les versants du monde Et les ressources du jour Aucun pays Aucun périple Ne rivalisent avec ce bref parcours Voyage très singulier De la vie Devenue Toi.

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    Antonin Artaud

    Antonin Artaud

    @antoninArtaud

    Le navire mystique Il se sera perdu le navire archaïque Aux mers où baigneront mes rêves éperdus, Et ses immenses mâts se seront confondus Dans les brouillards d’un ciel de Bible et de Cantiques. Et ce ne sera pas la Grecque bucolique Qui doucement jouera parmi les arbres nus ; Et le Navire Saint n’aura jamais vendu La très rare denrée aux pays exotiques. Il ne sait pas les feux des havres de la terre, Il ne connaît que Dieu, et sans fin, solitaire Il sépare les flots glorieux de l’Infini. Le bout de son beaupré plonge dans le mystère ; Aux pointes de ses mâts tremble toutes les nuits L’Argent mystique et pur de l’étoile polaire.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Le bateau ivre Comme je descendais des Fleuves impassibles, Je ne me sentis plus guidé par les haleurs : Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles, Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. J’étais insoucieux de tous les équipages, Porteur de blés flamands ou de cotons anglais. Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages, Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais. Dans les clapotements furieux des marées, Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants, Je courus ! Et les Péninsules démarrées N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants. La tempête a béni mes éveils maritimes. Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes, Dix nuits, sans regretter l’oeil niais des falots ! Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sures, L’eau verte pénétra ma coque de sapin Et des taches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin. Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème De la Mer, infusé d’astres, et lactescent, Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême Et ravie, un noyé pensif parfois descend ; Où, teignant tout à coup les bleuités, délires Et rhythmes lents sous les rutilements du jour, Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres, Fermentent les rousseurs amères de l’amour ! Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes Et les ressacs et les courants : je sais le soir, L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes, Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir ! J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques, Illuminant de longs figements violets, Pareils à des acteurs de drames très antiques Les flots roulant au loin leurs frissons de volets ! J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Baisers montant aux yeux des mers avec lenteurs, La circulation des sèves inouïes, Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs ! J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries Hystériques, la houle à l’assaut des récifs, Sans songer que les pieds lumineux des Maries Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs ! J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux ! J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan ! Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces, Et les lointains vers les gouffres cataractant ! Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises ! Échouages hideux au fond des golfes bruns Où les serpents géants dévorés des punaises Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums ! J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants. – Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants. Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux… Presque île, ballottant sur mes bords les querelles Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds. Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles Des noyés descendaient dormir, à reculons ! Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau, Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ; Libre, fumant, monté de brumes violettes, Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur Qui porte, confiture exquise aux bons poètes, Des lichens de soleil et des morves d’azur ; Qui courais, taché de lunules électriques, Planche folle, escorté des hippocampes noirs, Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ; Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais, Fileur éternel des immobilités bleues, Je regrette l’Europe aux anciens parapets ! J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : – Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles, Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ? Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer : L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes. Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer ! Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai. Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames, Enlever leur sillage aux porteurs de cotons, Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes, Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

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    B

    Bertrand Naivin

    @bertrandNaivin

    Fort-de-France Il y a sur le sol provenant de ton malaise d’ébène des traces de vomissure de passé incendié des bris débris de siècles de corps entravés torturés à manger leur sexe leur manman leur papa toute leur grandeur que l’homme ce diable à la peau roussie par la colère la sienne comme celle du soleil n’aura jamais malgré son fouet Il y a sous les tôles dépareillées rouillées de tes habitations sans fortune des générations de bonheur gâché et tout ça pour quoi? pour du sucre du café le béké qui gesticule et sue toute son impuissance face à cette nature cette souffrance qui se fout de lui et se retrouve chaque nuit pour se réchauffer avec la magie du monde d’antan Il y a dans tous ces câbles dans ces pilonnes échevelés une frénésie à l’avenir qui capitule et jette au loin dans les vagues la télécommande pour mieux rêver d’acras pourvoyeurs de richesse Il y a dans les fissures de cette ville que tu fus ce bastion cette fierté de ces blancs-France pleins d’Histoire de celle-là même qui te refuse il y a dans ces couleurs passées qui reprennent pourtant du terrain sur l’albâtre parasite toute l’Afrique qui se réveille mais aussi l’Inde comme la Chine et puis bien sûr cette Amérique porteuse de pagnes et d’esprits qui n’est plus tue par nos vitrines Il y a dans le sourire du zoreille que je suis malgré moi malgré toi des soleils enfermés qui se vengent par la joie la danse par la sueur l’indolence sauvage qui règlent leur compte à ces cages ces muselières qu’on imposait en ces temps tristes crépusculaires à ta gourmandise interdite Il y a dans ce ti punch ce rhum vieux de toutes ces vies d’exil le plaisir qui inonde ces fonds de cale couverts de merde et de larmes éternelles Il y a en toi Fort-de-France Fort la Royale d’un nouveau règne le tien le mien un métropolitain perdu plein d’une gratitude moite pour cette famille retrouvée

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Le départ A bord de la Madone. Que la brise des mers te porte mes adieux, O France, je te quitte; adieu, France chérie! Adieu, doux ciel natal, terre où j’ouvris les yeux! Adieu, patrie! adieu, patrie ! Il tombe, ce mistral, dont le souffle glacé M’enchaînait dans le port de l’antique Marseille; Mon brick napolitain, qui sommeillait la veille Sur cette onde captive où les vents l’ont bercé, Aux cris qui frappent mon oreille Sous ses agrès tremblants s’émeut, frémit, s’éveille, Et loin du port s’est élancé. O toi, des Phocéens brillante colonie, Adieu, Marseille, adieu! Je vois blanchir tes forts. Puisses-tu féconder, par de constants efforts, Les germes de vertu, de valeur, de génie, Dont les Grecs tes aïeux vinrent semer tes bords. Que la mer te soit douce, et que le ciel prospère Regarde avec amour tes opulents remparts! O fille de la Grèce, encore adieu, je pars; Sois plus heureuse que ta mère! Je les brave, tes flots, je ris de leur courroux; J’aime à sentir dans l’air leur mordante amertume; Ils viennent, et de loin soulevant leur écume, A la proue élancés, ils bondissent vers nous. Mais, tels que des lions dont la fureur avide Sous une main connue expire en rugissant, Je les vois caresser le voile blanchissant De la Madone qui nous guide, Lorsque son bras doré, sur leur dos s’abaissant, Joue avec leur crinière humide. Courage, mon vaisseau! double ce cap lointain; Penche-toi sur les mers; que le beaupré s’incline Sous le foc déployé qui s’enfle et le domine. Mais ce cap, c’est la France; elle aura fui demain… Je l’entends demander d’une voix douce et fière, Sur quels bords, dans quels champs en lauriers plus féconds, Ma muse va chercher des débris et des noms, Et des siècles passés évoquer la poussière? Elle étale au midi ses monuments romains, Les colonnades de ses bains, De ses cirques déserts la ruine éloquente, Ce temple sans rival, dont la main d’Apollon, Sur des appuis de marbre et des feuilles d’acanthe, Suspendit l’élégant fronton; Ses palais, ses tombeaux, ses théâtres antiques, Et les deux monts unis où gronde le Gardon Sous un triple rang de portiques. Elle me montre au nord ses murs irréguliers Et leurs clochers pieux sortant d’un noir feuillage, Où j’entendis gémir durant les nuits d’orage Et la muse des chevaliers, Et les spectres du moyen âge; Ses vieux donjons normands, bâtis par nos aïeux, Et les créneaux brisés du château solitaire, ‘ Qui raconte leur gloire, en parlant à nos yeux De ce bâtard victorieux Dont le bras conquis l’Angleterre. Je la vois, cette France, agiter les rameaux Du chêne prophétique adoré des druides; Elle couronne encor leurs ombres intrépides, De la verveine des tombeaux, Et chante les exploits prédits par leurs oracles, Que, sous les trois couleurs, sous l’aigle ou sous les lis, Vingt siècles rivaux de miracles Par la victoire ont accomplis. Puis, voilant sous des pleurs l’éclat dont son oeil brille, Elle m’invite avec douceur A reprendre ma place au foyer de famille, Et murmure les noms d’un père et d’une soeur… Arrête, mon vaisseau, tu m’emportes trop vite. Pour mes derniers regards que la France a d’attraits! Quel parfum de patrie apporte ce vent frais! Que la patrie est belle au moment qu’on la quitte! Famille, et vous, amis, recevez mes adieux! Et toi, France, pardonne! Adieu, France chérie, Adieu, doux ciel natal, terre où j’ouvris les yeux! Adieu, patrie! adieu, patrie!… Deux fois dans les flots purs, où tremblait sa clarté. J’ai vu briller du ciel l’éblouissante image, Et dans l’ombre deux fois la proue à son passage Creuser en l’enflammant un sillon argenté. Quels sont ces monts hardis, ces roches inconnues? Leur pied se perd sous l’onde et leur front dans les nues. C’est la Corse!… O destin! Faible enfant sur ce bord, Sujet à sa naissance et captif à sa mort, Il part du sein des mers, où plus tard il retombe, Celui dont la grandeur eut, par un jeu du sort, Une île pour berceau, pour asile et pour tombe. Tel, du vaste Océan chaque jour nous voyons Le globe du soleil s’élever sans rayons; Il monte, il brille, il monte encore; Sur le trône vacant de l’empire des cieux, Il s’élance, et, monarque, il découvre à nos yeux Sa couronne de feu dont l’éclat nous dévore; Puis il descend, se décolore, Et dans l’Océan, étonné De le voir au déclin ce qu’il fut à l’aurore, Rentrer pâle et découronné. Où va-t-il, cet enfant qui s’ignore lui-même? La main des vieux nochers passe sur ses cheveux Qui porteront un diadème. Ils lui montrent la France en riant de ses jeux… Ses jeux seront un jour la conquête et la guerre; Les bras de cet enfant ébranleront la terre. O toi, rivage hospitalier, Qui le reçois sans le connaître, Et le rejetteras sans pouvoir l’oublier, France, France, voilà ton maître; Louis, voilà ton héritier. Où va-t-il, ce vainqueur que l’Italie admire? Il va du bruit de ses exploits Réveiller les échos de Thèbe et de Palmire. Il revient; tout tremble à sa voix; Républicains trompés, courbez-vous sous l’empire! Le midi de sa gloire alors le couronna Des rayons d’Austerlitz, de Wagram, d’Iéna. Esclaves et tyrans, sa gloire était la nôtre, Et d’un de ses deux bras, qui nous donna des fers, Appuyé sur la France, il enchaînait de l’autre Ce qui restait de l’univers. Non, rien n’ébranlera cette vaste puissance!… L’île d’Elbe à mes yeux se montre et me répond; C’est là qu’il languissait, l’oeil tourné vers la France. Mais un brick fend ces mers : << Courbez-vous sur le pont! << A genoux! le jour vient d’éclore; << Couchez-vous sur cette arme inutile aujourd’hui! << Cachez ce lambeau tricolore… >> C’est sa voix : il aborde, et la France est à lui. Il la joue, il la perd; l’Europe est satisfaite, Et l’aigle, qui, tombant aux pieds du léopard, Change en grand capitaine un héros de hasard, Illustre aussi vingt rois, dont la gloire muette N’eut jamais retenti dans la postérité; Et d’une part dans sa défaite, Il fait à chacun d’eux une immortalité. Il n’a régné qu’un jour; mais à travers l’orage Il versait tant d’éclat sur son peuple séduit, Que le jour qui suivit son rapide passage, Terne et décoloré, ressemblait à la nuit. La Liberté parut : son flambeau tutélaire, Brûlant d’un feu nouveau, nous guide et nous éclaire. Depuis l’heure où, donnant un maître à des héros, Rome enfanta César, la nature épuisée Pour créer son pareil s’est longtemps reposée. La voilà derechef condamnée au repos. Respirons sous les lois, et, mieux instruits que Rome, Profitons, pour fonder leur pouvoir souverain, Des siècles de répit promis au genre humain Par l’enfantement d’un seul homme. Défends ta liberté, ce sont là mes adieux! France, préfère à tout ta liberté chérie; Adieu, doux ciel natal, terre où j’ouvris les yeux! Adieu, patrie! adieu, patrie!

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Le vaisseau Naples. Par les flots balancée, une barque légère Hier m’avait porté sur ce vaste vaisseau Qui fatiguait le golfe et sa vaine colère D’un inébranlable fardeau. Ses longs mâts dans les deux montaient en pyramides : Comme un serpent ailé, leur flamme au sein des airs Déroulait ses anneaux rapides, Et j’admirais ce noir géant des mers, Armé d’un triple rang de bronzes homicides, Qui sortaient à demi de ses flancs entr’ouverts. Ces mots : Demain ! demain ! ce doux nom de la Grèce, Volent débouche en bouche : on s’agite, on s’empresse. L’un, penché sur les ponts, aux câbles des sabords Enchaîne les foudres roulantes ; L’autre court, suspendu sur les vergues tremblantes, Où la voile, en criant, cède à ses longs efforts. Leur chef le commandait, et son regard tranquille De la poupe à la proue errait de tous côtés, Avant d’abandonner cette masse immobile Au souffle des vents irrités. Ainsi, prêt à quitter les sphères immortelles, Pour ravir une proie au vautour furieux, L’aigle, tranquille et fier, se mesure des yeux, Essaie, eu les ouvrant, si ses ongles fidèles A sa colère obéiront encor, Et, pour battre les airs, étend deux fois ses ailes Avant de prendre son essor. Témoin de ces apprêts, debout sous la misaine, Il part, disais-je, il part ; mais doit-il affranchir Les généreux enfants de Sparte et de Mécène ? Doit-il sous un pacha les contraindre à fléchir ? Pour qui grondera son tonnerre ? A ce peuple persécuté Porte-t-il dans ses flancs où la paix ou la guerre, L’esclavage ou la liberté ? La liberté, sans doute !… et la Grèce est mourante ; Son sang coule et s’épuise. Ah ! qu’il parte ! il est temps De sauver, d’arracher au sabre des sultans La victime encor palpitante. Quand je la vois toucher à ses derniers instants, Il fatigue mon cœur d’une trop longue attente. Comme toi menaçant, et comme toi muet, Vésuve, que fait-il sous ton double sommet, Qui, trompant mon espoir par la vapeur légère Que ta bouche béante exhale vers les cieux, Fume éternellement sans éblouir mes yeux Du spectacle de ta colère ? Dors, volcan imposteur, par les ans refroidi, Dors, et sois pour l’enfance un objet de risée ; Vieillard, sous la cendre engourdi, Je suis las d’insulter à ta lave épuisée ; Mais qu’il tonne du moins ce Vésuve flottant, Moins avare que loi des flammes qu’il recèle ! Que son courroux tardif soit juste en éclatant Sur les mers du Bosphore où Canaris l’appelle ! Quand il fendra les flots, si souvent éclairés Par des esquifs brûlants qui vengeaient la patrie. S’il faut une étincelle à sa flamme assoupie, Qu’elle s’allume aux feux de ces brandons sacrés Que la Grèce avait préparés Pour les flottes d’Alexandrie ! Mais non ; son seul aspect sous les murs ottomans Fera triompher la croix sainte ; Il verra du sérail trembler les fondements, Les flots de Marmara se troubleront de crainte, Et, sans contraindre Athène à payer un succès Qui l’arrache expirante au joug de l’infidèle, Si l’Anglais la délivre, au moins quelques Français Auront versé leur sang pour elle. Toi qu’ils ont devancé dans ton noble dessein, Vaisseau libérateur, reçois-moi sur ton sein ; Pars, va me déposer sous ces blanches colonnes Où Socrate inspirait les discours de Platon. Mes yeux verront flotter les premières couronnes Que les Grecs vont suspendre aux murs du Parthénon. Laisse-moi, sous des fleurs et sous de verts feuillages Consacrés par mes mains à ses dieux exilés, Laisse-moi cacher les outrages De ses marbres vainqueurs de la guerre et des âges Que votre Elgin a mutilés. Je les verrai, ces morts qui vivent dans l’histoire, Pour saluer des jours si beaux, Renaître et soulever les trois mille ans de gloire Dont le temps chargea leurs tombeaux ; Et moi, chantant comme eux ces jours de délivrance,. J’irai mêler la voix, l’hymne à peine écouté D’un obscur enfant de la France, A leurs cris de reconnaissance, A leurs hymnes de liberté. Va donc, n’hésite plus, n’attends pas les étoiles ; Des flambeaux de la nuit les feux seront pour toi. N’entends-tu pas le vent qui frémit dans tes voiles ? Il t’invite à partir ; pars, vole, emporte-moi ! N’oins, je me confie à ton humide haleine ; A toi, brûlant Siroc ; à toi, noir Aquilon ; Mugis, qui que tu sois qui souffles vers Athène : Tout me sera Zéphyr, quelque vent qui m’entraîna Du tombeau de Virgile au tombeau de Byron ! Vain songe !… Il dédaigna ma prière inutile. Hélas ! pour un Français il n’avait point d’asile. Au lever du soleil, mes yeux l’ont découvert Entre le doux Sorrente, où la grappe dorée Se marie au citronnier vert, Et les rochers aigus de la pâle Caprée. Sans doute il entendit, sur ce pic menaçant, L’infâme successeur des demi-dieux du Tibre, Tibère, s’éveillant au nom d’un peuple libre, Des Grecs ressuscites lui demander le sang. Sur la rive opposée il ne put méconnaître Ce chantre harmonieux que Sorrente a vu naître : Le Tasse errait encor dans l’asile enchanté Où l’amour d’une sœur recueillit sa misère ; Du sein de l’immortalité, Poète, il fit des vœux pour, les enfants d’Homère !… Le vaisseau cependant voguait sur l’onde amère. Oui des deux a-t-il écouté ?…

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Le voyageur Tu nous rends nos derniers signaux; Le long du bord le câble crie; L’ancre s’élève et sort des eaux; La voile s’ouvre; adieu, patrie! Des flots l’un par l’autre heurtés Je vois fuir les cimes mouvantes, Comme les flocons argentés Des toisons sur nos monts errantes. << Je vois se dérouler les noeuds Qui mesurent l’humide plaine, Et je vogue, averti par eux Que loin de toi le vent m’entraîne. << Doux pays, bois sacrés, beaux lieux, Je pars, et pour toujours peut-être! >> Disait un grec dans ses adieux À Cypre qui l’avait vu naître; << Sur vos rives la liberté, Ainsi que la gloire, est proscrite; Je pars, je les suis, et je quitte Le beau ciel qu’elles ont quitté. >> Il chercha la liberté sainte D’Agrigente aux vallons d’Enna; Sa flamme antique y semble éteinte, Comme les flammes de l’Etna. A Naple, il trouva son idole Qui tremblait un glaive à la main; Il vit Rome, et pas un Romain Sur les débris du capitole! O Venise, il vit tes guerriers; Mais ils ont perdu leur audace Plus vite que tes gondoliers N’ont oublié les vers du Tasse. Il chercha sous le ciel du nord Pour les Grecs un autre Alexandre… Ah! Dit-il, le Phénix est mort, Et ne renaît plus de sa cendre! A Vienne, il apprit dans les rangs Des oppresseurs de l’Ausonie Que le succès change en tyrans Les vainqueurs de la tyrannie. Il trouva les Anglais trop fiers; Albion se dit magnanime; Des noirs elle a brisé les fers, Et ce sont les blancs qu’elle opprime; Il parcourt Londre, en y cherchant Cet homme, l’effroi de la terre, Dont la splendeur à son couchant Pour tombeau choisit l’Angleterre. Mais elle a craint ce prisonnier, Et, reculant devant sa gloire, A mis l’océan tout entier Entre un seul homme et la victoire. Sur toi, Cadix, il vient pleurer; Nos soldats couvraient ton rivage; Il vient, maudissant leur courage; Il part, de peur de l’admirer. Paris l’appelle; au seuil d’un temple Le Grec, dans nos murs arrêté, Sur l’autel voit la liberté… Mais c’est un marbre qu’il contemple, Semblable à ces dieux inconnus, À ces images immortelles Dont les formes sont encor belles, Dont la divinité n’est plus. Pour revoir son île chérie, Il franchit les flots écumans; Mais le courroux des Musulmans Avait passé sur sa patrie. Des débris en couvraient les bords, Et de leur cendre amoncelée Les vautours, prenant leur volée, Emportaient les lambeaux des morts. Il dit, s’élançant dans l’abîme: << Les peuples sont nés pour souffrir; Noir océan, prends ta victime, S’il faut être esclave ou mourir! >> Ainsi l’alcyon, moins timide, Part et se croit libre en quittant La rive où sa mère l’attend Dans le nid qu’il a laissé vide. Il voltige autour des palais, Orgueil de la cité prochaine, Et voit ses frères qu’on enchaîne, Se débattre dans des filets. Il voit le rossignol, qui chante Les amours et la liberté, Puni par la captivité Des doux sons de sa voix touchanté. De l’Olympe il voit l’aigle altier Briser, pour sortir d’esclavage, Son front royal et prisonnier Contre les barreaux de sa cage. Vers sa mère il revient tremblant, Et l’appelle en vain sur la rive, Où flotte le duvet sanglant De quelque plume fugitive. L’oiseau reconnait ces débris; Il suit le flot qui les emporte, Rase l’onde en poussant des cris, Plonge et meurt… Où sa mère est morte.

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    Cesare Pavese

    Cesare Pavese

    @cesarePavese

    Je passerai par la place d’Espagne Le ciel sera limpide. Les rues s’ouvriront sur la colline de pins et de pierre. Le tumulte des rues ne changera pas cet air immobile. Les fleurs éclaboussées de couleurs aux fontaines feront des clins d’œil comme des femmes gaies. Escaliers et terrasses et les hirondelles chanteront au soleil. Cette rue s’ouvrira, les pierres chanteront, le cœur en tressaillant battra, comme l’eau des fontaines. Ce sera cette voix qui montera chez toi. Les fenêtres sauront le parfum de la pierre et de l’air du matin. Une porte s’ouvrira. Les tumultes des rues sera le tumulte du cœur dans la lumière hagarde. Tu seras là – immobile et limpide.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Bohémiens en Voyage La tribu prophétique aux prunelles ardentes Hier s'est mise en route, emportant ses petits Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes. Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes Le long des chariots où les leurs sont blottis, Promenant sur le ciel des yeux appesantis Par le morne regret des chimères absentes. Du fond de son réduit sablonneux le grillon, Les regardant passer, redouble sa chanson ; Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures, Fait couler le rocher et fleurir le désert Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert L'empire familier des ténèbres futures.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    L'albatros Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. À peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d'eux. Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid! L'un agace son bec avec un brûle-gueule, L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait ! Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    L'invitation au voyage (1) Mon enfant, ma sœur, Songe à la douceur D'aller là-bas vivre ensemble ! Aimer à loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble ! Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes. Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Des meubles luisants, Polis par les ans, Décoreraient notre chambre ; Les plus rares fleurs Mêlant leurs odeurs Aux vagues senteurs de l'ambre, Les riches plafonds, Les miroirs profonds, La splendeur orientale, Tout y parlerait À l'âme en secret Sa douce langue natale.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

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    L'invitation au Voyage (2) Il est un pays superbe, un pays de Cocagne, dit-on, que je rêve de visiter avec une vieille amie. Pays singulier, noyé dans les brumes de notre Nord, et qu'on pourrait appeler l'Orient de l'Occident, la Chine de l'Europe, tant la chaude et capricieuse fantaisie s'y est donné carrière, tant elle l'a patiemment et opiniâtrement illustré de ses savantes et délicates végétations. Un vrai pays de Cocagne, où tout est beau, riche, tranquille, honnête ; où le luxe a plaisir à se mirer dans l'ordre ; où la vie est grasse et douce à respirer ; d'où le désordre, la turbulence et l'imprévu sont exclus ; où le bonheur est marié au silence ; où la cuisine elle-même est poétique, grasse et excitante à la fois ; où tout vous ressemble, mon cher ange. Tu connais cette maladie fiévreuse qui s'empare de nous dans les froides misères, cette nostalgie du pays qu'on ignore, cette angoisse de la curiosité ? Il est une contrée qui te ressemble, où tout est beau, riche, tranquille et honnête, où la fantaisie a bâti et décoré une Chine occidentale, où la vie est douce à respirer, où le bonheur est marié au silence. C'est là qu'il faut aller vivre, c'est là qu'il faut aller mourir ! Oui, c'est là qu'il faut aller respirer, rêver et allonger les heures par l'infini des sensations. Un musicien a écrit l'Invitation à la valse ; quel est celui qui composera l'Invitation au voyage, qu'on puisse offrir à la femme aimée, à la sœur d'élection ? Oui, c'est dans cette atmosphère qu'il ferait bon vivre, — là-bas, où les heures plus lentes contiennent plus de pensées, où les horloges sonnent le bonheur avec une plus profonde et plus significative solennité. Sur des panneaux luisants, ou sur des cuirs dorés et d'une richesse sombre, vivent discrètement des peintures béates, calmes et profondes, comme les âmes des artistes qui les créèrent. Les soleils couchants, qui colorent si richement la salle à manger ou le salon, sont tamisés par de belles étoffes ou par ces hautes fenêtres ouvragées que le plomb divise en nombreux compartiments. Les meubles sont vastes, curieux, bizarres, armés de serrures et de secrets comme des âmes raffinées. Les miroirs, les métaux, les étoffes, l'orfèvrerie et la faïence y jouent pour les yeux une symphonie muette et mystérieuse ; et de toutes choses, de tous les coins, des fissures des tiroirs et des plis des étoffes s'échappe un parfum singulier, un revenez-y de Sumatra, qui est comme l'âme de l'appartement. Un vrai pays de Cocagne, te dis-je, où tout est riche, propre et luisant, comme une belle conscience, comme une magnifique batterie de cuisine, comme une splendide orfèvrerie, comme une bijouterie bariolée ! Les trésors du monde y affluent, comme dans la maison d'un homme laborieux et qui a bien mérité du monde entier. Pays singulier, supérieur aux autres, comme l'Art l'est à la Nature, où celle-ci est réformée par le rêve, où elle est corrigée, embellie, refondue. Qu'ils cherchent, qu'ils cherchent encore, qu'ils reculent sans cesse les limites de leur bonheur, ces alchimistes de l'horticulture ! Qu'ils proposent des prix de soixante et de cent mille florins pour qui résoudra leurs ambitieux problèmes ! Moi, j'ai trouvé ma tulipe noire et mon dahlia bleu ! Fleur incomparable, tulipe retrouvée, allégorique dahlia, c'est là, n'est-ce pas, dans ce beau pays si calme et si rêveur, qu'il faudrait aller vivre et fleurir ? Ne serais-tu pas encadrée dans ton analogie, et ne pourrais-tu pas te mirer, pour parler comme les mystiques, dans ta propre correspondance ? Des rêves ! toujours des rêves ! et plus l'âme est ambitieuse et délicate, plus les rêves l'éloignent du possible. Chaque homme porte en lui sa dose d'opium naturel, incessamment sécrétée et renouvelée, et, de la naissance à la mort, combien comptons-nous d'heures remplies par la jouissance positive, par l'action réussie et décidée ? Vivrons-nous jamais, passerons-nous jamais dans ce tableau qu'a peint mon esprit, ce tableau qui te ressemble ? Ces trésors, ces meubles, ce luxe, cet ordre, ces parfums, ces fleurs miraculeuses, c'est toi. C'est encore toi, ces grands fleuves et ces canaux tranquilles. Ces énormes navires qu'ils charrient, tout chargés de richesses, et d'où montent les chants monotones de la manœuvre, ce sont mes pensées qui dorment ou qui roulent sur ton sein. Tu les conduis doucement vers la mer qui est l'Infini, tout en réfléchissant les profondeurs du ciel dans la limpidité de ta belle âme ; — et quand, fatigués par la houle et gorgés des produits de l'Orient, ils rentrent au port natal, ce sont encore mes pensées enrichies qui reviennent de l'infini vers toi.

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    Charles Baudelaire

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    La chevelure Ô toison, moutonnant jusque sur l’encolure ! Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir ! Extase ! Pour peupler ce soir l’alcôve obscure Des souvenirs dormant dans cette chevelure, Je la veux agiter dans l’air comme un mouchoir ! La langoureuse Asie et la brûlante Afrique, Tout un monde lointain, absent, presque défunt, Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique ! Comme d’autres esprits voguent sur la musique, Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum. J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleins de sève, Se pâment longuement sous l’ardeur des climats ; Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève ! Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts : Un port retentissant où mon âme peut boire A grands flots le parfum, le son et la couleur ; Où les vaisseaux, glissant dans l’or et dans la moire, Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire D’un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur. Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse Dans ce noir océan où l’autre est enfermé ; Et mon esprit subtil que le roulis caresse Saura vous retrouver, ô féconde paresse, Infinis bercements du loisir embaumé ! Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues, Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ; Sur les bords duvetés de vos mèches tordues Je m’enivre ardemment des senteurs confondues De l’huile de coco, du musc et du goudron. Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde Sèmera le rubis, la perle et le saphir, Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde ! N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?

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    Charles Baudelaire

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    Le voyage A Maxime Du Camp. I Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes, L’univers est égal à son vaste appétit. Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes ! Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme, Le coeur gros de rancune et de désirs amers, Et nous allons, suivant le rythme de la lame, Berçant notre infini sur le fini des mers : Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ; D’autres, l’horreur de leurs berceaux, et quelques-uns, Astrologues noyés dans les yeux d’une femme, La Circé tyrannique aux dangereux parfums. Pour n’être pas changés en bêtes, ils s’enivrent D’espace et de lumière et de cieux embrasés ; La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent, Effacent lentement la marque des baisers. Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons, De leur fatalité jamais ils ne s’écartent, Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons ! Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues, Et qui rêvent, ainsi qu’un conscrit le canon, De vastes voluptés, changeantes, inconnues, Et dont l’esprit humain n’a jamais su le nom ! II Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils La Curiosité nous tourmente et nous roule, Comme un Ange cruel qui fouette des soleils. Singulière fortune où le but se déplace, Et, n’étant nulle part, peut être n’importe où ! Où l’homme, dont jamais l’espérance n’est lasse, Pour trouver le repos court toujours comme un fou ! Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ; Une voix retentit sur le pont :  » Ouvre l’oeil !  » Une voix de la hune, ardente et folle, crie .  » Amour… gloire… bonheur !  » Enfer ! c’est un écueil ! Chaque îlot signalé par l’homme de vigie Est un Eldorado promis par le Destin ; L’Imagination qui dresse son orgie Ne trouve qu’un récif aux clartés du matin. Ô le Pauvre amoureux des pays chimériques ! Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer, Ce matelot ivrogne, inventeur d’Amériques Dont le mirage rend le gouffre plus amer ? Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue, Rêve, le nez en l’air, de brillants paradis ; Son oeil ensorcelé découvre une Capoue Partout où la chandelle illumine un taudis. III Etonnants voyageurs ! quelles nobles histoires Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers ! Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires, Ces bijoux merveilleux, faits d’astres et d’éthers. Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile ! Faites, pour égayer l’ennui de nos prisons, Passer sur nos esprits, tendus comme une toile, Vos souvenirs avec leurs cadres d’horizons. Dites, qu’avez-vous vu ? IV  » Nous avons vu des astres Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ; Et, malgré bien des chocs et d’imprévus désastres, Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici. La gloire du soleil sur la mer violette, La gloire des cités dans le soleil couchant, Allumaient dans nos coeurs une ardeur inquiète De plonger dans un ciel au reflet alléchant. Les plus riches cités, les plus grands paysages, Jamais ne contenaient l’attrait mystérieux De ceux que le hasard fait avec les nuages. Et toujours le désir nous rendait soucieux ! – La jouissance ajoute au désir de la force. Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d’engrais, Cependant que grossit et durcit ton écorce, Tes branches veulent voir le soleil de plus près ! Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace Que le cyprès ? – Pourtant nous avons, avec soin, Cueilli quelques croquis pour votre album vorace, Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin ! Nous avons salué des idoles à trompe ; Des trônes constellés de joyaux lumineux ; Des palais ouvragés dont la féerique pompe Serait pour vos banquiers un rêve ruineux ;  » Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ; Des femmes dont les dents et les ongles sont teints, Et des jongleurs savants que le serpent caresse.  » V Et puis, et puis encore ? VI  » Ô cerveaux enfantins ! Pour ne pas oublier la chose capitale, Nous avons vu partout, et sans l’avoir cherché, Du haut jusques en bas de l’échelle fatale, Le spectacle ennuyeux de l’immortel péché La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide, Sans rire s’adorant et s’aimant sans dégoût ; L’homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide, Esclave de l’esclave et ruisseau dans l’égout ; Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote ; La fête qu’assaisonne et parfume le sang ; Le poison du pouvoir énervant le despote, Et le peuple amoureux du fouet abrutissant ; Plusieurs religions semblables à la nôtre, Toutes escaladant le ciel ; la Sainteté, Comme en un lit de plume un délicat se vautre, Dans les clous et le crin cherchant la volupté ; L’Humanité bavarde, ivre de son génie, Et, folle maintenant comme elle était jadis, Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie :  » Ô mon semblable, ô mon maître, je te maudis !  » Et les moins sots, hardis amants de la Démence, Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin, Et se réfugiant dans l’opium immense ! – Tel est du globe entier l’éternel bulletin.  » VII Amer savoir, celui qu’on tire du voyage ! Le monde, monotone et petit, aujourd’hui, Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui ! Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ; Pars, s’il le faut. L’un court, et l’autre se tapit Pour tromper l’ennemi vigilant et funeste, Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit, Comme le Juif errant et comme les apôtres, A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau, Pour fuir ce rétiaire infâme : il en est d’autres Qui savent le tuer sans quitter leur berceau. Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine, Nous pourrons espérer et crier : En avant ! De même qu’autrefois nous partions pour la Chine, Les yeux fixés au large et les cheveux au vent, Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres Avec le coeur joyeux d’un jeune passager. Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres, Qui chantent :  » Par ici ! vous qui voulez manger Le Lotus parfumé ! c’est ici qu’on vendange Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim ; Venez vous enivrer de la douceur étrange De cette après-midi qui n’a jamais de fin ?  » A l’accent familier nous devinons le spectre ; Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.  » Pour rafraîchir ton coeur nage vers ton Electre !  » Dit celle dont jadis nous baisions les genoux. VIII Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l’ancre ! Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons ! Si le ciel et la mer sont noirs comme de l’encre, Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons ! Verse-nous ton poison pour qu’il nous réconforte ! Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau, Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ? Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !

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    Charles Baudelaire

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    Maesta et errabunda Dis-moi, ton cœur parfois s'envole-t-il, Agathe, Loin du noir océan de l'immonde cité, Vers un autre océan où la splendeur éclate, Bleu, clair, profond, ainsi que la virginité ? Dis-moi, ton cœur parfois s'envole-t-il, Agathe ? La mer, la vaste mer, console nos labeurs ! Quel démon a doté la mer, rauque chanteuse Qu'accompagne l'immense orgue des vents grondeurs, De cette fonction sublime de berceuse ? La mer, la vaste mer, console nos labeurs ! Emporte-moi, wagon ! enlève-moi, frégate ! Loin ! loin ! ici la boue est faite de nos pleurs ! - Est-il vrai que parfois le triste cœur d'Agathe Dise : Loin des remords, des crimes, des douleurs, Emporte-moi, wagon, enlève-moi, frégate ?

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    Charles Baudelaire

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    Parfum exotique Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne, Je respire l'odeur de ton sein chaleureux, Je vois se dérouler des rivages heureux Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ; Une île paresseuse où la nature donne Des arbres singuliers et des fruits savoureux ; Des hommes dont le corps est mince et vigoureux, Et des femmes dont l'œil par sa franchise étonne.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

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    Un voyage à Cythère Mon coeur, comme un oiseau, voltigeait tout joyeux Et planait librement à l'entour des cordages ; Le navire roulait sous un ciel sans nuages, Comme un ange enivré d'un soleil radieux. Quelle est cette île triste et noire ? - C'est Cythère, Nous dit-on, un pays fameux dans les chansons, Eldorado banal de tous les vieux garçons. Regardez, après tout, c'est une pauvre terre.

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    Charles Van Lerberghe

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    De mon mysterieux voyage De mon mystérieux voyage Je ne t'ai gardé qu'une image, Et qu'une chanson, les voici : Je ne t'apporte pas de roses, Car je n'ai pas touché aux choses, Elles aiment à vivre aussi. Mais pour toi, de mes yeux ardents, J'ai regardé dans l'air et l'onde, Dans le feu clair et dans le vent, Dans toutes les splendeurs du monde, Afin d'apprendre à mieux te voir Dans toutes les ombres du soir. Afin d'apprendre à mieux t'entendre J'ai mis l'oreille à tous les sons, Ecouté toutes les chansons, Tous les murmures, et la danse De la clarté dans le silence. Afin d'apprendre comme on touche Ton sein qui frissonne ou ta bouche,

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    Christian Mégrelis

    @christianMegrelis

    Des rives et des rêves Souvenir de Panama Le monde défilait, tu lui tournais la tête, Sûr qu’il attendrait ton tour. Le monde, ce jour- là, avait l’allure parfaite D’un vaisseau au long cours. Venait-il des Indes ou bien de Cipango, Solitaire et blasé tu feignais d’ignorer, Ou bien des Antipodes ou de Valparaiso ? Pendant qu’autour de toi on jouait à qui saurait ! C’était à Miraflore où pivotait l’écluse . Et je rêvais du jour où je t’ai contemplé Dans un berceau pimpant, dormant avec ma muse Au bord d’une autre rive où les coques haletaient, Déjà indifférent aux trafics vraquiers. Pourtant j’imaginais qu’un jour t’arrive Ce qui m’est arrivé : trouver sa liberté Aux carrefours du monde ,et qu’explorer les rives C’était déjà rêver de ponts vers l’avenir. Mais c’était autrefois et nous étions heureux ! Tout nous était possible , il suffisait de dire : Le monde ces temps- là se ployait à nos vœux. Aujourd’hui est menace, qui vive ! aux barrières. Rien n’est plus sûr , hélas, rien n’est moins sûr, non plus. Et tout pas en avant peut tirer en arrière . Le brillant avenir qui gouvernait nos vues Devient illisible et nous jette au hasard . Mais il faut bien voguer au milieu des périls Et larguer les amarres ! Le large qui t’attend est un mouvant asile. C’est là que l’âge compte et qu’écouter les rares Qui ont conduit leurs vies tête aux vents dominants, C’est choisir la sagesse . Ils ont vu des tempêtes Et pour les surmonter, ont trouvé des courants Qui les ont dirigé vers ces canaux en quête De nouveaux océans. Les vents leur ont apprît que, pour être conduit, Il faut toujours marier les rives et les rêves. Alors, jeune étourdi que le canal ennuie, Regarde ! Le monde passe, un nouveau jour se lève. Ces coques qui balancent entre océans et mers, Glissant sous ton berceau ou encombrant ta vue, Sont le sang de la race et les outils des pères. Sans eux le monde meurt, qu’elles voguent, et tout est vu. Regarde ! leurs sillages t’invitent à les rejoindre. Détroits, presqu’îles, canaux, ces rives à gagner, Tu les verras, entre tes rêves, crânement poindre Pour te guider à celles que tu t’ais assignées. Ta vie sera heureuse car tu l’auras gardée D’entrer à reculons dans l’océan du monde De grand-père pour Achille

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    Christian Mégrelis

    @christianMegrelis

    Elle & Lui Comme vont s’abolir les arbres et la côte Au milieu d’une brume emprisonnant la mer Ainsi va s’apprêter leur cœur. Est-ce leur faute Si le temps qui s’enfuit paraissait bien amer ? Méandres lagunaires et toutes les eaux mortes Alentour des palais qui cachèrent leurs pairs Les voici ! D’une ère bientôt morte Ils viennent savourer les délices dernières. Leurs ombres frôleront les lions de l’Arsenal Torcello et ses vierges qui veillent aux murailles Le temps les oubliera le long du Grand Canal. Douce comme toujours aux âmes chuchotantes La brume empêchera que jamais ne s’en aillent Lui pour toujours amant, Elle à jamais aimante.

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    Didier Venturini

    @didierVenturini

    Dernière fable Une dernière fable De Venise Rêves de sable Qui s’enlisent Cité mystère Palais des doges Les sanctuaires La grande loge Les amulettes Les talismans Les cours secrètes Leur goût d’orient Éclats de lune Sur les canaux Que disent les runes Baron Corvo Pont des merveilles Pour une émeraude Que les lions veillent Dans la nuit chaude La clavicule De Salomon Lire les formules Les allusions Rencontres nocturnes Une poétesse Parmi les brumes Beaucoup d’ivresse La rue de l’amour Des amis Plus loin toujours D’autres pays Didier Venturini, 2009

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    Didier Venturini

    @didierVenturini

    Les rails rouillés Les rails sont rouillés mais gardent la mémoire de ces trains déportés les yeux fermés des gares une foule et des bagages des enfants dans les bras la nuit est du voyage elle est d’un noir de croix s’éteignent les étoiles dans cette nuit ferroviaire sur elle tombera le voile d’un oubli ordinaire dans ces wagons bestiaux s’est perdue l’innocence d’un dieu et son troupeau ses hommes de complaisance ils furent Charon, cerbères des passeurs incessants les valets d’un enfer mais pour quel châtiment? les rails sont rouillés mais gardent la mémoire de ces trains déportés sous les yeux clos des gares

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