Le papier peint jaune
Benigna Machiavelli
Publié par Viviane Hamy, le 13 février 2008
Résumé
Executive woman de l’Amérique puritaine, pré-Zazie tragico-comique ou figure de proue du féminisme naissant ? Benigna Mac Avelly, de son état civil, naît d’une lignée de Quakers aux racines italo-écossaises en plein cœur du Massachusetts. Protestante pratiquante mais indépendante, elle décide de faire le bonheur des siens malgré eux, et d’«utiliser sa cervelle», en «gentille méchante» : entre autres, elle évince un père tyrannique alcoolique, fait la fortune et refait la santé de sa mère meurtrie et de sa sœur, choisit pour celle-ci un mari, après en avoir éloigné quelques-uns.Cette mission, vocation quasi-mystique, elle la tient de son nom secret, celui de sa grand-mère : Benigna Machiavelli. De son machiavélisme, bien sûr. En héroïne très discrète, elle consigne toutes ses aventures et ses réflexions dans une foule de cahiers. Personnage attachant et névrosé, elle se construit tout un monde intellectuel bien à elle, où chaque problème a sa solution, et surtout, où sa personnalité - par le truchement de différents journaux intimes - a plusieurs doubles-fonds. Douée d’une curiosité intellectuelle phénoménale, Benigna connaît un parcours à sa hauteur. Perméable à toute science, elle fait le choix de voyager dans les différentes classes sociales de sa propre ville plutôt que de rencontrer ses semblables aux quatre coins du monde.Voilà les mémoires rêvées de Charlotte Perkins Gilman, cette américaine du XIXe siècle, qui n’avait d’autre ambition que celle de changer le monde. Née de la tribu Beecher, fille et petite-fille de moralistes et de réformateurs, mère d’Harriet Beecher Stowe (La case de l’oncle Tom), elle met dans ce petit bout de femme qu’est Benigna tous ses espoirs de la révolution domestique. A la fois drôle (on voit deux fillettes déplumer vivantes les malheureuses poules du voisin, ou la petite héroïne manipuler - en douceur, en flatteries - le pasteur de la communauté), bien pensé (l’élimination lente et intelligente du patriarche ivrogne, et surtout, surtout la création diplomatique, économique, sociale, de la fameuse pension de famille, etc.), Benigna Machiavelli est donc un vrai bijou d’optimisme. Un roman qui donne le moral.Pourtant, il y a autre chose, de plus grave, de plus étrange : le parcours de la jeune fille oscille sans cesse entre la frénésie heureuse de la réussite, et des manipulations qui, malgré leurs ambitions bienveillantes, sont si intelligentes, trop infaillibles pour n’être pas dangereuses. Charlotte Perkins pose, peut-être innocemment, quelques questions dérangeantes sur les héros les plus parfaits : que signifie par exemple de choisir qui doit aimer sa propre sœur, et qui doit en être aimé ? Ici, l’issue est heureuse, mais ailleurs ? Gravement drôle, elle lance solennellement, à dix-huit ans à peine : «Ce n’est pas de gagner qui compte, mais de maîtriser le jeu». Morale inquiétante, à l’âge où l’on est à peine une femme, pas encore tout à fait une épouse, même au XIXe siècle le plus austère.Ce ton unique, vif et bel et bien «machiavélique», est rehaussé par une traduction colorée d’intimité, d’impertinence, et donne au temps passé un aspect proche et universel, attachant sans niaiseries. La comtesse de Ségur a du souci à se faire !
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