L’homme armée
Hortus Sanitatis
40 pages
Résumé
Hortus Sanitatis, le récit de ville de Frédéric Coché est totalement muet. Pour raconter Bruxelles en bandes dessinées, le dessinateur a imaginé un récit d’aventures en images, un parcours vivifiant dans les mystères de l’art belge ancien et moderne.. Deux squelettes sur fond de paysage flamand ornent la couverture. La danse macabre secoue les pages d’un livre dessiné à l’eau-forte.La Mort fait une promenade de santé. Elle déambule dans les rues, où le carnaval et ses danses macabres offrent un environnement à son goût. Elle affronte Saint Michel et finit par planter sa lance dans le ventre de la Vierge Marie. Une explosion atomique s’ensuit qui accouche d’un gigantesque arbre de vie… Hortus sanitatis ne se raconte pas. En s’emparant de la commande qui lui était faite de donner à voir une « mythologie de Bruxelles », Frédéric Coché signe avec ce premier livre un véritable coup de maître. La gravure y retrouve son pouvoir enchanteur de faire circuler et vivre les visions.Le livre de Frédéric Coché a été réalisé à l’occasion des ateliers internationaux de création en bandes dessinées intitulés "Frigobox, Echangeur narratif, Récits de villes". Les ateliers ont été produits par Fréon et Bruxelles 2000 durant l’année 2000. Le principe de ces ateliers est de réunir des dessinateurs pour créer des récits de ville. En tout, une vingtaine de dessinateurs ont participé à ces ateliers de l’échangeur narratif.D’abord, cette remarque : les échanges, les passages entre les différentes pratiques artistiques s’avèrent le plus souvent extrêmement fécondes. Hortus Sanitatis, le livre dessiné par Frédéric Coché illustre avec on ne peut plus de vigueur ce principe des vases communicants interdisciplinaires. Trois pratiques se rencontrent dans le récit. L’eau-forte – qui est une méthode de gravure sur métal assortie de plongée dans des bains d’acide -, la bande dessinée, la peinture sont réunies pour créer un espace-temps ouvert et circulaire.Frédéric Coché réhabilite une ancienne pratique qui consistait à diffuser les représentations de la peinture par le biais de la gravure. De ce point de vue, la bande dessinée comme médium de diffusion populaire joue ici pleinement son rôle. Le récit s’origine dans l’art belge, ancien et moderne. On y rencontre des paysages flamands, des danses macabres ensoriennes à souhait, des moules à la Broodthaers, des réminiscences folkloriques et carnavalesques. Les motifs tissent un cercle magique entre les pratiques, la narration déploie l’espace de cet échange, lui donne une vie.C’est donc de fécondation, de vie et de mort, qu’il est question dans ce réacit fluide et, au premier regard, relativement linéaire. La couverture annonce au demeurant le thème par la juxtaposition de trois motifs de la narration : le squelette, la rencontre de Marie avec une vieille femme et l’arbre de vie.D’emblée l’ambiguité du sens de lecture est affirmé par la première vignette : deux poissons de profil se dirigent dans des sens opposés, l’un vers la droite, l’autre vers la gauche. La seconde case présente un appareil de projection qui semble être un ancêtre du cinématographe. Par le biais de cette image, le dessinateur opère une subtile mise en abîme du récit. Les séquences qui suivent se liront comme les images projetées par l’appareil. La dernière image qui clôture le livre reprend de manière différente ce jeu sur l’ambiguité du sens et sur l’image comme mise en abîme. La vignette a la forme d’un cercle, telle forme répète le dessin criculaire du tube de l’appareil de projection dans la seconde case. L’image qui apparaît dans la case peut se lire à la fois comme un paysage et une femme étendue les jambes ouvertes.Entre la première et la dernière page, la narration va, de façon quasiment classique, se construire en recourrant à une a lternance de séquences rythmées avec le plus grand soin. Ce sera un combat avec une mise à mort puis une répétition de ce combat où les motifs varieront ainsi que leurs agencements. Dans le premier combat, l’issue est fatale, du moins, on le présume. Dans le second combat, la Vierge Marie est victime de la même agression, mais l’issue est cette fois la vie. Le personnage rentre dans son appartement sereinement tandis que des anges tournoient dans le ciel. A ce ballet circulaire et céleste répondra quelques pages plus loin une assemblée terrestre de masques. Il est important de noter que la séquence est introduite par une réminiscence de la couverture. Ainsi, la couverture entretient avec l’intérieur de livre des rapports tels qu’elle en acquiert une fonction réellement narrative. Le récit commence sur la couverture. Les rapports entre l’intérieur et l’extérieur sont excédés de la sorte. La séquence suivante montre une assemblée masquée. L’assemblée – évoquant les rites magiques des premiers âges – invoque une casserole de moules clairement broodthaersienne. L’invocation à la casserole permet à l’arbre de vie de surgir des moules. Tandis que l’arbre croît, le squelette erre, il semble avoir perdu son agressivité initiale. Soumis à ce qui paraît être la dépression post-coïtale, le squelette est plongé dans une sombre mélancolie. Il découvre le personnage féminin qui se caresse le sexe. Exclu du plaisir, il ne peut que partir. La prise de conscience de sa superfluité l’amène à fuir du jardin de la santé et du plaisir. Une pluie de moules survient alors comme pour nourrir le récit et enrichir son humus. L’arbre de vie peut alors déployer toute sa majesté. Les rituels narratifs de Hortus Sanitatis débouchent sur l’éloge de la vie, une vie où la mort aurait sa place.
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