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Pensées

45 poésies en cours de vérification
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Poésies de la collection pensées

    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Les secrètes pensées de Rafaël, gentilhomme Français Fragment Ô vous race des dieux, phalange incorruptible, Électeurs brevetés des morts et des vivants; Porte-clefs éternels du mont inaccessible, Guindés, guédés, bridés2, confortables pédants! Pharmaciens du bon goût, distillateurs sublimes, Seuls vraiment immortels, et seuls autorisés; Qui, d'un bras dédaigneux, sur vos seins magnanimes, Secouant le tabac de vos jabots usés, Avez toussé, — soufflé, — passé sur vos lunettes Un parement brossé, pour les rendre plus nettes, Et, d'une main soigneuse ouvrant l'in-octavo, Sans partialité, sans malveillance aucune, Sans vouloir faire cas ni des ha! ni des ho! Avez lu posément — la Ballade à la Lune!!! Maîtres, maîtres divins, où trouverai-je, hélas ! Un fleuve où me noyer, une corde .où me pendre, Pour avoir oublié de faire écrire au bas : Le public est prié de ne pas se méprendre... Chose si peu coûteuse et si simple à présent, Et qu'à tous les piliers on voit à chaque instant! Ah !povero, ohimé3 ! — Qu'a pensé le beau sexe? On dit, maîtres, on dit qu'alors votre sourcil, En voyant cette lune, et ce point sur cet i, Prit l'effroyable aspect d'un accent circonflexe! Et vous, libres penseurs, dont le sobre dîner Est un conseil d'État, — immortels journalistes! Vous qui voyez encor, sur vos antiques listes, Errer de loin en loin le nom d'un abonné! Savez-vous le Pater, et les péchés des autres Ont-ils grâce à vos yeux, quand vous comptez les vôtres ? — 0 vieux sir John Falstaff! quel rire eût soulevé Ton large et joyeux corps, gonflé de vin d'Espagne, En voyant ces buveurs, troublés par le Champagne, Pour tuer une mouche apporter un pavé! Salut, jeunes champions d'une cause un peu vieille, Classiques bien rasés, à la face vermeille, Romantiques barbus, aux visages blêmis! Vous qui des Grecs défunts balayez le rivage, Ou d'un poignard sanglant fouillez le moyen âge 4; Salut! —J'ai combattu dans vos camps ennemis. Par cent coups meurtriers devenu respectable, Vétéran, je m'assois sur mon tambour crevé. Racine, rencontrant Shakspeare sur ma table, S'endort près de Boileau qui leur a pardonné. Mais toi, moral troupeau, dont la docte cervelle S'est séchée en silence aux leçons de Thénard6, Enfants régénérés d'une mère immortelle, Qui savez parler vers, prose et naïf dans l'art, O jeunesse du siècle! intrépide jeunesse! Quitteras-tu pour moi le Globe ou les Débats 6? Lisez un paresseux, enfants de la paresse... Muse, reprends ta lyre, et rouvre-moi tes bras. France, ô mon beau pays! j'ai de plus d'un outrage Offensé ton céleste, harmonieux langage, Idiome de l'amour, si doux qu'à le parler Tes femmes sur la lèvre en gardent un sourire; Le miel le plus doré qui sur la triste lyre De la bouche et du cœur ait pu jamais couler! Mère des mes aïeux, ma nourrice et ma mère, Me pardonneras-tu? Serai-je digne encor De faire sous mes doigts vibrer la harpe d'or? Ce ne sont plus les fils d'une terre étrangère Que je veux célébrer, ô ma belle cité! Je ne sortirai pas de ce bord enchanté Ou, près de ton palais, sur ton fleuve penchée, Fille de l'Occident, un soir tu t'es couchée... Lecteur, puisqu'il faut bien qu'à ce mot redouté Tôt ou tard, à présent, tout honnête homme en vienne, C'est, après le dîner, une faiblesse humaine Que de dormir une heure en attendant le thé. Vous le savez, hélas! alors que les gazettes Ressemblent aux greniers dans les temps de disettes, Ou lorsque, par malheur, on a, sans y penser, Ouvert quelque pamphlet fatal à l'insomnie, Quelques Mémoires sur*** — Essai de poésie... — ô livres précieux! serait-ce vous blesser Que de poser son front sur vos célestes pages, Tandis que du calice embaumé de l'opium, Comme une goutte d'eau qu'apportent les orages Tombe ce fruit des cieux appelé somnium ! Depuis un grand quart d'heure incliné sur sa chaise, Rafaël (mon héros) sommeillait doucement. Remarquez bien, lecteur, et ne vous en déplaise, Que c'est tout l'opposé d'un héros de roman. Ses deux bras sont croisés; — une ample redingote, Simplicité touchante, enferme sous ses plis Son corps plus délicat qu'un menton de dévote, Et ses membres vermeils par le bain assouplis. Dans ses cheveux, huilés d'un baptême à la rose, Le zéphir mollement balance ses pieds nus, Et son barbet grognon, qui près de lui repose, Supporte fièrement ses deux pieds étendus; Tandis qu'à ses côtés, sous le vase d'albâtre Où dort dans les glaçons le bourgogne mousseux Le pudding entamé, de sa flamme bleuâtre, Salamandre joyeuse, égayé encor les yeux. Son parfum, qui se mêle au tabac de Turquie, Croise autour des lambris son brouillard azuré, Qui s'enfuit comme un songe, et s'éteint par degré. Le roturier Franklin foudroya sur la terre Où le colon grillé gouverne en liberté Ses noirs, et son tabac par les lois prohibé; Toi qui créas Paris, tuas Athène et Sparte, Et, sous le dais sanglant de l'impérial pavois, Comme autrefois César, endormis Bonaparte Aux murmures lointains des peuples et des rois! — Toi qui, dans ton printemps, de roses couronnée, Et comme Iphigénie, à l'autel entraînée, Jeune, tombas frappée au cœur d'un coup mortel... — As-tu quitté la terre et regagné le ciel ? Nous te retrouverons, perle de Cléopâtre, Dans la source féconde, à la teinte rougeâtre, Qui dans ses flots profonds un jour te consuma... « Hé! hé! dit une voix, parbleu! mais le voilà. — Messieurs, dit Rafaël, entrez, j'ai fait un somme. »

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Les étoiles À Mme de P***. Il est pour la pensée une heure... une heure sainte, Alors que, s'enfuyant de la céleste enceinte, De l'absence du jour pour consoler les cieux, Le crépuscule aux monts prolonge ses adieux. On voit à l'horizon sa lueur incertaine, Comme les bords flottants d'une robe qui traîne, Balayer lentement le firmament obscur, Où les astres ternis revivent dans l'azur. Alors ces globes d'or, ces îles de lumière, Que cherche par instinct la rêveuse paupière, Jaillissent par milliers de l'ombre qui s'enfuit Comme une poudre d'or sur les pas de la nuit ; Et le souffle du soir qui vole sur sa trace, Les sème en tourbillons dans le brillant espace. L'oeil ébloui les cherche et les perd à la fois ; Les uns semblent planer sur les cimes des bois, Tel qu'un céleste oiseau dont les rapides ailes Font jaillir en s'ouvrant des gerbes d'étincelles. D'autres en flots brillants s'étendent dans les airs, Comme un rocher blanchi de l'écume des mers ; Ceux-là, comme un coursier volant dans la carrière, Déroulent à longs plis leur flottante crinière ; Ceux-ci, sur l'horizon se penchant à demi, Semblent des yeux ouverts sur le monde endormi, Tandis qu'aux bords du ciel de légères étoiles Voguent dans cet azur comme de blanches voiles Qui, revenant au port, d'un rivage lointain, Brillent sur l'Océan aux rayons du matin. De ces astres brillants, son plus sublime ouvrage, Dieu seul connaît le nombre, et la distance, et l'âge ; Les uns, déjà vieillis, pâlissent à nos yeux, D'autres se sont perdus dans les routes des cieux, D'autres, comme des fleurs que son souffle caresse, Lèvent un front riant de grâce et de jeunesse, Et, charmant l'Orient de leurs fraîches clartés, Etonnent tout à coup l'oeil qui les a comptés. Dans la danse céleste ils s'élancent... et l'homme, Ainsi qu'un nouveau-né, les salue, et les nomme. Quel mortel enivré de leur chaste regard, Laissant ses yeux flottants les fixer au hasard, Et cherchant le plus pur parmi ce choeur suprême, Ne l'a pas consacré du nom de ce qu'il aime ? Moi-même... il en est un, solitaire, isolé, Qui, dans mes longues nuits, m'a souvent consolé, Et dont l'éclat, voilé des ombres du mystère, Me rappelle un regard qui brillait sur la terre. Peut-être ?... ah ! puisse-t-il au céleste séjour Porter au moins ce nom que lui donna l'Amour ! Cependant la nuit marche, et sur l'abîme immense Tous ces mondes flottants gravitent en silence, Et nous-même, avec eux emportés dans leur cours Vers un port inconnu nous avançons toujours ! Souvent, pendant la nuit, au souffle du zéphire, On sent la terre aussi flotter comme un navire. D'une écume brillante on voit les monts couverts Fendre d'un cours égal le flot grondant des airs ; Sur ces vagues d'azur où le globe se joue, On entend l'aquilon se briser sous la proue, Et du vent dans les mâts les tristes sifflements, Et de ses flancs battus les sourds gémissements ; Et l'homme sur l'abîme où sa demeure flotte Vogue avec volupté sur la foi du pilote ! Soleils ! mondes flottants qui voguez avec nous, Dites, s'il vous l'a dit, où donc allons-nous tous ? Quel est le port céleste où son souffle nous guide ? Quel terme assigna-t-il à notre vol rapide ? Allons-nous sur des bords de silence et de deuil, Echouant dans la nuit sur quelque vaste écueil, Semer l'immensité des débris du naufrage ? Ou, conduits par sa main sur un brillant rivage, Et sur l'ancre éternelle à jamais affermis, Dans un golfe du ciel aborder endormis ? Vous qui nagez plus près de la céleste voûte, Mondes étincelants, vous le savez sans doute ! Cet Océan plus pur, ce ciel où vous flottez, Laisse arriver à vous de plus vives clartés ; Plus brillantes que nous, vous savez davantage ; Car de la vérité la lumière est l'image ! Oui : si j'en crois l'éclat dont vos orbes errants Argentent des forêts les dômes transparents, Qui glissant tout à coup sur des mers irritées, Calme en les éclairant les vagues agitées ; Si j'en crois ces rayons dont le sensible jour Inspire la vertu, la prière, l'amour, Et quand l'oeil attendri s'entrouvre à leur lumière, Attirent une larme au bord de la paupière ; Si j'en crois ces instincts, ces doux pressentiments Qui dirigent vers nous les soupirs des amants, Les yeux de la beauté, les rêves qu'on regrette, Et le vol enflammé de l'aigle et du poète ! Tentes du ciel, Edens ! temples! brillants palais ! Vous êtes un séjour d'innocence et de paix ! Dans le calme des nuits, à travers la distance, Vous en versez sur nous la lointaine influence ! Tout ce que nous cherchons, l'amour, la vérité, Ces fruits tombés du ciel dont la terre a goûté, Dans vos brillants climats que le regard envie Nourrissent à jamais les enfants de la vie, Et l'homme, un jour peut-être à ses destins rendu, Retrouvera chez vous tout ce qu'il a perdu ? Hélas ! combien de fois seul, veillant sur ces cimes Où notre âme plus libre a des voeux plus sublimes, Beaux astres ! fleurs du ciel dont le lis est jaloux, J'ai murmuré tout bas : Que ne suis-je un de vous ? Que ne puis-je, échappant à ce globe de boue, Dans la sphère éclatante où mon regard se joue, Jonchant d'un feu de plus le parvis du saint lieu, Eclore tout à coup sous les pas de mon Dieu, Ou briller sur le front de la beauté suprême, Comme un pâle fleuron de son saint diadème ? Dans le limpide azur de ces flots de cristal, Me souvenant encor de mon globe natal, Je viendrais chaque nuit, tardif et solitaire, Sur les monts que j'aimais briller près de la terre ; J'aimerais à glisser sous la nuit des rameaux, A dormir sur les prés, à flotter sur les eaux ; A percer doucement le voile d'un nuage, Comme un regard d'amour que la pudeur ombrage : Je visiterais l'homme ; et s'il est ici-bas Un front pensif, des yeux qui ne se ferment pas, Une âme en deuil, un coeur qu'un poids sublime oppresse, Répandant devant Dieu sa pieuse tristesse ; Un malheureux au jour dérobant ses douleurs Et dans le sein des nuits laissant couler ses pleurs, Un génie inquiet, une active pensée Par un instinct trop fort dans l'infini lancée ; Mon rayon pénétré d'une sainte amitié Pour des maux trop connus prodiguant sa pitié, Comme un secret d'amour versé dans un coeur tendre, Sur ces fronts inclinés se plairait à descendre ! Ma lueur fraternelle en découlant sur eux Dormirait sur leur sein, sourirait à leurs yeux : Je leur révélerais dans la langue divine Un mot du grand secret que le malheur devine ; Je sécherais leurs pleurs ; et quand l'oeil du matin Ferait pâlir mon disque à l'horizon lointain, Mon rayon en quittant leur paupière attendrie Leur laisserait encor la vague rêverie, Et la paix et l'espoir ; et, lassés de gémir, Au moins avant l'aurore ils pourraient s'endormir ! Et vous, brillantes soeurs! étoiles, mes compagnes, Qui du bleu firmament émaillez les campagnes, Et cadençant vos pas à la lyre des cieux, Nouez et dénouez vos choeurs harmonieux ! Introduit sur vos pas dans la céleste chaîne, Je suivrais dans l'azur l'instinct qui vous entraîne, Vous guideriez mon oeil dans ce brillant désert, Labyrinthe de feux où le regard se perd ! Vos rayons m'apprendraient à louer, à connaître Celui que nous cherchons, que vous voyez peut-être ! Et noyant dans son sein mes tremblantes clartés, Je sentirais en lui.., tout ce que vous sentez !

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Pensée des morts Voilà les feuilles sans sève Qui tombent sur le gazon, Voilà le vent qui s’élève Et gémit dans le vallon, Voilà l’errante hirondelle . Qui rase du bout de l’aile : L’eau dormante des marais, Voilà l’enfant des chaumières Qui glane sur les bruyères Le bois tombé des forêts. L’onde n’a plus le murmure , Dont elle enchantait les bois ; Sous des rameaux sans verdure. Les oiseaux n’ont plus de voix ; Le soir est près de l’aurore, L’astre à peine vient d’éclore Qu’il va terminer son tour, Il jette par intervalle Une heure de clarté pâle Qu’on appelle encore un jour. L’aube n’a plus de zéphire Sous ses nuages dorés, La pourpre du soir expire Sur les flots décolorés, La mer solitaire et vide N’est plus qu’un désert aride Où l’oeil cherche en vain l’esquif, Et sur la grève plus sourde La vague orageuse et lourde N’a qu’un murmure plaintif. La brebis sur les collines Ne trouve plus le gazon, Son agneau laisse aux épines Les débris de sa toison, La flûte aux accords champêtres Ne réjouit plus les hêtres Des airs de joie ou d’amour, Toute herbe aux champs est glanée : Ainsi finit une année, Ainsi finissent nos jours ! C’est la saison où tout tombe Aux coups redoublés des vents ; Un vent qui vient de la tombe Moissonne aussi les vivants : Ils tombent alors par mille, Comme la plume inutile Que l’aigle abandonne aux airs, Lorsque des plumes nouvelles Viennent réchauffer ses ailes A l’approche des hivers. C’est alors que ma paupière Vous vit pâlir et mourir, Tendres fruits qu’à la lumière Dieu n’a pas laissé mûrir ! Quoique jeune sur la terre, Je suis déjà solitaire Parmi ceux de ma saison, Et quand je dis en moi-même : Où sont ceux que ton coeur aime ? Je regarde le gazon. Leur tombe est sur la colline, Mon pied la sait ; la voilà ! Mais leur essence divine, Mais eux, Seigneur, sont-ils là ? Jusqu’à l’indien rivage Le ramier porte un message Qu’il rapporte à nos climats ; La voile passe et repasse, Mais de son étroit espace Leur âme ne revient pas. Ah ! quand les vents de l’automne Sifflent dans les rameaux morts, Quand le brin d’herbe frissonne, Quand le pin rend ses accords, Quand la cloche des ténèbres Balance ses glas funèbres, La nuit, à travers les bois, A chaque vent qui s’élève, A chaque flot sur la grève, Je dis : N’es-tu pas leur voix? Du moins si leur voix si pure Est trop vague pour nos sens, Leur âme en secret murmure De plus intimes accents ; Au fond des coeurs qui sommeillent, Leurs souvenirs qui s’éveillent Se pressent de tous côtés, Comme d’arides feuillages Que rapportent les orages Au tronc qui les a portés ! C’est une mère ravie A ses enfants dispersés, Qui leur tend de l’autre vie Ces bras qui les ont bercés ; Des baisers sont sur sa bouche, Sur ce sein qui fut leur couche Son coeur les rappelle à soi ; Des pleurs voilent son sourire, Et son regard semble dire : Vous aime-t-on comme moi ? C’est une jeune fiancée Qui, le front ceint du bandeau, N’emporta qu’une pensée De sa jeunesse au tombeau ; Triste, hélas ! dans le ciel même, Pour revoir celui qu’elle aime Elle revient sur ses pas, Et lui dit : Ma tombe est verte ! Sur cette terre déserte Qu’attends-tu ? Je n’y suis pas ! C’est un ami de l’enfance, Qu’aux jours sombres du malheur Nous prêta la Providence Pour appuyer notre cœur ; Il n’est plus ; notre âme est veuve, Il nous suit dans notre épreuve Et nous dit avec pitié : Ami, si ton âme est pleine, De ta joie ou de ta peine Qui portera la moitié ? C’est l’ombre pâle d’un père Qui mourut en nous nommant ; C’est une soeur, c’est un frère, Qui nous devance un moment ; Sous notre heureuse demeure, Avec celui qui les pleure, Hélas ! ils dormaient hier ! Et notre coeur doute encore, Que le ver déjà dévore Cette chair de notre chair ! L’enfant dont la mort cruelle Vient de vider le berceau, Qui tomba de la mamelle Au lit glacé du tombeau ; Tous ceux enfin dont la vie Un jour ou l’autre ravie, Emporte une part de nous, Murmurent sous la poussière : Vous qui voyez la lumière, Vous souvenez-vous de nous ? Ah ! vous pleurer est le bonheur suprême Mânes chéris de quiconque a des pleurs ! Vous oublier c’est s’oublier soi-même : N’êtes-vous pas un débris de nos coeurs ? En avançant dans notre obscur voyage, Du doux passé l’horizon est plus beau, En deux moitiés notre âme se partage, Et la meilleure appartient au tombeau ! Dieu du pardon ! leur Dieu ! Dieu de leurs pères ! Toi que leur bouche a si souvent nommé ! Entends pour eux les larmes de leurs frères ! Prions pour eux, nous qu’ils ont tant aimé ! Ils t’ont prié pendant leur courte vie, Ils ont souri quand tu les as frappés ! Ils ont crié : Que ta main soit bénie ! Dieu, tout espoir ! les aurais-tu trompés ? Et cependant pourquoi ce long silence ? Nous auraient-ils oubliés sans retour ? N’aiment-ils plus ? Ah ! ce doute t’offense ! Et toi, mon Dieu, n’es-tu pas tout amour ? Mais, s’ils parlaient à l’ami qui les pleure, S’ils nous disaient comment ils sont heureux, De tes desseins nous devancerions l’heure, Avant ton jour nous volerions vers eux. Où vivent-ils ? Quel astre, à leur paupière Répand un jour plus durable et plus doux ? Vont-ils peupler ces îles de lumière ? Ou planent-ils entre le ciel et nous ? Sont-ils noyés dans l’éternelle flamme ? Ont-ils perdu ces doux noms d’ici-bas, Ces noms de soeur et d’amante et de femme ? A ces appels ne répondront-ils pas ? Non, non, mon Dieu, si la céleste gloire Leur eût ravi tout souvenir humain, Tu nous aurais enlevé leur mémoire ; Nos pleurs sur eux couleraient-ils en vain ? Ah ! dans ton sein que leur âme se noie ! Mais garde-nous nos places dans leur cœur ; Eux qui jadis ont goûté notre joie, Pouvons-nous être heureux sans leur bonheur ? Etends sur eux la main de ta clémence, Ils ont péché; mais le ciel est un don ! Ils ont souffert; c’est une autre innocence ! Ils ont aimé; c’est le sceau du pardon ! Ils furent ce que nous sommes, Poussière, jouet du vent ! Fragiles comme des hommes, Faibles comme le néant ! Si leurs pieds souvent glissèrent, Si leurs lèvres transgressèrent Quelque lettre de ta loi, Ô Père! ô juge suprême ! Ah ! ne les vois pas eux-mêmes, Ne regarde en eux que toi ! Si tu scrutes la poussière, Elle s’enfuit à ta voix ! Si tu touches la lumière, Elle ternira tes doigts ! Si ton oeil divin les sonde, Les colonnes de ce monde Et des cieux chancelleront : Si tu dis à l’innocence : Monte et plaide en ma présence ! Tes vertus se voileront. Mais toi, Seigneur, tu possèdes Ta propre immortalité ! Tout le bonheur que tu cèdes Accroît ta félicité ! Tu dis au soleil d’éclore, Et le jour ruisselle encore ! Tu dis au temps d’enfanter, Et l’éternité docile, Jetant les siècles par mille, Les répand sans les compter ! Les mondes que tu répares Devant toi vont rajeunir, Et jamais tu ne sépares Le passé de l’avenir ; Tu vis ! et tu vis ! les âges, Inégaux pour tes ouvrages, Sont tous égaux sous ta main ; Et jamais ta voix ne nomme, Hélas ! ces trois mots de l’homme : Hier, aujourd’hui, demain ! Ô Père de la nature, Source, abîme de tout bien, Rien à toi ne se mesure, Ah ! ne te mesure à rien ! Mets, à divine clémence, Mets ton poids dans la balance, Si tu pèses le néant ! Triomphe, à vertu suprême ! En te contemplant toi-même, Triomphe en nous pardonnant !

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    A

    Amélie Paris

    @amelieParis

    Fin d'été Un soir, tard, Sur un air de guitare, Elle ferma les yeux Dans ce temps grisailleux. Encore une nuit Aux pensées infinies, Qui rongent son âme Dans cette ambiance infâme. Un enième moment, Par ce maudit temps, Ses larmes coulent, Elle s'allonge, son univers s'écroule. Elle ne vit pas au présent, Elle sait ce qui l'attend, Elle continue de penser à lui À l'infini… 30/08/2015

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    A

    Arthur Lacasse

    @arthurLacasse

    Charmante confidence Un jour petit Louis, triste, le front penché, A son curé disait : « Quand je fais ma prière. Mon esprit, malgré moi, s'envole au cimetière Et voilà, j'ai grand peur que ce ne soit péché... Et, naïf, le cœur gros, impuissant à cacher Une larme qui tremble au bord de sa paupière : « Depuis qu'au ciel, dit-il. Dieu m'a ravi ma mère, Je voudrais Le prier... mais... j'en suis empêché... » « — Ta maman, dit le prêtre, il faut prier pour elle, Louis 1 » Mais l'orphelin à l'humide prunelle Essaya de sourire, et ne répondit pas... Puis, sans lever la tête, et la voix attendrie. Il avoua, charmant, les yeux baissés, très bas : « Quand je prie — est-ce mal? — c'est elle que je prie ! »

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Bonne pensée du matin A quatre heures du matin, l’été, Le sommeil d’amour dure encore. Sous les bosquets l’aube évapore L’odeur du soir fêté. Mais là-bas dans l’immense chantier Vers le soleil des Hespérides, En bras de chemise, les charpentiers Déjà s’agitent. Dans leur désert de mousse, tranquilles, Ils préparent les lambris précieux Où la richesse de la ville Rira sous de faux cieux. Ah ! pour ces Ouvriers charmants Sujets d’un roi de Babylone, Vénus ! laisse un peu les Amants, Dont l’âme est en couronne. Ô Reine des Bergers ! Porte aux travailleurs l’eau-de-vie, Pour que leurs forces soient en paix En attendant le bain dans la mer, à midi.

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    C

    Caroline Baucher

    @carolineBaucher

    La chute du silence Les paroles se sont tuent : elles se terrent le silence, vêtu de nombreuses pensées va faire son entrées : l’ombre des mots errent sur ses parois : il est bientôt prêt à parler il est le rois de beaucoup de sous-entendu qui sont bien souvent des mal entendu : le silence a son propre langage qui, bien plus que des paroles, nous engage. il nous mets sur la voie de bien des réflexions : car il s’entendait très bien avec notre ennuie : j’ai entendu sa voix qui s’immisçait, sans bruit, en moi : il me parlait de ce grand tourbillon. ce tourbillon de maux, que tout ce silence, crie à nos oreilles car en nous il sommeille : Les maux se murent bien souvet dans le silence

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    J'aime le souvenir de ces époques nues J'aime le souvenir de ces époques nues, Dont Phoebus se plaisait à dorer les statues. Alors l'homme et la femme en leur agilité Jouissaient sans mensonge et sans anxiété, Et, le ciel amoureux leur caressant l'échine, Exerçaient la santé de leur noble machine. Cybèle alors, fertile en produits généreux, Ne trouvait point ses fils un poids trop onéreux, Mais, louve au coeur gonflé de tendresses communes, Abreuvait l'univers à ses tétines brunes. L'homme, élégant, robuste et fort, avait le droit D'être fier des beautés qui le nommaient leur roi ; Fruits purs de tout outrage et vierges de gerçures, Dont la chair lisse et ferme appelait les morsures ! Le Poète aujourd'hui, quand il veut concevoir Ces natives grandeurs, aux lieux où se font voir La nudité de l'homme et celle de la femme, Sent un froid ténébreux envelopper son âme Devant ce noir tableau plein d'épouvantement. Ô monstruosités pleurant leur vêtement ! Ô ridicules troncs ! torses dignes des masques ! Ô pauvres corps tordus, maigres, ventrus ou flasques, Que le dieu de l'Utile, implacable et serein, Enfants, emmaillota dans ses langes d'airain ! Et vous, femmes, hélas ! pâles comme des cierges, Que ronge et que nourrit la débauche, et vous, vierges, Du vice maternel traînant l'hérédité Et toutes les hideurs de la fécondité ! Nous avons, il est vrai, nations corrompues, Aux peuples anciens des beautés inconnues : Des visages rongés par les chancres du coeur, Et comme qui dirait des beautés de langueur ; Mais ces inventions de nos muses tardives N'empêcheront jamais les races maladives De rendre à la jeunesse un hommage profonde, - A la sainte jeunesse, à l'air simple, au doux front, A l'oeil limpide et clair ainsi qu'une eau courante, Et qui va répandant sur tout, insouciante Comme l'azur du ciel, les oiseaux et les fleurs, Ses parfums, ses chansons et ses douces chaleurs !

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    L'heure verte Comme bercée en un hamac La pensée oscille et tournoie, À cette heure où tout estomac Dans un flot d'absinthe se noie. Et l'absinthe pénètre l'air, Car cette heure est toute émeraude. L'appétit aiguise le flair De plus d'un nez rose qui rôde. Promenant le regard savant De ses grands yeux d'aigues-marines, Circé cherche d'où vient le vent Qui lui caresse les narines. Et, vers des dîners inconnus, Elle court à travers l'opale De la brume du soir. Vénus S'allume dans le ciel vert-pâle.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Ecole buissonnière Ma pensée est une églantine Eclose trop tôt en avril, Moqueuse au moucheron subtil Ma pensée est une églantine ; Si parfois tremble son pistil Sa corolle s’ouvre mutine. Ma pensée est une églantine Eclose trop tôt en avril. Ma pensée est comme un chardon Piquant sous les fleurs violettes, Un peu rude au doux abandon Ma pensée est comme un chardon ; Tu viens le visiter, bourdon ? Ma fleur plaît à beaucoup de bêtes. Ma pensée est comme un chardon Piquant sous les fleurs violettes. Ma pensée est une insensée Qui s’égare dans les roseaux Aux chants des eaux et des oiseaux, Ma pensée est une insensée. Les roseaux font de verts réseaux, Lotus sans tige sur les eaux Ma pensée est une insensée Qui s’égare dans les roseaux. Ma pensée est l’âcre poison Qu’on boit à la dernière fête Couleur, parfum et trahison, Ma pensée est l’âcre poison, Fleur frêle, pourprée et coquette Qu’on trouve à l’arrière-saison Ma pensée est l’âcre poison Qu’on boit à la dernière fête. Ma pensée est un perce-neige Qui pousse et rit malgré le froid Sans souci d’heure ni d’endroit Ma pensée est un perce-neige. Si son terrain est bien étroit La feuille morte le protège, Ma pensée est un perce-neige Qui pousse et rit malgré le froid.

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    C

    Charles d'Orléans

    @charlesDorleans

    Dedans mon livre de pensée Dedans mon Livre de Pensée, J'ai trouvé écrivant mon cœur La vraie histoire de douleur, De larmes toute enluminée, En effaçant la très aimée Image de plaisante douceur, Dedans mon Livre de Pensée, J'ai trouvé écrivant mon cœur. Hélas ! où l'a mon cœur trouvée ? Les grosses gouttes de sueur Lui saillent, de peine et labeur Qu'il y prend, de nuit et journée, Dedans mon Livre de Pensée !

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    C

    Charles d'Orléans

    @charlesDorleans

    En songe, souhait et pensée En songe, souhait et pensée, Vous vois chaque jour de semaine ; Combien qu'êtes de moi lointaine, Belle, très loyalement aimée. Pour ce qu'êtes le mieux parée De toute plaisance mondaine, En songe, souhait et pensée, Vous vois chaque jour de semaine. De tout vous ai l'amour donné ; Vous en pouvez être certaine, Ma seule dame souveraine, De mon las cœur moult désirée, En songe, souhait et pensée.

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    C

    Charles d'Orléans

    @charlesDorleans

    Ne hurtez plus a l'Uis de ma pensée Ne hurtez plus a l'uis de ma pensée, Soing et Soussi, sans tant vous traveiller ! Car elle dort et ne veult s'esveiller ; Toute la nuyt en paine a despensee. En dangier est, s'elle n'est bien pensee. Cessez ! cessez ! Laissez la sommeiller ! Ne hurtez plus a l'uis de ma pensee, Soing et Soussi, sans tant vous traveiller ! Pour la guerir bon Espoir a pensee Medecine qu'a fait apareiller ; Lever ne peut son chief de l'oreiller, Tant qu'en repos se soit recompensee. Ne hurtez plus a l'uis de ma pensee !

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    Charles-Augustin Sainte-Beuve

    Charles-Augustin Sainte-Beuve

    @charlesAugustinSainteBeuve

    Pensée d'août Assis sur le versant des coteaux modérés D'où l'œil domine l'Oise et s'étend sur les prés ; Avant le soir, après la chaleur trop brûlante, À cette heure d'été déjà plus tiède et lente ; Au doux chant, mais déjà moins nombreux, des oiseaux ; En bas voyant glisser si paisibles les eaux, Et la plaine brillante avec des places d'ombres, Et les seuls peupliers coupant de rideaux sombres L'intervalle riant, les marais embellis Qui vont vers Gouvieux finir au bois du Lys, Et plus loin, par-delà prairie et moisson mûre Et tout ce gai damier de glèbe et de verdure, Le sommet éclairé qui borne le regard Et qu'après deux mille ans on dit Camp de César, Comme si ce grand nom que toute foule adore Jusqu'au vallon de paix devait régner encore !... M'asseyant là, moi-même à l'âge où mon soleil, Où mon été décline, à la saison pareil ; À l'âge où l'on s'est dit dans la fête où l'on passe : « La moitié, sans mentir, est plus jeune et nous chasse » – Rêvant donc, j'interroge, au tournant des hameaux, La vie humaine entière, et son vide et ses maux ; Si peu de bons recours où, lassé, l'on s'appuie ; Où, la jeune chaleur trop tôt évanouie, On puise le désir et la force d'aller, De croire au bien encor, de savoir s'immoler Pour quelqu'un hors de soi, pour quelque chose belle. Aux champs, à voir le sol nourricier et fidèle, Et cet ensemble uni d'accords réjouissants, Comment désespérer ? Et pourtant, je le sens, Le mal, l'ambition, la ruse et le mensonge, Faux honneur, vertu fausse, et que souvent prolonge L'histoire ambitieuse autant que le César, Grands et petits calculs coupés de maint hasard, Voilà ce qui gouverne et la ville et le monde. Où donc sauver du bien l'arche sainte sur l'onde ? Où sauver la semence ? En quel coin se ranger ? Et quel sens a la vie en ce triste danger ? Surtout le premier feu passé de la jeunesse, Son foyer dissipé de rêve et de promesse, Après l'expérience et le mal bien connu, Que faire ? Où reporter son effort soutenu ? Durant cette partie aride et monotone Qui, bien avant l'hiver, dès le premier automne Commence dans la vie ; et quand par pauvreté, Malheur, faute (oh ! je sais plus d'un sort arrêté), Tout espoir de choisir la chaste jeune fille Et de recommencer sa seconde famille Dont il sera le chef, à l'homme est refusé, Où se prendre ? Où guérir un cœur trop vite usé ? En cette heure de calme, en ce lieu d'innocence, Dans ce fond de lointain et de prochain silence, La réponse est distincte, et je l'entends venir Du ciel et de moi-même, et tout s'y réunir. Oh oui ! ce qui pour l'homme est le point véritable, La source salutaire avec le rocher stable, Ce qui peut l'empêcher ou bien de s'engourdir Aux pesanteurs du corps, ou bien de s'enhardir, S'il est grand et puissant, à l'orgueilleuse idée Qu'il pose ensuite au monde en idole fardée Et dans laquelle il veut à tout jamais se voir, Ce qu'il faut, c'est à l'âme un malheur, un devoir ? – Un malheur (et jamais il ne tarde à s'en faire), Un malheur bien reçu, quelque douleur sévère Qui tire du sommeil et du dessèchement, Nous arrache aux appâts frivoles du moment, Aux envieux retours, aux aigreurs ressenties, Mette bas d'un seul coup tant de folles orties Dont avant peu s'étouffe un champ dans sa longueur, Et rouvre un bon sillon avec peine et sueur ! – Un devoir accepté, dont l'action n'appelle Ni l'applaudissement ni le bruit après elle, Qui ne soit que constance et sacrifice obscur, Sacrifice du goût le plus cher, le plus pur, Tel que l'honneur mondain jamais ne le réclame, Mais voulu, mais réglé dans le monde de l'âme. Et c'est ainsi qu'il faut, au ciel avant le soir, À son cœur demander un malheur, un devoir ! Marèze avait atteint à très peu près cet âge Où le flot qui poussait s'arrête et se partage. Jusqu'à trente-trois ans il avait persisté Avec zèle et succès au sentier adopté, Sentier sombre et mortel aux chimères légères. Il tenait, comme on dit, un cabinet d'affaires ; De finance ou de droit il débrouillait les cas, Et son conseil prudent disait les résultats. Mais Marèze cachait sous ce zèle authentique Un esprit libre et grand, peut-être poétique, Ou politique aussi, mais capable à son jour D'arriver s'il voulait, et de luire alentour. À sa tache, où le don inoccupé se gâte, Trop longtemps engagé, tout bas il avait hâte De clore et de sortir, et de recommencer Une vie autre et vraie, appliquée à penser. Plus rien n'allait gêner son être en renaissance : Son cabinet vendu lui procurait aisance ; Sa sœur avait famille en un lointain pays, Et son père et sa mère étaient morts obéis ; Car l'abri paternel qui protège et domine S'abattant, on est maître, hélas ! sur sa colline. Dans ce frais pavillon au volet entr'ouvert, Où la lune en glissant dans la lampe se perd, Devant ce Spasimo comme une autre lumière Dont la paroi du fond s'éclaire tout entière, Près des rayons de cèdre où brillent à leur rang, Le poète d'hier aisément inspirant, L'ancien que moins on suit, plus il convient d'entendre, Que fait Marèze ? Il veille et se dit d'entreprendre. Depuis un an passé qu'il marche vers son vœu, Le joug est jeté loin ; il s'en ressouvient peu, Que pour mieux posséder sa pensée infinie. Cet esprit qu'aussi bien on saluerait génie, Retardé jusque là, mais toujours exercé, Arrive aux questions plus ferme et plus pressé. Poète et sage, il rêve alliance nouvelle ; Lamartine l'émeut, Montesquieu le rappelle ; Il veut être lui-même, et que nul n'ait porté Plus d'élévation dans la réalité. Solennel est ce soir, car son âme qui gronde Sent voltiger plus près et sa forme et son monde. Marèze est sur la pente ; il va gravir là-haut, Où tant de glorieux montent comme à l'assaut, Disant Humanité pour leur cri de victoire, Nommés les bienfaiteurs, commençant par le croire, Et qui, forts de trop faire et de régénérer, Finissent par soi-même et soi seuls s'adorer. Mais on frappe ; une femme entre et se précipite : – « Ô mon frère ! » – « Ô ma sœur ! » – Explosion subite ; Joie et pleurs, questions, les deux mains que l'on prend, Et tout un long récit qui va comme un torrent : Un mari mort, des Noirs en révolte, la ville Livrée au feu trois jours par un chef imbécile, La fuite avec sa fille au port voisin, si bien Qu'elle n'a plus qu'un frère au monde pour soutien. Marèze entend : d'un geste il répond et console, Il baise au front l'enfant, beauté déjà créole, Et comme à ces discours on oublierait la nuit, Jusqu'au lit du repos lui-même les conduit. Le voilà seul. – Allons ! ose, naissant génie ; Il faut à ton baptême annoncer l'agonie. Dix ans s'étaient passés à comprimer l'essor, À mériter ton jour ; donc, recommence encor ! Devant ces vers du maître harmonieux et sage, Devant ce Raphaël et sa sublime page, Au plus mourant soupir du chant du rossignol, Au plus fuyant rayon où s'égarait ton vol, Dis-toi bien : Tout ce beau n'est que faste et scandale Si j'hésite, et si l'ombre à l'action s'égale. Marèze un seul instant n'avait pas hésité ; Il s'est dit seulement, dans sa force excité, Que peut-être il saurait, son œuvre commencée, Nourrir enfant et sœur du lait de sa pensée. Il hésite, il espère en ce sens, et bientôt, L'anise éteignant la nuit, son œil plus las se clôt. Au matin un réveil l'attendait qui l'achève. Une ancienne cliente à lui, madame Estève, Avait, par son conseil, confié le plus clair D'une honnête fortune à quelque premier clerc Établi depuis peu, jusqu'alors sans reproche ; Mais le voilà qui part, maint portefeuille en poche. La pauvre dame est là, hors d'elle, racontant. Marèze y perd aussi, peu de chose pourtant. Mais il se croit lié d'équité rigoureuse À celle qu'un conseil a faite malheureuse. Courage ! il rendra tout; il soutiendra sa sœur, Il mariera sa nièce; et sans plus de longueur, Il court chez un ami : tout juste un commis manque. Commis le lendemain il entre en cette banque ; Et là, remprisonné dans les ais d'un bureau, Sans verdure à ses yeux que le vert du rideau, Il vit, il y blanchit, régulier, sans murmure, Heureux encor le soir d'une simple lecture À côté de sa sœur, – un poète souvent Qu'un retour étouffé lui rend trop émouvant, Et sa voix s'interrompt ;... – lecture plus sacrée À l'âme délicate et tout le jour sevrée ! Il a gagné pourtant en bonheur : jusque là, Plus d'un mystère étrange, et que Dieu nous voila, Avait mis au défi son âme partagée. La vérité nous fuit par l'orgueil outragée. Mais alors, comme au prix d'un sacrifice cher, Sans plus qu'il y pensât en Prométhée amer, De vertus en vertus, chaque jour, goutte à goutte, La croyance, en filtrant, emporta tout son doute ; La persuasion distilla sa saveur, Et la pudique foi lui souffla la ferveur. – Doudun (exemple aussi) n'est pas, comme Marèze, De ceux qui sentiraient leur âme mieux à l'aise À briller au soleil et mouvoir les humains Qu'à compter pas à pas les chardons des chemins Il chemine et se croit tout en plein dans sa trace. Très doux entre les doux et les humbles de race, Il n'a garde de plus, ne prévaut sur pas un ; Celui seul qui se baisse a connu son parfum ; La racine en tient plus, et la fleur dissimule. Son prix, son nom nommé lui serait un scrupule. Enfant, simple écolier, se dérobant au choix, Avant qu'il eût son rang il se passait des mois ; Il n'en tâchait pas moins, sans languir ni se plaindre, Mais comme au fond craignant de paraître et d'atteindre. Jeune homme, étroitement casé, non rétréci, Coeur chaste à l'amitié, n'eut-il donc pas aussi Quelque passion tendre, humble et, je le soupçonne, Muette, et que jamais il n'ouvrit à personne, Mais pour qui sa rougeur parle encore aujourd'hui, Si l'objet par hasard est touché devant lui ? Avant tout il avait sa mère bien aimée, Infirme plus que vieille, assez accoutumée À l'aisance, aux douceurs, et dont le mal réel Demandait pour l'esprit éveil continuel. Il la soigna longtemps, et lui, l'épargne même, Pour adoucir les soirs de la saison suprême, N'eut crainte d'emprunter des sommes par deux fois, S'obérant à toujours; mais ce fut là, je crois, Ce qui, sa mère morte, a soutenu son zèle Et prolongé pour lui le but qui venait d'elle : Car à cet âge, avec ces natures, l'effort Souvent manque, au-dedans s'amollit le ressort ; Le vrai motif cessant, on s'en crée un bizarre, Et la source sans lit dans les cailloux s'égare. Doudun, que maint caillou séduit, s'en est sauvé ; Le soin pieux domine, et tout est relevé. En plein faubourg, là-haut, au coin de la mansarde, Dans deux chambres au nord, que l'étoile regarde ; À cinq heures rentrant, ou, l'été, matinal ; Un grand terrain en face et le triste canal (Car, presque chaque jour allant au cimetière, Il s'est logé plus près), voyez ! sa vie entière, Son culte est devant vous : un unique fauteuil Où dix ans s'est assis l'objet saint de son deuil, Un portrait au-dessus ; puis quelque porcelaine Où la morte buvait, qu'une fois la semaine Il essuie en tremblant ; des Heures en velours Où la morte priait, dont il use toujours ! Le maigre pot de fleurs, aussi la vieille chatte : Piété sans dédain, la seule délicate ! Comme écho de sa vie, il se dit à mi-voix Quelque air des jours anciens qui voudrait le hautbois, Quelque sentimentale et bonne mélodie, Paroles de Sedaine, autrefois applaudie Des mères, que chantait la sienne au clavecin. Comme Jean-Jacque aussi, dont il sait le Devin, Il copie, et par là dégrève un peu sa dette, Chaque heure d'un denier, Sois équité discrète A taxé ce travail de ses soirs, mais si bas, Que, s'il fallait offrir, on ne l'oserait pas. Au-delà sa pudeur est sourde à rien entendre ; Et quand l'ingrat travail a quelque page tendre, Agréable, on dirait qu'en recevant son dû Il se croit trop payé du charme inattendu. – Hier ses chefs le marquaient pour avancer en place ; Il se fait moins capable, empressé qu'on l'efface. Ô vous qui vous portez, entre tous, gens de cœur ; Qui l'êtes, – non pas seuls, – et qui, d'un air vainqueur, Écraseriez Doudun et cette élite obscure, Leur demandant l'audace et les piquant d'injure ; Ne les méprisez pas, ces frères de vertu, Qui vous laissent l'arène et le lot combattu ! Si dans l'ombre et la paix leur coeur timide habite, Si le sillon pour eux est celui qu'on évite, Que guerres et périls s'en viennent les saisir ; Ils ont chef Catinat, le héros sans désir ! Et cette âme modique, à plaisir enfouie, Ce fugitif qui craint tout éclair dans sa vie, Qu'à l'un des jours d'essor, de soleil rayonnant, Comme on en a chacun, il rencontre au tournant Du prochain boulevard quelque ami de collège Qui depuis a pris gloire et que le bruit assiège, Sympathique talent resté sincère et bon, Oh ! les voilà bien vite aux nuances du ton. L'artiste est entendu tout bas du solitaire : Quel facile unisson aux cordes de mystère ! Que d'échanges subtils au passage compris ! Et cette âme qui va diminuant son prix, Comme elle est celle encor que devrait le génie Vouloir pour juge en pleurs, pour cliente bénie ! Mais ce n'est pas aux doux et chastes seulement, Aux intègres de cœur, que contre un flot dormant Un malheur vient rouvrir les voiles desserrées Et remorquer la barque au-delà des marées. Un seul devoir tombant dans un malheur sans fond Jette à l'âme en désastre un câble qui répond ; Fait digue à son endroit aux vagues les plus hautes ; Arrête sur un point les ruines des fautes ; Et nous peut rattacher, en ces ans décisifs, Demi-déracinés, aux rameaux encor vifs. Ramon de Santa-Cruz, un homme de courage Et d'ardeur, avait, jeune, épuisé maint otage, Les flots des passions et ceux de l'Océan. Commandant un vaisseau sous le dernier roi Jean En Portugal, ensuite aux guérillas d'Espagne, Le Brésil et les mers et la rude montagne L'avaient vu tour à tour héroïque d'effort ; Mais l'âme forte avait plus d'un vice du fort. Pour l'avoir trop aidé, proscrit du roi son maître ; À Bordeaux, – marié, – des torts communs peut-être, Ses âpretés surtout et ses fougues de sang Éloignèrent sa femme après un seul enfant. À Paris, de projets en projets, et pour vivre, Ayant changé son nom, il entreprit un livre, Quelque Atlas Brésilien-Espagnol-et-naval ;... Alors je le connus ; – mais l'affaire allant mal, Il courut de ces mots qu'à la légère ou sème, Et j'en avais conçu prévention moi-même. Pourtant quelqu'un m'apprit ses abîmes secrets Et l'ayant dû chez lui trouver le jour d'après, Oh ! je fus bien touché ! – Tout d'abord à sa porte Affiches, prospectus, avis de toute sorte, Engagement poli d'entrer et de tourner : Comme c'était au soir, il me fallut sonner. Une dame fort vieille, et de démarche grande Et lente, ouvrit, et dit sur ma simple demande Son fils absent : c'était la mère de Ramon. Mais quand j'eus expliqué mon objet et mon nom : « Attendez, attendez ; seulement il repose, Car il sort tout le jour ; mais, à moins d'une cause, J'évite d'avertir. » Elle entra, je suivis, Déjà touché du ton dont elle a dit mon fils. Pendant qu'elle annonçait au-dedans ma venue, Je parcourais de l'œil cette antichambre nue, Et la pièce du fond, et son grillage en bois Mis en hâte, et rien autre, et le gris des murs froids. Au salon vaste et haut qu'un peu de luxe éclaire, L'ombre est humide encore au mois caniculaire ; La dame s'en plaignit doucement : j'en souffris, Songeant à quels soleils burent leurs ans mûris. Mais rien ne m'émut tant que lorsqu'une parole Soulevant quelque point d'étiquette espagnole, – D'étiquette de cour, – Ramon respectueux Se tourna vers sa mère, interrogeant des yeux. Oh ! dans ce seul regard, muette déférence, Que d'éveils à la fois, quel appel de souffrance À celle qui savait ce pur détail royal Pour l'avoir pratiqué dans un Escurial ! Et du trouble soudain où mon âme en fut mise, Sans aller saluer la vieille dame assise, Tout causant au hasard, du salon je sortis, Et je m'en ressouvins et je m'en repentis, Craignant de n'avoir pas assez marqué d'hommage ; Car tout aux malheureux est signe et témoignage. Et depuis lors, souvent, je me suis figuré Quels étaient ces longs soirs entre l'homme ulcéré De Rio, de Biscaye et des bandes armées, Et des fureurs de cœur encor mal enfermées, Proscrit qui veut son ciel, père qui veut son fils, – Entre elle et lui, navrés ensemble et radoucis. Oh ! si toujours, malgré l'amertume et l'entrave, Il maintint sur ce point cette piété grave, Qu'il ait été béni ! Que son roc sans fléchir Ait pu fondre au-dedans, et son front s'assagir ! Qu'il ait revu l'enfant que de lui l'on sépare, Et Lisbonne, meilleure au moins que sa Navarre ! Un but auprès de soi, hors de soi, pour quelqu'un, Un seul devoir constant ; – hélas ! moins que Doudun, Que Ramon et Marèze, Aubignié le poète L'a compris, et son cœur aujourd'hui le regrette ; Poète, car il l'est par le vœu du loisir, Par l'infini du rêve et l'obstiné désir. En son fertile Maine, aux larges flots de Loire, Bocagère et facile il se montrait la gloire, Se disant qu'aux chansons on l'aurait sur ses pas Comme Annette des champs dont l'amour ne ment pas. Tandis qu'après René planait l'astre d'Elvire, Jean-Jacques et Bernardin composaient son délire, Et tardif, ignorant ce monde aux rangs pressés, Il s'égarait sans fin aux lieux déjà laissés. Vainement les parents voulaient l'état solide : Pour lui, c'était assez si, l'Émile pour guide, Le havresac au dos, léger, pour de longs mois, Il partait vers les monts et les lacs et les bois, Pèlerin défilant ses grains de fantaisie, – Fantassin valeureux de libre poésie. Aux rochers, aux vallons, combien il en semait ! Aux buissons, à midi, sous lesquels il dormait ! Combien alors surtout en surent les nuages ! Infidèles témoins, si l'on n'a d'autres gages ; Car prenant le plus beau du projet exhalé, Ils ne reviennent plus, et tout s'en est allé. La fable des enfants parle encore aux poètes : Rêveurs, rêveurs, semez aux chemins que vous faites Autre chose en passant que ces miettes de pain : Les oiseaux après vous mangeraient le chemin ! Du moins, si visitant, comme il fit, ces contrées, Grandes, et du génie une fois éclairées, Meillerie et Clarens, noms solennels et doux, Bosquets qu'un enchanteur fit marcher devant nous, – S'il gravit tour à tour à la cime éternelle, Redescendit au lac, demanda la brunelle  l'île de Saint-Pierre, et d'un cœur palpitant, Aux Charmettes cueillit la pervenche en montant, S'il revit l'œil en pleurs ce qu'avait vu le maître, Que ne l'a-t-il donné quelquefois à connaître, D'un vers rajeunissant, qui charme avec détour, Et laisse aussi sa trace aux lieux de son amour ? C'est qu'à moins du pur don unique, incomparable, L'effort seul initie à la forme durable, Secret du bien-parler que d'un Virgile apprend Même un Dante, et qui fuit tout vaporeux errant. Aubignié, sans dédain, effleura le mystère Et ne l'atteignit pas. Que d'essais il dut taire, Au hasard amassés ! Et les ans s'écoulaient ; Les plaintes des parents, plus hautes, s'y mêlaient ; Les dégoûts, les fiertés, une âme déjà lasse, L'éloignaient chaque jour des sentiers où l'on passe ; Il n'en suivit jamais. S'il tente quelque abord, Tout lui devient refus, et son rêve est plus fort, Puis, plus on tarde, et plus est pénible l'entrée : La jeunesse débute, et sa rougeur agrée ; Elle ose, on lui pardonne, on l'aide à revenir : Mais, quand la ride est faite, il faut mieux se tenir. La main se tend moins vite à la main déjà rude. Bref, d'essais en ennuis, d'ennuis en vague étude, Des parents rejeté, qui, d'abord complaisants, Bientôt durs, à la fin se sont faits méprisants, Aubignié, ce cœur noble et d'un passé sans tache, Usé d'un lent malheur qu'aucun devoir n'attache, Ne sait plus d'autre asile à ses cuisants affronts, À ses gênes hélas ! que quand aux bûcherons Des forêts d'Oberman, et les aidant lui-même, Il va demander gîte, ajournant tout poème, Ou toujours amusé du poème incertain Qu'il y vit une fois flotter à son matin. De Jean-Jacque il se dit la gloire commencée Tard : – rappel infidèle ! – Âme à jamais lassée ! Vous dont j'ai là trahi le malheur, oh ! pardon ! Ami, vous qui n'avez rien que d'honnête et bon, Et de grand en motif au but qui vous oppresse, An fantôme, il est temps, cessez toute caresse. Rejoignez, s'il se peut, à des efforts moins hauts, Quelque prochain devoir qui tire fruit des maux, Et d'où l'amour de tous redescende et vous gagne, – Afin que revenant au soir par la campagne, Sans faux éclair au front et sans leurre étranger, Il vous soit doux de voir les blés qu'on va charger Et chaque moissonneur sur sa gerbe complète ; Et là haut, pour lointain à l'âme satisfaite, Au sommet du coteau dont on suit le penchant, Les arbres détachés dans le clair du couchant.

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    Christine de Pisan

    Christine de Pisan

    @christineDePisan

    Cil qui m'a mis en pensée novelle Cil qui m'a mis en pensée novelle Et qui requiert que je le vueille amer Me plaist sur tous, non obstant qu'afermer Ne lui vueille m'amour, ainçois lui celle. Et si est il plus doulz qu'une pucelle, Jeune, plaisant, bel, courtois, sanz amer Cil qui m'a mis en pensée novelle. Mais de paour qu'estre en peust nouvelle Je n'ose en lui du tout m'amour fermer, Le retenir, ne mon ami clamer, Si est il bien digne d'avoir plus belle Cil qui m'a mis en pensée novelle.

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    Clément Marot

    Clément Marot

    @clementMarot

    À Anne, lui déclarant sa pensée Puisqu'il vous plaît entendre ma pensée, Vous la saurez, gentil cœur gracieux. Mais je vous prie ne soyez offensée. Si en pensant suis trop audacieux. Je pense en vous et au fallacieux Enfant Amour, qui par trop sottement A fait mon cœur aimer si hautement, Si hautement, hélas, que de ma peine N'ose espérer un brin d'allégement. Quelque douceur de quoi vous soyez pleine.

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    Clément Marot

    Clément Marot

    @clementMarot

    D'alliance de pensée Un mardi gras, que tristesse est chassée, M'advint par heur d'amitié pourchassée Une pensée excellente et loyale : Quand je dirais digne d'être royale, Par moi serait à bon droit exaucée. Car de rimer ma plume dispensée (Sans me louer) peut louer la Pensée Qui me survint dansant en une salle Un mardi gras. C'est celle qu'ai d'alliance pressée Par ces attraits; laquelle à voix baissée M'a dit : «Je suis ta Pensée féale, Et toi la mienne, à mon gré cordiale. » Notre alliance ainsi fut commencée Un mardi gras.

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    François de Malherbe

    François de Malherbe

    @francoisDeMalherbe

    Que n'êtes-vous lassées mes tristes pensées Que n'êtes-vous lassées, Mes tristes pensées, De troubler ma raison, Et faire avecque blâme Rebeller mon âme Contre ma guérison ! Que ne cessent mes larmes, Inutiles armes ! Et que n'ôte des cieux La fatale ordonnance À ma souvenance Ce qu'elle ôte à mes yeux ! Ô beauté nonpareille, Ma chère merveille, Que le rigoureux sort Dont vous m'êtes ravie Aimerait ma vie S'il me donnait la mort ! Quelles pointes de rage Ne sent mon courage De voir que le danger, En vos ans les plus tendres, Menace vos cendres D'un cercueil étranger ! Je m'impose silence En la violence Que me fait le malheur : Mais j'accrois mon martyre ; Et n'oser rien dire M'est douleur sur douleur. Aussi suis-je un squelette ; Et la violette Qu'un froid hors de saison, Ou le soc, a touchée, De ma peau séchée Est la comparaison. Dieux, qui les destinées Les plus obstinées Tournez de mal en bien, Après tant de tempêtes Mes justes requêtes N'obtiendront-elles rien ? Ayez-vous eu les titres D'absolus arbitres De l'état des mortels Pour être inexorables Quand les misérables Implorent vos autels ? Mon soin n'est point de faire En l'autre hémisphère Voir mes actes guerriers, Et jusqu'aux bords de l'onde Où finit le monde Acquérir des lauriers. Deux beaux yeux sont l'empire Pour qui je soupire ; Sans eux rien ne m'est doux ; Donnez-moi cette joie Que je les revoie, Je suis Dieu comme vous.

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    Germain Nouveau

    Germain Nouveau

    @germainNouveau

    Cru C'est vrai, je suis épileptique, Je peux tomber trois fois par jour D'une fenêtre, d'un portique, Et d'une cloche de l'Amour. Mais... quel est cet air de reproche ? Ça ne fait que trois ? J'ai péché Et d'un joli quartier de roche, Où j'étais doucement niché. Je tombe, tombe, tombe, tombe, Ça fait bien quatre cette fois, Si j'étais un mort dans sa tombe, J'en tomberais... sur tous les toits. C'est du moins ce que j'entends dire, Et qu'un petit bruit, dans un coin, A jadis tenté d'introduire En ton délicieux Bourgoin. La chose, hélas ! n'est pas nouvelle, Et tous, des facteurs aux abbés, Ont des potins dans leur cervelle ; Les bras ne m'en sont pas tombés. Ils sont là, non loin de ma bouche, Je vous le dis sans embarras ; Je souffre un peu si l'on y touche, Surtout avec des doigts trop gras. Ça n'a pas troublé ma pensée.

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    Pensée de byron Par mon amour et ma constance, J’avais cru fléchir ta rigueur, Et le souffle de l’espérance Avait pénétré dans mon coeur ; Mais le temps, qu’en vain je prolonge, M’a découvert la vérité, L’espérance a fui comme un songe… Et mon amour seul m’est resté ! Il est resté comme un abîme Entre ma vie et le bonheur, Comme un mal dont je suis victime, Comme un poids jeté sur mon coeur ! Pour fuir le piège où je succombe, Mes efforts seraient superflus ; Car l’homme a le pied dans la tombe, Quand l’espoir ne le soutient plus. J’aimais à réveiller la lyre, Et souvent, plein de doux transports, J’osais, ému par le délire, En tirer de tendres accords. Que de fois, en versant des larmes, J’ai chanté tes divins attraits ! Mes accents étaient pleins de charmes, Car c’est toi qui les inspirais. Ce temps n’est plus, et le délire Ne vient plus animer ma voix ; Je ne trouve point à ma lyre Les sons qu’elle avait autrefois. Dans le chagrin qui me dévore, Je vois mes beaux jours s’envoler ; Si mon oeil étincelle encore, C’est qu’une larme va couler ! Brisons la coupe de la vie ; Sa liqueur n’est que du poison ; Elle plaisait à ma folie, Mais elle enivrait ma raison. Trop longtemps épris d’un vain songe, Gloire ! amour ! vous eûtes mon coeur : O Gloire ! tu n’es qu’un mensonge ; Amour ! tu n’es point le bonheur !

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    H

    Henri Michaux

    @henriMichaux

    Le danger des associations de pensées C'est beau, une scie, une scie de scieurs de long, une scie qui puissamment, souplement, tranquillement avance dans une bille de bois pesante qu'elle tranche souverainement. C'est beau aussi une poitrine. Très beau. Dedans, dehors. Dedans, plus encore, si magnifiquement utile quand on sait s'en servir, la menant de temps à autre à l'air froid des hautes altitudes où elle prospère et s'éjouit. Mais comme c'est misérable, une poitrine sous une scie qui approche imperturbable, comme c'est misérable, surtout si c'est la vôtre, et pourquoi vous être arrêté la pensée sur la scie alors qu'il n'y a que votre corps qui vous intéresse, dont la scie par ce fait approchera fatalement? Et en une époque de sang comme la nôtre, comment n'irait-elle pas s'y accrocher? En effet la voilà qui entre, comme chez elle, s'enfonce grâce à ses dents merveilleuses, taillant tranquillement dans la poitrine son sillon qui ne servira à personne, à personne, n'est-ce pas évident? Trop tard maintenant les réflexions « de distraction ». Elle est là. Elle règne dans la place et comme une inconsciente la voilà qui se met a trancher dans votre corps perdu, fatalement perdu à présent.

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    J

    Jean Godard

    @jeanGodard

    La Pensée Ces pensers au visage blême De mon exil font mon émoi; Ils me mettent hors de moi-même Quand ils se mettent dedans moi. Si un doux penser vient m'attraire, Un amer lui tranche le pas ; Ainsi tout m'arrive au contraire : Ce qui me vient ne me vient pas. De leur main la glace et le soufre M'est à toute heure présenté, Si bien qu'en même temps je souffre La peine d'hiver et d'été. Car ces pensers gênent mon âme De froid et chaud, sans ordre et rang : Alors que leur espoir m'enflamme, Leur crainte me glace le sang. Ils voguent à nef de caprice L'est, l'ouest, le nord et le su, Cherchant au monde la matrice Où le monde a été conçu. Ils ont, à l'heure que leur flotte Prend terre et loge toute en gros, Pour salle et pour tapis la grotte Et les grotesques du chaos. Leur troupe me rend solitaire, Leur travail me rend otieux, Et pour regarder leur mystère Il faut que je ferme les yeux. Par eux je ne fais que merveille, À l'infini je donne un bout; Je songe à l'heure que je veille; Je ne bouge et je vais partout. Mais leur fil mon âge dévide, J'ai leur chagrin pour mon soûlas; Leurs bienfaits m'emplissent de vide, Et leur rien faire me rend las. Ces pensers d'une faim étrange Jamais ne sont soûls ni contents, Car le Temps toutes choses mange, Et sont" eux qui mangent mon temps.

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    S

    Serge Langlet

    @sergeLanglet

    Les poètes… Les Poètes… Sans que l’on sache vraiment comment. Pour nous poètes, je vous l’affirme, Dans notre tête, tout simplement, À chaque mot, surgit sa rime, Comme d’autres, on voit le monde, Mais on le voit différemment, Et notre cœur alors s’inonde, D’une marée de sentiments. Par la beauté, par la misère, Notre âme subit les tourments, Dans la joie ou bien les prières, Il nous faut en marquer le temps, Et nous sommes témoins des jours, Des grandeurs ou des déchéances, De la haine ou bien de l’amour, Qui abordent notre conscience. C’est comme porter un fardeau, Comme un destin écrit d’avance, Un parchemin avec un sceau, Où riment joies avec souffrances. Et tels des feux dans les ténèbres, Pour des voyageurs égarés, Rassurants de par leurs lumières, Nous devrons sans cesse éclairer.

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    Louise Colet

    Louise Colet

    @louiseColet

    Le fruit de la pensée Le fruit de la pensée est amer pour ma bouche, Et la cendre en jaillit aussitôt que j'y touche ; Et cependant ma lèvre, alors qu'elle le fuit, Sent une ardente soif qui la brûle et l'altère, Et je reviens encore demander à la terre L'arbre de la science, et j'en cueille le fruit. Fruits stériles et morts qui n'avez point de germe, Œuvres vivant un jour, et que la tombe enferme, Créations de l'homme où Dieu n'a point de part, Rêves de vanité, de gloire et de folie, Sources d'énervement où mon âme s'oublie, La fortifierez-vous à l'heure du départ ? Ainsi que le mineur sous la terre inféconde S'épuise et cherche en vain de l'or ; ainsi le monde Voit s'épuiser notre âme en efforts de géant ; L'espérance l'entraîne au sentier qu'elle creuse ; Elle marche toujours, ardente et courageuse. Puis se sent défaillir en face du néant. Du néant des grandeurs et des gloires humaines. Des sciences, des arts, dont les vastes domaines Ne lui verseront pas d'ondes pour s'étancher ; Du néant qui, railleur, l'accable et l'humilie. En jetant le dégoût comme une amère lie Au fond de tous les biens que l'orgueil fait chercher. Que ne puis-je, fuyant le monde qui m'entoure, Ne plus boire à la coupe où ma lèvre savoure L'enivrement de l'âme et l'oubli des douleurs ; Et, portant le fardeau d'une immense tristesse, Dire à l'humanité, comme la prophétesse. Des secrets qu'ont ravis la prière et les pleurs.

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    M

    Mahmoud Abdelghani

    @mahmoudAbdelghani

    Par intuition non par la pensée Les défunts d'entre nos aïeux vont se mettre à chanter et raconter des histoires au-dessus d'une chaise cassée sur l'herbe. Avant de les rejoindre, un poisson mourra dans tes yeux. Ne les cherche pas, et si tu te ravises, fais-le par intuition et non par la pensée. Car rien ne demeure, rien ne revient, tout disparaît au premier regard.

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    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'absence Quand je me sens mourir du poids de ma pensée, Quand sur moi tout mon sort assemble sa rigueur, D'un courage inutile affranchie et lassée, Je me sauve avec toi dans le fond de mon cœur ! Tu grondes ma tristesse, et, triste de mes larmes, De tes plus doux accents tu me redis les charmes : J'espère ! ... car ta voix, plus forte que mon sort, De mes chagrins profonds triomphe sans effort. Je ne sais ; mais je crois qu'à tes regrets rendue, Dans ces seuls entretiens tu m'as tout entendue. Tu ne dis pas : « Ce soir ! » Tu ne dis pas : « Demain ! » Non, mais tu dis : « Toujours ! » en pleurant sur ma main.

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    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    La fleur renvoyée Adieu, douce pensée, Image du plaisir ! Mon âme est trop blessée, Tu ne peux la guérir. L'espérance légère De mon bonheur Fut douce et passagère, Comme ta fleur. Rien ne me fait envie, Je ne veux plus te voir. Je n'aime plus la vie, Qu'ai-je besoin d'espoir ? En ce moment d'alarme Pourquoi t'offrir ? Il ne faut qu'une larme Pour te flétrir. Par toi, ce que j'adore Avait surpris mon cœur ; Par toi, veut-il encore Égarer ma candeur ? Son ivresse est passée ; Mais, en retour, Qu'est-ce qu'une pensée Pour tant d'amour ?

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    M

    Marguerite de Navarre

    @margueriteDeNavarre

    Autres pensées faites un mois apres la mort du roi Las ! tant malheureuse je suis, Que mon malheur dire ne puis, Sinon qu'il est sans espérance : Désespoir est déjà à l'huis Pour me jeter au fond du puits Où n'a d'en saillir apparence. Tant de larmes jettent mes yeux Qu'ils ne voient terre ni cieux, Telle est de leur pleur abondance. Ma bouche se plaint en tous lieux,

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    M

    Marguerite de Navarre

    @margueriteDeNavarre

    Pensées de la reine de Navarre Etant dans sa litière durant la maladie du roi Si la douleur de mon esprit Je pouvais montrer par parole Ou la déclarer par écrit, Oncques ne fut si triste rôle ; Car le mal qui plus fort m'affole Je le cache et couvre plus fort ; Pourquoi n'ai rien qui me console, Fors l'espoir de la douce mort. Je sais que je ne dois celer Mon ennui, plus que raisonnable ;

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    O

    Olivier de Magny

    @olivierDeMagny

    De l’absence de s’amie Après que sur le bord du Rhône, Et que sur celui de la Saône J'ai plaint longuement ma douleur, Je viens aux rivages d'Isère, Rempli d'amoureuse chaleur, Lamenter ma vieille misère S'empirant d'un nouveau malheur. Car plus en moi-même je pense D'amoindrir mon mal par l'absence, Ou par l'éloignement des lieux, Et plus il croit dedans mon âme, Pour ne voir plus les deux beaux yeux, Ni les beaux cheveux de ma dame, Qui peuvent captiver les Dieux. L'amour me fait haïr moi-même, Le bien me fait un mal extrême, Et le feu trop chaud me pâlit, Le repos, hélas ! me travaille, Le veiller m'est somme, et le lit M'est un camp de dure bataille, Où vivant on m'ensevelit. Le pleurer me plaît, et le rire M'apprête un contraire martyre, Le repos m'est venin et fiel, Au lieu de paix j'ai toujours guerre, Je vois sans yeux, et vole au ciel Sans jamais départir de terre, Où jeune je semble être vieil. J'espère et crains d'un seul courage, Mon profit m'apporte dommage, Et le jour le plus serein qui luit Ne m'est que ténèbre mortelle, Bref, j'ai sans fin soit jour ou nuit D'un vieil désir peine nouvelle, En suivant celle qui me fuit. Ô beaux yeux bruns de ma maîtresse, Ô bouche, ô front, sourcil, et tresse, Ô ris, ô port, ô chant et voix, Et vous, ô grâces que j'adore! Pourrai-je bien quelque autrefois Vous voir et vous ouïr encore Comme je fis en l'autre mois ? Rivages, monts, arbres et plaines, Rivières, rochers et fontaines, Antres, forêts, herbes et prés, Voisins du séjour de la belle, Et vous petits jardins secrets, Je me meurs pour l'absence d'elle, Et vous vous égayez auprès.

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