splash screen icon Lenndi
splash screen name leendi

Maladie

40 poésies en cours de vérification
Maladie

Poésies de la collection maladie

    A

    Adélaïde Dufrenoy

    @adelaideDufrenoy

    Le besoin d’aimer Pourquoi depuis un temps, inquiète et rêveuse, Suis-je triste au sein des plaisirs? Quand tout sourit à mes désirs, Pourquoi ne suis-je pas heureuse? Pourquoi ne vois-je plus venir à mon réveil La foule des riants mensonges? Pourquoi dans les bras du sommeil Ne trouvé-je plus de doux songes? Pourquoi, beaux-arts, pourquoi vos charmes souverains N’enflamment-ils plus mon délire? Pourquoi mon infidèle lyre S’échappe-t-elle de mes mains? Quel est ce poison lent qui pénètre mes veines, Et m’abreuve de ses langueurs? Quand mon âme n’a point de peines, Pourquoi mes yeux ont-ils des pleurs?

    en cours de vérification

    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    La nuit d'Octobre Le poète Le mal dont j'ai souffert s'est enfui comme un rêve. Je n'en puis comparer le lointain souvenir Qu'à ces brouillards légers que l'aurore soulève, Et qu'avec la rosée on voit s'évanouir.

    en cours de vérification

    Alphonse Daudet

    Alphonse Daudet

    @alphonseDaudet

    Le croup Alors Hérode envoya tuer dans Bethléem Et dans les pays d’alentour les enfants de Deux ans et au-dessous.Saint Matthieu, III. I Dans son petit lit, sous le rayon pâle D’un cierge qui tremble et qui va mourir, L’enfant râle. Quel est le bourreau qui le fait souffrir ? Quel boucher sinistre a pris à la gorge Ce pauvre agnelet que rien ne défend ? Qui l’égorge ? Qui sait égorger un petit enfant ? Sombre nuit ! La chambre est froide. On frissonne. Dans l’âtre glacé fume un noir tison. L’heure sonne. Le vent de la mort court dans la maison. II Aux rideaux du lit la mère s’accroche. Elle est nue. Elle est pâle. Elle défend Qu’on l’approche : Elle veut rester seule avec l’enfant. Son fils ! Il faut voir comme elle lui cause ! « Ami, ne meurs pas. Je te donnerai « Quelque chose ; « Ami, si tu meurs, moi je pleurerai. » Et pour empêcher que l’oiseau s’envole, Elle lui promet du mouron plus frais… Pauvre folle ! Comme si l’oiseau s’envolait exprès. Le père est debout dans l’ombre. Il se cache, Il pleure. On l’entend dire en étouffant : « Ô le lâche « Qui n’ose pas voir mourir son enfant ! » Dans un coin, l’aïeul accroupi par terre Chante une gavotte, et quand on lui dit De se taire, Il répond : « Hé ! hé ! j’endors le petit. » III Le cierge s’éteint près du lit qui sombre… Un râle de mort, un cri de douleur, Et dans l’ombre On entend quelqu’un fuir comme un voleur. Qui va là ? Qui vient d’ouvrir cette porte ?… Courons ! C’est un spectre armé d’un couteau, Il emporte Le petit enfant dans son grand manteau. Oh ! je te connais, – ne cours pas si vite, Massacreur d’enfants ! Je t’ai reconnu Tout de suite À ton manteau rouge, à ton couteau nu. Hérode t’a fait ce legs effroyable. Tu portes sa pourpre et son yatagan. Vas au diable Comme Hérode, spectre, assassin, forban !

    en cours de vérification

    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    Le jeune malade Apollon, dieu sauveur, dieu des savants mystères, Dieu de la vie, et dieu des plantes salutaires, Dieu vainqueur de Python, dieu jeune et triomphant, Prends pitié de mon fils, de mon unique enfant ! Prends pitié de sa mère aux larmes condamnée, Qui ne vit que pour lui, qui meurt abandonnée, Qui n’a pas dû rester pour voir mourir son fils ; Dieu jeune, viens aider sa jeunesse. Assoupis, Assoupis dans son sein cette fièvre brûlante Qui dévore la fleur de sa vie innocente. Apollon, si jamais, échappé du tombeau, Il retourne au Ménale avoir soin du troupeau, Ces mains, ces vieilles mains orneront ta statue De ma coupe d’onyx à tes pieds suspendue ; Et, chaque été nouveau, d’un jeune taureau blanc La hache à ton autel fera couler le sang. Eh bien ! mon fils, es-tu toujours impitoyable ? Ton funeste silence est-il inexorable ? Enfant, tu veux mourir ? Tu veux, dans ses vieux ans, Laisser ta mère seule avec ses cheveux blancs ? Tu veux que ce soit moi qui ferme ta paupière? Que j’unisse ta cendre à celle de ton père ? C’est toi qui me devais ces soins religieux, Et ma tombe attendait tes pleurs et tes adieux. Parle, parle, mon fils, quel chagrin te consume ? Us maux qu’on dissimule en ont plus d’amertume. Ne lèveras-tu point ces yeux appesantis ? – Ma mère, adieu ; je meurs, et tu n’as plus de fils. Non, tu n’as plus de fils, ma mère bien-aimée. Je te perds. Une plaie ardente, envenimée, Me ronge ; avec effort je respire, et je crois Chaque fois respirer pour la dernière fois. Je ne parlerai pas ; adieu… Ce lit me blesse, Ce tapis qui me couvre accable ma faiblesse ; Tout me pèse et me lasse. Aide-moi, je me Meurs. Tourne-moi sur le flanc. Ah ! j’expire ! ô douleurs ! – Tiens, mon unique enfant, mon fils, prends ce breuvage ; Sa chaleur te rendra ta force et ton courage. La mauve, le dictame ont, avec les pavots, Mêlé leurs sucs puissants qui donnent le repos ; Sur le vase bouillant, attendrie à mes larmes, Une Thessalienne a composé des charmes. Ton corps débile a vu trois retours du soleil Sans connaître Cérès, ni tes yeux le sommeil. Prends, mon fils, laisse-toi fléchir à ma prière ; C’est ta mère, ta vieille inconsolable mère Qui pleure ; qui jadis te guidait pas à pas, T’asseyait sur son sein, te portait dans ses bras ; Que tu disais aimer, qui t’apprit à le dire ; Qui chantait, et souvent te forçait à sourire Lorsque tes jeunes dents, par de vives douleurs, De tes yeux enfantins faisaient couler des pleurs. Tiens, presse de ta lèvre, hélas ! pâle et glacée, Par qui cette mamelle était jadis pressée, Un suc qui te nourrisse et vienne à ton secours, Comme autrefois mon lait nourrit tes premiers jours. – Ô coteaux d’Erymanthe ! ô vallons ! ô bocage ! Ô vent sonore et frais qui troublais le feuillage, Et faisais frémir l’onde, et sur leur jeune sein Agitais les replis de leur robe de lin ! De légères beautés troupe agile et dansante ! Tu sais, tu sais, ma mère, aux bords de l’Erymanthe… Là, ni loups ravisseurs, ni serpents, ni poisons. Ô visage divin ! ô fêtes ! ô chansons ! Des pas entrelacés, des fleurs, une onde pure… Aucun lieu n’est si beau dans toute la nature. Dieux ! ces bras et ces fleurs, ces cheveux, ces pieds nus Si blancs, si délicats ! je ne les verrai plus ! Oh ! portez, portez-moi sur les bords d’Erymanthe, Que je la voie encor, cette nymphe dansante ! Oh ! que je voie au loin la fumée à longs flots S’élever de ce toit au bord de cet enclos ! Assise à tes côtés, ses discours, sa tendresse, Sa voix, trop heureux père ! enchante ta vieillesse. Dieux ! par-dessus la haie élevée en remparts, Je la vois, à pas lents, en longs cheveux épars, Seule, sur un tombeau, pensive, inanimée, S’arrêter et pleurer sa mère bien-aimée. Oh ! que tes yeux sont doux ! que ton visage est beau ! Viendras-tu point aussi pleurer sur mon tombeau ? Viendras-tu point aussi, la plus belle des belles, Dire sur mon tombeau : Les Parques sont cruelles ! – Ah ! mon fils, c’est l’amour ! c’est l’amour insensé Qui t’a jusqu’à ce point cruellement blessé ? Ah ! mon malheureux fils ! Oui, faibles que nous sommes, C’est toujours cet amour qui tourmente les hommes. S’ils pleurent en secret, qui lira dans leur coeur Verra que cet amour est toujours leur vainqueur. Mais, mon fils, mais dis-moi, quelle nymphe dansante, Quelle vierge as-tu vue an bord de l’Erymanthe ? N’es-tu pas riche et beau ? du moins quand la douleur N’avait point de ta joue éteint la jeune fleur ? Parle. Est-ce cette Aeglé, fille du roi des ondes, Ou cette jeune Irène aux longues tresses blondes ? Ou ne sera-ce point cette fière beauté Dont j’entends le beau nom chaque jour répété, Dont j’apprends que partout les belles sont jalouses ? Qu’aux temples, aux festins, les mères, les épouses, Ne sauraient voir, dit-on, sans peine et sans effroi ? Cette belle Daphné ?… – Dieux ! ma mère, tais-toi, Tais-toi. Dieux ! qu’as-tu dit ? elle est fière, inflexible ; Comme les immortels, elle est belle et terrible ! Mille amants l’ont aimée ; ils l’ont aimée en vain. Comme eux j’aurais trouvé quelque refus hautain. Non, garde que jamais elle soit informée… Mais, ô mort ! ô tourment ! ô mère bien-aimée ! Tu vois dans quels ennuis dépérissent mes jours. Ecoute ma prière et viens à mon secours : Je meurs ; va la trouver : que tes traits, que ton âge, De sa mère à ses yeux offrent la sainte image. Tiens, prends cette corbeille et nos fruits les plus beaux ; Prends notre Amour d’ivoire, honneur de ces hameaux ; Prends la coupe d’onyx à Corinthe ravie ; Prends mes jeunes chevreaux, prends mon coeur, prends ma vie ; Jette tout à ses pieds ; apprends-lui qui je suis ; Dis-lui que je me meurs, que tu n’as plus de fils ; Tombe aux pieds du vieillard, gémis, implore, presse ; Adjure cieux et mers, dieu, temple, autel, déesse… Pars ; et si tu reviens sans les avoir fléchis, Adieu, ma mère, adieu, tu n’auras plus de fils. – J’aurai toujours un fils ; va, la belle espérance Ne dit…  » Elle s’incline, et, dans un doux silence, Elle couvre ce front, terni par les douleurs, De baisers maternels entremêlés de pleurs. Puis elle sort en hâte, inquiète et tremblante. La démarche de crainte et d’âge chancelante, Elle arrive ; et bientôt revenant sur ses pas, Haletante, de loin :  » Mon cher fils, tu vivras, Tu vivras.  » Elle vient s’asseoir près de la couche : Le vieillard la suivait, le sourire à la bouche. La jeune belle aussi, rouge et le front baissé, Vient, jette sur le lit un coup d’oeil. L’insensé Tremble ; sous ses tissus il veut cacher sa tête.  » Ami, depuis trois jours tu n’es d’aucune fête, Dit-elle ; que fais-tu ? pourquoi veux-tu mourir ? Tu souffres. L’on me dit que je peux te guérir ; Vis, et formons ensemble une seule famille. Que mon père ait un fils, et ta mère une fille.  »

    en cours de vérification

    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Les premières communions I Vraiment, c’est bête, ces églises de villages Où quinze laids marmots, encrassant les piliers, Écoutent, grasseyant les divins babillages, Un noir grotesque dont fermentent les souliers. Mais le soleil éveille, à travers les feuillages, Les vieilles couleurs des vitraux ensoleillés, La pierre sent toujours la terre maternelle, Vous verrez des monceaux de ces cailloux terreux Dans la campagne en rut qui frémit, solennelle, Portant, près des blés lourds, dans les sentiers séreux, Ces arbrisseaux brûlés où bleuit la prunelle, Des nœuds de mûriers noirs et de rosiers furieux. Tous les cent ans on rend ces granges respectables Par un badigeon d’eau bleue et de lait caillé. Si des mysticités grotesques sont notables Près de la Notre-Dame ou du saint empaillé, Des mouches sentant bon l’auberge et les étables Se gorgent de cire au plancher ensoleillé. L’enfant se doit surtout à la maison, famille Des soins naïfs, des bons travaux abrutissants. Ils sortent, oubliant que la peau leur fourmille Où le Prêtre du Christ plaqua ses doigts puissants. On paie au Prêtre un toit ombré d’une charmille Pour qu’il laisse au soleil tous ces fronts bruissants. Le premier habit noir, le plus beau jour de tartes Sous le Napoléon ou le Petit Tambour, Quelque enluminure où les Josephs et les Marthes Tirent la langue avec un excessif amour Et qui joindront aux jours de science deux cartes, Ces deux seuls souvenirs lui restent du grand jour. Les filles vont toujours à l’église, contentes De s’entendre appeler garces par les garçons Qui font du genre, après messe et vêpres chantantes, Eux, qui sont destinés au chic des garnisons, Ils narguent au café les maisons importantes, Blousés neuf et gueulant d’effroyables chansons. Cependant le curé choisit, pour les enfances, Des dessins ; dans son clos, les vêpres dites, quand L’air s’emplit du lointain nasillement des danses, Il se sent, en dépit des célestes défenses. Les doigts de pied ravis et le mollet marquant… — La nuit vient, noir pirate aux ciel noir débarquant. II Le prêtre a distingué, parmi les catéchistes Congrégés des faubourgs ou des riches quartiers, Cette petite fille inconnue, aux yeux tristes, Front jaune. Ses parents semblent de doux portiers. Au grand jour, la marquant parmi les catéchistes, Dieu fera, sur son front, neiger ses bénitiers. La veille du grand jour, l’enfant se fait malade Mieux qu’à l’église haute aux funèbres rumeurs. D’abord le frisson vient, le lit n’étant pas fade, Un frisson surhumain qui retourne : Je meurs… Et, comme un vol d’amour fait à ses sœurs stupides, Elle compte, abattue et les mains sur son cœur, Ses Anges, ses Jésus et ses Vierges nitides, Et, calmement, son âme a bu tout son vainqueur. Adonaï !… — Dans les terminaisons latines Des cieux moirés de vert baignent les Fronts vermeils Et tachés du sang pur des célestes poitrines, De grands linges neigeux tombent sur les soleils. Pour ses virginités présentes et futures Elle mord aux fraîcheurs de ta Rémission ; Mais plus que les lys d’eau, plus que les confitures Tes pardons sont glacés, ô Reine de Sion. III Puis la Vierge n’est plus que la Vierge du livre ; Les mystiques élans se cassent quelquefois, Et vient la pauvreté des images que cuivre L’ennui, l’enluminure atroce et les vieux bois. Des curiosités vaguement impudiques Épouvantent le rêve aux chastes bleuités Qui sont surpris autour des célestes tuniques Du linge dont Jésus voile ses nudités. Elle veut, elle veut pourtant, l’âme en détresse, Le front dans l’oreiller creusé par les cris sourds, Prolonger les éclairs suprêmes de tendresse Et bave… — L’ombre emplit les maisons et les cours, Et l’enfant ne peut plus. Elle s’agite et cambre Les reins, et d’une main ouvre le rideau bleu Pour amener un peu la fraîcheur de la chambre Sous le drap, vers son ventre et sa poitrine en feu. IV À son réveil, — minuit, — la fenêtre était blanche Devant le soleil bleu des rideaux illunés ; La vision la prit des langueurs du Dimanche, Elle avait rêvé rouge. Elle saigna du nez, Et se sentant bien chaste et pleine de faiblesse, Pour savourer en Dieu son amour revenant, Elle eut soif de la nuit où s’exalte et s’abaisse Le cœur, sous l’œil des cieux doux, en les devinant ; De la nuit, Vierge-Mère impalpable, qui baigne Tous les jeunes émois de ses silences gris ; Elle eut soif de la nuit forte où le cœur qui saigne Écoute sans témoin sa révolte sans cris. Et, faisant la victime et la petite épouse, Son étoile la vit, une chandelle aux doigts, Descendre dans la cour où séchait une blouse, Spectre blanc, et lever les spectres noirs des toits. V Elle passa sa nuit Sainte dans des latrines. Vers la chandelle, aux trous du toit, coulait l’air blanc, Et quelque vigne folle aux noirceurs purpurines En deçà d’une cour voisine s’écroulant. La lucarne faisait un cœur de lueur vive Dans la cour où les cieux bas plaquaient d’ors vermeils Les vitres ; les pavés puant l’eau de lessive Souffraient l’ombre des toits bordés de noirs sommeils. VI Qui dira ces langueurs et ces pitiés immondes Et ce qu’il lui viendra de haine, ô sales fous, Dont le travail divin déforme encore les mondes Quand la lèpre, à la fin, rongera ce corps doux, Et quand, ayant rentré tous ces nœuds d’hystéries Elle verra, sous les tristesses du bonheur, L’amant rêver au blanc million des Maries Au matin de la nuit d’amour, avec douleur ! VII Sais-tu que je t’ai fait mourir ? J’ai pris ta bouche, Ton cœur, tout ce qu’on a, tout ce que vous avez, Et moi je suis malade. Oh ! je veux qu’on me couche Parmi les Morts des eaux nocturnes abreuvés ! J’étais bien jeune, et Christ a souillé mes haleines, Il me bonda jusqu’à la gorge de dégoûts ; Tu baisais mes cheveux profonds comme les laines, Et je me laissais faire !… Oh ! va… c’est bon pour vous, Hommes ! qui songez peu que la plus amoureuse Est, dans sa conscience, aux ignobles terreurs La plus prostituée et la plus douloureuse Et que tous nos élans vers vous sont des erreurs. Car ma communion première est bien passée ! Tes baisers, je ne puis jamais les avoir bus. Et mon cœur et ma chair par ta chair embrassée Fourmillent du baiser putride de Jésus… VIII Alors l’âme pourrie et l’âme désolée Sentiront ruisseler tes malédictions. — Ils avaient couché sur ta haine inviolée, Échappés, pour la mort, des justes passions. Christ, ô Christ, éternel voleur des énergies, Dieu qui, pour deux mille ans, vouas, à ta pâleur, Cloués au sol, de honte et de céphalalgies, Ou renversés, les fronts des Femmes de douleur. Juillet 1871

    en cours de vérification

    C

    Charles d'Orléans

    @charlesDorleans

    Ballade II Je meurs de soif, en cousté la fontaine ; Tremblant de froit ou feu des amoureux ; Aveugle suis, et si les autres maine ; Povre de sens, entre saichans, l’un d’eulx ; Trop négligent, en vain souvent soigneux ; C’est de mon fait une chose faiée, En bien et mal par fortune menée. Je gaingne temps, et pers mainte sepmaine ; Je joue et ris, quant me sens douloreux ; Desplaisance j’ay d’espérance plaine ; J’attens bon eur en regret angoisseux ; Riens ne me plaist, et si suis désireux ; Je m’esjoïs, et cource à ma pensée, En bien et mal par fortune menée. Je parle trop, et me tais à grant paine ; Je m’esbays, et si suis courageux ; Tristesse tient mon confort en demaine, Faillir ne puis, au moins à l’un des deux ; Bonne chiere je faiz quant je me deulx ; Maladie m’est en santé donnée, En bien et mal par fortune menée. ENVOI Prince, je dy que mon fait maleureux Et mon prouffit aussi avantageux, Sur ung hasart j’asserray quelque année, En bien et mal par fortune menée.

    en cours de vérification

    C

    Chloe Douglas

    @chloeDouglas

    Ce printemps Ce printemps Le ciel est bleu Il ne pleut pas beaucoup Dans les champs Les agneaux arrivent Les oiseaux chantent Leur chœur matinal Mains tenant. Ce printemps Le vent souffle sur les collines Et traverse la vallée A contre temps Les fleurs bourgeonnent Et les arbres aussi Malgré familles séparées Des grands parents. Ce printemps Dans la campagne Le silence explose Voitures, motards fous Le bruit implose Les bébés ne crient pas Ni rires des voisins, Les enfants ne jouent Dans les chemins. Ce printemps Les abeilles bourdonnent Dans ma tête La télé explique Ce silence infecte Le monde a besoin De respirer sans peur De toucher à nouveau De sentir le cœur. Ce printemps semble De longue durée Cruelle et horrible Et sans pitié Ce printemps Doit devenir l’été Et surement l’automne Et cet hiver, bouleversé. Ce printemps une prière Pour ne pas trop souffrir. Ensemble nous trouverons Pour pouvoir guérir.

    en cours de vérification

    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Rêve d’une nuit d’hôpital Cécile était en blanc, comme aux tableaux illustres Où la Sainte se voit, un nimbe autour du chef. Ils étaient au fauteuil Dieu, Marie et Joseph ; Et j’entendis cela debout près des balustres. Soudain au flamboiement mystique des grands lustres, Eclata l’harmonie étrange, au rythme bref, Que la harpe brodait de sons en relief… Musiques de la terre, ah ! taisez vos voix rustres !… Je ne veux plus pécher, je ne veux plus jouir, Car la sainte m’a dit que pour encor l’ouïr, Il me fallait vaquer à mon salut sur terre. Et je veux retourner au prochain récital Qu’elle me doit donner au pays planétaire, Quand les anges m’auront sorti de l’hôpital.

    en cours de vérification

    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    La mort Avec ses larges corbillards Ornés de plumes majuscules, Par les matins, dans les brouillards, La mort circule. Parée et noire et opulente, Tambours voilés, musiques lentes, Avec ses larges corbillards, Flanqués de quatre lampadaires, La Mort s’étale et s’exagère. Pareils aux nocturnes trésors, Les gros cercueils écussonnés – Larmes d’argent et blasons d’or – Ecoutent l’heure éclatante des glas Que les cloches jettent, là-bas : L’heure qui tombe, avec des bonds Et des sanglots, sur les maisons, L’heure qui meurt sur les demeures, Avec des bonds et des sanglots de plomb. Parée et noire et opulente, Au cri des orgues violentes Qui la célèbrent, La mort tout en ténèbres Règne, comme une idole assise, Sous la coupole des églises. Des feux, tordus comme des hydres, Se hérissent, autour du catafalque immense OÙ des anges, tenant des faulx et des cleps Dressent leur véhémence, Clairons dardés, vers le néant. Le vide en est grandi sous le transept béan De hautes voix d’enfants jettent vers les miséricordes Des cris tordus comme des cordes, Tandis que les vieilles murailles Montent, comme des linceuls blancs, Autour du bloc formidable et branlant De ces massives funérailles. Drapée en noir et familière, La Mort s’en va le long des rues Longues et linéaires. Drapée en noir, comme le soir, La vieille Mort agressive et bourrue S’en va par les quartiers Des boutiques et des métiers, En carrosse qui se rehausse De gros lambris exorbitants, Couleur d’usure et d’ancien temps. Drapée en noir, la Mort Cassant, entre ses mains, le sort Des gens méticuleux et réfléchis Qui s’exténuent, en leurs logis, Vainement, à faire fortune, La Mort soudaine et importune Les met en ordre dans leurs bières Comme en des cases régulières’. Et les cloches sonnent péniblement Un malheureux enterrement, Sur le défunt, que l’on trimballe, Par les églises colossales, Vers un coin d’ombre, où quelques cierg Pauvres flammes, brÛlent, devant la Vieri Vêtue en noir et besogneuse, La Mort gagne jusqu’aux faubourgs, En chariot branlant et lourd, Avec de vieilles haridelles Qu’elle flagelle Chaque matin, vers quels destins ? Vêtue en noir, La Mort enjambe le trottoir Et l’égout pâle, où se mirent les bornes, Qui vont là-bas, une à une, vers les champs mornes; Et leste et rude et dédaigneuse Gagne les escaliers et s’arrête sur les paliers OÙ l’on entend pleurer et sangloter, Derrière la porte entr’ouverte, Des gens laissant l’espoir tomber, Inerte. Et dans la pluie indéfinie, Une petite église de banlieue, Très maigrement, tinte un adieu, Sur la bière de sapin blanc Qui se rapproche, avec des gens dolents, Par les routes, silencieusement. Telle la Mort journalière et logique Qui fait son ceuvre et la marque de croix Et d’adieux mornes et de voix Criant vers l’inconnu les espoirs liturgiques. Mais d’autres fois, c’est la Mort grande et sa Avec son aile au loin ramante, Vers les villes de l’épouvante. Un ciel étrange et roux brûle la terre moite Des tours noires s’étirent droites Telles des bras, dans la terreur des cré Les nuits tombent comme épaissies, Les nuits lourdes, les nuits moisies, OÙ, dans l’air gras et la chaleur rancie, Tombereaux pleins, la Mort circule. Ample et géante comme l’ombre, Du haut en bas des maisons sombres, On l’écoute glisser, rapide et haletante. La peur du jour qui vient, la peur de toute attente, La peur de tout instant qui se décoche, Persécute les coeurs, partout, Et redresse, soudain, en leur sueur, debout Ceux qui, vers le minuit, songent au matin Les hôpitaux gonflés de maladies, Avec les yeux fiévreux de leurs fenêtres roug Regardent le ciel trouble, où rien ne bouge Ni ne répond aux détresses grandies. Les égouts roulent le poison Et les acides et les chlores, Couleur de nacre et de phosphore, Vainement tuent sa floraison. De gros bourdons résonnent Pour tout le monde, pour personne Les églises barricadent leur seuil, Devant la masse des cercueils. Et l’on entend, en galops éperdus, La mort passer et les bières que l’on transporte Aux nécropoles, dont les portes, Ni nuit ni jour, ne ferment plus. Tragique et noire et légendaire, Les pieds gluants, les gestes fous, La Mort balaie en un grand trou La ville entière au cimetière.

    en cours de vérification

    Fernando Pessoa

    Fernando Pessoa

    @fernandoPessoa

    J'ai un gros rhume J’ai un gros rhume, Et tout le monde sait comme les gros rhumes Altèrent le système de l’univers. Ils nous fâchent avec la vie, Et nous font éternuer jusqu’à la métaphysique. J’ai perdu la journée entière à me moucher. J’ai mal confusément à tout mon crâne. Triste condition d’un poète mineur! Aujourd’hui je suis vraiment un poète mineur! Ce que je fus autrefois ne fut qu’un désir : il s’en est allé. Adieu à jamais, reine des fées! Tes ailes étaient de soleil, et moi ici-bas je m’en vais doucement. Je ne me sentirai pas bien tant que je ne me verrai pas au fond de mon lit. Je ne me suis jamais senti bien autrement que couché dans l’univers. Excusez un peu… le bon gros rhume bien physique! J’ai besoin de vérité et d’aspirine.

    en cours de vérification

    G

    Guillaume de Lacoste Lareymondie

    @guillaumeDeLacosteLareymondie

    Avril & la mort Le printemps est venu, Il sillonne l’azur, Il bouillonne, il exulte. Mais c’est un crépuscule. Les arbres vibrent, Vêtus de vert, Ivres de fleurs. Mais c’est ténèbre. Partout mille âmes se réveillent ; Mille oiseaux croisent dans le ciel, Chantent sans fin leur symphonie. Mais la nuée les engloutit. La machine ennemie s’abat sur le pays. Une agonie secoue les décombres de nuit, Sourd, gronde, grince, crie : où est la vie enfuie ? L’heure de la mort sonne, et personne ne prie.

    en cours de vérification

    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    La sérénade — Oh ! quel doux chant m’éveille ? — Près de ton lit je veille, Ma fille ! et n’entends rien… Rendors-toi, c’est chimère ! — J’entends dehors, ma mère, Un chœur aérien ! — Ta fièvre va renaître. — Ces chants de la fenêtre Semblent s’être approchés. — Dors, pauvre enfant malade, Qui rêves sérénade… Les galants sont couchés ! — Les hommes ! que m’importe ? Un nuage m’emporte… Adieu le monde, adieu ! Mère, ces sons étranges C’est le concert des anges Qui m’appellent à Dieu !

    en cours de vérification

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    Anémie À Élémir Bourges. Tout en dentelles d’or, d’un blême damara De l’Inde enlinceulée, avec un fier sourire Éclairant la pâleur de sa face de cire, L’enfant reine agonise en superbe apparat, Torturés de joyaux ses frêles petits bras Étreignent sur son cœur de fillette en délire Des écrins, sa poupée et, trop faible pour lire, Des traités de blasons traînant là sur ses draps. Trop fine, trop nerveuse, exsangue et déjà lasse De vivre, ayant vécu le passé des aïeux Dont l’indomptable orgueil éclate dans ses yeux, Elle a l’étrange attrait, la maladive grâce Des verres de Venise aux tons faux, précieux Et la fragilité de la fin d’une race.

    en cours de vérification

    J

    Jean-Pierre Villebramar

    @jeanPierreVillebramar

    Le déserteur à celles et ceux qui ont connu, et aimé les longues plages désertes de notre Nouvelle Aquitaine à Boris Vian « tout le monde le savait, sauf les morts » Albert Camus J’ai allumé la télé pour connaître l’heure de ma mort ils savaient pas, alors, ils ont créé un Comité Scientifique d’Experts d’Éthique de Solidarité Patriotique et ils m’ont dit : ne vous inquiétez pas on va délibérer J’ai fermé la télé parce que le ciel était très bleu, les mimosas en fleurs et j’ai pris mon auto, contourné les barrages de flics, et je suis arrivé à la mer. L’océan était calme, doux le sable, blonde la dune, et le soleil brillait comme jamais ; les femmes auraient été très belles, s’il y en avait eu J’ai regardé la mer me suis assis au bord de la baïne et attendu. Puis, la marée montante. À la maison, une lettre, du Comité d’Experts Scientifique Éthique Patriotique

    en cours de vérification

    J

    Jean-Pierre Villebramar

    @jeanPierreVillebramar

    Une enfance Il porte avec lui sa colère de dix ans, l’emmène dans les couloirs lui cogne la tête contre les murs mais la colère relève la tête et le regarde alors il frappe encore et encore contre les murs sa colère jusqu’à ce qu’elle s’effondre fatiguée se taise enfin ferme les yeux et cesse de le regarder alors il arrête de frapper de frapper sa colère de frapper la tête de sa colère contre les murs fatiguée sa colère arrête de le regarder droit dans les yeux. J’ai vu, et les autres aussi cette colère de dix ans qui s’est arrêtée soudain dans les couloirs tous nous passions sans seulement esquisser un sourire ç’aurait été bien un sourire un simple sourire pour que cesse de le regarder sa colère dans les couloirs de l’Assistance publique comme on disait autrefois mais aujourd’hui il n’y a plus d’assistance ni publique ni privée les éducateurs regardent ils savent qu’il n’y a rien à faire rien rien à faire contre une colère de dix ans qui a recouvert les murs du Foyer recouvré les murs des couloirs envahi le Foyer jusqu’aux plafonds jusqu’aux couloirs elle s’est arrêtée à la porte la porte de la Liberté qui est aussi celle de l’enfer. Il est seul, il a dix ans, et il cogne sa tête contre les murs cogne cogne cogne sa tête jusqu’à ce que la colère arrête arrête de le regarder droit dans les yeux sa colère et lui seuls exactement seuls se regardant bien droit se taisent enfin ferment les yeux et cessent de se regarder

    en cours de vérification

    K

    Kamal Zerdoumi

    @kamalZerdoumi

    Adversaire Comme dans le fameux conte de Poe le visionnaire à l’abri de ce qu’ils croyaient être leur forteresse ses personnages ne purent sauver leur peau : la peste était parmi eux cette maladie du manque d’amour qui aujourd’hui éclate au grand jour qui vous ordonne le confinement pour de l’individualisme goûter aux raffinements et de la peur multiforme connaître les délires devenir les forçats d’ordres venus de l’Olympe médiatique et étatique Pourtant il suffirait de laisser la parole à nos coeurs pour voir que l’invisible ennemi est l’absence d’humaine chaleur

    en cours de vérification

    K

    Kamal Zerdoumi

    @kamalZerdoumi

    À un grand homme Dans l’empire de l’infiniment petit humble savant blanchi sous le harnais soudaine ta redécouverte d’un remède ancien fait de toi le rival inédit de ton soleil marseillais Le fléau planétaire qui ennemi inconnu nous sidère semble sur le point d’être mis à mort grâce à un homme qui de la recherche a fait son sacerdoce et son Graal Tant pis si dans la capitale l’on râle Didier Raoult « l’iconoclaste «  refuse de se soumettre aux faux dieux de la science Tant pis. Partout dans le monde l’espérance oeuvre de ce mage en blouse blanche parcourt le corps et le cerveau du genre humain

    en cours de vérification

    K

    Kamal Zerdoumi

    @kamalZerdoumi

    Maladie Déserts une vie d’où s’effacent les visages une mémoire sans ce passé magnifié ou maudit un présent hors du temps la silencieuse anarchie et la danse macabre de l’absence de repères Alzheimer un nom pour définir l’indéfinissable ce supplice inconscient d’identités dévastées cette étrange agonie de n’être plus personne

    en cours de vérification

    K

    Kamal Zerdoumi

    @kamalZerdoumi

    Résurrection Que lentement passent les heures comme passe un enterrement Ce voeu du poète le mal invisible l’exauce Est venu le temps du Malheur et de la fin de nos errements L’Homme dans son face-à-face avec l’essentiel tels les aveugles de Baudelaire lève les yeux au ciel Il est mis à nu par l’Épreuve et au cours de cette mue se voit contraint de faire peau neuve Lui revient soudain le souvenir de ce qu’il fut Un père, une mère, un enfant aimants libérés de la compétition ce fatal aimant Lorsque s’éloignera l’Hydre du virus vaincue par le civisme et la science herculéenne lorsque dans nos cieux à nouveau limpides repaîtront des cirrus nous fêterons l’héroïsme de notre humanité retrouvée

    en cours de vérification

    L

    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    Le départ Il est donc vrai ? Je garde en quittant la patrie, Ô profonde douleur ! un cœur indifférent. Pas de regard aimé, pas d'image chérie, Dont mon œil au départ se détache en pleurant. Ainsi partent tous ceux que le désespoir sombre Dans quelque monde à part pousse à se renfermer, Qui, voyant l'homme faible et les jours remplis d'ombre, Ne se sont pas senti le courage d'aimer. Pourtant, Dieu m'est témoin, j'aurais voulu sur terre Rassembler tout mon cœur autour d'un grand amour, Joindre à quelque destin mon destin solitaire, Me donner sans regret, sans crainte, sans retour. Aussi ne croyez pas qu'avec indifférence Je contemple s'éteindre, au plus beau de mes jours, Des bonheurs d'ici-bas la riante espérance : Bien que le cœur soit mort, on en souffre toujours.

    en cours de vérification

    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Le fou parle C’est ma mère, monsieur, avec ma fiancée Elles passent là-bas, l’une à l’autre pressée. La jeune m’a giflé, la vieille m’a fessé. Je vous jure pourtant que je les aimais bien; Mais, constamment, j’avais le besoin bénin D’exiger trop d’amour: ses larmes et son sein. Je vous jure, monsieur, qu’elles m’ont bien aimé. Ça n’est certes pas leur faute à toutes les deux Si sans cesse je voulais être plus heureux. C’est ma mère, monsieur, avec ma fiancée. Pour moi, elles ne sont qu’un même être et leurs charmes Sont égaux ayant fait verser les mêmes larmes: Ma mère a pleuré sur moi, qui sanglotais Pour l’autre, refusant d’être à moi tout à fait; Je ne sais pas lequel de nous trois fut blessé. . . C’est ma mère, monsieur, avec ma fiancée.

    en cours de vérification

    Pierre Corneille

    Pierre Corneille

    @pierreCorneille

    La peste J’ai vu la peste en raccourci : Et s’il faut en parler sans feindre, Puisque la peste est faite ainsi, Peste, que la peste est à craindre ! De cœurs qui n’en sauraient guérir Elle est partout accompagnée, Et dût-on cent fois en mourir, Mille voudraient l’avoir gagnée. L’ardeur dont ils sont emportés, En ce péril leur persuade, Qu’avoir la peste à ses côtés, Ce n’est point être trop malade. Aussi faut-il leur accorder Qu’on aurait du bonheur de reste, Pour peu qu’on se pût hasarder Au beau milieu de cette peste. La mort serait douce à ce prix, Mais c’est un malheur à se pendre Qu’on ne meurt pas d’en être pris, Mais faute de la pouvoir prendre. L’ardeur qu’elle fait naître au sein N’y fait même un mal incurable Que parce qu’elle prend soudain, Et qu’elle est toujours imprenable. Aussi chacun y perd son temps, L’un en gémit, l’autre en déteste, Et ce que font les plus contents C’est de pester contre la peste.

    en cours de vérification

    Pierre de Ronsard

    Pierre de Ronsard

    @pierreDeRonsard

    Odelette à son bouquet Mon petit Bouquet mon mignon, Qui m’es plus fidel’ compaignon Qu’Oreste ne fut à Pilade, Tout le jour quand je suis malade Mes valets qui pour leur devoir Le soing de moy debvroient avoir, Vont à leur plesir par la vile, Et ma vieille garde inutile, Aptes avoir largement beu, Yvre, s’endort aupres du feu, A l’heure qu’ el’ me devroit dire Des contes pour me faire rire. Mais toi petit bouquet, mais toy Ayant pitié de mon esmoy Jamais le jour tu ne me laisses Seul compaignon de mes tristesses. Que ne pui-je autant que les dieux ? Je t’envoyroi là haut aux cieux Fait d’un bouquet un astre insigne, Et te mettrois aupres du Signe Que Bacus dans le ciel posa Quand Ariadne il espousa, Qui se lamentoit, delessée Au bord desert par son Thesée.

    en cours de vérification

    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Ah ! Laissez-moi crier Ah! Laissez-moi crier, crier, crier … Crier à m’arracher la gorge ! Crier comme une bête qu’on égorge, Comme le fer martyrisé dans une forge, Comme l’arbre mordu par les dents de la scie, Comme un carreau sous le ciseau du vitrier… Grincer, hurler, râler ! Peu me soucie Que les gens s’en effarent. J’ai besoin De crier jusqu’au bout de ce qu’on peut crier. Les gens ? Vous ne savez donc pas comme ils sont loin, Comme ils existent peu, lorsque vous supplicie Cette douleur qui vous fait seul au monde ? Avec elle on est seul, seul dans sa geôle. Répondre ? Non. Je n’attends pas qu’on me réponde. Je ne sais même pas si j’appelle au secours, Si même j’ai crié, crié comme une folle, Comme un damné, toute la nuit et tout le jour. Cette chose inouïe, atroce, qui vous tue, Croyez-vous qu’elle soit Une chose possible à quoi l’on s’habitue ? Cette douleur, mon Dieu, cette douleur qui tue… Avec quel art cruel de supplice chinois, Elle montait, montait, à petits pas sournois, Et nul ne la voyait monter, pas même toi, Confiante santé, ma santé méconnue ! C’est vers toi que je crie, ah ! c’est vers toi, vers toi ! Pourquoi, si tu m’entends, n’être pas revenue ? Pourquoi me laisser tant souffrir, dis-moi pourquoi Ou si c’est ta revanche et parce qu’autrefois Jamais, simple santé, je ne pensais à toi.

    en cours de vérification

    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Aux médecins qui viennent me voir Je ne peux plus, je ne peux plus, vous voyez bien… C’est tout ce que je puis. Et vous me regardez et vous ne faites rien. Vous dites que je peux, vous dites – aujourd’hui Comme il y a des jours et des jours – que l’on doit Lutter quand même et vous ne savez pas Que j’ai donné toute ma pauvre force, moi, Tout mon pauvre courage et que j’ai dans mes bras Tous mes efforts cassés, tous mes efforts trompés Qui pèsent tant – si vous saviez ! Pourquoi ne pas comprendre ? Au bois des Oliviers Jésus de Nazareth pleurait, enveloppé D’une moins lourde nuit que celle où je descends. Il fait noir. Tout est laid, misérable, écœurant, sinistre…Vainement, vous tentez en passant un absurde sourire auquel nul ne se prend. C’est d’un geste raté, d’une voix sonnant faux que vous me promettez un secours pour demain. Demain ! C’est à présent, tout de suite, qu’il faut une main secourable dans ma main. Je suis à bout… C’est tout ce que je peux souffrir, c’est tout. Je ne peux plus, je ne crois plus, n’espère plus. Vous n’avez pas voulu, pas su comprendre, sans pitié Vous me laissez mourir de ma souffrance… Au moins, Faites-moi donc mourir comme on est foudroyé D’un seul coup de couteau, d’un coup de poing – ou d’un de ces poisons de fakir, vert et or, Qui vous endorment pour toujours, comme on s’endort Quand on a tant souffert, tant souffert jour et nuit, Que rien ne compte plus que l’oubli, rien que lui…

    en cours de vérification

    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Douleur, je vous déteste L’Honneur de souffrir Anna de Noailles. Douleur, je vous déteste ! Ah ! que je vous déteste ! Souffrance, je vous hais, je vous crains, j’ai l’horreur De votre guet sournois, de ce frisson qui reste Derrière vous, dans la chair, dans le coeur… Derrière vous, parfois vous précédant, J’ai senti cette chose inexprimable, affreuse : Une bête invisible aux minuscules dents Qui vient comme la taupe et fouille et mord et creuse Dans la belle santé confiante – pendant Que l’air est bleu, le soleil calme, l’eau si fraîche ! Ah ! « l’Honneur de souffrir » ?… Souffrance aux lèvres sèches, Souffrance laide, quoi qu’on dise, quel que soit Votre déguisement – Souffrance Foudroyante ou tenace ou les deux à la fois – Moi je vous vois comme un péché, comme une offense À l’allègre douceur de vivre, d’être sain Parmi des fruits luisants, des feuilles vertes, Des jardins faisant signe aux fenêtres ouvertes… De gais canards courent vers les bassins, Des pigeons nagent sur la ville, fous d’espace. Nager, courir, lutter avec le vent qui passe, N’est-ce donc pas mon droit puisque la vie est là Si simple en apparence… en apparence ! Faut-il être ces corps vaincus, ces esprits las, Parce qu’on vous rencontre un jour, Souffrance, Ou croire à cet Honneur de vous appartenir Et dire qu’il est grand, peut-être, de souffrir ? Grand ? Qui donc en est sûr et que m’importe ! Que m’importe le nom du mal, grand ou petit, Si je n’ai plus en moi, candide et forte, La Joie au clair visage ? Il s’est menti, Il se ment à lui-même, le poète Qui, pour vous ennoblir, vous chante… Je vous hais. Vous êtes lâche, injuste, criminelle, prête Aux pires trahisons ! Je sais Que vous serez mon ennemie infatigable Désormais… Désormais, puisqu’il ne se peut pas Que le plus tendre parc embaumé de lilas, Le plus secret chemin d’herbe folle ou de sable, Permettent de vous fuir ou de vous oublier ! Chère ignorance en petit tablier, Ignorance aux pieds nus, aux bras nus, tête nue À travers les saisons, ignorance ingénue Dont le rire tintait si haut. Mon Ignorance, Celle d’Avant, quand vous m’étiez une inconnue, Qu’en a-t-on fait, qu’en faites-vous, vieille Souffrance ? Vous pardonner cela qui me change le monde ? Je vous hais trop ! Je vous hais trop d’avoir tué Cette petite fille blonde Que je vois comme au fond d’un miroir embué… Une Autre est là, pâle, si différente ! Je ne peux pas, je ne veux pas m’habituer À vous savoir entre nous deux, toujours présente, Sinistre Carabosse à qui les jeunes fées Opposent vainement des Pouvoirs secourables ! Il était une fois… Il était une fois – pauvres voix étouffées ! Qui les ranimera, qui me rendra la voix De cette Source, fée entre toutes les fées, Où tous les maux sont guérissables ?

    en cours de vérification

    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Jours de fièvre Ce que je veux ? Une carafe d’eau glacée. Rien de plus. Nuit et jour, cette eau, dans ma pensée, Ruisselle doucement comme d’une fontaine. Elle est blanche, elle est bleue à force d’être fraîche. Elle vient de la source ou d’une cruche pleine. Elle a cet argent flou qui duvête les pêches Et l’étincellement d’un cristal à facettes. Elle est de givre fin, de brouillard, de rosée, Jaillit de chaque vasque en gerbes irisées, Glisse de chaque branche en rondes gouttelettes. Au coeur de la carafe, elle rit. Elle perle Sur son ventre poli, comme une sueur gaie. En mille petits flots, pour rien, elle déferle, Ou n’est qu’un point comme un brillant dans une haie. Elle danse au plafond, se complaît dans la glace, Frappe aux carreaux avec la pluie. Ah ! ces cascades… C’est le Niagara, vert bleu, vert Nil, vert jade, C’est l’eau miraculeuse en un fleuve de grâce ; Toute l’eau des névés, des lacs, des mers nordiques, Toute l’eau du Rocher de Moïse, l’eau pure D’une oasis perdue au centre de l’Afrique ; Toute l’eau qui mugit, toute l’eau qui murmure, Toute l’eau, toute l’eau du ciel et de la terre, Toute l’eau concentrée au creux glacé d’un verre ! Je ne demande rien qu’un verre d’eau glacée… Vous ne voyez donc pas mes doigts brûlants de fièvre, Mes doigts tendus vers l’eau qui fuit ? Mes pauvres lèvres Sèches comme une plante à la tige cassée ? La soif qui me torture est celle des grands sables Où galope toujours le simoun. Je ne pense Qu’à ce filet d’eau merveilleuse, intarissable, Où des poissons heureux circulent. Transparence, Fraîcheur… Est-il rien d’autre au monde que j’implore ? Alcarazas, alcarazas… un café maure Et, dans la torpeur bleue où des buveurs s’attardent, Un verre débordant parmi les autres verres, Un verre sans couleurs subtiles qui le fardent, Mais rempli de cette eau si froide, nette, claire… Ah ! prenez pour cette eau ce qui me reste à vivre, Mais laissez-la couler en moi, larmes de givre, Don de l’hiver à ce brasier qui me consume. Vous souvient-il de ces bruits clairs, dans de l’écume, Au bord d’un gave fou ? J’ai soif de tous les gaves. Les sabots des mulets, vous souvient-il, s’y lavent, Les pieds du chemineau s’y délassent. Dieu juste, Ne puis-je boire au moins comme le pré, l’arbuste, Le chien de la montagne au fil de l’eau qui court ? Cette eau… Cette eau qui m’échappe toujours, Qui, nuit et jour, obsède ma pensée… Ne m’accorderez-vous deux gouttes d’eau glacée ?

    en cours de vérification

    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    La grotte des Lépreux Vallée du Gavaudun Ne me parlez ni de la tour, Ni des belles ruines rousses, Ni de cette vivante housse De feuillages en demi-jour. La gorge est trop fraîche et trop verte ; La rivière, comme un serpent, S’y tord, à peine découverte Sous trop d’herbe où reste en suspens Le mystère des forêts vierges. Ne me parlez ni de l’auberge, Ni des écrevisses qu’on prend Dans la mousse et les capillaires. Je n’ai vu, de ce coin de terre, Ni la paix du soir transparent, Ni celle des crêtes désertes. Mais, barrant le ciel, deux rochers Tout à coup si nus, écorchés, Avec plusieurs bouches ouvertes ! Vers ces bouches noires, clamant On ne sait quelle horreur ancienne, Savez-vous si, furtivement, De pauvres âmes ne reviennent ? Où sont-ils, où sont-ils, mon Dieu, Ces parias vêtus de rouge Qui, là-haut, guettaient les soirs bleus Par les trous béants de ce bouge ? Grotte des Lépreux, seuil maudit Au bord de la falaise ocreuse… Il faudrait qu’on ne m’eût pas dit Quel frisson traversait jadis Ce décor de feuilles heureuses…

    en cours de vérification

    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Maladie Filliou…Je veux Filliou. Ne t’en va pas, Filliou. Ferme la porte. Sortir ? Pour aller où ? Dis ? Je ne veux pas que tu sortes ! J’ai tout le temps besoin de toi. Pour tout, Pour t’avoir là. Reste, Filliou… Si tu t’en vas, je sonnerai si fort, si fort, Que les murailles tomberont toutes ensemble. Ma cloche vient de Chamonix. Elle ressemble À celle qui chantait, l’été dernier, au bord De ce vallon près de Ciboure. Tout le port Y scintillait, tu te souviens? Tout le décor S’assombrissait vers les montagnes et la cloche Montait dans le chemin tout proche. Au cou d’une petite vache rousse Elle a chanté peut-être aussi Ma clarine à moi, celle-ci… Filliou, Filliou, c’est à grandes secousses Qu’elle se fâche, tu sais bien, Si tu descends ! Reviens… Lis quelque chose, dis, Quelque chose de gai…dis, tu n’as rien De très comique, d’inédit ? Alors, assieds-toi là…Raconte-moi, Filliou, Raconte… On ne l’avait jamais fini, ce conte Qui nous passionnait ! Dis-le-moi jusqu’au bout… C’est « Cœur de Nénuphar et Tige de Bambou », Tu te souviens ? Le soir, tu l’inventais pour nous Et c’était merveilleux, si merveilleux, Filliou ! Raconte…

    en cours de vérification

    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Médecins Ne cherchez donc pas dans vos livres ! Est-il si compliqué de vivre ? Quel mal ils m’auront fait, ces tristes médecins… Je ne dis pas que ce soit à dessein Et l’on n’est pas toujours exprès des assassins ; Mais tant de drogues, de piqûres, Et si peu de savoir ? Ils me tueront, c’est clair. Me laisser tant souffrir, souffrir tout un hiver, Pour jouer ensuite aux Augures ! Je les vois en bouchers me palper tour à tour, Puis s’enfermer d’un air sinistre, Conseil de guerre ? de ministres ? Concile ? Ou, verrous clos, sous l’abat-jour, La conspiration de mélo, dans la cave ? Je rirais bien, si ce n’était beaucoup plus grave. Mais il s’agit de moi qui ne sais rien Et de ces gens à qui, dirait-on, j’appartiens, Parce qu’ils font semblant de savoir quelque chose. Bouchut en sait mille fois plus, hélas ! Mon vieux Bouchut qui prend son herbe et se la dose Et toujours se guérit des misères qu’il a Sans en chercher la cause… Vieux Bouchut, vieux Bouchut, dans ton bain de soleil, Tu te moques de leurs remèdes ! Ton ventre est chaud, ton petit nez vermeil. Tu me suffis, Bouchut. Viens à mon aide…

    en cours de vérification